| | 01. Each sound is perceived differently for each human. | |
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| Sujet: 01. Each sound is perceived differently for each human. Mer 26 Oct - 21:14 | |
| La vie n’avait aucun sens si elle était vécue seule. La vie ne ressemblait à rien si on était privé de tout ce qu’on aimait. En fait, aux yeux de chaque être humain, la vie était différente. Notre interprétation sur la vie changeait en fonction d’évènements majeurs qui nous tombaient dessus subitement, en fonction des personnes qui faisaient irruption dans notre petite vie si monotone pour ne plus jamais en ressortir.
Les yeux rivés sur son miroir, Jude faisait des signes avec ses mains. Il n’y avait personne mise à part elle dans la pièce. Et cette pièce n’était qu’autre que l'annexe de l'église. La première chose en voyant la jeune femme ici, c’était de se demander ce qu’elle fichait ici dans l'église à faire des mimiques à son reflet ? Et la deuxième question était celle du pourquoi de sa venue dans cette église. Si vous osiez poser cette question à la jeune fille aux allures extravagantes elle vous répondrait avec un sourire en coin « Je suis membre de la chorale de Cassandra Hamilton ». Pas besoin de préciser quelle chorale c’était, tout le monde savait ce que faisait la fameuse Hamilton dans cet endroit. Et pour la seconde, elle ne vous répondrait pas. Un petit « rien » ou juste le silence suffirait à abreuver votre soif de curiosité selon elle. Toutes ces pensées ne tournaient pas en ce moment-même dans la tête de Jude Eisenberg. Non, en ce moment, sa simple pensée ou plutôt sa simple préoccupation était de réviser sa chanson. La chanson qu’elle allait bientôt chanter à ses camarades. C’était donc en silence, pour ne pas se faire entendre, quelques minutes avant l’évènement, qu’elle répétait la chanson en langage des signes. Pourtant, elle-même le savait très bien que rien ne l’empêchait de chanter à voix haute mais non. Même avec son appareil auditif, avec son intelligence à avoir su facilement développer une diction assez bonne, avec sa confiance en elle, Jude préférait le silence à des notes fausses qui pourraient sortir de sa bouche. Mais tôt ou tard il le fallait …
La jeune femme se dirigea à présent vers le QG des Second Chances, bien déterminée à interpréter ce solo sous les yeux des autres. Après tout ce n’était pas comme si, ils ne la connaissaient pas … du moins en quelque sorte. Personne dans cette chorale n’était au courant de son handicap, personne même pas Cassandra et Joanna. Et cela allait rester comme ça pour longtemps. Mise à part si par hasard quelqu’un l’apprenait. Mais cela serait assez étrange à première vue, vu que Jude s’assurait tout le temps pour que son oreille droite soit dissimulée sous ses longs cheveux blonds, qu’elle n’attachait jamais. Alors à moins qu’un jour, elle faisait preuve ‘’d’imprudence’’ et qu’elle attachait ses cheveux en chignon … le mystère resterait entier, comme on le disait si bien. Lorsque son pied rentra en contact avec le sol de la pièce, elle inspira profondément avant de jeter un coup d’œil aux personnes présentes. Personne. Le vide complet. Bon … et bien, le fameux solo devant tout le monde serait un autre jour apparemment. Un soupir de soulagement se dessina rapidement sur le visage de la blondinette. Enfin ce n’est pas comme si, elle n’avait jamais fait entendre le doux son mélodieux de sa voix lorsqu’elle chantait à ses camarades de Second Chances, mais la chanson qu’elle avait voulu interpréter était différentes des précédentes. Le refrain montait dans les aiguës, et pour elle, qui n’entendait pas nettement et avec précision sa voix, elle avait du mal à entendre si cela était faux ou non. D’un geste lent, elle s’assit sur le piano et sortit une feuille plié en quatre de sa poche de tunique bleu. A Cappella, la porte fermée pour éviter que des personnes l’entende (même si dans cette église, chaque bruit résonnait un peu trop fort à son goût), la jeune femme chantonna le premier couplet.
« Sing it up Boy you've got to see what tomorrow brings Sing it up Girl you've got to be what tomorrow needs For every time that they want to count you out You'll lose your voice every single time you open up your mouth »
Ce n’est qu’au moment du refrain que ça voix se stoppa, comme si elle était soudainement muette. Elle avait confiance en elle, certes, mais elle n’était pas vraiment sûre du bon rythme, des bonnes notes, qu’elle allait donner à la chanson Sing de The Chemical Romance. Et si quelqu’un rentrait par hasard et lui disait que c’était affreusement faux ? Et si … Non, il ne fallait pas avoir ces idées. Non, elle devait avoir confiance en elle, comme ses parents lui avaient appris au cours de son enfance. Et puis, en y repensant si elle chantait si faux que ça dans les aiguës, Cassandra et Joanna ne l’auraient pas admise dans la chorale. Après ce moment de réflexion, Jude se décida enfin à entamer le refrain de ce casse-tête musical où elle n’avait jamais été confrontée avant.
« Sing it for the boys Sing it for the girls Everytime that you lose it Sing it for the world Sing it from the heart Sing it 'til you're nuts Sing it out for the ones that'll hate your guts Sing it for the deaf Sing it for the blind Sing about everyone that you left behind Sing it for the world Sing it for the world »
Jude s’arrêta et pivota la tête vers la porte. Il lui semblait avoir entendu des bruits de pas, et la serrure tourner … ou alors ceci ne devait être que le fruit de son imagination alors, ce ne serait pas la première fois. Ne savant que penser de ce qu’elle venait de chanter, la jeune femme sauta sur ses deux pieds et s’écarta du piano. Elle était toujours seule, et elle savait pertinemment que personne n’allait venir, sinon ils seraient déjà là. La feuille toujours à sa main, elle marcha sans aucun but précis dans la salle QG. Sans s’en rendre compte, elle s’assit sur le tabouret du piano, endroit où elle venait juste de s’enlever il y a quelques minutes. Un regard furtif autour de la salle pour la rassurer et elle décida de continuer à chanter sa chanson, elle ne l’avait pas répéter en langage des signes pour rien après tout.
« Sing it up Boy they're gonna sell what tomorrow means Sing it up Girl before they kill what tomorrow brings You've got to Make a choice before the music droves you out And raise your voice every single time they try and shut your mouthe »
Dernière édition par Jude Eisenberg le Ven 13 Jan - 18:16, édité 3 fois |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Mar 1 Nov - 2:48 | |
| Il faisait déjà sombre dehors et Ashandra marchait seule dans la rue, emmitouflée dans sa veste d’hiver, le nez plongé dans sa longue écharpe grise. Les mains enfoncées dans ses poches vides, la choriste se déplaçait à vive allure, d’un air décidé, laissant son petit sac à main se balader de droite à gauche sur son dos. Pas un bruit dans la rue si ce n’était celui de ses chaussures martelant le trottoir à un rythme effréné. Elle marchait si vite qu’elle en perdait presque haleine. Elle n’avait pas peur de la nuit qui tombait ou des individus qui pourraient rôder dans les rues, mais elle ne voulait pas rester trop longtemps dans l’entre-deux du froid où son mensonge était encore à même d’être exposé. Elle avait réussi à échapper à l’emprise du domicile familial pour la soirée et elle comptait bien en profiter. Faisant exprès un détour pour éviter de passer par le centre-ville et risquer de croiser son frère ou bien quelqu’un qui puisse la reconnaître. Elle fredonnait tout doucement la mélodie d’une chanson qu’elle ne parvenait pas encore à bien reconnaître. « Sing it for mmh mmh… »
Son téléphone était resté sur sa table de chevet après avoir reçu un message de Joanna l’informant que la répétition de ce soir était annulée. Le message était des plus concis, pas de justification, pas de détail. Ashandra avait été tentée d’appeler Cassandra pour s’enquérir auprès d’elle de la situation, mais elle ne voulait pas prendre le risque de la troubler dans l’une de ses très nombreuses activités. Bien qu’elles soient amies depuis maintenant plus de cinq ans la jeune femme n’osait jamais s’imposer dans sa vie sans s’assurer qu’elle ne dérangerait pas. La chef de file de la chorale avait une vie bien remplie entre les Second Chances et l’association d’Emma Pillsbury, sans compter ses études et sa relation avec Jeremy. Comme toujours elle semblait si parfaite, et pourtant avec les années Shandy avait appris à voir davantage d’humanité en elle et à lire parfois le doute dans ses yeux. Ces instants de faiblesse n’avaient rien ôté à l’admiration sans faille qu’elle lui vouait, au contraire, ils la rendait plus humaine et plus admirable encore. C’était à elle qu’elle devait ces moments de liberté au cours desquels elle pouvait enfin exprimer librement ce qu’elle avait sur le cœur. Poussant la première porte de l’annexe, elle retint son souffle chaud qui laissait passer un peu de fumée blanchâtre lorsqu’elle respirait, à la fois soulagée d’arriver enfin à destination et anxieuse à l’idée de se retrouver seule dans cette salle pour la première fois. Les nuits de Lima étaient toujours aussi fraîches au début de l’automne, mais rien ne valait cette petite promenade rituelle qui la conduisait au lieu de répétition de la chorale et lui permettait d’opérer une coupure nette entre son quotidien monotone et les nouvelles activités qu’elle faisait, les nouvelles personnes qu’elle rencontrait. Une bouffée d’air frais dans sa semaine.
