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 01. Don't try to stop me

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MessageSujet: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptySam 29 Oct - 22:34



« Ne me touche pas, espèce de pervers. » Damon tenta de repousser l'agent de police qui le plaquait de force contre le mur rugueux, sans succès. Le trop plein d'alcool qu'il avait ingurgité rendait ses gestes lents et sa démarche titubante. Il se laissa donc faire, grognant de temps à autre pour la forme, remuant ses mains de telle sorte que le policier eut bien du mal à le menotter. « Cesse ce petit jeu, fiston, ou tu auras encore plus de problèmes. » lui dit l'homme avant de le pousser sans ménagement dans sa voiture de fonction où l'attendait son coéquipier. Damon grommela quelques insultes tandis que la voiture démarrait, avant de poser sa tête lourde contre la vitre glacée. Fermant les yeux, il soupira bruyamment, tentant de repousser la nausée qui soulevait son estomac rempli d'alcools en tous genre.

Il essaya de se souvenir comment il avait pu, une fois de plus, en arriver à se retrouver pris au piège dans une voiture de police en plein milieu de la nuit. Il savait qu'il était arrivé chez Mike, un de ces amis de beuverie rencontré par hasard quelques mois auparavant lors d'une fête particulièrement arrosée, un peu en retard. Sa sœur, la très charmante et trop parfaite Ashandra, avait tenté, vainement, de l'empêcher de sortir, ressortant cette même argumentation qu'elle semblait avoir apprise par cœur depuis son retour à Lima. Elle l'avait menacé, le doigt pointé vers lui, la colère faisant naître quelques larmes dans ses yeux brûlants. Comme à son habitude, Damon s'était contenté de la laisser parler, un air passablement ennuyé plaqué sur son visage fermé. Et tandis que sa sœur essayait par tous les moyens de le faire changer d'avis, le jeune homme avait mentalement pris note d'appeler Danny pour qu'il lui mette de côté une ou deux pilules d’ectasie ; mais alors que le discours d'Ashandra s'était fait plus véhément et davantage accusateur, il avait rajouté quelques comprimés de plus à sa to-do liste imaginaire. Résignée, sa sœur avait fini par le laisser partir au bout de vingt bonnes minutes de monologue incessant qui avait sonné douloureusement aux oreilles de Damon, et le jeune homme s'était éclipsé sans regard en arrière ni au-revoir de courtoisie. Il avait sauté dans sa voiture et s'était dirigé vers la maison de Mike, dépassant la limite de vitesse autorisée avant même de quitter la petite rue qui menait chez les Moon. Tournant le bouton au maximum, Damon avait profité de cet instant de solitude pour hurler sur le premier morceau de rap qui passait à la radio, évacuant du mieux qu'il le pouvait cette rage qui le consumait depuis son accident et que sa sœur ne faisait qu'aggraver par ses paroles et ses accusations. Lorsqu'il était arrivé, la fête battait déjà son plein. Damon enviait Mike, qui, pourtant au chômage depuis des années, possédait sa propre maison dans laquelle il organisait les meilleures soirées de la ville. Lorsque le jeune homme avait pénétré dans la petite bâtisse, une jeune fille qu'il connaissait vaguement de vue avait agrippé son bras à en faire mal avant de déposer ses lèvres sur les siennes, déposant un comprimé sur sa langue au passage.

Après cela, tout était flou. Damon se souvenait s'être dirigé vers le bar, plus d'une fois, et d'avoir vidé verre sur verre tout en avalant toutes les pilules qui se retrouvait d'une façon ou d'une autre dans le creux de sa main. Il se rappelait avoir couché avec une fille ou deux, avant de se replonger dans l'alcool et la drogue jusqu'à ce que, sur les coups de 4h du matin, il se sente enfin bien. Envolés les soucis et autres pensées négatives, il riait de nouveau, et ce vide, ce trou béant qui l'accompagnait à chaque instant lorsqu'il n'était pas sous le joug des substances qu'il imposait à son corps brisé, semblait avoir enfin disparu. Il avait quitté la fête, chancelant mais heureux, une bouteille de whisky sous le bras avant de rejoindre sa voiture. Il ne se souvenait plus comment l'idée de se rendre WMHS avait pu germer dans son esprit, mais Damon s'était retrouvé devant la grille qui menait au terrain de football, grimpant avec difficulté avant de courir sur l'herbe fraîche et humide, trébuchant plusieurs fois. Ensuite, tout était allé très vite. Quelqu'un avait dû le voir, puisque quelques minutes plus tard, la police avait fait irruption dans l'enceinte du lycée, un homme poursuivant Damon qui tentait de s'échapper.

Il n'avait rien fait de mal, il voulait juste s'amuser un peu, retrouver la sensation du terrain sous ses pieds, le bonheur d'être là où il devait se trouver. Lorsque l'un des policiers ouvrit la portière, Damon ne parvint pas à contrôler son corps et il rencontra le sol dur du trottoir. Une douleur vive se fit sentir, une sensation de brûlure tout le long de sa joue jusqu'à sa mâchoire, et Damon ne put empêcher le grognement qui s'échappa de ses lèvres. Les deux hommes qui l'encadraient ne prirent pas la peine de lui demander s'il allait bien avant de le traîner de force à l'intérieur du commissariat. Damon essaya de se débattre, n'obtenant que quelques rires gras et moqueurs en guise de réponse. Un fois dans la bâtisse, le jeune ferma les yeux. La lumière était beaucoup trop vive, et les bruits environnants résonnaient dans sa tête. Tout devint soudainement trop douloureux, presque insupportable, et il espéra presque de faire une overdose pour que toute cette souffrance, le frappant si violemment et brusquement, prenne enfin fin. Il perçut le bruit des clefs et celui de l'ouverture d'une porte, mais il resta immobile, même lorsqu'il fut projeter derrière les barreaux. Il tomba une nouvelle fois au sol, riant presque de la situation ridicule dans laquel il se trouvait. Il resta ainsi, sans bouger, durant ce qui lui parut une éternité, entouré par le brouhaha et le battement un peu trop effréné de son cœur, partagé entre l'envie de dormir ou celle de vider son estomac indiscipliné. Et soudain une voix sembla se frayer un chemin parmi le bruit incessant des policiers en service, une voix qu'il ne connaissait que trop et qu'il aurait préféré avoir imaginé. Celle de sa sœur qui, il le savait, il le sentait, se trouvait derrière lui, son regard déçu le brûlant presque. Ashandra était là, emportant avec elle tout espoir de paix et de solitude.
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyDim 30 Oct - 23:44

Si ses yeux avaient pu le foudroyer, Ashandra aurait envoyé une décharge dans le corps gisant de son frère. De quoi avait-il l’air allongé sur le sol, dans des vêtements sales, une forte odeur d’alcool émanant de lui ? Pourquoi faisait-il ça ? La jeune femme ne savait plus si elle devait crier ou bien pleurer. Elle ne savait plus si elle devait se battre pour lui et contre lui ou bien tout simplement tourner les talons et le laisser là, cuver toutes les substances qu’il avait pu ingurgiter, vivre dans l’illusion que tout ceci l’aiderait à aller mieux.

Le matin, elle avait eu cours à Columbus. Elle avait écouté avec toute l’attention dont elle était capable un cours sur la poésie de Walt Whitman et puis elle avait été à la bibliothèque se perdre dans le rayon de poésie pour lire quelques-uns de ses poèmes. Elle se rendait souvent là-bas entre ses cours, s’asseyait souvent à une table un peu à l’écart près des fenêtres, ou bien comme aujourd’hui, directement sur le sol, adossée contre les étagères, plongée dans sa lecture. À l’heure du déjeuner, elle s’était éclipsée pour manger une petite salade sur l’herbe au soleil, ayant emmené avec elle une partie des livres qu’elle avait commencé à feuilleter au hasard. Elle ne rechignait pas à se faire des amis dans ses cours, mais elle préférait le calme de la solitude et du recueillement pour prendre ses repas, trop habituée aux cris le soir quand son frère se décidait à céder au chantage de sa mère et qu’il s’installait à table avec elles. Un frisson parcouru son corps alors qu’elle repensait qu’elle allait devoir rentrer tôt ce soir là pour préparer le dîner de sa mère qui avait un rendez-vous quelconque à la paroisse. Parfois elle la soupçonnait d’être secrètement amoureuse du pasteur et de vouloir rentrer dans ses bonnes grâces. Outre la dimension profondément amorale de ce comportement, Ashandra plaignait sa mère qui de plus en plus semblait perdre tout contact avec la réalité. Elle ne tenait plus les comptes, elle ne se présentait pas toujours à son travail, elle ne s’occupait plus du tout de Damon, sans parler de la maison. Toutes ces choses qui auraient dû former partie de la routine de la famille Moon échappaient petit à petit à tout contrôle et la jeune fille était la spectatrice impuissante de cette situation qui l’exaspérait si souvent. Elle voulait toujours bien faire. Elle voulait les aider. Elle voulait les sauver. Tous les deux. Autrefois elle aurait pu dire « quel qu’en soit le prix », mais les choses avaient changé et elle refusait de mettre sa propre vie en jeu pour sa mère ou son frère. Si elle était revenue de Des Moines ce n’était pas pour retomber dans le même piège. Elle n’avait plus envie d’être la petite fille que les gens bousculaient, elle n’avait plus envie de rester sans rien dire alors que ses rêves passaient devant elle. Mais elle s’en voulait tellement d’être si égoïste… Refermant son livre, elle profita un dernier instant des rayons du soleil qui caressaient sa peau sombre. Malgré le vent frais de l’automne qui arrivait à grands pas, la température était encore des plus agréables, la jeune femme prenait son temps pour apprécier chaque moment de liberté dont elle jouissait loin de Lima. Passant ses doigts sur la petite croix en argent qui pendait sur sa gorge, elle soupira discrètement en remerciant Dieu de l’avoir épargnée elle et de lui donner le courage et la foi de protéger sa famille.

