Choriste du mois


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 01. Good girl gone mad

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MessageSujet: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptySam 31 Déc - 2:30

Comme tous les dimanches, Ashandra était assise au troisième rang sur les bancs de l’église du pasteur Hamilton. Comme tous les dimanche elle s’était apprêtée du mieux qu’elle pouvait. Elle avait passé une petite robe d’un bleu pâle où l’on distinguait à peine un motif fleuri très discret et de petites bottines à talon. Ses yeux étaient eux aussi maquillés. Même si elle n’était pas très douée avec les nouveaux cosmétiques qu’elle était allée acheter avec Ruby quelques semaines plus tôt, elle faisait de plus en plus souvent l’effort de se maquiller. Pas parce qu’elle voulait séduire quelqu’un, mais simplement parce qu’elle avait remarqué que les petits détails changeaient souvent beaucoup de choses dans la vision que les autres avaient d’elle. Lorsqu’elle était habillée comme les autres filles de l’université, elle était bien moins remarquée que quand elle revêtait ses vieilles robes de l’époque du lycée. Elle avait gardé la plupart de ses affaires de l’époque, qui avaient fait le voyage avec elle de Lima à Des Moines puis de retour dans la petite ville d’Ohio, mais les occasions pour les porter se faisaient de plus en plus rares. La jeune femme les conservaient précieusement dans son armoire, mais les longues robes beiges sans formes étaient désormais pendues tout au fond, cachées par de nouvelles robes, plus colorées, un tout petit peu plus courtes, plus féminines en tout cas. Quand elle allait encore à l’église avec sa mère celle-ci ne faisait jamais vraiment de frais de toilettes. Elle passait des vêtements propres, se coiffait sans cérémonie et les attendait dans la voiture en faisant tourner le moteur pour être sûre que ses enfants arrivent le plus vite possible. C’était un peu différent ces derniers temps, et Ashandra avait déjà vu sa mère se pomponner avant d’aller à l’office de la paroisse de Lafayette, refusant catégoriquement d’assister aux sermons du père Hamilton, et par là même aux quelques représentations des Second Chances. En dépit des quelques invitations que sa fille lui avait poliment données, pas une seule fois Dracy n’avait daigné faire un changement dans son programme hebdomadaire pour venir la voir chanter. Au cours de l’une des nombreuses altercations avec Damon, celui-ci lui avait lancé avec un air plein de mépris qu’elle n’assistait plus aux offices que pour aller se «trémousser sous le nez du pasteur», ce qui avait profondément choqué sa sœur qui n’avait jusqu’alors pas soupçonné ce genre de comportement. Naïve comme elle l’était, jamais elle n’aurait pu concevoir ce genre d’idée saugrenue... Et pourtant, quand Dracy n’avait pas répliqué et que ses joues noires s’étaient assombries, pincées dans une moue honteuse et colérique, elle avait compris que malgré toute l’amertume et la violence des mots de son frère, il avait touché juste. Depuis cet épisode elle ne lui avait plus jamais proposé de venir assister à l’un des offices de la paroisse de Lima. Quelque chose s’était brisé entre elles, en silence, et elle savait que ce ne serait jamais plus tout à fait comme avant.