Pendant quelques minutes, la jeune femme avait hésité à rester chez elle avec sa mère. Le téléphone toujours serré dans la paume de sa main, elle fixait l’écran comme pour y trouver les réponses à ses interrogations. Avec l’annonce d’une telle nouvelle au dernier moment, elle se retrouvait face à un dilemme. Elle aurait pu tenir compagnie à sa mère, essayer de lui remonter le moral ou bien lui changer les idées après les nouvelles frasques de Damon. Dracy Moon aurait sûrement été ravie de pouvoir s’épancher un peu plus sur ses malheurs et pleurer sur l’épaule de sa fille pendant des heures en cherchant son réconfort tout en l’accablant de toute la culpabilité possible. Mais Ashandra pouvait aussi faire mine de partir pour la répétition et profiter d’une soirée de répit rien que pour elle. Sa mère ne savait pas que la répétition avait été annulée et elle avait d’ores et déjà fait une croix sur les plaintes et reproches pour ce soir comme à chaque fois qu’il y avait une répétition de prévue. Un petit tableau récapitulatif des horaires de l’étudiante avait été accroché sur le réfrigérateur et cette dernière avait été sommée de le tenir à jour afin d’être toujours joignable facilement. Au début elle avait rechigné à inscrire ses horaires de manière précise, en distinguant l’université, le lycée et la chorale. Elle se sentait espionnée. Pieds et poings liés dans cette maison dont elle avait parfois l’impression d’être la servante. Il fallait être là pour faire le petit-déjeuner, être là pour faire le dîner, être là pour aller récupérer Damon où qu’il soit, être là pour faire les comptes, le ménage, réconforter, endosser les responsabilités. Toutes ces charges qui s’amoncelaient sans qu’elle ne dise rien lui pesaient mais elle n’osait jamais se rebeller et dire non. Elle leur avait déjà tourné le dos une première fois et songeait souvent que si elle était restée à Lima les choses se seraient peut-être passées différemment. Elle n’était plus aussi effacée qu’avant, mais elle ne pouvait toujours pas s’épanouir sans avoir l’impression de trahir les siens. La tentation de s’offrir une soirée de repos malgré tout était grande. Ce n’était pas si souvent que l’afro-américaine avait le loisir de disposer de toute une soirée rien que pour elle sans avoir à se soucier de l’éventualité d’un coup de téléphone qui viendrait interrompre tout ce qu’elle pourrait être en train de faire. Reposant le petit téléphone portable à côté de sa lampe de chevet, elle attacha ses cheveux dans un chignon lâche, fit glisser ses boucles d’oreilles en forme d’étoile dans les lobes qu’elle avait fini par faire percer avec la femme de son frère en mars quelques années auparavant. Elle apprêta même ses lèvres d’un trait de rouge à lèvres en se regardant dans le miroir, fixant ses propres yeux avec défi pour répéter le mensonge qu’elle s’apprêtait à dire si jamais on l’arrêtait sur le chemin qui la mènerait dehors. Elle n’avait rien à faire en ville, et ne voulait pas essayer d’appeler des connaissances de l’université à Columbus. Elle ne voulait déranger personne mais simplement profiter de sa liberté éphémère. Le fait qu’elle ne puisse pas chanter avec les autres et regarder les performances que ses partenaires avaient préparées l’attristait un peu, mais elle n’avait encore jamais eu l’occasion de répéter seule dans la salle contiguë à la paroisse du pasteur Hamilton. Si elle avait emmené un livre avec elle, sa mère aurait suspecté quelque chose, et à cette heure déjà tardive la bibliothèque serait très certainement fermée. La solution de se rendre malgré tout au quartier général de sa chorale s’était donc imposée. Elle pourrait s’amuser avec les instruments dont elle ne savait pas jouer, et elle chanterait un peu, dans de meilleures conditions que lorsqu’elle essayait de répéter chez elle, sans craindre de déranger les voisins ou d’entendre la voix de Damon encore endormi au milieu de l’après-midi s’élever contre elle.
S’étonnant de trouver la seconde porte menant à la salle de l’église close Ashandra tendit l’oreille et perçut de l’autre côté une voix claire chanter tout haut une mélodie qui ne lui était pas inconnue. Essayant d’abaisser la poignée, ses soupçons quant à la présence d’un autre membre de la chorale se confirmèrent lorsqu’elle constata qu’on avait verrouillé de l’intérieur. Sortant de son sac la petite clef que chaque membre s’était vu confié au moment de la création de la chorale, elle la fit tourner discrètement dans la serrure. L’envie de voir qui se cachait derrière cette voix légèrement rauque dépassait de loin la réserve de la jeune femme qui n’avait aucune intention de rebrousser chemin. Elle se glissa discrètement à l’intérieur de la salle, prenant garde de ne rien renverser sur son chemin, tapie dans l’ombre elle sentit le regard perçant de la petite blonde passer sur elle sans la remarquer. Plissant les yeux pour tenter de la reconnaître dans l’obscurité ambiante, elle finit par reconnaître Jude Eisenberg. Elles avaient à peu près le même âge et Ashandra l’appréciait sans vraiment la connaître. Elles échangeaient souvent des regards complices au cours des séances hebdomadaires et se passaient la plupart du temps de mots pour se faire comprendre. Jude avait un léger défaut d’élocution qui disparaissait de toute évidence complètement lorsqu’elle chantait. Elle semblait tellement plus confiante et assurée… Une fois le silence retombé Ashandra ne put s’empêcher d’applaudir le morceau de performance qu’elle avait réussi à entendre ce qui eut pour effet de surprendre la chanteuse. « Oh ! Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur… Je… je ne pensais pas que quelqu’un serait là puisque la répétition a été annulée, mais je suis contente d’être venue. » S’avançant doucement pour rejoindre la jeune femme elle abandonna son sac sur l’une des chaises disposées au hasard. Un sourire paisible sur les lèvres, elle parlait d’une voix douce mais faible. Elle redoutait un peu la réaction de sa camarade qui de toute évidence aurait aimé préférer être seule. « Ta chanson était très belle… Vraiment. »
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| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Ven 4 Nov - 16:21 | |
| La dernière parole de la chanson chantée, Jude esquissa un demi-sourire. Puis elle pivota la tête, il lui semblait bel et bien avoir entendu un bruit. Elle n’était pas folle, ce qui était assez rassurant. Pendant les quelques minutes qui suivirent, lorsqu’elle avait entendu la personne applaudir, la blondinette s’était levée subitement de son siège et une expression de surprise s’était lu sur son visage. C’était peut-être une personne malhonnête qui l’avait écouté chanté … mouais ceci était peu probable, vu qu’elle avait fermé la clé et seuls les membres de la chorale avait le double de la clé. Secouant sa tête dans le but d’effacer toutes ses pensées surréalistes, la jeune femme écarquilla les yeux pour apercevoir nettement mieux la personne. Des bouclettes, plutôt de grande taille … ce n’est que quand le son de sa voix se fit entendre, qu’elle reconnut Ashandra Moon. La surprise fit place au soulagement, que ce ne soit qu’elle. Répétition, annulée. Ces quelques mots innocents retentissaient à l’unisson dans la tête de la petite blonde. C’était donc pour cela qu’il n’y avait personne dans la salle, évidemment. Elle suivit de ses yeux les mouvements de la brune, qui s’avançait vers elle, la complimentant sur sa performance. En guise de remerciement, elle baissa les yeux, son petit sourire toujours sur ses lèvres, elle ne dit rien, même pas un petit merci ou un retour de compliment, non. Ce ne fut que quelques secondes plus tard, qu’elle se décida enfin à ouvrir la bouche, lever la tête et regarder droit dans les yeux sa camarade. « C’est … gentil Ashandra … » Jude ne se sentait pas vraiment à l’aise. Certes elle avait confiance en elle mais pas pour certaines choses, malheureusement. Et ces quelques petites choses, était le chant et surtout les compliments sur les performances qu’elle faisait. Elle n’avait jamais chanté de solo devant tout le groupe, et en fait elle n’en avait aucune envie. Elle savait très bien qu’ils allaient l’applaudir, Cassandra allait l’encourager mais personne n’allait pouvoir changer la confiance qu’elle se donnait. Personne mise à part elle. Si ce fichu handicap n’existait pas, elle n’aurait pas quarante milles pensées qui tourneraient en boucle dans sa tête. Pourtant elle était intelligente, oui au lycée elle se souvient qu’elle se débrouillait plutôt pas mal, alors pourquoi fallait-il qu’il y a un truc qui gâche sa vie ? C’est-à-dire ça ! Ses pensées qui vont obsèdent jour et nuit, qui change votre comportement, qui vous fait ouvrir la vie sur les choses que vous faites tous les jours, 24/24, oui pourquoi ? Et bien Jude n’avait pas la réponse. Et cette question tournait dans sa tête depuis l’âge de l’adolescence, depuis que son handicap avait pris une place nettement plus importante dans sa vie, depuis qu’elle s’était rendue compte des conséquences ainsi que des répercussions dans sa vie sociable que cela pouvait engendrer.
« Excuse-moi de ne pas être bavarde Shandy, mais je … enfin je répétais mon soi-disant solo … » La fin de ses paroles se perdirent dans un murmure inaudible. C’était inutile ce qu’elle disait, inutile et complètement nul. En plus elle butait sur quelques mots, des mots pourtant si simples à dire, mais non elle butait encore et encore. Le week-end prochain, elle se jura de travailler sa diction jusqu’à ne plus avoir de force. Qui ne tente rien n’a rien après tout. Diction qui allait aussi avec son solo, qu’elle était déterminée à chanter en rentrant dans l’Eglise. Mais cette féroce détermination s’était vite éteinte quand elle avait chantonné le premier couplet. Le regard toujours fixé vers Shandy, son demi-sourire au coin des lèvres ne s’était pas effacé. Peut-être était-ce dû au fait de voir son amie ainsi présente, ou alors peut-être qu’en fait au fond d’elle, elle était vraiment contente qu’une personne l’est entendu chanter. Elle-même ne saurait pas comment dire, expliquer correctement tous les sentiments qui s’embrouillaient dans son esprit depuis qu’elle avait mis un pied dans la salle. « Sing de The Chemical Romance, une pure merveille. » Elle posa sa feuille sur le tabouret où elle était récemment assise. « Je suppose que tu venais au QG pour chanter … non ? » Même si Jude n’était pas vraiment à l’aise, elle était toujours la jeune femme de nature sociable et bavarde. Tant pis les problèmes d’élocution, si elle voulait parler, elle allait parler, et personne même pas un stupide mot sur lequel sa langue fourché, allait l’en empêcher. Elle n’avait même pas salué à Ashandra, chose qui lui sauta direct aux yeux quand elle eut fini de parler. Bon et bien pas grave, dans un sens c’était comme un bonjour, son remerciement. Oui dans un sens. Jude passa la main dans ses cheveux, cachant avec de longues mèches son oreille droite, pensant que ceci allait passer comme un geste complètement anodin aux yeux de sa camarade. Parfois il lui arrivait de vouloir complètement se débarrasser de cet appareil, l’envoyer balader au fin fond de l’Alabama, ou encore dans le désert en Egypte, là où elle ne pourrait jamais plus mettre la main dessus. Mais au fond c’était complètement stupide. Cet appareil auditif était vital pour elle, c’était comme la nourriture, l’eau, le sommeil, c’était vital pour qu’elle continuait à vivre et qu’elle ne sombrait point dans la folie. Le soir, avant de se coucher, c’était le seul moment, lorsqu’elle le posait sur sa commode, qu’elle restait dans son petit monde qu’elle seule avait la clé, sa petite bulle seulement et à jamais à elle. Quelques bruits pouvaient être perçus, mais malgré l’opération dangereuse qu’elle avait effectuée à l’âge de onze ans, sa surdité était toujours là. Les faibles bruits, elle ne les entendait pas ce qui ne la dérangeait pas plus que ça en fait, car au fil des années une aptitude à prendre sur elle pour rester dans la zen-attitude s’était alors développée. Parfois des chanteurs tel que Bob Marley ou encore B-Complex lui faisant oublier durant une heure ses pensées néfastes. Puis elle devait reprendre sa route, continuer son chemin, le temps s’écoulait, la vie continuait et tout ça dans un laps de temps limité et illimité.