L’eau brûlante de la douche ruisselait doucement le long de son corps endolori par la fatigue. Après sa matinée plutôt paisible, elle était enfin rentrée chez elle pour s’occuper un peu de la maison, après y avoir longtemps rechigné en discutant avec sa professeur responsable. Elle avait taillé les rosiers blancs qui donnaient sur la rue pour rafraîchir la façade de leur maison, puis elle s’était attaquée au ménage, jusque dans la chambre de sa mère qui ressemblait toujours à un dépotoir malgré ses efforts pour ranger le linge qui semblait s’accumuler sans fin. De la même manière qu’elle portait le plus grand soin à l’entretien de l’extérieur de la maison de peur que les voisins ne voient que ses habitants allaient mal, elle essayait de dissimuler les troubles à l’intérieur même de la maison en rangeant systématiquement tout ce qui était en désordre. Elle ne touchait à rien dans les chambres de peur de se faire gronder et d’essuyer les remontrances des deux autres membres de sa famille, mais son séjour dans la maison de son frère aîné n’avait pas arrangé sa tendance à vouloir préserver les apparences. Elle mentait aux autres et plus encore, elle se mentait à elle-même, mais elle restait intimement persuadée que toute cette mascarade finirait par améliorer la situation. Ses muscles se détendaient au contact du jet d’eau sur son dos alors qu’elle passait doucement ses doigts sur les nœuds qu’elle avait récoltés à cause de tout ce stress et de l’effort physique qu’elle avait fait pour effacer toute odeur de cendre froide et redonner un aspect plus convivial à la petite maison. Elle était allée jusqu’à cuisiner une tarte aux pommes que personne d’autre qu’elle ne mangerait probablement, mais elle avait tout de même dressé deux assiettes à dessert sur le comptoir en laissant un mot entre elles en indiquant que le plat était encore au four. Se laissant enfin aller, Shandy s’adossa contre le mur de carrelage et se laissa glisser jusqu’au sol. L’eau qui commençait à refroidir continuait de tomber sur son visage, ses fines boucles s’aggloméraient et s’emmêlaient devant ses yeux rougis par la fatigue et les premières larmes lui montaient aux yeux. Pourquoi pleurait-elle à cet instant précis ? Il ne s’était encore rien passé, elle ne les avait pas vus, elle ne savait pas où ils étaient et elle ne voulait pas s’en soucier, mais elle était épuisée et elle ne voulait pas se battre une fois de plus. Ramenant ses mains sur ses épaules en entourant sa poitrine elle tremblait à présent. L’eau chaude était définitivement épuisée. Il fallait qu’elle sorte de là et qu’elle aille lire ses livres dans le salon pour surveiller les allers et venues de Damon. Elle savait qu’il était là quelque part, elle avait entendu la porte de la cuisine claquer avant d’entrer sous la douche, mais elle savait pertinemment qu’il ne resterait pas dans sa chambre bien longtemps.

« Damon, je t’interdis de sortir. Pas ce soir. Demain j’aimerais que tu ailles voir Mlle Pillsbury dans les locaux de son association. S’il te plaît ne sors pas, tu es déjà sorti hier, j’ai déjà dû aller te chercher dans le centre ville, pas ce soir Damon. » Sa voix était faible mais décidée. Elle se tenait devant lui, droite comme un piquet. Ses yeux noirs le dévisageaient avec toute l’ardeur dont elle était capable, elle voulait se montrer forte et à la hauteur de la grande sœur qu’elle n’avait jamais réussi à être. Mais Damon ne la regardait même pas, il semblait vivre à des lieues d’elle, il ne regardait pas ses gesticulations, il ne la regardait pas dans les yeux, il n’écoutait même pas ce qu’elle disait. Mais elle s’acharnait, comme à chaque fois, pour essayer de lui faire entendre raison. « Maman ne va pas tarder à rentrer, il faut que tu restes. Tu ne peux pas passer ta vie à boire Damon. Tes amis, ceux qui t’ont laissé dans… dans… ceux qui ne t’ont pas aidé hier ! Tu crois vraiment que ce sont des amis ? Tu crois qu’ils veulent ton bien ? Et Candice ? Tu crois qu’elle t’aime vraiment ? Non Damon ! Non ! » La porte se referma devant son nez et l’afro-américaine ne put s’empêcher de retenir un cri de rage et de détresse. Passant ses mains dans ses cheveux, elle savait que ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’on ne l’appelle pour lui demander de venir s’occuper de son frère… La gorge serrée par la frustration et la colère, elle ravala de nouvelles larmes de rage et se laissa tomber sur le canapé, s’enroulant dans une petite couverture qui traînait sur le dossier. Elle dîna, seule, attablée à la cuisine, puis elle s’installa à nouveau dans le salon avec ses livres pour passer le temps si bien qu’elle finit par s’assoupir sur la banquette jusqu’à être réveillée par le bruit du téléphone en pleine nuit. La sonnerie la fit sursauter si bien qu’elle lâcha le livre qui était resté prisonnier de l’étreinte de ses doigts fins, légèrement crispés sur la couverture. « Madame Moon ? Votre fils est en cellule de dégrisement actuellement, comme c’est un habitué de la maison je me permets de vous passer ce coup de téléphone avant de vérifier son identité. Est-ce que vous ou votre fille pouvez venir le prendre, mes collègues ne veulent pas être responsables de lui cette nuit ? » Hochant la tête en signe d’approbation elle susurra d’une voix encore endormie « J’arrive tout de suite… »

Elle connaissait aussi bien le chemin menant de chez elle à l’université que celui qui l’emmenait directement au commissariat central de Lima à force de le fréquenter. Ashandra regarda dans le rétroviseur de sa voiture une dernière fois avant de descendre. Il n’y avait pas grand monde dans les rues un soir de semaine, mais elle préférait ne pas être vue. Elle avait si honte des regards qui se posaient sur elle alors qu’elle poussait les grandes portes vitrées à battant. Pas une personne dans cet établissement qui ne sache qui elle était et pourquoi elle venait. Pas une personne, si ce n’était Billie Jean la secrétaire qui faisait elle aussi partie des Second Chances, qui sache qu’elle existait en dehors de ses navettes pour ramener son frère chez elle. Une rage terrible s’empara de son ventre, elle sentait souffler en elle une tempête de sentiments contradictoires qui ne faisaient qu’alimenter sa colère. Elle n’avait rien à faire dans ce commissariat. Elle n’avait rien à se reprocher elle, alors pourquoi s’infliger ces regards condescendants qui la détaillaient avec cruauté. Arrivée devant les barreaux de la cage qui retenait son frère, elle dut se mordre la lèvre inférieure pour retenir le cri d’horreur devant le spectacle pathétique que son frère lui offrait. Le policier fit glisser la grille pour la laisser discuter un peu avec lui avant de le ramener chez eux. S’avançant d’un pas, la choriste resta néanmoins près des barreaux, passant même ses doigts autour de l’une des froides barres métalliques comme pour se soutenir. « Damon, je suis venue te chercher. Je suis encore venue te chercher. Comme toujours. Je viens toujours te chercher. Je dois toujours venir te chercher. » Chacune de ses phrases était martelée. Elle parlait si lentement que c’en était insupportable, détachant chaque mot, chaque syllabe. Elle n’avait plus la force de parler à présent et s’appuya un peu plus sur la grille de la cellule.
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyLun 14 Nov - 15:42