Le pasteur Hamilton poursuivait son sermon, mais pour une raison obscure l’afro-américaine, qui se détachait dans la population majoritairement blanche malgré son teint clair, ne trouvait pas sa place dans ce lieu sacré qu’elle affectionnait tant. Jetant des regards presque désespéré vers la petite porte qui menait à l’annexe qui servait de salle de répétition aux Second Chances, elle n’écoutait plus du tout ce qui pouvait se dire. Ses yeux se perdirent dans le flou alors qu’elle tournait discrètement la tête pour tenter de voir Cassandra et Jeremy, qui étaient probablement installés au premier rang. Impossible de les repérer à leur place habituelle, la vue était bouchée par une grosse dame qui dans ses souvenirs incertains répondait au doux nom de Forbes Mullington. Son apparence collait parfaitement à ce nom tout à fait masculin et peu harmonieux. À la voir boudinée dans une espèce de chemisier kaki dans lequel elle transpirait malgré la fraîcheur de la fin du mois de septembre, Ashandra se sentait presque mal pour ses voisins et se réprimanda mentalement pour avoir de telles pensées. Passant ses mains sur les pans de sa robe pour la lisser, elle tâcha de se concentrer à nouveau sur les paroles du pasteur qui semblait de plus en plus loin d’elle. Rien n’y faisait, elle n’arrivait pas à se couper du monde. Elle gigotait sur le banc, incapable de trouver une position confortable. Croisant et décroisant les jambes sans jamais les desserrer, elle s’appuyait sur la paume de ses mains pour se soulever légèrement de l’assise. Sa voisine lui jeta un regard furieux et nimbé de toute la pruderie dont elle était capable, forçant Shandy à se rasseoir immédiatement, le dos droit, les pieds l’un à côté de l’autre, la tête haute et les joues roses. On aurait dit une petite fille que l’on force à rester à l’office le jour de Noël alors qu’elle ne veut qu’une chose c’est filer jouer avec sa nouvelle poupée. Il y a quelques années, jamais elle n’aurait oser détacher son regard de l’autel au bout de la nef. Et pourtant, aujourd’hui, malgré son attachement et son affection pour la religion chrétienne, elle se sentait plus libre d’être elle-même, avec tous ses défauts. Toujours dans la plus parfaite immobilité, elle scrutait le voisinage pour passer le temps, après avoir définitivement abandonné l’idée de comprendre quoi que ce soit à cet office. Pointant le bout de son nez en direction de la massive Miss Mullington, elle aperçut enfin la chevelure blonde de son amie qui lui arracha un sourire presque inconscient. La présence de Cassie dans la même pièce était presque suffisante pour qu’elle se sente mieux, elle ne lui demandait rien, elle appréciait simplement sa présence et son aura. Étrangement, la silhouette à ses côtés, bien que brune, ne collait pas du tout avec la carrure du fiancé qui se trouvait généralement à sa gauche. Se penchant un peu en avant pour tenter de découvrir l’identité de l’invité mystère, elle manqua glisser de son banc en reconnaissant enfin Christabella Gillepsie.

Comment... depuis quand était-elle revenue à Lima ? Pourquoi est-ce que Cassandra ne lui avait rien dit à ce propos ? Son cœur s’affolait sans qu’elle ne puisse le contrôler et c’était comme si toutes ces années où elle n’avait pas vu Christabella lui étaient rendues au centuple. Toutes les craintes qu’elle éprouvait à l’idée de voir son amitié qu’elle remettait sans cesse en question venaient de lui exploser en pleine figure au milieu d’un sermon sur l’importance de l’entraide. Pressant ses mains l’une contre l’autre, elle essayait de se donner du courage pour affronter la situation comme une adulte. Elle n’était plus cette adolescente de 17 ans incapable d’aligner deux mots de même intensité. Non, elle avait fait des progrès. Et même si elle n’était certainement pas assez digne pour espérer avoir toute l’amitié de la blonde qu’elle idolâtrait, elle pouvait tout de même garder une place à ses côtés, même après le retour de la meilleure amie prodigue. Par chance, lorsqu’enfin l’office prit fin, autorisant l’étudiante à se lever de son siège pour s’approcher de ses deux camarades de lycée, Cassandra prit la tangente et disparut dans le petit amas de personne qui étaient venues féliciter le pasteur. Suivant Christabella du regard, après un instant à rester immobile pour considérer une dernière fois toutes ses options, Ashandra se décida à la suivre hors de l’église et une fois arrivée sur le petit parvis, posa sa main sur son épaule pour attirer son attention. «Bonjour Christabella !» Elle avait concentré tous ses efforts pour ne pas que sa voix la trahisse. Ses salutations avaient l’air plutôt chaleureuses et normales, mais au fond de sa gorge un nœud se formait petit à petit et ses yeux noirs dévisageait la jolie brune à la peau si blanche. «Je... Tu te souviens de moi ? Nous étions ensemble dans le club de chasteté... Ashandra.» En prononçant son nom elle réalisa qu’elle n’avait pas envisagé cette possibilité. Et si elle ne la reconnaissait pas ? En cinq ans elle aurait pu oublier une fille aussi insignifiante qu’elle, et toute la peur qu’elle éprouvait face à ce retour aurait été insurmontable. Avant même d’entendre sa réponse elle se sentait rayée de la carte, en proie aux pires doutes concernant les raisons de son retour et la durée de ce séjour, qu’elle espérait bref et de courtoisie uniquement. « Je ne savais pas que tu étais revenue à Lima. Cassandra m’avait parlé de tes études, est-ce que... tu les as terminées ?»