Dernière édition par Jude Eisenberg le Lun 2 Jan - 13:25, édité 2 fois |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Dim 6 Nov - 22:44 | |
| Lorsqu’elle avait entendu pour la première fois dans la bouche de Cassandra la possibilité de créer une chorale à Lima, Ashandra avait tout de suite été transportée de joie. Pendant toute sa jeunesse elle avait chanté dans les chœurs des paroisses auxquelles elle appartenait. Elle n’avait jamais vraiment cherché à occuper le devant de la scène, pour elle se tenir debout au troisième ou quatrième rang étant amplement suffisant pour son bonheur. L’essentiel avait longtemps été de chanter et de faire partie d’un groupe, d’être là et d’avoir une chance de partager sa foi en chantant. Pourtant quand elle était partie à Des Moines, elle n’avait pas eu le courage de rejoindre la chorale gospel de sa nouvelle paroisse toute seule. Son frère Parker et sa femme n’étaient pas aussi croyants qu’elle, et s’ils l’accompagnaient de temps à autre à l’office du dimanche c’était surtout pour lui faire plaisir. Avant, elle avait sa mère avec elle pour prendre les devants et s’intégrer dans la communauté qui se formait autour de l’église baptiste. C’était toujours elle qui s’était occupée de demander comment rejoindre la chorale, de remplir des papiers, de faire des démarches. Mais en quittant le domicile familial la jeune afro-américaine était consciente que ce genre de confort ne durerait pas éternellement et qu’elle devrait s’assumer toute seule pour ne pas abuser de l’hospitalité de son frère. Paralysée par la peur, elle avait à maintes reprises rebroussé chemin une fois arrivée à la porte de la paroisse. Cette passivité qui la caractérisait l’exaspérait. Elle ne supportait pas de constater qu’elle n’arrivait pas à s’occuper d’elle-même correctement alors qu’elle voulait s’occuper des autres. Combien de fois avait-elle eu la question au bord des lèvres en saluant le pasteur ? Combien de fois avait-elle soupiré en regardant les jolies robes de soie brillantes des chanteurs depuis les bancs de l’église ? Elle avait fini par se résigner et abandonner le chant, ne faisant plus que fredonner de temps en temps quelques chansons qu’elle entendait à la radio et dont les paroles étaient intéressantes à son sens. En ne chantant plus dans la chorale elle avait de fait fini par ouvrir sa culture musicale, et elle s’amusait toujours beaucoup en discutant de leurs nouveaux goûts musicaux avec Cassandra qui avait toujours été avide de nouvelles connaissances, quelles qu’elles soient. Mais au fond l’ambiance de la chorale, la joie de partager sa passion pour la musique avec quelqu’un, les efforts qu’elle faisait pour chanter plus fort, plus juste, tout cela lui manquait et dans sa poitrine il y avait toujours une sensation de malaise lorsqu’elle regardait les autres vivre devant elle, simple spectatrice incapable de se jeter dans l’arène. Second Chances portait merveilleusement bien son nom dans son cas, c’était une deuxième chance que lui avaient offerte Cassandra et Joanna : une chance de se prendre en main, de dépasser sa timidité maladive, de faire passer les messages qui lui tenaient à cœur en chantant, de faire partie d’un groupe soudé. Elle avait rencontré de nouvelles personnes qui, comme elle, trouvaient leur bonheur dans le fait de chanter ensemble. Certains étaient plus inattendu que d’autres, et elle devait bien admettre qu’elle avait un peu peur de Larry Faithorn... Mais elle s’amusait tout de même et les jours de répétitions étaient toujours une source de réconfort quelles qu’aient été les problèmes des jours précédents.
Elle ne connaissait pas grand chose de Jude Eisenberg. La seule chose qui l’avait frappée la première fois qu’elle l’avait vue avait été sa longue chevelure blonde. Ses cheveux étaient presque platine et faisaient ressortir son teint pâle et ses grands yeux bleus. Elle était très jolie, mais elle se servait de ses longues mèches lisses comme d’un rempart derrière lequel elle se cachait, et cette fois encore, en voyant Ashandra sortir de la pénombre pour la rejoindre dans la lumière de la lampe qu’elle avait allumée, elle avait ramené ses cheveux devant son oreille droite de manière instinctive. Ashandra comprenait le besoin qu’elle pouvait ressentir de vouloir se cacher devant les autres. Elle en avait elle-même usé et abusé en se dissimulant dans des vêtements trop grands ou bien sans forme, et ce même devant ses amis, là où elle se sentait à l’abri elle était souvent cambrée, repliée sur elle-même. Mais ce comportement étrange nimbait la jolie choriste d’une aura de mystère qui ne faisait que captiver Shandy davantage encore. « Oh je t’en prie ! Je le pense, vraiment... Tu as une très jolie voix. Je ne t’ai pas beaucoup entendue aux premières répétitions mais tu devrais chanter plus souvent des solos ! » En la voyant parler si doucement, en butant sur ses mots et laissant sa voix se perdre dans un murmure le cœur d’Ashandra se serra. Elle avait l’impression de s’entendre. Les mêmes mimiques gênées, le même regard planté vers le sol, incapable de soutenir les yeux des autres... C’était sans doute la première fois qu’elles passaient véritablement du temps ensemble, en dehors des répétitions avec tout le monde, et Jude, pour qui elle avait déjà de l’amitié, lui semblait plus sympathique à mesure que les secondes passaient. « Pourquoi un soi-disant solo ? Tu vas le chanter pour tout le monde ? J’aimerais beaucoup l’entendre en entier ! Je l’ai vraiment trouvé très bien, ton interprétation... on voyait vraiment que tu habitais la chanson. » Laissant un instant de silence pendant lequel elle hésitait à se confier à la blonde, Ashandra prit son courage à deux mains pour se lancer à parler. Après tout qu’avait-elle à perdre ? Elle y gagnerait peut-être une amie et aurait au moins profité de sa soirée de liberté pour partager les choses et les sentiments qui lui tenaient à cœur. « Tu sais je ne suis pas très bavarde non plus d’habitude... Tu vas peut-être trouver ça drôle, mais euh mmh, je trouve qu’on se ressemble toutes les deux. Je pense que tu l’as remarqué, moi aussi je n’ose pas vraiment parler devant les autres, et je n’ose pas vraiment chanter de solo encore... Alors ce que tu viens de faire c’est vraiment... je trouve que c’est très courageux. » La chanson qu’elle avait eu dans la tête toute la journée était en fait celle qu’elle venait d’entendre dans la petite annexe de l’église... Si Dieu avait décidé de lui envoyer un signe, elle venait de le comprendre. La constatation de cette coïncidence qu’elle aimait attribuer à quelque chose d’autre que le hasard étendit ses lèvres en un sourire plus large. Plus de doute à présent, Jude et elle étaient faites pour se rencontrer ce soir et partager quelque chose de particulier. S’approchant un peu plus de la jeune femme, elle se pencha pour saisir la feuille qu’elle venait de poser sur le tabouret du piano. Après l’avoir balayée du regard elle la reposa sur le piano en s’y asseyant. « En fait je venais pour passer le temps. Je n’ai pas vraiment envie de rester chez moi en ce moment alors je m’étais dit que je pourrais venir m’amuser ici ! » Posant ses doigts sur les touches de l’instrument elle en enfonça quelques unes au hasard, faisant surgir un son qui troubla le silence religieux qui régnait dans la grande pièce froide. Elle n’avait plus joué de piano depuis une éternité et elle n’avait jamais été très bonne musicienne, mais assez pour reproduire une mélodie très simple. Posant les yeux sur le papier posé devant elle pour déchiffrer rapidement les paroles du couplet suivant, elle se tourna d’un air malicieux vers sa camarade et se déplaça sur le petit tabouret pour lui laisser la place de s’asseoir à sa gauche. Elle entonna d’une voix très douce, sur un rythme beaucoup plus lent que l’original mais qui correspondait mieux à sa personnalité toute en retenue que toute l’énergie et la rage de vivre de My Chemical Romance :
« Sing it out boy, they’re going to sell what tomorrow means, sing it out girl, before they kill what tomorrow brings. You’ve got to make a choice if the music drowns you out and raise your voice every single time they try to shut your mouth » Le piano l’accompagnait sur ce rythme lancinant, elle faisait souvent des erreurs, se trompait de note, prenait une voix trop grave pour elle, mais elle appréciait l’opportunité de partager cette chanson avec Jude. Le sens collait à merveille à ce que les Second Chances représentaient pour elle : un moyen de s’exprimer, de partager sans honte ce qu’elle pensait avec les mots d’un autre. Elle aimait les chansons à texte, elle aimait se retrouver dans ce que d’autres avaient écrit, en littérature ou en chanson. Il n’y avait pas de sensation d’accomplissement plus grand pour Ashandra que celui de réussir à retranscrire les émotions d’un auteur avec sa propre voix, en lisant ou en chantant.