Damon était partagé entre l'envie de rire et celle de pleurer. Cependant, même s'il agissait comme un garçon sans repère, complètement perdu dans un monde qui ne le comprenait pas, il n'en était pas pour autant une fille et verser quelques larmes ne faisait pas partie des choses qu'il voulait faire aujourd'hui, ni même dans un futur proche ou lointain. Rassemblant le peu de courage qu'il lui restait, son amour propre prenant le dessus sur son envie de rester allonger sur le sol dur et froid de la cellule jusqu'à ce que mort s'en suive, il se redressa lentement afin de faire face à sa sœur. Une fois debout, Damon ferma les yeux un instant, l'alcool que son système digestif n'avait pas encore digéré se faisant sentir avec un peu trop de force. Au pire, l'intégralité de son estomac irait s'échouer sur le joli manteau d'Ashandra, la faisant fuir une bonne fois pour toute. Lorsque le jeune homme se sentit enfin mieux, ou tout du moins capable d'exister sans avoir l'impression qu'il allait s'écrouler raide mort, il battit des paupières avant de poser son regard flou sur sa sœur. Toujours près des barreaux, celle-ci le fixait avec un dégoût non dissimulé, comme s'il ne représentait plus qu'un rebut dont elle avait honte. Son expression la trahissait et Damon pouvait lire dans son corps tendu combien elle le haïssait pour être là, en pleine nuit, sous les regards de pitié que lui lançaient les policiers. Quelques années auparavant, c'était avec fierté et admiration qu'Ashandra le regardait, lui qui était populaire sans même chercher à le devenir, lui qui avait une multitude d'amis sans faire le moindre effort. Avant, Damon était ce garçon qu'on voulait être, celui qu'on enviait, qu'on adulait. Il représentait la réussite, l'avenir du football, un garçon talentueux et apprécié. Maintenant il n'était rien d'autre qu'un raté, un alcoolique notoire qui passait son temps à enchaîner les soirées et les filles, un cachet d'ectasie sur le bout de la langue. Sa sœur avait cessé de l'admirer, et lui avait arrêter de tenter de la rendre fière. A quoi bon faire des efforts, si la personne en question n'essayait même pas de vous comprendre ? Ils n'étaient plus que des étrangers l'un pour l'autre et même si Damon savait qu'il était en partie responsable de cette situation, il savait qu'il n'était pas le seul coupable. Ashandra avait sa part de fautes dans cette histoire, elle n'était pas seulement la pauvre grande sœur face au méchant, pathétique raté de la famille. Pourtant, le jeune homme savait que, pour elle, il était le seul à blâmer. Après tout, il était celui qui ouvrait les bouteilles et acceptait les comprimés. C'était lui qui se rendait aux fêtes et couchait avec un nombre incalculable de filles, lui qui finissait au poste de police à moitié mort. Lui qui, quelques semaines plus tôt, avait fait une overdose qui, seuls lui et Candice le savaient, était loin d'être involontaire. Pour n'importe quelle personne extérieure, comme par exemple ces flics sans scrupule ni empathie, il passait pour un loser ridicule, honte de sa famille. Seulement, Ashandra n'était pas une personne lambda, spectateur de cette scène pathétique qu'il offrait bien trop souvent. Ashandra était sa sœur, celle qui, jadis, le connaissait mieux que quiconque. Celle qui aurait dû être là lorsqu'il avait eu le plus besoin, quand sa vie s'était transformé, en un claquement de doigts, en un cauchemar sans fin. Mais Ashandra n'avait pas été près de lui lorsque tout cela était arrivé. Elle avait débarqué, visiblement ennuyée qu'on l'ait dérangée dans sa nouvelle petite vie tranquille loin d'eux et de leurs problèmes, et cet air contrarié n'avait jamais quitté son visage depuis.

Damon eut un sourire triste. Il aimait sa sœur plus que tout, mais en ce moment, il ne souhaitait rien d'autre que de la voir repartir pour Des Moines. « Je ne t'ai rien demandé, Ashandra. Je ne t'ai jamais rien demandé, et ce n'est pas maintenant que je vais commencer. » Son ton était dur, glacial et il espérait que sa sœur comprenne vite le message et qu'elle le laisse enfin tranquille. « Je n'ai pas envie de devenir méchant et de te faire de la peine, alors rentre à la maison et oublie moi. Fais ce que tu sais faire de mieux depuis quelques années. » Il savait qu'il allait trop loin et qu'Ashandra allait le détester un peu plus pour ce qu'il venait de dire. Pourtant, ce n'était rien d'autre que la vérité. Ashandra les avait abandonnés, elle les avait quittés sans un regard en arrière, le laissant seul avec cette mère dépressive, seul pour gérer les crises de larmes de Dracy Moon tout en jonglant avec les cours et les entraînements intensifs de football. Damon l'avait laissée partir, parce qu'il savait combien sa sœur avait besoin de se retrouver, de faire des études et de vivre pour elle-même. Mais elle n'avait plus donné aucune nouvelle. Jamais, pas un coup de fil, pas une lettre, rien. Elle n'avait jamais su combien Damon avait peiné à s'occuper de leur mère, ou combien son frère était doué avec un ballon. Elle était revenue à Lima des mois après son accident, lorsque l'alcool avait déjà depuis longtemps remplacé la souffrance. Son retour parmi eux avait été forcé, Damon le savait. Il avait parcouru la lettre que sa mère avait envoyé à sa sœur, il avait lu les supplications désespérées, les appels au secours. Ashandra n'était pas revenue parce qu'elle voulait les aider à surmonter cette épreuve. Si tel avait été le cas, elle n'aurait jamais coupé les ponts aussi aisément. C'était uniquement la culpabilité qui l'avait obligée à emménager de nouveau dans leur petite maison, rien de plus. Et cela affectait Damon bien plus qu'il ne le laissait paraître. Il pouvait lire dans les yeux de sa sœur qu'il n'était plus qu'un poids pour elle, un fardeau qui l'empêchait d'être pleinement heureuse.

Un sentiment de profonde solitude amena quelques larmes orphelines dans ses yeux injectés de sang. Incapable de supporter le regard accusateur de sa sœur plus longtemps, il la contourna et se dirigea sans un mot vers le comptoir de l'accueil derrière lequel, il le savait, se trouvait son téléphone portable ainsi que le reste de ses affaires. Il fallait qu'il appelle Candice ; il éprouvait ce besoin presque viscéral d'entendre le son de sa voix, afin de se sortir de ce sentiment d'impuissance intolérable. Il ne prit même pas la peine de remercier la jeune femme qui lui tendit son téléphone et ses clefs de voiture. Il se contenta de chercher fébrilement le numéro de son amie, tandis que la panique qu'il ressentait lui donnait des sueurs froides, l'empêchant de respirer correctement.
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptySam 26 Nov - 17:59

La sensation du métal froid contre sa peau l’aidait à ne pas penser à tout ce qu’elle aurait dû être en train de faire à cet instant. Elle avait si souvent éprouvé de la peine en voyant son frère dans cet état lamentable de déchéance et d’autodestruction qu’il ne restait plus en elle que de la colère. Elle était en colère contre lui, mais aussi, et surtout, en colère contre elle-même. Si elle n’était pas partie à Des Moines pour vivre sa propre vie, si elle ne l’avait pas laissé seul avec sa mère dépressive, si elle avait été présente au moment où il avait eu le plus besoin, alors tout aurait été différent, c’était certain. Elle était si pleine de colère que les larmes qu’elle retenait avec fierté dans le commissariat n’étaient plus dues à la tristesse mais véritablement à la rage qui bouillait en elle. Un seul regard autour d’elle suffisait pour serrer son cœur. Que faisait un garçon aussi doué que Damon dans cette cellule ? Il avait toute la vie devant lui, il était beau, talentueux, gentil, intelligent. Alors pourquoi tant de gâchis ? Pourquoi ? Refusant de voir ses torts elle préférait rejeter toute la faute sur lui à cet instant, ne voulant pas avoir l’air faible face à ce frère qui ne la regardait plus jamais avec cet air doux qui pourtant lui allait tellement mieux. Il ne se confiait plus, il ne lui parlait plus que sous la contrainte de la nécessité, mais ce qui lui brisait le cœur plus que tout c’était son regard accusateur. À chaque fois que leurs regards se croisaient, il n’y avait plus cette étincelle d’admiration dans le regard de sa grande sœur, l’alchimie entre ces deux enfants au destin difficile n’était plus la même, et ils ne se soutenaient plus dans les épreuves que Dieu leur envoyait. Les prières ne servaient plus à rien mais Ashandra les répétait inlassablement à l’office le dimanche, dans la maison de Dieu, ou dans sa chambre, du plus profond d’elle-même elle refusait d’abandonner et de le laisser sombrer.