Dernière édition par Ashandra Moon le Mer 29 Fév - 22:56, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyVen 13 Jan - 15:15

Neuf semaines. Cela faisait neuf semaines que Christa n’avait pas assisté à la messe. Lorsqu’elle résidait encore à Colombus, elle n’en avait pas vraiment le temps, parce que ses cours lui prenaient beaucoup de son temps libre. Mais les quelques fois où elle était revenue chez ses parents, elle les suivait de bon cœur, le dimanche matin, pour assister à l’office religieux de son père. Malheureusement, les récents évènements l’avaient contrainte à abandonner l’église de son père, dans laquelle elle n’était plus du tout la bienvenue. A présent qu’elle était revenue vivre à Lima, elle jonglait entre ses cours de génétique par correspondance, les cours d’arts du cinéma qu’elle suivait à la fac –et qui, fort heureusement, n’étaient pas aussi pénibles que ceux qu’elle suivait pour sa filière initiale- et les quelques heures qu’elle faisait au cinéma de la ville. Ce travail, elle en avait besoin parce qu’elle n’avait absolument aucune économie, et même si sa bourse scolaire avait payé son inscription et son abonnement de train, elle était bien contente d’avoir une paye à la fin du mois, d’autant plus que c’était un réel plaisir de se retrouver dans l’atmosphère feutré du cinéma. Habituée à être sans cesse occupée, et fort heureusement, dotée d’un sens certain de l’organisation, elle était parvenue à trouver un rythme qui lui convenait à merveille. Les lundis, mardis et jeudis matins, elle se rendait à la fac pour ses cours de cinéma, qu’elle suivait avec Clayton. Les mercredis, vendredis et samedis soirs, elle travaillait, et les après-midi, elle révisait ses cours de génétiques. Tout s’était formidablement bien organisé, et elle avait pu à nouveau profiter de son dimanche. Mais alors qu’elle se morfondait à l’idée de ne plus jamais retrouver l’église de son père, Cassie lui avait proposé d’assister à l’office religieux du Père Hamilton, et Christa avait accepté avec joie et gratitude.
C’est pourquoi elle se retrouvait là, près de Cassandra, à écouter le père de cette dernière. Elle ne s’était pas rendue compte à quel point assister à la messe lui avait manqué. Détendue et emplie d’un sentiment de paix, elle avait l’impression que même si ses parents l’avaient rejetée, Dieu ne Lui avait pas tourné le dos, et ne l’abandonnerait pas. Elle s’en voulait un peu de ne pas avoir pu trouver le temps de venir plus tôt, mais le Seigneur semblait toujours veiller sur elle, songea-t-elle avec certitude alors qu’elle analysait rapidement sa situation. Elle était assise près de sa meilleure amie, dont les parents l’avaient accueillie avec chaleur, lui offrant l’amour dont sa propre famille l’avait privée. Elle avait un toit au-dessus de la tête, elle avait un travail et de quoi se nourrir, et elle avait des amis formidables. Récemment, elle avait rejoint la LPA, et Miss Pillsbury s’était montré d’une aide et d’un soutien inestimables. Même si elle souffrait encore du rejet de ses parents, elle se sentait à nouveau heureuse, et elle se promit de venir plus souvent à l’Eglise. Son regard se leva pour se poser sur la croix en bois sur laquelle reposait le corps du Christ, et elle lui adressa un prière muette de remerciement. Merci de prendre soin de moi.