« Sing it for the boys Sing it for the girls Everytime that you lose it Sing it for the world Sing it from the heart Sing it 'til you're nuts Sing it out for the ones that'll hate your guts Sing it for the deaf Sing it for the blind Sing about everyone that you left behind Sing it for the world Sing it for the world » Abandonnant le clavier pour reposer ses mains sur ses genoux Shandy se retourna vers Jude l’air profondément satisfaite et heureuse. « Je suis contente d’être venue ici ce soir, ta chanson... J’ai l’impression qu’elle parle de moi aussi... Je suppose que tu ressens la même chose... sinon tu euh... sinon tu ne l’aurais pas choisie n’est-ce pas ? » |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Ven 18 Nov - 20:04 | |
| Jude n’aurait jamais pensé que ce soir-là, en pensant se rendre à une répétition habituel qui finalement n’avait pas lieu, qu’elle allait croiser Ashandra. Elle aimait bien cette fille, elle l’a trouvé sympathique en quelque sorte, elle lui parlait quand elle la croisait, n’avait pas hésité à lier une amitié de confiance avec elle, et cette amitié ne faisait que s’agrandir jour à près jour. Néanmoins, elle ne se sentait pas suffisamment à l’aise en ce moment même. Elle avait eu la sensation d’avoir été pris au dépourvu, par surprise et elle n’aimait pas ça. Il lui arrivait plusieurs fois dans la journée de vérifier si son appareil auditif n’était pas visible, si ses cheveux blonds le cachaient comme il le fallait. Oui chaque jour elle vivait dans la crainte que ce soit vu par l’un de ses amis, même par l’un de ses ennemis. Bien qu’au fond elle s’en fichait, elle n’avait pas envie d’être vue « comme la petite femme sourde de la chorale » qui avait besoin de pitié. Non trop de fois elle avait vécu ça lorsque ses amis l’avaient su. Trop de déception, trop de pitié, ce n’était pas une vie même dans ses pires cauchemars. La blondinette laissa échapper un soupir de profond désespoir en repensant à des souvenirs dont elle aurait préféré qu’ils s’effacent d’un coup de baguette magique de sa mémoire. Elle jeta un coup d’œil à Ashandra. Les compliments, ça faisait toujours plaisir à entendre. Elle lui fit un sourire en guise de remerciement une nouvelle fois, ne se donnant même pas la peine d’ouvrir la bouche. Quelle surprise se fut lorsque au moment où elle allait réagir à propos du solo, qu’elle entendit sa camarade se confiait à elle. C’est vrai que malgré le problème dont elle était atteinte, les gens aimaient sa présence, ils se sentaient en confiance avec elle, mais des fois elle se demandait pourquoi certains étaient aussi gentils avec eux, si c’était plus réellement de l’amour ou alors de la pitié. Et des milliers de fois, ces questions n’avaient fait que hanter inlassablement son esprit.
Peu de gens se ressemblent dans ce monde. Et pourtant si tout le monde cherche profondément au fond de soi et chercher le meilleur dans leur proches, ils verront qu’en fait leur moitié les attend quelque part. Du moins moitié, le mot est assez exagéré. En effet que ce soit petit ami, meilleur ami, ami de confiance qui lit dans votre cœur comme dans un livre ouvert, tout le monde à cette personne qui l’attend quelque part. Jude ne considérait pas Shandy comme sa véritable amie, son amie de cœur pour qui elle serait prête à tout sacrifier non loin de là mais quand cette dernière lui dit qu’elle avait l’impression qu’apparemment elles se ressemblaient, elle ne put s’empêcher d’émettre un petit rire. Courageux … elle n’avait jamais pensé que chanter toute seule devant une église qui aurait dû être vide, pouvait être voir comme courageux. Certes elle était flattée, elle ne le cachait pas, qui n’aimait pas les compliments après tout ? Mais tant de compliments, ne pouvait que la surprendre. C’était comme un signe que Dieu leur avait sans doute en le faisant exprès, un signe qui ne fallait pas ignorer aux yeux de la jeune femme. Croyante, n’oubliant aucunes prières lorsqu’il le fallait, pour elle le chemin du destin n’était pas tracé au hasard, c’était Dieu qui avait pris un peu de temps dans sa vie d’immortel pour la tracer, et mettant des embûches au passage. Absurde n’est-ce-pas ? Qu’importe de ce que les autres pouvaient penser, la jeune femme se fichait bel et bien de ce que si racontait derrière son dos quand ça touchait la religion. N’ayant pas quitté sa camarade des yeux, Jude se sentit transporté la mélodie que laissait entendre le piano. Elle n’hésita pas à s’asseoir à ses côtés lorsque Shandy lui proposa. Elle sourait profondément contente de ce qui se passait. C’était si calme, au lieu que cela soit ennuyeux c’était presque un moment de merveille. La jeune femme aimait s’épanouir dans la musique, pour elle c’était un besoin primordial pour survivre. Elle qui étant petite avait été privé presque de tous les sons de la nature, elle pouvait dès à présent grâce aux nouvelles techniques médicales, entendre à nouveau. C’était pour ça qu’elle aimait tant entendre chaque son, que ce soit le roucoulement des oiseaux aux petits matins, le doux ronronnement du moteur d’une voiture, le bruit des chaussures à talons sur du carrelage. Oui chaque son était unique. Prise par l’élan envoutant de la musique, elle chanta à l’unisson avec son amie.
« Sing it for the boys Sing it for the girls Everytime that you lose it Sing it for the world Sing it from the heart Sing it 'til you're nuts Sing it out for the ones that'll hate your guts Sing it for the deaf Sing it for the blind Sing about everyone that you left behind Sing it for the world Sing it for the world »
Puis elle se retourna pour sourire à Shandy, contente et fière de pouvoir partager ce moment et surtout cette chanson avec elle. Elle avait toujours trouvé qu’elle avait une très belle voix mais ne lui avait jamais dit, n’ayant jamais l’occasion de lui dire en fait. « Ta voix est très belle … et tu joues à merveille du piano en plus ! » Cette chanson … elle ne l’avait pas choisie au hasard en effet. Pour elle, elle signifiait quelque chose. « Sing » c’était comme « parler » car avant d’avoir son appareil, elle avait une élocution très mauvaise ayant la difficulté de s’entendre parler. Et puis, parler avant d’être tué, c’était exactement ce qu’elle vivait. Les personnes trop solitaires, qui se referment dans leur bulle, qui ne parle à personne, sont trop souvent rejetées par la société ou encore maltraités en quelque sorte. Oui cette chanson avait écrite pour Jude Eisenberg en fait. « Oui cette chanson elle … je me reconnais dans cette chanson. Et je ne vois que je ne suis pas la seule apparemment. » La gêne de la jeune femme avait subitement disparu, elle se sentait à l’aise. Sans doute parce qu’Ashandra avait réussi à la mettre à l’aise en chantant et en jouant du piano, jouant parfaitement la carte de l’amie sympathique. « Sin git for the world, c’est un peu comme une phrase qui m’interpellais, qui me faisait comprendre que je devrais arrêter de me cacher derrière mes longs cheveux blonds ». Phrase inutile. Pourquoi elle avait dit ça d’ailleurs ? Et bien elle n’en savait même pas elle-même. Elle savait juste qu’il fallait qu’elle arrête de se confier, de se parler même si elle ne pouvait s’en empêcher car elle s’avançait vers un terrain dangereux qu’elle tentait d’éviter un maximum.
Dernière édition par Jude Eisenberg le Lun 2 Jan - 13:26, édité 2 fois |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Dim 27 Nov - 23:00 | |
| La solennité de la pièce était décuplée maintenant qu’elles n’étaient que toutes les deux. C’était la première fois qu’Ashandra venait ici sans qu’il n’y ait de répétition et l’atmosphère de l’annexe était si différente qu’elle en était presque troublée. La chorale n’avait que quelques semaines d’existence mais les membres avaient déjà plus ou moins fait connaissance et les heures de répétitions étaient en général assez animées. Tous avaient un passé très différent qu’il ne souhaitait pas particulièrement partager avec les autres, mais il était presque sous-entendu que Second Chances accueillait des gens qui voulaient se repentir, repartir à zéro, partager des valeurs découvertes sur le tard peut-être mais qui désormais tenaient à cœur aux choristes qui chantaient pour les défendre. Elle savait que d’autres chorales existaient en ville. D’autres chorales qu’il faudrait affronter plus tard pour se faire une place, mais pour le moment la question ne se posait pas encore de manière très concrète. Quelques jours plus tôt, Ashandra avait retrouvé son amie de lycée Ruby Caldwell par le plus grand des hasards à la bibliothèque de l’université, et elle avait également découvert que celle-ci avait rejoint la chorale de Bryan Ryan. La peine que lui avait causé cette nouvelle était encore sensible et de temps à autre elle se surprenait à soupirer en observant les autres choristes, attristée par l’absence de l’ancienne cheerleader parmi eux. Elle avait eu la chance de l’entendre chanter au Piano-Bar et savait désormais que son talent était encore plus étendu que ce qu’elle avait pu imaginer. La savoir dans le camp adverse était non seulement douloureux, parce qu’elle perdait la chance de partager sa passion pour la musique et le chant avec une amie, mais aussi inquiétant pour l’avenir de la chorale. Si tous les membres des Awesome Voices étaient aussi doués alors leur propre groupe était en péril et il faudrait faire preuve d’une grande combattivité pour faire face à un tel concentré de talent.