Elle connaissait par cœur la lettre que sa mère lui avait envoyé à l’adresse de son frère aîné l’année précédente. Elle l’avait relue tellement de fois qu’elle avait fini par apprendre chaque tournure, chaque mot, chaque virgule. Après avoir quitté Lima pour prendre son envol, elle avait décidé de ne plus regarder en arrière, de ne plus contacter sa mère pour ne pas être tentée de revenir. Ce départ définitif elle l’avait longtemps considéré comme un exploit, une preuve de courage et de force. Pour la première fois elle faisait quelque chose qui ne soit bénéfique que pour elle. Elle était égoïste. Mais elle avait fini par croire à tous ces discours qui font l’apologie de l’individualisme. Bien malgré elle les images d’étudiants épanouis qui l’entouraient avaient créé un sentiment de frustration et d’envie qui n’avait mené qu’à la rancœur et l’amertume. Pourquoi avait-elle accepté de se sacrifier sans même y réfléchir un instant ? Pourquoi avait-il fallu que sa mère ne lui propose pas d’aller à l’université, de prendre un emprunt ou de trouver une solution pour envoyer ses deux enfants faire les études qu’ils méritaient. Son retour du Mexique avait été particulièrement cruel parce qu’enfin elle avait vu ce que cela faisait de vivre pour soi, avec un but qui ne tienne pas compte de sa famille. L’espace d’un mois elle avait eu le droit de vivre sans avoir à se soucier de savoir si sa mère dînait correctement ou si son frère avait correctement préparé ses examens. Au fond personne ne l’avait jamais vraiment obligée à faire ces choses qu’elle avait choisi de faire elle-même, et puis tout avait semblé si naturel, parfaitement intégré dans sa routine, elle s’en servait même comme d’une échappatoire dans les moments où elle n’avait pas la force d’affronter les autres. Elle se rangeait derrière l’excuse de sa famille pour ne pas chercher à se faire d’autres amis. À l’époque du lycée elle savait que Cassandra partageait la même crainte qu’elle concernant sa petite sœur Grace, qu’elle avait peur de laisser derrière elle, seule face aux influences souvent mauvaises des autres lycéens. Les inquiétudes d’Ashandra avaient fini par se réaliser et elle observait maintenant le résultat de l’influence de ces soi-disant amis. Elle était partie sans un regard en arrière et n'avait pas donné de nouvelle, ni à sa mère, ni à son frère. Il n'avait jamais essayé de la contacter, il ne savait pas même où elle était allée, et bien qu'elle eût tous les torts elle ne parvenait jamais à l'admettre franchement et à endosser une part de responsabilité encore plus importante dans le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Avait-elle abandonné son frère ?

Son ton froid et ses paroles blessantes sonnaient comme des coups de poignard s'enfonçant dans sa chair, mais s’agrippant un peu plus aux barreaux de la cellule pour ne pas bouger, Ashandra encaissa sans ciller. Elle sentait bien qu’elle avait laissé transparaître dans sa voix toute la lassitude qu’elle éprouvait face à cette situation absurde. Les reproches étaient inévitables mais elle aurait dû faire preuve de plus de tact et la jeune femme se mordit la lèvre inférieure comme pour se reprocher d’avoir parlé trop vite. Pourquoi fallait-il qu’il lui parle comme à une ennemie, voire une étrangère indésirable..? Qu’avait-elle fait de mal ? Elle était revenue. Elle était revenue pour lui. Uniquement pour lui. Mais rien n’y faisait il ne l’écoutait plus. Il ne la regardait plus. Elle n’était plus rien pour lui. Un bruit sec dans son dos la fit sursauter : ce n’était qu’un autre étudiant éméché qu’on avait dû arrêter pour ivresse sur la voie publique. Lui jetant un regard en coin pour voir si elle le reconnaissait, elle fut relativement soulagée de voir que Damon ne réagissait pas en le voyant. Peut-être qu’il ne connaissait pas toutes les mauvaises personnes dans cette ville... Le spectacle de ce jeune homme hilare sur la couchette de la cellule grise lui arracha un rictus de dégoût qu’elle ne cachait pas. Elle éprouvait une profonde répugnance pour le commissariat de police où tout semblait plus dur, plus grave, et plus pathétique aussi. Quittant du regard ce pauvre garçon qui se donnait en spectacle comme son frère pouvait le faire, elle reposa ses grands yeux noirs sur son cadet qui reprit la parole avec le même ton implacable. Ses iris sombres trahissaient toute la déception qu’elle éprouvait en repensant à l’avenir brillant qui aurait pu attendre Damon qui au lieu de ça avait décidé d’abandonner. Ses paroles eurent l’effet d’une détonation et enflammèrent la colère d’Ashandra qui ne supporta pas de se voir ainsi accusée. De quel droit retournait-il l’accusation ? Qu’avait-il fait pour oser la blâmer elle de cette situation ? Le regardant passer à côté d’elle, le souffle coupée par cette remarque acerbe, Ashandra rassemblait ses forces pour répliquer. Garder le silence comme elle l’aurait habituellement fait, être faible et endurer cette rancœur et cette colère qu’il lui jetait en pleine figure c’était accepter que ce qu’il disait était vrai. « Parce que tu crois que je t’oublie ? » Sortant enfin de la cellule pour suivre les traces de son frère qui marchait d’un pas ankylosé devant elle, sa voix n’était pas assez forte pour que tout le commissariat l’entende, mais son ton était ferme, presque incendiaire, et pour la première fois elle sentait le flot de rage qui l’habitait silencieusement se déverser. « Tu crois vraiment que je peux t’oublier alors que tous les soirs je dois aller te récupérer dans un bar ou ici ? Tu crois que je peux oublier que mon propre frère est en train de... de... de foutre sa vie en l’air ? » Le regard étonné de la jeune femme qui rangeait le carton vide à présent la fit rougir de sa vulgarité passagère, mais elle avait tellement envie de jurer encore, de laisser libre cours à toutes les choses qu’elle pensait pour noyer le chagrin qui refaisait surface. L'ironie et l'amertume de ses paroles étaient aussi inhabituelles que violentes. « Tu ne me demandes rien ? Tu aurais voulu que je disparaisse, que je te laisse couler tout seul ? Ou alors tu préfères qu’on coule tous ensemble, avec maman, ce serait tellement plus facile de nous apitoyer sur notre sort tu as raison... » Le jeune homme tenait son téléphone portable entre ses mains et semblait y chercher le numéro de quelqu’un de manière presque avide. Ses doigts tremblaient et toute son attention était ailleurs, il ne semblait pas vraiment l’écouter, et il continuait à lui tourner le dos alors qu’elle essayait désespérément d’attirer son attention, de faire entendre sa voix et sa colère.

Après une seconde de silence Ashandra finit par pousser l’épaule de son frère pour lui arracher le téléphone des mains. Elle le serra de toutes ses forces dans son petit poing en lui lançant un regard de défi alors qu'il la regardait de haut. Depuis quand avait-elle peur de sa force ? Reculant de quelques pas elle cacha le téléphone dans son dos, les deux mains derrière elle, de peur que dans un élan de violence il se saisisse de son poignet pour reprendre l’objet sur lequel reposaient tous ses espoirs. Sans même un regard sur l’écran elle savait qui il voulait appeler. Candice. Pourquoi elle ? Pourquoi fallait-il qu’il aille chercher du soutien auprès de cette blonde qui avait de toute évidence une très mauvaise influence sur lui ? Pourquoi l’avait-elle remplacée dans son cœur ? « Maintenant je veux que tu m’écoutes Damon ! Je veux que tu m’écoutes ! Tu n’es pas seul... alors pourquoi tu me rejettes ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Qu’est-ce... » Sa voix se perdit dans un sanglot qui la surprit elle-même, sentant une larme rouler sur sa joue, sa poitrine fut envahie par une profonde douleur qui la paralysa, mais elle se ravisa immédiatement, passant une main pour effacer cette trace de sa faiblesse passagère, incapable encore de rouvrir la bouche.
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyLun 23 Jan - 16:53

Candice, Candice, Candice... C'était le seul et unique mot que Damon avait en tête. Ses doigts glissaient fébrilement sur son téléphone portable, mais son regard flou l'empêchait d'utiliser l'appareil correctement. Il avait besoin de Candice plus que d'alcool en ce moment même, et c'était peu dire. Sa meilleure, et seule vraie amie, lui manquait tellement qu'il sentait son souffle s’accélérer face à la panique qu'il ressentait. Il savait que dès qu'il entendrait le son de sa voix, tout irait mieux. Le poids des reproches que lui faisait sa sœur lui paraitrait moins lourd, et la solitude ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Mais pour cela, il devait réussir à trouver le nom de Candice dans son répertoire. Une fois de plus, il se reprocha de ne pas avoir mis le numéro de la jolie blonde en raccourci.