Sentant comme une pression sur sa nuque, Christabella leva discrètement la main et se frotta la peau, mais n’y accorda pas d’importance. Sa main rejoignit sa jumelle, sagement posée sur ses genoux. En s’habillant ce matin, elle s’était rendue compte à quel point sa garde-robe avait changée, depuis son adolescence. A l’époque, lorsqu’elle assistait à l’office, elle portait une robe que sa mère avait choisie pour elle. En vérité, c’était plus un bout de tissu informe, qu’une vraie robe, et couvrait son corps de son cou jusqu’à ses chevilles. Toutes ses sœurs portaient la même, dans des teintes différentes mais toutes d’une discrétion assurée. Du gris, du bleu pale, du blanc parfois agrémenté de petites fleurs jaunes. Leurs cheveux étaient toujours tirés en arrière, en une natte qui rebondissait dans son dos lorsque Christabella descendait l’escalier de la maison familiale. Ce matin-là, Christa s’était souvenue de toutes les fois où elle avait enfilé cette robe qui cachait son corps. Elle se souvenait du lourd manteau qu’elle portait par-dessus l’hiver, et du tissu qui lui collait à la peau l’été. Elle ne s’était jamais plainte. Sa mère lui avait de nombreuses fois répétée qu’elle ne devait pas s’occuper de son apparence, que c’était de l’orgueil et que Dieu punissait les gens qui passaient trop de temps dans le miroir, parce qu’ils étaient trop coquets et narcissiques. Mais aujourd’hui, Christa avait mis un point d’honneur à se faire belle. Non pas parce qu’elle était narcissique, justement, mais pour tirer un trait sur toutes ces années, tous ces dimanches, à être cachée sous une robe qu’elle détestait. Elle avait donc pris le temps bien coiffer ses cheveux courts, et avec l’aide d’une Leah un peu pâlotte parce que malade –la nausée ne la laissait pas tranquille ces derniers temps- elle arborait à présent un maquillage discret, qui se remarquait à peine si on n’y faisait pas attention. Leah appelait ça « le nude », mais Christa n’était pas bien certaine d’avoir tout compris. Et parce qu’elle n’avait jamais pu porter ce qu’elle voulait à l’Eglise, elle avait pris sa revanche, aujourd’hui. Sa tunique, elle l’avait choisie parce qu’elle était d’un beau bleu électrique, sa couleur préférée. Elle voulait être à l’aise, elle voulait être… elle-même. Et elle avait la certitude que Dieu ne la punirait pas pour avoir oser se regarder dans le miroir avant de partir de chez elle.

Lorsque l’office prit fin, Christabella salua Cassandra, qui avait des obligations, et prit le temps de remercier Dieu de l’avoir accueillie dans une autre de ses nombreuses maisons. Si les autres paroissiens avaient remarqués la présence d’une nouvelle enfant de Dieu, ils n’en avaient rien dit, l’acceptant parmi eux comme si elle revenait après une absence. Ici, elle se sentait chez elle, et cela lui avait fait un bien fou. Lorsqu’elle fit demi-tour, ce fut le cœur léger. Puisqu’on était dimanche, Leah et Tim ne travaillaient pas. En remontant l’allée de l’Eglise, elle songea qu’elle allait passer à la boulangerie du quartier, pour revenir avec des pâtisseries qu’ils pourraient déguster devant un bon thé –enfin, devant un café, pour ses colocataires. Un sourire aux lèvres, elle venait de franchir la porte, écoutant les discussions des autres paroissiens, lorsqu’une main se posa sur son épaule. Se retournant, elle vit qu’une jeune femme de son âge se tenait là, lui souriant. Son visage ne lui était pas inconnu, mais il lui fallut tout de même une bonne minute pour remettre un nom dessus.

