Drip, drip, drop, little April shower, beating a tune, as you fall all around.
Drip, drip, drop, little April shower, what can compare to your beautiful sound,
Beautiful sound, beautiful sound, drip, drop, drip, drop.

Assise, et mon dos appuyé contre le mur du préau, je soupirais. Mes coudes reposaient sur mes genoux et ma tête s’appuyait négligemment sur mes mains. Je soupirais une nouvelle fois alors que mes prunelles vertes ne quittaient pas ce qui se passait juste à côté de moi. Juste là, à quelques mètres et non abrité par l’immense toit du préau. Les gouttes d’eau s’écrasaient sur le sol en une mélodie que je trouvais douce à mes oreilles. Voir tomber la pluie, et surtout l’écouter avait toujours été une fascination pour moi. Les gouttes d’eau tombaient séparément, elles se réunissaient sur le sol et formaient des petits filets qui avançaient au grès des obstacles rencontrés et du relief. Suivre leur parcours était un jeu, écouter était en quelque sorte une passion. Tant qu’il n’y avait pas de vents violents ou d’orage, j’aimais la pluie. Et cette pluie que j’aimais tant était juste sous mon nez. Mon regard se tourna vers nos maîtres d’école. On avait eu la recommandation, plutôt l’interdiction à mon sens, de ne pas aller courir sous la pluie. On risquerait d’attraper un rhume voir pire une grippe, ce qui nous clouerait au lit et nous empêcherait de venir à l’école et de s’amuser avec nos copains. J’avais trouvé l’argument peu convaincant, d’ailleurs ma moue dubitative avait du l’exprimer. Pourtant, jusque présent, je m’étais exécutée, restant dans un coin protégé, jouant à la petite fille sage et adorable que j’étais -enfin pas tout le temps.

Je sentis des yeux me fixer et ma tête se tourna dans la direction de ceux-ci. Mon regard rencontra celui de Beth Corcoran. Obnubilée par la pluie, j’avais complètement oublié ma copine d’école. Nous nous connaissions depuis peu avec Beth, elle avait fait sa rentrée dans la même école que mois en septembre. Elle venait à Lima pour la première fois tandis que je faisais ma seconde année à l’école T. Roosevelt. D’habitude, quand je voyais Beth, je souriais. Timide et réservée - ce qui était un peu mon opposé - il m’avait fallu peu de temps pour me lier d’amitié avec elle. J’étais tout comme elle réservée quand je ne connaissais pas les autres. Mais contrairement à Beth, il me faut peu de temps pour laisser tomber ma réserve pour laisser place à ma vraie nature. Une tornade sur pattes je suis à ce qu’il parait. Du moins, c’est Ecaterina qui le dit. Je ne tiens pas en place quand je m’y mets. Il paraîtrait que je tiens ça de papa mais je ne sais pas pourquoi.

Le clapotement de la pluie se faisait toujours entendre et je ressentais de plus en plus cet appel silencieux. Celui qui faisait râler papa quand il était pressé les jours de pluie alors que moi je prenais mon temps. Je ne comprenais pas cet empressement. Pourquoi les grands couraient et se dépêchaient quand il se mettait à pleuvoir. Ils ne s’arrêtaient jamais pour écouter la musique de la pluie. Ils ne s’arrêtaient pas non plus pour voir les feuilles se faire transporter le long des trottoirs par le courant et qui disparaissaient dans les bouches d’égout. Ils s’arrêtaient encore moins pour se pencher et regarder un ver qui sortait de la terre. Il s’étirait, s’étirait, comme s’il s’était interminable, et il avançait, profitant de l’eau qui le nettoyait de la terre qui le recouvrait. Non, décidément je ne comprenais pas les adultes et leur comportement envers la pluie.

Je me mis soudainement debout, me tournant vers Beth. « Tu viens ? » Dit ainsi, de but en blanc et sans aucune explication, ma copine ne devait rien comprendre à ce que je racontais. Mes grands yeux verts regardèrent rapidement les professeurs. Voyant qu’ils n’étaient pas tournés dans notre direction, j’en profitais pour franchir la barrière qui séparait la pluie du préau sec. Une goutte d’eau me tomba sur le bout du nez ce qui me fit spontanément rire. Je l’essuyais de la main même si ça ne servait à rien. D’ici peu de temps, mes longs cheveux bruns allaient finir trempés. Quand ils étaient mouillés, ils bouclaient davantage - et c’était comme ceux de papa. Et mes vêtements subiraient le même sort. Mon regard ne quittant pas Beth, j’attendais qu’elle réagisse et se décide à faire quelque chose.