Derrière lui, Ashandra était une nouvelle fois partie dans une de ses célèbres tirades dans laquelle il devait très certainement passer pour le vilain de l'histoire, le garçon pathétique qui ne semblait vouloir que la déchéance de la famille Moon. Mais Damon s'en fichait. Il se moquait bien des belles paroles et des jolis mots d'Ashandra qui, depuis son retour, agissait comme la petite snob arriviste qu'elle n'était pourtant pas. Mais surtout, il se fichait de cette sœur moralisatrice qui ne savait rien faire d'autre que de venir montrer son dégout au commissariat ou aux bars de la ville. Qu'elle retourne à Des Moines et qu'elle y reste une bonne fois pour toute, mais surtout qu'elle le laisse vivre sa vie en paix, comme il le désirait. Il était majeur et tout à fait capable de prendre ses propres décisions. Cependant, il semblerait que sa sœur ait oublié son âge en plus des autres choses depuis qu'elle était devenue la reine des études supérieures.
Ashandra avait cette mémoire sélective que Damon lui enviait presque. Sa sœur savait se souvenir de ce qui l'arrangeait, mais avait également cette faculté d'enfouir dans un coin retranché de son esprit les détails qui ne la satisfaisaient pas. Comme par exemple l'égoïsme dont elle avait fait preuve ces dernières années. Toutes les personnes de leur entourage la plaignaient elle, la pauvre Ashandra et ses grands yeux tristes. La courageuse jeune fille qui était revenue se terrer à Lima pour aider sa mère à élever ce frère devenu trop instable et ingérable. La grande Ashandra, si parfaite, si douce, si gentille, qui se sacrifiait pour ce garçon raté. Sa sœur aurait pu faire du cinéma tant ses talents d'actrice trompaient tout le monde. Damon la connaissait mieux que quiconque. Il pouvait se targuer de pouvoir lire parfaitement derrière cette mine défaite et ce désespoir impeccablement feint. Ashandra se fichait bien de lui et de ses problèmes. La seule raison pour laquelle elle feignait de s'intéresser à lui était la honte que son comportement lui inspirait. Il avait essayé, maintes et maintes fois depuis le retour de la fille prodige au bercail, mais rien. Il n'avait jamais perçu aucune lueur positive dans les yeux de sa sœur à son encontre. Pas une seule fois. Alors il avait décidé de laisser tomber. Tout comme il avait cesser de croire qu'un jour sa mère irait mieux. Comme il avait perdu espoir en un avenir pour lui-même. Plus rien n'avait vraiment d'importance à présent. Mis à part Candice et l'alcool qui lui faisaient oublier la souffrance, peu lui importait tout le reste.

Candice... Laissant échapper un soupir rassuré, Damon enfonça la touche d'appel. Mais avant qu'il n'eut le temps de porter l'appareil à son oreille, une main venue de nulle part s'en empara. Un instant interdit, il fixa ses mains vides tout en clignant des yeux. Soudain, une violente vague de colère s'empara de lui, le rendant tremblant de rage comme il l'avait très peu été auparavant. Se retournant brusquement, il fit face à Ashandra qui le fixait de cette détermination farouche qu'il lui avait jadis envié mais qui, maintenant, lui donnait juste envie de hurler. Ne comprenait-elle pas qu'en l'empêchant de faire dont il avait réellement besoin elle le forçait à s'enfoncer un peu plus dans les méandres de cette vie qu'elle haïssait ? Elle qui était si intelligente devrait pourtant savoir que de le priver de ce coup de téléphone à la seule personne qui le comprenait ne ferait qu'aggraver la situation. Il fit un pas vers elle, bien décidé à reprendre son bien le plus précieux en cet instant précis. Mais tandis qu'il ouvrait la bouche pour sommer sa sœur de lui rendre son téléphone, Ashandra le devança, sa voix se brisant au milieu de sa phrase. Une larme orpheline glissa le long de sa jour et le cœur de Damon se serra malgré lui. Certes il détestait sa sœur bien plus qu'il ne haïssait d'importe qui d'autre, mais il l'aimait tout autant, et la voir ainsi lui donnait presque envie de la prendre dans ses bras. Pourtant, il ravala l'ancien Damon, celui qui aurait vite succombé à la tristesse de sa sœur, et lâcha à la place un rire sarcastique qui sembla résonner dans le commissariat à présent silencieux.

« Ne tente pas de m'avoir avec tes larmes, Ashandra. Ta technique ne marche plus avec moi depuis bien longtemps. A dire vrai, chère sœur, rien de me touche plus en ce qui te concerne depuis le jour où je me suis réveillé seul dans ma chambre d'hôpital. Seul, Ashandra. Tu veux savoir pourquoi je te rejette ? Pourquoi je ne te parle plus, et pourquoi tu me dégoûtes autant que je te dégoûtes ? »
Damon savait qu'il allait trop loin. Il avait conscience qu'il allait probablement regretter ses paroles lorsqu'il se réveillerait sobre le lendemain matin. Mais il ne pouvait plus s'arrêter. La coupe était pleine, et il ne parvenait plus à stopper le flux de paroles venimeuses qui s'échappaient de sa bouche. Toute cette colère, toute cette déception qu'il avait enfoui en lui pendant tout ce temps, il n'arrivait plus à les contenir. Alors peut-être qu'il allait blesser Ashandra. Peut-être qu'il était sur le point de détruire à jamais le lien qui les unissait. Mais il ne pouvait plus faire marche arrière. Il fit un pas vers elle, son regard ancré dans le sien, et reprit d'une voix sourde. « Tu n'es qu'une sale égoïste, Ashandra. Tu m'as laissé seul avec maman, sans donner aucune nouvelle, sans même me dire où tu partais. Tu nous as abandonnés, tu nous as laissés derrière toi comme si nous n'étions rien d'autre que des boulets à tes chevilles. Alors oui, Ashandra, je t'en veux. Et tu n'as pas idée de combien je t'en veux. Tu es partie vivre ta vie, pendant que maman et moi nous luttions pour nous en sortir. Tu ne m'as jamais vu jouer. Tu n'as jamais vu maman réussir à tenir une journée sans pleurer ni prendre ses médicaments. Tout ça, Ashandra, tu l'as manqué. Comme tu as manqué mon accident, et les mois qui ont suivi. J'ai failli mourir, tu sais ? Lorsque je suis revenu à moi, j'étais seul. Maman ne pouvait pas se déplacer, et toi... Nous ne faisions plus partie de tes préoccupations, n'est-ce pas ? Tu n'étais pas là pour maman, tu n'étais pas là pour moi. J'étais tout seul quand ils m'ont annoncé que je n'avais plus aucune chance de jouer. Que ma vie était finie. Et maintenant, sous prétexte que tu es revenue à Lima, histoire de passer pour la gentille fille, après toutes ces années de silence, tu crois que je devrais te pardonner et faire comme bon te semble ? Désolé, Ashandra, mais ce n'est pas comme ça que ça marche. Que ce que je fais de ma vie te plaise ou non, je m'en fiche. Alors va te faire foutre, Ashandra, et rends moi mon téléphone. Et par pitié, laisse-moi tranquille. »
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyJeu 9 Fév - 20:46