Perdue dans ses pensées, Ashandra n’avait pas quitté la jolie blonde du regard malgré un moment de flou et elle s’alarma en la voyant soupirer encore plus profondément qu’elle-même. Avait-elle été impolie en interrompant sa répétition ? Aurait-elle mieux fait de se taire et de rester dans l’ombre ? Elle regrettait un peu sa décision de se manifester malgré tout et s’insultait mentalement pour tant de grossièreté. Si elle voulait être seule c’était son droit le plus strict et elles n’étaient pas assez amies pour faire irruption de la sorte dans la vie privée et le temps libre de l’autre. Shandy aurait aimé être plus proche de la jeune fille, partager davantage de choses avec elle, mais la timidité la retenait encore et toujours. Jude ne réagissait pas particulièrement à ses compliments pourtant si sincères, comme si elle refusait d’y croire. Elle ne voulait pas avoir l’air de faire des flatteries hypocrites pour s’assurer des bonnes grâce de sa camarade, et comme lorsqu’elle était un peu trop élogieuse avec Cassandra, elle redoutait d’être mal vue pour cette admiration un peu trop expansive dont elle faisait sans cesse preuve. De manière presque maladive Ashandra ressentait le besoin de rejeter sur autrui toutes les qualités qu’elle ne parvenait pas à suffisamment affirmer chez elle. Toute sa vie elle avait admiré les autres en espérant pouvoir suivre leur modèle. Il y avait d’abord eu son frère aîné qui réussissait tout ce qu’il entreprenait mais savait rester humble et toujours avenant. Parker l’avait toujours aidée et encouragée quand elle était plus jeune, et une fois de plus lorsqu’elle était venue demander l’asile chez lui à Des Moines alors qu’elle ne l’avait plus revu depuis près de 3 ans. Puis elle s’était mise à admirer son frère cadet, Damon, à l’époque où ils venaient d’emménager à Lima. Il était excellent sportif, très populaire dans l’école, quelques semaines à peine après avoir déménagé il s’était déjà fait de nouveaux amis avec qui il passait le plus clair de son temps tandis qu’elle luttait pour éviter les Cheerios qui l’avaient prise en grippe à l’instar de Santana Lopez. En somme il était tout ce dont une grande sœur peut rêver, un modèle de réussite, un adolescent épanoui, le petit frère parfait. Mais comme les choses avaient changé en cinq ans. Elle avait arrêté de prendre de ses nouvelles en quittant la ville pour ne pas être tentée de revenir et parce qu’elle voulait grandir de son côté pour le rendre fier d’elle et ne plus être la pauvre petite Ashandra que l’on doit protéger. Mais les nouvelles avaient fini par la rattraper. Elle était revenue à Lima sous la contrainte de sa conscience et les supplications de sa mère, mettant fin à sa nouvelle vie indépendante, pour l’aider à retrouver le droit chemin et redevenir ce qu’il était avant, mais la tâche était loin d’être facile. Ces jours-ci elle n’éprouvait plus que de la colère et de la peine à la simple mention de son nom. Ses yeux ne s’illuminaient plus lorsqu’elle l’évoquait auprès de Cassandra, elle ne vantait plus ses mérites, au contraire elle était toujours tentée de dissimuler son existence. Elle avait honte d’être devenue la sœur indigne de l’un de ceux qui auraient pu être les étoiles du football de la région. Plusieurs fois elle avait voulu s’épancher auprès de Cassandra à ce sujet mais jamais elle n’avait franchi le pas, de peur de l’ennuyer et d’ajouter à sa charge. La directrice de la chorale était sans nul doute la personne qu’elle admirait le plus, et ce presque depuis le moment où elle l’avait rencontrée dans la salle du club de chasteté au lycée McKinley. Tout ce qu’elle entreprenait lui semblait admirable et digne du plus grand intérêt, son emploi du temps s’apparentait à celui d’un ministre tant elle cumulait les activités, mais elle avait toujours l’air parfaite. En réalité l’afro-américaine ne demandait qu’à admirer les autres, à les louer, à se rabaisser face à eux, non pas parce qu’elle ne voulait pas reconnaître sa propre valeur, mais plutôt comme pour se stimuler, elle s’en servait comme d’une motivation qui l’emmènerait toujours plus loin pour réussir.
La voix de Jude qui vint se joindre à la sienne lui fit une fois de plus manquer une note de piano, mais la surprise était agréable. Non seulement elle sentait son épaule contre la sienne sur le banc du piano, mais elle avait même accepté de rentrer dans son jeu et de poursuivre encore un peu sa performance. Son sourire s’élargissait à mesure qu’elles chantaient le refrain, enchantée de pouvoir partager ce moment de musique avec quelqu’un, rassurée pour quelques secondes sur son droit à être là. Ashandra ne put s’empêcher de rire au compliment de son amie. « Mon piano est plutôt rouillé et j’ai raté autant de notes que j’en ai jouées ! Mais je suis contente d’avoir pu chanter avec toi ! J’espère que nous aurons l’occasion de le refaire devant les autres... » Jude était si douce que Shandy avait presque envie de la serrer dans ses bras. Se décalant légèrement sur le petit banc pour être face à elle, elle la contemplait avec une infinie tendresse. C’était comme si quelque chose dans l’air les rapprochait, comme si au-delà des mots elles partageaient quelque chose qu’elles étaient bien incapables d’identifier. Jude semblait cacher quelque chose, c’était certain, mais la jeune femme ne voulait pas être envahissante en posant des questions qui seraient sûrement malvenues. Retenant son souffle un instant, elle finit par reprendre d’une voix basse en étendant son bras vers le visage de la blonde : « Oui... je vois ce que tu veux dire, je trouve que cette chanson est parfaite pour notre chorale. On doit tous sortir de notre torpeur pour montrer au monde qu’on vaut mieux que ce qu’ils croient ! Et aussi pour essayer de leur faire comprendre que ce n’est pas parce que nous répétons dans l’annexe de l’église qu’on ne chante que des chants religieux... » Passant doucement ses doigts dans la chevelure de Jude dont le blond était presque hypnotique, elle ramassa la longue mèche lisse qui lui cachait une partie du visage derrière son oreille, dévoilant alors un appareil à l’intérieur de celle-ci. Interloquée par cette découverte, Ashandra ne savait pas exactement ce que cela pouvait être. Ramenant sa main à elle après avoir fini de soigneusement ranger les cheveux de Jude, elle continua en souriant : « Tu vois que ce n’est pas grand chose de se montrer ! Crois-moi... je sais ce que c’est de se cacher mais au final... » Hésitant à poursuivre sa phrase qui lui donnerait sûrement un air présomptueux, la jeune femme lissa le tissu de son pantalon sur ses cuisses pour se donner un peu de courage. « Au final il vaut mieux se montrer, sortir montrer aux autres qu’on n’a pas peur d’eux. » Souriant d’un air presque ingénu, son regard se reporta à nouveaux vers l’appareil toujours non identifié à l’oreille de la jeune femme. « Est-ce que c’est... un retour ? Mais tu ne chantais pas avec un micro quand je suis arrivée ? » La question était aussi naïve que sincère et Ashandra n’avait pas la moindre idée de ce qui pouvait se cacher derrière cette oreillette en plastique qui était dissimulée au regard de tous. |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Mer 14 Déc - 18:24 | |
| Jude ne dit rien lorsqu’elle vit Ashandra prendre une de ses mèches de cheveux pour la placer derrière son oreille. Sur le coup, c’est vrai elle ne s’était pas rendue compte que c’était cette mèche qu’elle n’arrêtait pas de remettre depuis le début pour cacher son appareil auditif, non elle n’avait pas compris au moment où sa camarade lui fasse la remarque. Tranquillement assise sur le tabouret en face du piano à ses côtés, il était quasiment impossible de lui échapper, de s’enfuir en prétextant avoir soudainement un appel à passer ou qu’il était l’heure de rentrer pour elle. La jeune femme leva les yeux vers son interlocutrice et inspira intérieurement. Il était temps pour elle de faire face à la réalité, d’arrêter les mensonges avec les gens qui lui faisaient confiance, d’arrêter de se mentir à soi-même en répétant que les gens ne voyaient rien. « C’est pas un micro … même si j’aurais préféré d’ailleurs ». Elle esquissa un demi-sourire comme pour jouer la carte de l’ironie et détendre une nouvelle fois l’atmosphère pesante qui commençait à tomber. Peut-être que tout compte fait elle s’était rendu compte de son problème d’ouïe grâce à ses problèmes d’élocutions et à la façon dont elle avait tenté de détourner la conversation mais en vain. Il fallait prendre le taureau par les cornes malheureusement. « Tu sais Ashandra, je me suis toujours dis que parfois certains secrets devaient restés enfouis … invisible aux yeux des autres. Mais j’ai compris plus tard en grandissant, que quel que soit l’ami qui connaîtra mon secret, si c’est un ami, il me comprendra et ne me jugera pas. » Moment de pure philosophie. Les pensées de la blonde se tournèrent vers lorsqu’elle était adolescente, elle revit le visage de ceux qu’elle croyait ses amis et qui n’ont pas hésité à la laisser tomber quand elle allait mal et quand elle déprimait au point de s’enfermer durant quelques semaines dans son mal-être. Tous des idiots après tout … elle ne se souvenait plus de l’âge qu’elle avait, mais elle n’était pas bien grande, n’avait point encore atteint les seize ans, l’âge de la maturité comme on dit. Ce n’est que plus tard qu’elle comprit qu’il existait des personnes qui la comprendraient, qui saurait la consoler comme de véritables amis le feraient. Lorsqu’elle a rejoint un programme spécialisé pour les enfants sourds, elle a rencontré des personnes qui avaient vécu la même chose qu’elle et c’est pour ça qu’elle ne souhaitait pas que d’autres vivent la même chose. Etant marraine d’un petit garçon pour ce programme, elle n’hésitait pas parfois à lui parler de ce qu’elle endurait, de la façon dont certaines personnes n’étaient même pas capable de reconnaître les efforts que l’on pouvaient fournir, l’amour qu’on pouvait leur porter, non sur Terre il y avait des gens qui ne connaissait même pas la définition même du mot amour.
Jude passa la main dans ses cheveux dévoilant ainsi son appareil, décidant de ne plus le cacher. Elle avait bien remarqué le regard qui se posait pleins de questions de Shandy, elle avait bien vu sa curiosité. Au fond, elle savait bien que ce qu’était, son regard semblait tellement naïf et sincère que ce n’en était même pas crédible. Au fils des minutes qui étaient passés depuis son arrivée dans l’église, la jeune femme avait réussi à décrocher quelques paroles, elle ne saurait-dire si c’était le sourire de sa camarade ou encore sa présence qui la rassurait et lui disait très clairement qu’elle pouvait avoir confiance en elle, mais il y avait quelque chose. Ce n’était pas son genre d’être muette, car de nature bavarde, c’était avec elle que tout le monde aimait parler même pour dire une bêtise. « En fait c’est … » elle ne continua pas sa phrase, et hésita quelques instants à finalement se confier. Et si elle faisait une erreur comme ce qui c’était passé dans le passé ? Mais non après tout elle avait vingt-ans ce n’était plus une jeune fille qui devait se poser des questions sur la vie, non elle devait avancer, foncer même droit dans le mur ! Enfin … ça c’était plus un discours affreusement bête car qu’importe l’âge elle n’en restait pas moins une humaine. Elle se mordu la lèvre avant de répondre d’un ton calme. « C’est un appareil auditif. J’ai des problèmes depuis mon enfance, enfin je doute que ma vie soit très intéressante à raconter. » Ça devait faire bizarre pour sa camarade de voir la jeune femme se confier soudainement alors que récemment elle jouait les timides, ne faisant pas ressortir sa véritable nature c’est-à-dire celui d’une jeune femme excentrique et sociable. La roue changait tôt ou tard. Elle guetta chaque signe de la fille à la peau mate, chaque signe qui allait la trahir et dire clairement quelle était son impression face à cette confidence. De nature croyante, Jude était en train de s’imaginer que si Dieu les avait réunis dans cette église c’était forcément pour une raison particulièrement intéressante. Sinon à quoi bon ? Le hasard est toujours là pour une bonne raison, rarement pour une mauvaise. Elle attendait sa réaction, pensant une minute à la plus ignoble des choses, puis la seconde fois à la plus merveilleuse des choses du genre la compassion, quelque chose dans ce genre-là. Après tout l’espoir faisait vivre et ne mourrait pas, même dans nos pires cauchemars. Elle repensa soudainement aux dernières paroles de Shandy, à la façon dont elle avait dit « de ne pas avoir peur de se montrer, que cela ne servait à rien de se cacher ». Etais-ce le sentiment qu’elle donnait ? Etais-ce l’impression qu’elle semblait donner à ses camarades ? Pourtant étant assez communicative dans ses sentiments, elle avait réussi à accepter sa différence, les regards que certains pouvaient lui porter dès qu’ils savaient. Possédant un côté assez bourgeois, elle avait toujours dit qu’elle se moquait bel et bien de ce qu’ils pouvaient penser, mais au fond cela la faisait douter sur sa façon d’agir. Elle se demandait bel et bien si parfois dire la vérité et non mentir en disant ce que la personne aurait préféré entendre, si cela n’aurait pas été la meilleure chose à faire.