« Ashandra. » dit-elle simplement, et elle laissa un sourire s’épanouir sur ses lèvres. Bien sûr qu’elle se souvenait d’elle. Ashandra était apparue un beau jour à McKinley, et avait rejoint le club de chasteté. C’est Cassie qui les avait présentée l’une à l’autre, et Christa n’avait pu manquer de remarquer l’amitié qui liait sa meilleure amie avec Ashandra, mais également l’admiration sans borne que cette dernière semblait éprouver pour Cassandra. Elle n’avait pour autant jamais eu l’occasion de vraiment apprendre à connaitre Ashandra. Etait-ce une erreur ? Probablement, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, comme on dit. « Je suis revenue il y a quelques semaines seulement. » expliqua-t-elle brièvement. « Mais je suis revenue pour de bon. » ajouta-t-elle avec une certaine joie, sans se rendre compte une seule seconde du malaise d’Ashandra. « J’ai obtenu mon diplôme en Juin dernier, mais je vais suivre mes cours par correspondance à partir de maintenant, comme ça je pourrais rester à Lima. » Son regard s’attarda sur le visage d’Ashandra, dont le sourire ne parvenait curieusement pas à ses yeux. Elle laissa un court silence s’installer, intriguée, mais ne s’attarda pas sur ce détail. « Et toi ? Hm… est-ce que tu suis des études ? Tu travailles ? » Un rire lui échappa. « Tu as drôlement changé toi aussi. » dit-elle, faisant allusion à sa propre transformation physique. « Mais ça te va bien, tu es très jolie. » la complimenta-t-elle avec sincérité.
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyDim 29 Jan - 21:36

Sentant son cœur cogner contre sa poitrine, Ashandra dévisageait Christabella qui arborait un sourire tout à fait serein. C’était comme si le simple fait qu’elle soit là suffisait à mettre sa vie sans dessus dessous. Il était difficile de trouver plus inoffensif que cette fille de pasteur dans les environs, et pourtant elle représentait ce qui se rapprochait le plus d’une ennemie mortelle, juste après cette horrible Candice qui la tourmentait en compagnie de son frère. Elle n’avait jamais vraiment fait sa connaissance, il fallait bien l’admettre. Tout ce qu’elle savait d’elle, elle l’avait appris de Cassandra ou bien des rumeurs qui couraient dans la salle du club de chasteté à l’époque. D’un naturel plutôt discret la jolie brunette avait tout de même réussi à défrayer la chronique en se faisant élire reine du bal de promo avec son petit-ami plus si secret Ezrael quelque chose. Tout ceci s’était produit peu de temps après que Shandy soit arrivée à McKinley et elle était passée à côté de tout cela, mais elle avait pu compter sur les plus commères des saintes nitouches du lycée pour avoir un peu malgré elle un état très précis des lieux. Elle n’éprouvait pas de mépris pour elle parce qu’elle avait choisi de sortir avec un garçon du lycée, après tout il était très possible qu’il ait été tout à fait charmant et à des lieues des brutes épaisses qui peuplaient ordinairement les couloirs. Qui mieux qu’elle, au contraire, aurait pu comprendre cette envie parfois irrésistible de partager sa vie avec quelqu’un, de mettre toute sa confiance entre les mains d’un garçon simplement parce qu’il nous plaît, parce qu’il nous regarde et qu’il nous donne l’impression d’être importante, d’avoir plus de valeur que n’importe qui d’autre ? Seulement elle en était revenue. Et une chose était sûre, l’afro-américaine n’était pas prête à remettre les pieds dans le domaine de l’amour au lycée. Une fois lui aurait servi de leçon. Au fond c’était peut-être de la peine qu’elle avait éprouvé pour elle à l’époque... Comme si elle savait qu’un jour elle aussi serait blessée, comme si toutes les rumeurs bien enfantines qui avaient cours étaient des pics directement pointés sur sa gorge. Mais en la retrouvant cinq ans plus tard, à peine vieillie, toute trace de compassion avait disparue. Elle était comme un fantôme revenu d’entre les morts pour la hanter. Entendre son nom dans sa bouche fit plonger son cœur de manière désespérée, ne laissant qu’un souvenir du sourire qu’elle avait du mal à forcer sur son visage. Elle était de retour à Lima, pour de bon. «Oh... ça pour une surprise.» Son sourire était presque insupportable et la jeune femme n’arrivait pas à comprendre tous les sentiments qui se mêlaient en elle et la laissait incapable d’articuler une parole intelligible.