S’accrochant au téléphone portable confisqué comme à sa propre vie, Ashandra essuya les larmes naissantes qui menaçaient de rouler sur ses joues de son autre main. Honteuse d’avoir cédé à la tentation du chagrin elle était en colère contre elle-même. Elle ne voulait pas pleurer devant Damon. Elle devait être forte pour lui. Elle était sa grande sœur malgré tout ce qui avait pu arriver, malgré la piètre figure d’aînée qu’elle offrait. Reniflant pour ravaler toutes ces émotions qui débordaient sans ordre, elle recula d’un pas pour jeter un rapide coup d’œil en direction des policiers de garde et s’éloigner de Damon et de ses réactions physiques. Comme elle détestait se donner en spectacle de la sorte. Quoi qu’elle puisse faire, pour eux elle serait toujours la pauvre petite perdue, menée par le bout du nez par son délinquant de son frère. Les regards accusateurs qu’ils portaient sur Damon ne semblaient même pas l’atteindre tant il était absorbé par son téléphone et toutes les substances qu’il avait pu ingérer. Se tenant là, chancelant au milieu des uniformes, il n’avait pas la moindre considération pour ce qui pouvait l’entourer. C’était lui qui était en tort et pourtant c’était elle qui subissait tous ces regards. Elle avait l’impression de se retrouver entourée de centaines de paires d’yeux fixés sur elle, détaillant chaque partie de son corps exposé à la critique, à l’affût du moindre battement de cil qui trahirait ses pensées, ils avaient accès au moindre détail de sa vie, ils étaient l’autorité morale dont elle portait le joug malgré elle. C’était encore bien pire lorsque Billie Jean Applebee, sa camarade de chorale, était en service... La jolie rousse incarnait l’évanouissement de son dernier refuge dans l’absurde de cette double vie qu’elle était contrainte de mener quand elle lui jetait de petits regards en coin comme la jeune femme brune assise derrière le comptoir. Elle aurait voulu lui renvoyer un regard furieux mais tout ce qu’elle fut capable de faire fut de baisser les yeux une fois de plus. Pinçant les lèvres en attendant la réaction de son petit frère, celle-ci ne se fit pas attendre. Il se mit à rire et à parler plus fort que tous les autres, la forçant à se replier sur elle-même en dépit de toute la volonté qu’elle mettait à se tenir droite. Ses mots étaient pires que des coups. Le ton méprisant et amer sur lequel ils étaient prononcés, plus tranchant qu’une lame de rasoir. Les larmes dont elle avait déjà eu honte étaient devenues insupportables, elle s’en voulait terriblement de ne pas avoir su encaisser. La moindre erreur était fatale dans leur relation, elle le savait et pourtant tout allait toujours de travers. Elle ne savait pas comment parler à ce nouveau Damon, comment retrouver le chemin vers son cœur pour s’y faire une petite place. Plus elle voulait se rapprocher de lui, plus il creusait l’écart, forçant parfois le trait pour la blesser et l’obliger à se retirer hors de sa vie privée. La simple évocation de sa chambre d’hôpital provoqua un tremblement incontrôlé de sa main crispé sur l’appareil. Alors il était fini le temps des non-dits... Elle allait devoir affronter tout ce qu’il avait à lui dire comme une grande.

Sonnée par le premier souffle de son frère, la jeune femme n’arrivait pas à réaliser ce qu’il venait de lui dire. Ses oreilles bourdonnaient et la scène semblait tout à coup marquée d’un flou troublant. Le sang qui battait dans ses tempes couvrait tout autre bruit de fond. Elle ne s’inquiétait plus de la réactions des autres, elle était seule avec Damon à présent dans cette bulle de haine qu’il avait réussi à créer; il venait de la mettre à nu, d’exposer sa plus grande honte, sa plus grande faiblesse. Il l’avait rejetée. Pour de bon. Dégoûté. Sa gorge sèche ne pouvait émettre aucun bruit, impossible de déglutir. Trop abasourdie pour se lancer dans une longue tirade de justifications qui sonneraient faux et malhonnêtes, elle restait là, bouche bée comme une idiote, sentant une partie de son cœur se déchirer en silence, arrachée par le seul être qui lui soit encore cher dans ce qui ressemblait à une famille à Lima. Le plus cruel était sans doute le ricanement qui avait précédé toute cette tirade. Son ton si posé. Il pensait chaque mot et sans doute bien plus. Le fixant d’un air hagard elle cherchait ses prunelles dans l’espoir d’y lire de la peine ou des regrets. Un signe de remords. N’importe quoi. N’importe quoi qui lui montre qu’il était allé trop loin. Mais elle ne voyait rien. Rien que des pupilles dilatées par la colère ou la drogue. Plus près de lui elle continuait à le dévisager en quête de ce signe, de ce froncement de bouche, de cette ride de souci, de ce tic nerveux qui montrerait qu’elle ne l’avait pas perdu pour toujours. Mais en lieu et place de signe, elle eut droit à un second seau d’eau glaciale jetée en pleine figure. “Égoïste”. Elle le savait sans vouloir se l’avouer tout à fait, elle se donnait bonne conscience, elle espérait que son retour arrangerait les choses, mais il l’avait percée à jour. Le mot siffla dans l’air comme un coup de fouet qu’elle reçut en plein visage. Elle n’avait plus du tout envie de pleurer maintenant. Elle était folle de rage. Folle de rage contre lui et contre cette vérité qu’elle n’était pas prête à entendre. Qui était-il pour oser la juger ? Qui était-il pour lui jeter à la figure ses erreurs passées ? Qu’avait-il fait pour elle pour exiger qu’elle se plie à ses moindres doléances ? Rien ! Rien ! Non il n’avait jamais rien fait pour elle et pourtant elle se débattait seul avec tous les problèmes qu’il lui apportait. Elle avait eu besoin de lui au lycée, elle avait secrètement espéré qu’il remarque ses ennuis avec les Cheerios et les autres sportifs mais quand il avait réalisé et qu’elle avait fini par avouer, rien n’avait changé. Il était peut-être trop tard, ou il n’avait pas assez d’influence. Peut-être même qu’il n’avait rien fait. Comment osait-il la traiter d’égoïste alors qu’elle avait toujours accepté la seconde place pour lui ? Serrant un peu plus le téléphone de ce monstre qu’elle ne reconnaissait plus, elle attendit qu’il ait fini de lui cracher tout son venin puis le dévisagea de l’air le plus hautain qui s’était jamais vu sur son visage d’ordinaire si doux. Elle avait l’air si paisible et pourtant il venait de déchaîner en elle des sentiments encore inconnus. «Je te dégoûte ?» Affichant un large sourire qui n’avait rien d’amical, elle se rapprocha à son tour du jeune homme, levant la tête pour essayer de se maintenir à sa hauteur, plantant son regard dans lequel on pouvait lire cette folie naissante dans le sien. «Je te dégoûte parce que j’ai eu le malheur de penser à moi pour une fois ?» Elle aurait voulu lui rire au nez comme il l’avait fait mais elle en était incapable, bien trop en colère pour que ses poumons acceptent autant d’air en une seule fois. «Tu t’es réveillé seul ? Tu as vu maman pleurer ? Je ne suis pas venue voir ton premier match en tant que professionnel ? C’est pour ça que je te dégoûte ?» Le souffle court elle n’arrivait pas à parler d’une traite et cette infériorité qu’elle ressentait vis à vis de Damon était encore plus insupportable. «Mais j’ai une vie ! J’ai une vie à moi et j’ai le droit de la vivre ! Et je n’ai jamais eu le droit de la vivre quand tu étais là Damon. Qui devait être à la maison en première pour tenir compagnie à maman et s’occuper de la maison ? Qui a du prendre un travail en plus des cours au lycée pour qu’on puisse faire comme si on était comme les autres familles du quartier ? Pour que tu puisses aller parader avec tes amis, jouer au football, aller à l’université ? Bien sûr que je l’ai fait pour toi ! Je pensais que j’étais faite pour ça, que c’était ma mission, que je devais t’aider mais...» Sa voix plus grave que d’habitude était à peine audible, murmurée si près de son oreille pour que personne d’autre ne l’entende. «Mais c’était une erreur.» Reculant de quelques pas elle ramassa le sac à main qu’elle avait fait tomber quelques minutes plus tôt. «Tu peux penser ce que tu veux de moi Damon, je sais que j’ai été égoïste en partant à Des Moines, mais quel droit tu as de me dire ça ? Qu’est-ce que tu as fait pour moi ? Qu’est-ce que je te dois ? Je pensais que ma famille serait là pour moi jusqu’à mon dernier jour mais regarde... Papa est en prison ou Dieu sait où, Maman ne s’occupe même plus de nous, et toi... Ha ! Tu as failli mourir ? Tu étais seul ? Et où étaient tous tes amis, tous ceux qui s’occupent si bien de toi à ma place maintenant ? Il fallait que ce soit moi à tout prix ? Tu cherches juste quelqu’un à qui t’en prendre, quelqu’un comme moi qui soit assez bête pour accepter de porter toute la culpabilité en baissant les yeux.» Sentant la douleur du téléphone s’enfoncer dans ses muscles tendus, elle lui jeta au visage de toutes ses forces puis se mit à crier enfin. «Mais c’est fini ! Je ne te laisse pas Damon, oh non ce serait trop facile. Tu n’auras pas la satisfaction de dire à tout le monde comment ton horrible sœur est un monstre et comment elle te laisse couler seul pendant qu’elle mène la belle vie. Non je vais continuer à venir te chercher quand on m’appellera parce que tu es trop soûl pour marcher et que tu n’as pas d’ami pour te ramener chez lui. Mais n’espère pas que je revienne vers toi en me traînant dans la boue et en implorant ton pardon. Parce que j’ai le droit de vivre et que je n’ai pas à aller mal parce que tu vas mal.»
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyDim 19 Fév - 17:53