Dernière édition par Jude Eisenberg le Lun 2 Jan - 13:28, édité 2 fois |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Dim 18 Déc - 23:55 | |
| Un frisson parcourut sa peau sombre. Regardant un instant ses avant-bras découverts après qu’elle avait retroussé les manches de son pull fin pour jouer du piano, elle réalisa qu’elle n’avait pas allumé le chauffage en entrant dans la salle de répétition. L’annexe avait beau être assez moderne et bien isolée, lorsqu’il n’y avait personne dans la grande salle tout semblait plus sombre et plus froid. Il y avait une atmosphère particulière dans cette salle, et en voyant le visage de Jude s’assombrir tout à coup, le large sourire qui habitait jusqu’alors son visage s’évanouir dans la pénombre, Ashandra fut prise d’une bouffée d’angoisse. Pourquoi ne la regardait-elle plus ? Avait-elle dit quelque chose de mal ? Est-ce qu’elle s’était laissée emporter ? Elle n’avait pas l’habitude de parler autant quand elle n’y avait pas été préalablement invitée... Peut-être qu’elle n’était pas suffisamment proche de la jolie blonde pour oser se laisser aller à un tel bavardage. Peut-être qu’elle avait outrepassé ses droits. Il était même étonnant pour la jeune femme de lâcher à ce point le contrôle permanent qu’elle exerçait sur elle-même. Depuis toujours elle avait été une petite fille sage et silencieuse. Elle élevait rarement la voix, et pesait toujours ses mots. Mais depuis qu’elle se trouvait sans cesse confrontée à Damon elle avait changé. Elle osait enfin crier pour de vrai, vider ses poumons de tout l’air qu’ils contenaient et parler fort pour se faire entendre. Bien sûr il était rare que son frère prête la moindre attention à ce qu’elle disait, peu importait le volume sonore, mais au moins elle parvenait ainsi à évacuer une partie de sa frustration et de sa colère. En vieillissant elle avait découvert à quel point elle pouvait envier les gens plus expansifs, la manière si naturelle avec laquelle ils partageaient leur moindre pensée. Elle aurait aimé faire la même chose. Elle aurait aimé avoir l’assurance nécessaire pour pouvoir raconter dans les plus grand détails sa vie quotidienne à de vagues connaissances, partager ses tourments métaphysiques autour d’un café Starbucks. Mais Ashandra n’était pas de ces personnes là. Et même si elle les enviait et les épiait de loin, ses paroles avaient bien trop de valeur pour être si bêtement gaspillées. Sans aller jusqu’à se convaincre que la parole est d’argent mais le silence est d’or, l’étudiante faisait souvent l’effort de ne pas laisser sortir les mots tels qu’ils lui venaient. Définitivement membre du club de ceux qui tournent sept fois leur langue dans leur bouche elle sentait le malaise croître et ne savait plus quoi faire. Ses mains qu’elle avait reposées sur ses genoux se crispèrent autour de ses articulations à mesure que le silence s’installaient. Elle avait envie de le rompre mais n’osait plus rien ajouter. Si elle avait déjà dépassé les bornes une première fois, elle n’était pas prête à recommencer. Ses grands yeux noirs ne brillaient plus d’enthousiasme. Elle se mordait le coin de la lèvre inférieure, trahissant par là même son inquiétude devant le retrait de la choriste. Et lorsqu’enfin elle se décida à répondre en brisant la glace Ashandra avait presque envie de pleurer de soulagement. Elle se trouvait tellement stupide, pendue aux lèvres de son amie comme si sa vie en dépendait. Elle était faible. Elle était idiote de dépendre à ce point des autres.
Le sourire de Jude qui était revenu était sensiblement différent. Ce n’était plus la même joie sincère, au contraire, ses yeux n’étaient pas du tout rieurs. On pouvait lire de la peine sur ses traits, de la honte peut-être. Ashandra ne comprenait pas ce qu’elle lui disait. Des secrets ? Quels secrets ? Quelles révélations ? Et quel était ce ton si triste ? Hésitant un instant à prendre la parole, la choriste ne savait pas si ce moment de silence attendait une réponse de sa part ou si elle reprenait tout simplement son souffle le temps de trouver le courage de continuer. Étrangement cette situation la ramenait cinq ans en arrière. Elle se revoyait lycéenne dans la chambre de Cassandra, en larmes, réussissant enfin à avouer son plus grand péché à sa meilleure amie. Elle savait parfaitement ce que pouvait coûter une confession, et elle se sentait tout aussi inquiète que flattée à l’idée de recevoir celle que Jude était sur le point de lui faire. Elles étaient certes amies au sein des Second Chances mais elle n’avait encore jamais eu l’occasion de la rencontrer en dehors des répétitions, et c’était sûrement la première fois qu’elles se retrouvaient ensemble rien que toutes les deux. Pourquoi l’avait-elle choisie ? Est-ce que ça n’avait été qu’une question d’occasion : elle s’était trouvée là au bon endroit au bon moment, et dans un instant de faiblesse Jude avait ressenti le besoin de partager sa douleur. La gorge d’Ashandra se serrait à l’idée de devoir partager un fardeau qu’elle n’était peut-être pas prête à accepter. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle pourrait lui dire, en fait, elle n’avait pas la moindre idée de ce que Jude allait dire. Même en faisant tous les efforts du monde elle était bien trop troublée par toute cette situation pour comprendre ce qui était en train de se passer. Balbutiant quelques mots inaudibles, Ashandra repris son souffle plus calmement et dit de la voix la plus claire possible « Quel que soit ton secret je te promets qu’il sera bien gardé avec moi. » C’était un peu présomptueux de sa part de supposer qu’elle la considérait comme une amie, mais le moment n’était pas propice aux infimes nuances de la définition du lien qui les unissait. Pendant quelques minutes elles étaient coupées du monde, et même si elles ne chantaient plus, le silence même les unissait, aussi pesant fût-il. Fixant à nouveau son regard sur l’oreille où était accroché le petit appareil Ashandra fut soudainement frappée par l’évidence. Comment avait-elle pu être aussi bête... Si ça avait été un simple retour micro elle n’aurait pas caché son visage de la sorte. Ses prunelles oscillaient de gauche à droite sans trouver de repos, toute entière tendue à l’idée de recevoir confirmation de ce qu’elle suspectait enfin après avoir été aussi aveuglée par son propre enthousiasme.
Enfin Jude avait fini par lâcher le morceau, après une seconde qui avait paru une éternité. Une phrase brève, concise, qui ne s’attardait pas sur des détails qui devaient être sensibles dans le cœur de la jeune fille. C’était presque frustrant. La tension qui s’était construite était telle que la révélation avortée tombait un peu à plat après tant d’attente. L’affirmation appelait tant de questions qui affluaient dans l’esprit d’Ashandra que cette dernière avait du mal à garder son calme. Elle voulait en savoir plus, elle voulait savoir ce qui se cachait derrière cet appareil et pourquoi elle semblait tellement souffrir à cause de cela. Comment était-elle arrivée dans une chorale si elle était atteinte de surdité partielle ? Où avait-elle trouvé la force d’oser s’inscrire et passer les auditions ? Comment faisait-elle pour gérer tout ceci au quotidien ? Elle se sentait dépassée par tant de sentiments contradictoires, à la fois interpellée par l’énormité du secret qu’elle réussissait à porter au quotidien, sans jamais en parler, et par le courage que tout cela représentait. Cassandra était-elle au courant ? Joanna ? Les autres membres ? Non, vraisemblablement elle n’en avait parlé à personne, se tenant à l’écart par rapport au reste de la chorale. Elle la pensait discrète mais en réalité elle se forçait sûrement à rester en retrait pour mieux cacher son secret. Pourquoi ? Pourquoi ? « Pourquoi ? » Le dernier pourquoi avait résonné plus fort que les autres, sans s’en rendre compte elle venait de dire tout haut ce qui tourmentait son esprit. Posant la main devant sa bouche la jeune femme s’empressa de poursuivre sa phrase, gênée par cette question vide de sens qui s’était échappée de ses lèvres. « Pourquoi tu ne nous as rien dit ? Tu chantes si bien ! J’ai du mal à croire que tu aies besoin de cet appareil ! » La mine confuse de la jeune fille était si communicative que Shandy détacha enfin ses mains de ses genoux pour venir les poser sur les mains de la jeune fille, les pressant avec tendresse comme pour rendre sa présence plus réelle et l’empêcher de fuir. Elle l’aurait prise dans ses bras mais n’en avait pas le courage, se contentant de lui sourire avec toute la gentillesse dont elle était capable. « Est-ce que ça fait longtemps que tu gardes ce secret ? » |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Lun 2 Jan - 15:33 | |
| Jude ne réussissait pas à décrocher le moindre sourire. Elle se sentait si … faible. Oui faible c’était bel et bien le mot. Jamais elle n’aurait cru que c’était aussi dur d’avouer ce qu’elle qualifiait comme étant un secret. Certes ce n’était pas la première fois qu’elle le disait, sauf qu’avant elle arrivait à percevoir à l’avance les réactions de ses camarades. Alors que là … c’était comme si un voile mystérieux entouré Ashandra. Elle ne savait pas s’il fallait qu’elle lui dévoile sa véritable identité, s’il fallait qu’elle enlève le masque avec elle. Après tout c’était vrai, elle ne la connaissait pas du tout en dehors des répétitions de la chorale des Secondes Chances.
