Pensive, Brittany s’avança dans les couloirs du lycée qu’elle avait quitté quatre ans plus tôt. Les élèves étaient en cours, les lieux déserts, et les souvenirs apparaissaient derrière un casier, au coin des escaliers… Un sourire distrait étira les lèvres de la jeune femme. Elle enfonça les mains dans les poches de son trench et passa les salles de sciences pour rejoindre les bâtiments annexes. Les écouteurs de son iPhone enfoncés dans les oreilles, elle chantonnait distraitement les paroles d’une ballade parfaitement adaptée à son humeur nostalgique.

C’était la première fois qu’elle venait chercher sa petite sœur, Whitney, au lycée et elle avait été si enthousiaste et impatiente qu’elle était arrivée largement en avance – le fait qu’elle s’ennuyait chez elle jouait beaucoup, avouons-le. Elle avait plus d’une demi-heure à tuer avant que sa sœur ne sorte de cours. Une demi-heure à patienter avant la soirée shopping, dîner et cinéma entre filles.

Le soleil, étincelant depuis le début de l’après-midi, baignait le sol de flaques lumineuses et Brittany se retrouva naturellement à ressortir pour profiter de ses rayons. Le vent persistant ruinait quelque peu son plaisir mais elle avait enfilé un collant transparent sous sa jupe courte et ne se laissa pas intimider par quelques rafales. Elle longea le gymnase, devinant aux bruits en provenant que les cheerleaders étaient en plein entrainement. Elle aurait pu entrer mais ne voulait pas interrompre le cours. Peut-être aurait-elle l’occasion de saluer Quinn avant de partir.

Elle continua donc jusqu’au terrain de sport, prenant garde à ne pas se tordre une cheville en arpentant le terrain irrégulier avec ses escarpins. Elle pencha la tête et balaya du regard la pelouse. L’équipe de football ne semblait pas avoir entrainement… ou alors, peut-être à l’heure suivante ? En tout cas, elle ne pouvait voir que quelques garçons courant autour du terrain ou se faisant quelques passes. Pas de Coach, pas d’équipement complet.

Elle haussa les épaules. Apparemment, elle ne gênerait pas ici. Satisfaite, elle monta donc dans les gradins et s’installa au troisième rang. Elle y passa quelques minutes, alternant entre observer les nuages ou les lycéens. Elle fredonnait Paradise de Coldplay lorsque du mouvement dans son champ de vision attira son attention.

Un ballon de football américain venait d’atterrir non loin d’elle. Curieuse, elle en chercha la provenance et remarqua un grand brun s’avançant. Mignon, d’après ce qu’elle pouvait voir. Elle daigna faire l’effort de se lever et saisit le ballon à deux mains. Elle jongla distraitement avec avant de jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. A une époque, l’un de ses amants lui avait appris à tirer… Avec un sourire malicieux, chantonnant distraitement « Para-para-paradise » elle se mit en position et lança.

Le tir était à peine décentré sur la droite. Le footballeur put le réceptionner sans peine. Elle sourit avec satisfaction en autant l’un de ses écouteurs. « Eh, pas si mal. » constata-t-elle.

Brittany ne put retenir un sourire amusé en avisant la tenue – ou plutôt son absence – du lycéen qui lui faisait face. Une observation plus approfondie que le premier coup d’œil qu’elle lui avait porté révélait clairement les atouts physiques du jeune homme. Il y a quelques années de cela, elle en aurait volontiers fait son quatre heures, surtout de ces belles tablettes de chocolat, sans se faire prier. Ce jour-là, ça la faisait sourire d’autant plus largement qu’elle le voyait venir, et de loin. Elle avait beau être naïve sur bien des points, la séduction, elle connaissait et elle maitrisait. C’était flatteur ceci dit, on ne peut plus flatteur, qu’un lycéen s’intéresse elle. C’était aussi particulièrement amusant de se dire qu’à son âge, elle était tout aussi charmeuse lorsqu’un beau garçon de quelques années son aîné lui passait sous le nez.

« Jared, mh ? » répéta-t-elle, les yeux pétillants. Elle pencha la tête et choisit de ne pas saisir la perche qui lui était tendue. Elle tendit un index qu’elle posa sur le sternum du jeune homme, l’effleurant à peine. Il avait la peau douce et chaude mais elle le repoussa gentiment de son espace personnel. « Tu vas attraper froid Jared. Sam, m’en voudrait si un de ses joueurs attrapait la crève à cause de moi. »

Elle lui offrit un sourire en coin pour sa peine et se détourna sans lui donner son nom. Aussi mignon et séducteur soit-il, il n’arrivait pas au bon moment. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne sautait plus au coup de tous les sportifs qui lui passaient sous le nez. Peut-être cette habitude lui reviendra-t-elle un jour… mais probablement pas spontanément : elle avait beau être veuve depuis plus de six mois, elle n’était toujours pas d’humeur. Surtout pas pour un jeunot espérant l’obtenir avec juste un peu de chocolat dans le ventre.

Elle repoussa ses cheveux par-dessus son épaule et descendit une marche. Malheureusement, elle n’avait pas pris garde à là où elle mettait les pieds : dans une belle flaque d’eau. Il avait fallu qu’il pleuve cette nuit, que tout ne s’évapore pas, et qu’en plus cette vieille paire d’escarpins ne soit pas imperméable, hein ?! Elle jura et leva les yeux au ciel. Avec un soupir, elle s’appuya contre le dossier des chaises des gradins et retira sa chaussure. Le bout de son collant transparent était trempé. Elle roula des yeux. Pas moyen qu’elle continue à marcher dans ces conditions d’humidité en gardant sa dignité : elle détestait faire « Floc floc ». Elle reposa sa chaussure à terre : il lui faudrait attendre que cela sèche, voilà tout. Elle étala ses longues jambes sur les sièges qui l’entouraient et tira sur sa jupe courte pour ne pas y perdre son dernier soupçon d’élégance.

« Eh bien, tu es chanceux Jared… si même mes chaussures se liguent contre moi pour ruiner mon effet de sortie… » lança-t-elle avec humour en jetant un coup d’œil au garçon dont elle avait tenté de s’éloigner. Elle s’amusait de son propre ridicule. Le retour dans ces lieux lui donnait vraiment l’impression de revenir en arrière, avec les bons et les mauvais côtés des années lycée : flirt et amusement, ridicule et apparences. Enfin, honnêtement, après s’être pris des slushies au beau milieu des couloirs, le décolleté transparent sous le coup de l’humidité, le ridicule ne l’atteignait plus : il fallait frapper fort pour la mettre mal à l’aise de nos jours. C’était un avantage quand on y pense.