La matinée avait été longue et soporifique, déjà lorsque ma maman était venue pour me réveiller je n'avais pas voulu quitter le cocon chaud et rassurant qu'était mon lit. J'avais trainé nonchalamment ; il y a des jours comme ça ou parfois on a rien envie de faire, et aujourd’hui était un jour comme ça. J'avais besoin d'un bon stimulant pour me faire émerger et pour me donner envie de bouger. La maitresse n'avait fait que de parler et de nous donner des exercices de conjugaisons à faire. J'attendais la récréation avec impatience, d'ailleurs la plupart d'entre nous n'attendait que ça pendant toute la journée. Lorsque la maitresse annonça l'heure de la récréation sacrée, j'attrapais rapidement mon manteau pour l'enfiler et je sortis hâtivement de la salle de classe. Je soupirais, il pleuvait et la plupart du temps les adultes ne voulaient pas qu'on jouent sous la pluie. Soit disant qu'on pourrait être malade après, comme si on avait besoin de ça pour être malade, et puis le préau était trop petit pour tous les élèves qu'il devait abriter. Et puis franchement qui n'aimait pas jouer dehors quand il pleuvait ? Les grandes personnes n'étaient vraiment pas marrantes elles ne savaient vraiment pas s'amuser. Emily était assisse, adossée contre le mur, le regard perdu. Il y avait beaucoup de bruit et le préau avait tendance à le faire raisonner. J'observais mes camarades, les filles jouaient à l'élastique tandis que les garçons essayaient de se faire un peu de place pour une partie de football. Je reportais mon regard sur mon amie qui semblait subjuguée par la pluie qui tombait dehors. Elle n'était pas du genre à rester assisse et ne rien faire à la récré. Et je savais parfaitement ce dont elle avait envie, car moi même j'en avais envie. Mais cela allait à l'encontre de ce que nous avait dis les enseignants et je n'aimais pas trop me faire remarquer par eux, ni même me faire remarquer tout court. Je n'étais pas vraiment à mon aise avec les personnes que je ne connaissais pas. Notre maitresse avait beau être très gentille mais ce n'était pas pour ça que je me montrais bavarde avec elle. Les seules personnes avec qui j'étais vraiment à l'aise dans cette école c'était Emily et un peu aussi avec le professeur de sport qui était vraiment très gentil, il avait su me mettre à l'aise, comme si on se connaissait depuis longtemps. Bref, j'étais un peu timide et renfermée parait-il.

« Tu viens ? » me demanda mon amie sans aucune autre explication. Je fronçais les sourcils, n'étant pas sûre de comprendre ou elle voulait en venir. Un sourire s'installa aux coins de mes lèvres, le regard pétillant, je voulais m'assurer d'être sur la même longueur d'onde : « Tu veux dire … dehors, dans la cour ? » finissais-je en baissant le ton, comme si j'avais peur qu'on soit espionnée. Je regardais autour de nous, tout le monde semblait impliqué dans leurs occupations, nous pourrions passer inaperçues si on se débrouillait bien. Mais c'était tout de même risqué. Je réfléchissais un instant, on se ferait surement punir mais j'avais vraiment envie de m'amuser un peu et sauter dans les flaques d'eau. Je perçus le regard d'Emily qui s'arrêta quelques instants en direction de nos enseignants qui par chance, discutaient dos à nous. Avant que mon amie ne franchisse la barrière de préau je l'attrapais par le bras. « Attends ! » M'exclamais-je, m'étant aperçue que cette petite peste de Sara s'était retournée dans notre direction. Si elle nous voyait partir en courant dehors je ne lui donnait même pas cinq minutes pour qu'elle se fasse un malin plaisir à nous dénoncer aux adultes. Lorsqu'elle finit par se retourner je relâchais le bras d'Emily, lui adressant un sourire qui lui montrait clairement mon feu vert. Je savais parfaitement comment ca se finirait mais c'était surement la seule chose marrante que l'on pourrait faire aujourd'hui alors autant en profiter. « Tu crois qu'on aurait le temps de courir pour atteindre un endroit ou on nous verra pas depuis le préau ? » Demandais-je avec un grand sourire, déjà toute contente à l'idée de ce qu'on préparait. J'avançais, l'air de rien au bord de la limite qui séparait le préau et la cour, encore à l'abris des gouttes d'eau qui ne semblaient pas vouloir cesser de s'écraser sur le sol, à notre plus grande joie. J'attendais un signe de mon amie, comme un top départ qui nous autoriserait à partir en courant comme des petites furies dehors, telles de vraies rebelles des bacs à sable.