La jeune femme respira à cette simple pensée. Elle se trouvait tellement stupide parfois. L’attente fut interminable. Ce fut un supplice pour elle, qui avait pourtant tout fait pour éviter cette situation. Ce moment où la vérité éclata, ce moment où il fallait arrêter de jouer une autre personne. La vie n’était pas une pièce de théâtre malgré les multiples efforts qu’elle faisait pour que cela le soit. Mais la réaction de sa camarade fut quelque chose à laquelle elle ne s’attendait pas … une question en enchaînait une autre, c’était une boucle sans fin, une issue sans sortie. Pourquoi. Elle s’attendait à un geste de compassion mais pas à un pourquoi. Elle avait envie de lui répondre soudainement irritée et surprise, que c’était la vie, qu’elle n’avait pas choisi ça, mais elle ne dit rien. Elle se contenta de lever les yeux vers elle d’un geste presque innocent. Lorsque son amie posa les miens sur les siennes, elle se sentit rassurée. Malgré ses questions, elle montrait que ce n’était pas de la curiosité malsaine juste de la curiosité en tentant de se rapprocher d’elle de cette manière. « Je ne veux pas de la pitié … » Jude fit un petit sourire et inspira. « Je ne veux pas que toi ou les autres me prennent en pitié juste pour mon handicap.» Ce qui était vrai en fait. Elle n’avait jamais accepté les personnes qui soudainement se montraient gentils avec elle dès qu’elle leur disait son secret, ces personnes ne savaient apparemment pas comment il fallait réagir lors de cette situation et parfois ils n’agissaient pas comme il l’aurait fallu. Elle se doutait qu’Ashandra n’allait pas réagir de cette façon, cela se voyait au sourire aimable dessiné sur ses lèvres et à son comportement sincère qui n’avait pas changé depuis son arrivée dans l’église. Oui mais pour combien de temps ? Tôt ou tard elle allait faire un faux pas, n’allait plus se comporter de la même manière en étant mal à l’aise face à la surdité de son amie. Ou alors c’est qu’elle se faisait vraiment des films, sûrement le fait que sa confiance fut brisée trop de fois à son goût. « Tu veux savoir pourquoi je n’ai rien dit ? Pourquoi je n’ai rien dit à Cassandra ou encore à Joanna ? Ce n’est pas que je n’ai jamais osé c’est juste que … que je n’ai pas envie qu’elle me voit comme une chanteuse inférieure. » Ces propos étaient idiots. Parfaitement idiots. La raison pour laquelle elle ne disait rien à personne et cachait son secret, c’était son mal-être face à ce que les autres pensaient d’elle après. C’était bien beau de se dire qu’il ne fallait pas prendre en compte tout ce qui pouvait se dire derrière son dos, mais plus les critiques deviennent nombreuses et plus elles commencent à faire mal. « Je n’ai pas envie que l’on me refuse un solo tout simplement à cause de mon handicap. Et même si je chante bien comme tu le dis, ton opinion n’est que personnelle et n’est pas partagée par tout le monde, crois-moi. » Et voilà que les souvenirs refaisaient surface. Ce genre de souvenirs dont elle aurait préféré ne pas se rappeler. Elle se revoyait étant petite à peine âgée de dix ans chantant avec une brosse en guise de micro. Sa voix chantait à l’unisson avec celle de Beyoncé. Elle secouait sa crinière blonde fièrement devant la glace. Ce jour-là, Jude avait tout l’innocence que pouvait avoir une enfant de son âge, elle se moquait de ce que les gens pouvaient dire sur son handicap donc ne le cachait pas. Puis en grandissant, en arrivant au milieu du collège, au lycée, elle a compris que parfois le monde pouvait être bien cruel. Elle a préféré cacher son handicap, faire comme-ci de rien n’était avec ses amis. Parfois même en oubliant réellement qui elle était. Elle devenait la gentille blonde à la bonne humeur contagieuse et non la petite blonde sourde.
« Dieu est le seul qui a sû être là à mes côtés dans mes moments de faiblesses. Le seul qui durant ses huit dernières années connaissait mon secret … ma faiblesse. » Jude enleva ses mains qui tenaient celles de son amie et serra la croix qu’elle abordait fièrement au tout de son cou. Un cadeau de naissance. Elle ne pensait pas se confier autant à une personne. Ce n’était pas son fort les grands moments où il fallait dire haut et fort les secrets. Cela n’avait jamais été son fort d’ailleurs. Mais il fallait qu’elle se rende à l’évidence, Ashandra possédait quelque chose qui l’a mettait à l’aise, une personne qui semblait digne de confiance. Parfois elle imaginait sa vie sans ce handicap. Une vie normale sans aucuns obstacles. Par exemple, l’été elle aurait pu aller à la piscine autant de fois qu’elle aurait pu, durant l’hiver elle aurait pu jouer dans la neige sans porter de cache oreille. A l’entendre on pouvait croire qu’elle se détestait, qu’elle ne supportait plus ce handicap qui la ramenait chaque jour à la dure réalité de la vie. Sauf que c’était tout le contraire … Jude en avait fait une qualité. Certes elle avait du mal à l’accepter et cela n’aller guère changer malgré son tempérament courageux. Elle souriait à la vie au lieu de pleurer sur son sort, elle avait de la chance d’avoir des parents qui l’aidait à vivre, des amis qui faisaient tout pour qu’elle ne se sente pas exclue. Oui c’était sa qualité, une qualité qui semblait presque unique. « Mais cette faiblesse … j’ai réussi à vivre avec en l’acceptant. » La jeune femme se leva et s’appuya contre un pilier en regardant le magnifique spectacle que lui donnait le soleil reflétant sur les carreaux de l’église. « On a tous des secrets à cacher, que ce soit pour des raisons minables ou juste par la peur de s’accepter réellement … » Elle porta ses mains à ses cheveux pour les mettre sur le côté en cachant son oreille qui affichait son appareil avant de finalement se rendre compte qu’elle n’avait plus rien à cacher avec Ashandra et remis ses cheveux en place.
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| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Dim 8 Jan - 3:29 | |
| Les mains de Jude étaient froides au creux des siennes, mais elle ne tremblait pas. Ses yeux avaient l’air si durs, si froids que Shandy sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Pour une raison qui lui échappait totalement elle avait presque envie de pleurer. Pas parce qu’elle avait pitié de Jude ou bien parce qu’elle trouvait que la situation qu’elle était obligée d’endurer était triste. Si elle avait dû trouver une raison à ce sentiment de suffocation qui la prenait à la gorge et l’empêchait de répondre à son amie c’était sans doute parce qu’elle avait l’impression de se voir quelques années plus tôt. En réalité jamais elle n’avait été cynique et dure sur sa propre vie comme pouvait l’être Jude à cet instant. Elle n’avait pas eu la force de faire de l’humour sur le fait que sa mère sacrifie sans un regard en arrière son avenir au profit de celui de son frère, ou bien que ses études se terminent en cours du soir dispensés gratuitement à l’association de la paroisse de Lafayette. Elle n’était pas aussi forte que Jude à l’époque, elle gardait tout pour elle, bien enfoui derrière de timides sourires, pour ne pas que les autres sachent, pour ne pas faire pitié. Elle comprenait. Elle comprenait sans doute mieux que quiconque ce que pouvait ressentir Jude. Ce besoin de cacher les choses, de ne pas dire ce qui vous pèse sur la conscience pour ne pas inquiéter les autres, pour ne pas les ennuyer, pour ne pas être diminué à leurs yeux. Les plaies d’Ashandra n’étaient certes pas les mêmes, et il était sans doute stupide de comparer leurs situations, mais la choriste ne pouvait s’empêcher de sentir en elle cette compassion et cette proximité qui n’existe que de manière tacite entre les personnes qui ont essuyé des épreuves plus dures que les autres. Pressant un peu plus ses doigts contre la peau de Jude comme pour la réchauffer et la rassurer, lui rappeler qu’elle n’étais pas seule, elle l’écoutait en regardant chaque expression qui passait sur son visage. Elle avait l’air fatiguée, amère, triste. Elle avait beau sourire, elle ne tromperait plus personne, et surtout pas Shandy qui reconnaissait le sourire forcé qu’elle s’entraînait à maîtriser devant sa glace quand elle était au lycée. Plus elle l’entendait parler dans un flot continu, plus elle avait le sentiment de revivre cette soirée entre filles chez les Hamilton. Sauf que cette fois-ci les rôles étaient inversés et elle se retrouvait là où Cassandra avait été avant elle, du côté de celle qui reçoit. Elle connaissait donc exactement tous les soupçons qui pouvaient tourner dans l’esprit de Jude à cet instant précis. Elle devait s’imaginer qu’elle éprouvait de la pitié à son égard, qu’elle la jugeait et qu’elle n’était gentille avec elle que pour la rassurer. Elle aussi, quand elle s’était décidée à avouer ses péchés pour ne plus porter seule le poids de tous ces secrets, avait été piquée par le doute. Elle avait été prise de nausée, dégoûtée de cette personne qu’elle avait prétendu être jusqu’alors, se sentant indigne de l’amitié de Cassie, incapable de trouver la force de se pardonner tout à fait. Mais elle avait fini par réussir à dépasser tout cela pour essayer de vivre normalement, libérée de la peur d’être découverte et exposée au regard moqueur des autres. Maintenant tout ceci lui semblait si dérisoire... Si lointain. Toutes ces heures passées à se torturer pour rien... «Non je... non ! Je n’ai pas pitié de toi ! Vraiment, ce n’est pas ça... Au contraire...» Mais la jeune femme s’interrompit après avoir croisé le regard dubitatif de la blonde qui ne s’était pas encore dégagée de son emprise.