La vie était injuste, et Damon était bien placé pour le savoir. L'emprisonnement de leur père, la dépression sans fin de leur mère, son accident, tout cela n'avait qu'une succession sans fin d'évènements insurmontables, de catastrophes tristement réelles. Le départ d'Ashandra avait pourtant été ce qui l'avait le plus affecté. Damon avait toujours pensé, à tord, que malgré les épreuves, malgré la dureté de leur vie, Ashandra et lui seraient toujours là l'un pour l'autre. Le frère et la sœur, seuls contre l'adversité de leur propre vie, soudés, unis face aux problèmes. Ashandra, sa douce, imperturbable sœur, son roc, son rayon de soleil, celle qui était toujours là pour lui, celle qui lui permettait de penser qu'il y avait toujours un espoir de bonheur pour lui, pour eux. Malgré ce qu'elle semblait penser dur comme fer, Damon avait toujours tenter de la protéger de ce qui leur arrivait. Il avait tu certains éléments de l'enquête dont son père avait été l'acteur principal, des mots qu'il avait glané ça et là et qui, il le savait, auraient détruit sa sœur plus qu'ils ne l'auraient aidée à faire son deuil. Il avait retourné le lycée lorsqu'il avait appris les brimades que subissait Ashandra, avait menacé Santana Lopez et toute sa clique, chaque jour, sans arrêt, bien que sa popularité tout juste naissante n'avait pas suffi à réellement changer les choses. Il avait arrêté de compter le nombre de fois où il avait laisser Ashandra dormir tandis qu'il berçait sa mère ou qu'il lui donnait une nouvelle dose de médicaments. Sa boite de céréales préférées qu'il rajoutait en douce dans le placard, ses tentatives souvent ratées de repassage combattant le moindre faux pli sur les longues jupes de sa sœur, les heures passées dans le bureau de Mademoiselle Pillsbury dans l'espoir de sauver Ashandra de l'enfer qu'elle vivait au sein de McKinley. Toutes ces petites choses, certes dérisoires comparées à ce que faisait Ashandra pour sa famille, il les avait réaliser dans le but d'alléger le quotidien de sa sœur, pour tenter de faire disparaître cette lueur de souffrance qu'il pouvait trop souvent lire dans ses yeux apeurés.
Alors oui, Damon n'avait pas pris de travail d'appoint, il n'avait presque jamais préparé le diner, et il avait été à l'université alors que sa sœur n'avait pas eu cette chance. Mais devait-on le blâmer d'avoir réussi à obtenir une bourse, payant ainsi pratiquement toutes les dépenses universitaires, lui permettant de réaliser ses rêves ? Certes, il avait pensé à lui et était parti pour la fac. Mais jamais il n'avait abandonné les siens. Même après le départ d'Ashandra, quand sa journée de cours, alourdie par un entrainement intensif de football de plusieurs heures dans le froid mordant, lui pesait sur les épaules, l'obligeant à littéralement se traîner pour pouvoir se déplacer, il se rendait dans ce petit fast food et vendait des hamburgers, des frites et des sundays fraise à des gens de son âge qui n'avaient pas une mère dépressive dont il fallait s'occuper. Voilà ce qui s'était passé quand Ashandra les avait quitté sans même un regard en arrière ni un au-revoir. Il avait dû faire face à tout. Fini le temps où Ashandra et lui se partageaient les tâches en silence. Fini le temps des sorties le weekend, du temps libre et des heures de sommeil. Il était resté prostré durant plusieurs jours, assis sur le lit d'Ashandra, les yeux fixés sur les placards à présent vide, une douleur sourde, insidieuse lui comprimant la poitrine, incapable de bouger. Les yeux secs d'avoir trop pleuré, et après avoir manqué trois jours de cours et d'entrainements, il avait respiré un bon coup et mis la douleur et la déception de côté. Il n'avait pas eu le choix, il ne pouvait pas se laisser aller, s'apitoyer sur son sort et attendre qu'Ashandra ne revienne. Il avait alors cherché du travail. Il avait appris à cuisiner des plats simples, s'était fait des fiches pour un peu tout : le ménage, les machines à laver, les factures à payer, les rendez-vous chez les différents médecins de sa mère. Il avait dû apprendre à enchaîner la fac, le football, le boulot et les crises de sa mère. Adieu les sorties et les passe-temps. Adieu les vraies nuits de sommeil. Il avait su faire face, avec difficulté et souvent même avec quelques échecs, mais il avait réussi à créer un semblant de sérénité dans ce quotidien difficile. Et tous les soirs, sans exception, il avait prié pour que sa sœur revienne. Mais ce n'était jamais arrivé.

Damon croisa les bras et laissa sa sœur tenter de se défendre. Mais peut importait ce qu'elle pouvait dire, elle ne l'atteindrait plus. Il avait cessé de porter de l'importance à ce que sa sœur pensait de lui, il avait arrêté de se sentir coupable. C'était son tour à elle, d'assumer ses actes, de prendre conscience de combien son départ les avait affectés. C'était trop facile de tout lui mettre sur le dos, de se servir de ce qu'il était devenu pour justifier ses propres actes. Damon connaissait ses erreurs, il savait où il avait eu tord, où il aurait dû choisir une autre voie. Mais comment Ashandra pouvait-elle lui en vouloir de son état, alors qu'elle était l'une des raisons pour laquelle il se trouvait dans cette situation ? Le football était devenu sa seule et unique échappatoire après le départ de sa sœur, mais maintenant, il ne lui restait plus rien. Rien d'autre qu'une jambe qui le faisait souffrir et une tête remplie de souvenirs douloureux qu'il tentait d'oublier avec l'alcool et les drogues. Le temps avait passé et avait emporté avec lui les derniers espoirs de Damon. Il n'était plus rien, juste l'ombre de lui-même, et rien ni personne ne pourrait changer cela. Et certainement pas sa sœur, celle qui avait fui la réalité, celle qu'il pensait toujours avoir à ses côtés mais qui n'avait pas su y rester. Celle qui ne semblait pas prendre conscience de la portée de ses actes, de la réalité de la vie. Celle pour laquelle il n'éprouvait que de la haine. Et plus le monologue d'Ashandra avançait, plus la déception qu'il ressentait envers sa sœur disparaissait au profit d'une colère froide, le laissant vide de toute émotion et étrangement calme et soulagé. Tandis que sa sœur crachait son venin, cherchant probablement à le faire réagir, à le faire souffrir comme il venait de le faire, il sentit son corps se détendre. C'était fini. Il avait cessé de s'en vouloir, de croire que le départ d'Ashandra était de sa faute. Mais surtout, il avait enfin arrêté de vouloir retrouver sa sœur. Il ne voulait plus d'elle, il ne voulait pas de son aide, ni de sa pitié, ni même de cette complicité qui avait été la leur. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec Ashandra. Et cette constatation le soulageait bien plus qu'il ne l'aurait cru.

Il laissa le téléphone s'écraser contre le sol froid du commissariat et écouta Ashandra asséner la fin de son monologue rageur. Sa sœur semblait pleine de colère, et ni les larmes s'écoulant à présent sans retenue sur ses joues, ni même la détresse perceptible dans ses yeux trop rouges ne touchaient Damon. Un sourire étira alors les lèvres du jeunes homme. Il se pencha pour ramasser son téléphone et, après s'être assuré de son bon fonctionnement, alla directement dans son répertoire avant de supprimer le numéro de sa sœur. Il savait que ce geste ne servirait probablement à rien puisque tous les établissements de la ville semblaient connaître le numéro d'Ashandra par cœur, mais il se sentit encore plus léger en appuyant sur la touche de confirmation. Il plongea ensuite son regard apaisé dans celui furibond de sa sœur avant de murmurer : « Tu as fini ? Parce que j'ai des choses à faire, des gens à voir... Des gens qui, malgré ce que tu sembles penser, ont plus d'importance que toi, Ashandra. » Il sourit de nouveau à sa sœur et se dirigea vers la sortie. « Oh, juste une chose. » ajouta-t-il en se retournant une dernière fois « Tu devrais faire un travail sur toi même avant de te permettre de juger les autres. Et je n'ai pas besoin de toi, mais si tu n'as rien d'autre à faire de ta vie, et si venir me chercher peut te permettre de te sentir un peu moins coupable, je t'en prie. Après tout, ta voiture est bien plus confortable que la banquette du commissariat. » Il reprit son chemin vers la sortie et quitta les lieux, sans se retourner une seule fois, laissant Ashandra derrière lui. Comme elle l'avait si facilement fait quelques années auparavant.
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MessageSujet: Re: 01. Don't try to stop me   01. Don't try to stop me EmptyLun 20 Fév - 20:56