Elles étaient si semblables que c’en était effrayant. Que faisait une sourde dans une chorale ? Probablement la même chose qu’une fille qui avait couché avec son moins que rien de petit ami dans le club de chasteté. Elle comprenait tout à fait l’angoisse que cela pouvait représenter pour elle, risquer d’être découverte, d’être déconsidérée et jugée. Et Ashandra ne le dirait à personne, pas même à Cassie, surtout pas à Cassie. Si elle avait eu le droit de partager ce secret avec elle, elle préfèrerait mourir avec plutôt que de la trahir. Malgré les conditions assez dramatiques et austères, la jolie afro-américaine se sentait profondément flattée et heureuse d’avoir été choisie pour partager cela avec elle. Certes, une chose en entraînant une autre la blonde avait été plus ou moins contrainte de lui révéler la vérité, mais ce n’était pas le genre de l’étudiante de penser comme cela. Elle préférait croire que tout ceci était orchestré par le destin, que ses pas avaient été guidés jusqu’à la salle de répétition pour rencontrer Jude seule et pour l’aider à accepter ce handicap et à sortir de l’ombre pour se placer au centre des projecteurs sur scène. C’était peut-être idiot, surtout lorsqu’on considérait que malgré des progrès remarquables elle était toujours aussi discrète, mais elle savait néanmoins que si elle en touchait un mot à Cassandra peut-être que les choses changeraient. La choriste était absolument fascinée par la proximité de leurs modes de pensée. À quelques années d’écart elles expérimentaient les mêmes difficultés, les même doutes, et tout ce qu’elle disait faisait mouche, comme un poignard en plein cœur. En sentant les doigts de la jeune fille lui échapper elle eut envie de resserrer son étreinte pour l’empêcher de s’enfuir, pour l’obliger à rester près d’elle et à partager toutes ces choses, tous ces sentiments qu’elle éprouvait et qui la terrifiait. Elle parlait de faiblesse en s’agrippant à la petite croix autour de son cou, mais la seule chose que Shandy voyait c’était la force de caractère d’une personne qui n’avait jamais abandonné son rêve et qui se battait seule contre le reste du monde à qui elle cachait tout. Sa camarade avait presque l’air mélancolique à présent, sa voix traînait en longueur sur ses syllabes, comme si la conversation pouvait s’arrêter à tout moment mais qu’elle souhaitait l’entretenir encore par les moyens les plus désespérés qui soient. Debout dans une tâche de soleil déclinant sorti de derrière un nuage, elle avait l’air d’une gravure romantique du dix-neuvième siècle comme on en trouve dans les musées. Elle était parfaite. Elle avait l’air parfaite. Parfaitement normale. Même lorsqu’elle replaça sa longue mèche de cheveux derrière son oreille, dévoilant à nouveau le tout petit appareil qui était resté en place tout au long de la conversation et que pas une fois elle n’avait remarqué, elle était parfaite. Se levant à son tour, elle fit quelques pas dans sa direction sans plus oser parler. Elle avait envie de lui parler de son passé, de ses problèmes avec Damon, avec sa mère, de la peur qu’elle éprouvait à l’idée de retourner au lycée en tant que professeur. Mais elle n’en ferait rien. Elle ne voulait pas que ses souvenirs soient marqués au sceau du doute parce qu’ils auraient l’air d’être faux tant ils étaient similaires. Elle ne voulait pas que la blonde pense qu’elle disait tout cela pour la conforter et qu’elle lui mentait pour partager de la pitié mal placée. Se plaçant devant elle avec un large sourire, elle prit ses deux mains et les serra de toutes ses forces, ouvrant à peine la bouche pour laisser s’échapper le murmure d’une mélodie.
«You're not alone Together we stand I'll be by your side You know I'll take your hand When it gets cold And it feels like the end There's no place to go You know I won't give in No, I won't give in
Keep holding on Cause you know we'll make it through We'll make it through Just stay strong Cause you know I'm here for you I'm here for you There's nothing you can say Nothing you can do There's no other way when it comes to the truth So, keep holding on Cause you know we'll make it through We'll make it through» Leur rencontre avait commencé en chanson, et elle ne voyait pas de meilleur moyen pour la clore que de chanter à nouveau. C’était peut-être un peu solennel, mais elle n’avait pas honte de se tenir là devant elle, c’était son tour de la pousser à la rejoindre. Elle espérait qu’elle comprenne que rien n’allait changer entre elles, et qu’elle serait là pour elle. Elle espérait qu’elle chante avec elle et qu’elle oublie vite toute cette rancœur noire qui habitait son cœur. Souriant de plus belle, les joues légèrement foncées par la crainte d’être rejetée, Shandy voulait s’assurer qu’elle ne perdrait pas une amie après qu’elle s’était confessée de la sorte. «Je ne sais pas toi, mais je n’ai pas encore dîné alors... si tu veux on pourrait aller commander quelque chose chez Breadsticks, non ?» |
| | | | Sujet: Re: 01. Each sound is perceived differently for each human. Ven 13 Jan - 18:16 | |
| Le dos appuyé contre le mur, le regard dans le vague, Jude ne pensait plus à rien. Ou du moins en quelque sorte. Elle se demandait juste comment pouvait-elle percevoir le message de Dieu … ce message qui lui avait envoyé pour une raison particulière, c’était pour lui dire quelque chose, pour lui faire comprendre quelque chose … En tant que croyante, la jeune femme pensait que parfois les différents épreuves qui arrivaient dans la vie n’était pas que le fruit du hasard … et elle savait que cet avis était partagé par ses camarades de la chorale des Secondes Chances. Tiens en parlant de la chorale, il faudrait qu’un jour elle se mette à parler sérieusement à Cassandra et Joanna. Cette idée lui trotta dans la tête quelques minutes avant de s’évaporer comme si de rien n’était. Elle repensa à ses parents, à ses magnifiques parents, à sa magnifique famille si soudée, qui avait su comment se comporter avec elle lorsqu’elle était en pleine période de doutes, ou encore en pleine dépression passagère. Oui, elle n’avait pas à se plaindre de son côté-là en effet. Question affectif, elle n’était pas la plus à plaindre. Pour le reste … côté amour c’était une autre histoire. Elle n’avait jamais accordé de la trop grande importance à ses prétendants, ses petits amis, car elle savait que tôt ou tard c’était elle qui allait les décevoir surtout à cause de son petit ‘’secret’’. La réaction de certaines personnes pouvaient blesser, choquer, énerver, voir même les trois à la fois, mais pour Jude c’était normal. C’était humain de réagir de la sorte. Elle savait que tout le monde ne prenait pas vraiment de la compassion pour les autres, donc elle faisait mine de s’en ficher. Mais en y repensant, au fond, tout au fond son cœur, derrière cette carapace de guerrière qu’elle semblait s’être forgée, il y avait une douleur. Une affreuse douleur qui était présente quasiment constamment. A force, elle s’était habituée à cette douleur, à cette plaie qui semblait ne jamais cicatriser, mais parfois elle y repensait et la plaie s’ouvrait, s’élargissait et devenait de plus en plus insupportable. C’était dans les moments comme ça qu’elle se disait n’avoir jamais voulu ce handicap, qu’elle ne pouvait plus arriver à vivre avec, à y faire face. Chaque être humain à un moment un autre, une faiblesse qui le ramène à la réalité, qui rompt sa carapace et qui le détruit petit à peu dans l’ombre juste avant qu’un ami donne son soutien et aide à remonter la pente.
Une voix angélique sortit doucement la blonde de ses pensées. Instinctivement sa tête se tourna vers Ashandra. Elle la scruta de ses petits yeux avant d’afficher un demi-sourire. Elle la voyait autrement depuis qu’elle s’était confiée à elle. Elle la voyait pas comme une amie de la chorale, une simple petite connaissance mais comme une véritable amie, à qui elle pouvait faire confiance. Elle ne pouvait expliquer comment en quelques heures passées en sa compagnie, elle avait subitement changé d’avis. Peut-être la magie du subconscient, des sentiments humains … oui peut-être. Elle vit sa camarade se ramener vers elle, dégageant une sorte d’aura sécurisant autour d’elle, comme si Jude savait qu’elle pouvait lui accorder une confiance aveugle car elle serait toujours rattrapée par la charmante afro. Elle souriait, un tout petit sourire presque invisible dessiné sur des lèvres légèrement rosés. Jude la laissa faire lorsqu’elle prit ses mains et qu’elle chantonna la chanson. Dorénavant la chanson les liait. Cet art les décrivait si bien, elles se ressemblaient tellement au fond que cela faisait presque peur. Dès qu’elle commença à chantonner les premières paroles, elle reconnut Avril Lavigne. Une magnifique chanteuse qu’elle aimait écouter parfois. Il fallait avouer qu’elle n’était pas vraiment difficile en matière de musique. « So, keep holding on cause you know we'll make it through, We'll make it through … » Sa voix se mélangea à celle d’Ashandra ce qui rompit le silence de l’Eglise. Puis un sourire s’afficha sur ses lèvres, un immense sourire. Là tout de suite elle avait envie de la serrer dans ses bras, de l’étouffer sous son étreinte affective. Mais elle ne fit rien. Jude se contenta juste de serrer ses mains, ce qui dans un sens revenait à faire la même chose. Lorsqu’elle remarqua que son amie ne la quittait pas des yeux avant de lui demander d’un air doux si elle souhaitait aller manger quelque part, le sourire sur ses lèvres ne s’effaça pas. « Je ne dirais pas non pour aller manger quelque chose. » Elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance, que la rancœur qu’elle avait dans son cœur pouvait disparaitre. Car maintenant elle s’était faite une véritable amie. Le genre d’ami que malheureusement elle ne rencontrait pas tous les jours à chaque coin de rue. « Je crois que mon ventre va commencer à crier famine dans quelques minutes. » Le ton qu’elle venait d’employer était ironique, joyeux et … amical. D’un geste lent, elle enleva ses mains de celles d’Ashandra et lui sourit avant d’empoigner son bras dessus, bras dessous.
Ce soir quand elle s’endormirait elle pourrait dire que cela avait été sa journée. La journée où les secrets avaient été découvert, où un sentiment de confiance venait de s’installer. Cette journée allait rester dans sa tête, faire partie de ses souvenirs et qui sait … peut-être remplacer un des mauvais souvenirs qui ne voulaient pas s’effacer de son esprit. David Foenkinos a dit « Il y a des gens formidables qu’on rencontre au mauvais moment. Et il y a des gens qui sont formidables parce qu’on les rencontre au bon moment. » Toujours au bras de sa camarade, Jude sortit de l’église, de ce magnifique lieu où elle aimait passer du temps pour laisser vagabonder son esprit en priant Dieu. Dès qu’elle ouvrit la porte, elle aperçut la lune, tellement éclatante, scintillante qu’elle fut obligée de détourner le regard après l’avoir observer durant quelques minutes. « Cette soirée à presque été encore mieux qu’une répétition avec la chorale. » Un doux rire cristallin s’échappa de ses lèvres, juste avant de refermer la porte.
FIN DU RP
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| | | | 01. Each sound is perceived differently for each human. | |
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