Qu’est-ce qui était le plus perturbant ? De voir les yeux écarquillés des agents en service plantés là, silencieux, comme s’ils étaient en train de regarder un soap opéra dans le fond de leur canapé, ou bien de voir le sourire de Damon s’étendre sur ses lèvres à mesure qu’elle lui parlait ? Elle avait crié après lui pour la première fois depuis une éternité. Depuis toujours peut-être. Elle n’arrivait plus à se souvenir des jours heureux qu’ils avaient vécus ensemble à cet instant, peu important les efforts qu’elle y mettait. Des jours où elle venait se blottir entre ses bras dans le canapé le soir pour rire devant un film et oublier un peu la journée difficile qu’ils avaient eu à endurer. Des jours où ils partaient rien que tous les deux pique-niquer dans le parc et qu’elle le regardait jouer au football avec les enfants du quartier, à l’écart des autres lycéens. Des jours où elle lui expliquait tout ce qui s’était passé au club de chasteté assise sur son lit pendant qu’il essayait de faire ses devoirs et qu’il lui lançait ses crayons pour la faire taire. Ce petit frère là lui manquait terriblement. Et le silence qui régnait à présent dans le vieux pavillon de banlieue était insoutenable à tel point qu’elle avait un temps songé à demander une chambre dans la résidence de Columbus. Mais ça aurait été fuir à nouveau, elle le savait. Et jamais plus elle ne se laisserait dépasser par les événements comme elle l’avait été après son été au Mexique. Arturo l’aurait sûrement blâmée s’il avait su ce qui s’était tramé. Il lui aurait démontré par a plus b qu’elle valait mieux que ça et que son frère avait besoin d’elle, qu’elle était capable de tenir bon pour lui et pour tous les jeunes qui avaient besoin d’elle. Mais à cette époque elle n’avait pas su faire face à ses sentiments et n’avait jamais tenté de le contacter. Le premier homme à qui elle avait accordé sa confiance en dehors de ses frères après ce qu’elle appelait toute seule “l’incident” Des Moines. Elle n’avait parlé de lui à personne en dehors de Cassandra, et encore, en des termes très édulcorés par rapport au gouffre d’émotions inconnues qui avait élu domicile dans sa poitrine cet été-là. Si Dieu devait un jour la confronter à ses péchés, ce serait sûrement ses mensonges qui ressortiraient en premier. Elle ne mentait jamais vraiment, elle se contentait d’éluder les questions, de répondre à côté, de tout garder pour elle. Et malgré la violence avec laquelle elle venait d’essayer de rejeter Damon, elle aurait voulu qu’il lui fasse une place à ses côtés. Elle aurait voulu qu’il pleure aussi, qu’il crie, qu’il s’en prenne à elle, qu’il lui montre de l’intérêt, qu’il... Mais rien. Parfois elle poussait la porte de sa chambre du bout des doigts pour regarder discrètement s’il dormait ou s’il était tout simplement absent. Dans des élans de témérité elle entrait et fouillait un peu parmi les papiers dispersés sur son bureau, s’asseyait sur sa chaise en général encombrée et respirait son odeur. Ils n’avaient plus de grande discussion, ne riaient plus ensemble, ils ne partageaient plus rien. Elle savait au fond d’elle-même que tout ceci était de sa faute, qu’il avait raison de la traiter d’égoïste, mais cette fois-ci la jeune fille refusait d’assumer toute la responsabilité seule, de courber le dos et d’encaisser les coups. Mais son sourire suffit à briser toute sa volonté de résistance. Quelque chose venait de se rompre pour de bon entre eux. Le dernier lambeau de tout cet amour qu’ils avaient pu se porter venait de partir en fumée quand il chercha quelque chose dans son téléphone sans lui adresser un regard. Elle avait l’impression d’être assise seule dans sa chambre vide, sans décoration, sans vie, où seuls les draps froissés étaient témoins de la présence de vie. Seule son odeur lui tenait compagnie, et il empestait l’alcool et dieu savait quoi d’autre. Elle aurait voulu être révulsée et plisser le nez en tournant les talons d’un air princier, mais s’il lui avait demandé elle aurait vendu son âme pour lui à cet instant.

Elle s’en voulait tellement. Tant d’erreurs, tant de réflexions injustes. Elle aurait voulu ne jamais lui avoir adressé ces mots cruels. Elle aurait voulu être là à son réveil à l’hôpital. Son petit frère. Son seul petit frère. La seule personne qui avait encore vraiment besoin d’elle. Cette personne là n’existait plus et les larmes avaient immédiatement cessé de couler en entendant le ton désintéressé de sa voix. Elle n’était pas importante pour lui. Les “gens” étaient plus important pour lui. Tout ce qu’elle essayait de faire n’était que du vent. Pire, elle aggravait sûrement la situation et toute la morale qu’elle voulait lui inculquer était sûrement un coup d’épée dans l’eau ou pire encore. Son visage trahissait son désappointement, c’était à peine si l’étudiante savait encore comment elle s’appelait et comment elle allait rentrer chez elle une fois que tout serait fini. Mais tout était fini. Il n’aurait pas voulu de son sang s’il avait fallu qu’elle se saigne aux quatre veines pour lui. Cette facilité avec laquelle il s’éloignait d’elle, sans un regard, elle n’était pas aveugle. Elle savait bien au fond d’elle-même que c’était sa manière à lui de lui renvoyer l’ascenseur. Il lui faisait payer ce départ inattendu au centuple, en lui montrant que rien de ce qu’elle avait pu faire ou pourrait faire encore ne compterait. Jamais il ne lui pardonnerait ce qu’elle avait fait trois ans plus tôt. Ou bien il s’en moquerait juste, comme il était en train de se moquer de ses yeux qui le dévoraient et l’imploraient de rester, de la prendre dans ses bras, de lui dire qu’elle avait eu tort mais qu’il était prêt à recommencer. Pourquoi est-ce que la vie n’était pas comme ces jeux vidéos auxquels ses élèves adoraient jouer jusqu’à tard dans la nuit plutôt que de faire leurs devoirs d’anglais. Elle aurait tant aimé pouvoir mettre tout sur pause et recommencer le niveau précédent que c’en était ridicule. Elle aurait voulu le détester. Ou bien se détacher de lui comme lui parvenait à le faire. Mais elle était bien moins forte qu’elle ne voulait lui faire croire. Et s’il avait décidé de lui tourner le dos que pouvait-elle bien y faire ? En entendant la porte à battants du commissariat revenir à sa place, elle réalisa que tout était fini et qu’il l’avait laissée seule avec sa honte et son désespoir. Serrant l’anse de son sac dans le creux de sa main, elle baissa la tête pour éviter de croiser tous les regards posés sur elle, avides de savoir quelle serait sa réaction. Il était hors de question de leur offrir un rappel à ce spectacle pathétique qu’elle venait de leur offrir. «Merci d’avoir appelé...» se contenta-t-elle de souffler avant de prendre ses jambes à son cou en marchant le plus vite possible vers le parking. Son souffle chaud faisait de la fumée dans le froid du soir mais elle ne le voyait plus. Il n’était pas appuyé contre sa voiture à l’attendre. Elle n’arrivait même pas à distinguer sa silhouette dans le noir. «Damon ?» appela-t-elle doucement, comme s’il allait surgir derrière elle. Elle tressauta lorsqu’une silhouette se profila derrière elle, mais ce n’était pas Damon. La petite secrétaire brune lui tendit la boîte contenant le reste des effets personnels de son frère avec un sourire embarrassé qui fit rougir Ashandra. «On ne peut pas les garder jusqu’à sa prochaine visite vous comprenez...» Réprimant un éclat de rire amer, l’afro-américaine grimaça pour esquisser un sourire. Se rendait-elle même compte de ce à quoi elle venait de condamner son frère avec une phrase pareille ? Est-ce qu’il n’y avait personne pour croire un peu en lui dans cette ville ? Attrapant la boîte fermement après avoir mis son sac sur son épaule elle avait envie de lui dire qu’il n’y aurait pas de prochaine fois parce que son frère allait s’en sortir, mais de tous ses mensonges celui-ci serait sans doute le plus gros. «Je suis désolée.» se contenta-t-elle de murmurer à son intention avant de tourner les talons pour de bons et de se glisser sur le siège avant de son vieux clou. Plaquant son front contre le volant froid, elle fit tourner la clef pour allumer le moteur, jeta un dernier coup d’œil autour d’elle pour tenter de repérer son frère et se résigna à rentrer seule. Elle espérait seulement qu’il ne rentrerait pas cette nuit, pour ne pas lui donner d’espoir.

[Rp clos]

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