Les images de l’office et de sa silhouette à côté de Cassandra se superposaient à celles du lycée où elles étaient immanquablement affublées du doux noms d’inséparables. Une fois passée le premier élan d’admiration aveugle qu’elle avait pour Cassie, elle s’était petit à petit ouverte à toutes ces choses qui l’entouraient comme ses parents qui n’avaient rien à envier à Dracy Moon question autorité, sa plus jeune sœur Grace qui lui rappelait Damon à bien des égards, et bien sûr, sa meilleure amie. Même si elle refusait de l’admettre, l’impression d’être l’éternelle seconde la blessait toujours un peu. Quoi qu’elle fasse, elle n’était jamais à la hauteur d’une vraie première place. Elle n’avait jamais été la préférée que ce soit pour son père ou sa mère, ils la couvraient d’amour bien sûr, mais elle restait persuadée que ses deux frères étaient plus digne de toute cette bienveillance et elle savait qu’elle ne serait jamais en mesure de répondre pleinement à leurs espérances, parce qu’elle était plus faible et trop timide. Elle n’avait jamais été la première de sa classe en dépit de tous les efforts qu’elle pouvait y mettre, il y avait toujours cet élève tout à fait brillant qui venait rafler la mise en donnant l’impression que ce n’était qu’une formalité. Et elle n’avait jamais pensé être la meilleure amie de Cassandra. Elle l’avait souhaité. Elle avait souhaité toutes ces choses. Et puis elle s’était résignée. Ne pas faire d’études, travailler pour faire tourner la maisonnée, ne pas être tout en haut de la liste. Après de longues heures passées à retourner cela dans tous les sens elle en était arrivée à la conclusion que, peut-être, Dieu avait décidé que pour apprendre elle devrait rester en seconde position. Apprendre l’humilité pour tempérer l’égoïsme qui brûlait dans le fond de son cœur ce n’était pas invraisemblable. Pourtant elle avait choisi de ne pas l’écouter cette fois-ci encore, et elle n’en avait qu’à sa tête en s’enfuyant comme une voleuse à Des Moines pour refaire sa vie et tenter d’être numéro un au moins dans sa propre vie. Cesser d’être à la botte de tout le monde, cesser d’être la gentille Shandy, celle qui fait un peu pitié, celle que l’on ne prend pas au sérieux. Elle voulait être forte. Aujourd’hui plus que jamais elle ne rêvait que d’une chose : obtenir sa revanche sur la vie, même en étant revenue vivre chez sa famille. Redressant la tête pour se donner du courage et affronter Christabella sans fuir, elle écoutait avec anxiété le bref résumé de sa vie pour lequel elle avait un intérêt plus que modéré. Elle n’avait plus de repos depuis qu’elle avait entendu ces mots : “pour de bon”. Comme un coup de gong. Voyant la mine étonnée de la jeune femme face à son silence de marbre, elle se reprit tant bien que mal en grimaçant une expression d’intérêt «Vraiment ? Tu es courageuse hmm... Les deux en fait, ma famille n’a pas exactement les moyens de m’offrir des études alors je travaille dès que je peux, et puis le lycée va me payer aussi.» Jetant un regard lourd de sous-entendus sur son interlocutrice, elle avait l’impression que tout allait toujours bien pour elle, qu’elle avait eu le droit d’être la première elle, d’avoir des études à Columbus et même un appartement, une belle vie en somme. Et cette bonne mine, toute pimpante et souriante, la mettait encore plus en colère. Elle ne savait rien d’elle, mais elle n’avait très certainement pas envie de remédier à cette situation. Christabella cristallisait malgré elle tout ce qu’elle n’avait pas eu, que ce soit vrai ou non, et elle la détestait pour cela. Oui. Maintenant qu’elle y réfléchissait, elle la détestait. Et elle détestait cet air innocent, libre de tout souci, et ce rire cristallin de petite fille. «C’est gentil à toi mais je suis bien moins jolie que toi Christabella. Je vois que tu as toujours l’air de te porter aussi bien.» Reculant d’un pas pour avoir plus de confort et d’espace vital, elle jaugea la jeune femme de la tête aux pieds avant de reprendre amèrement «C’est étrange parce que je n’ai pas du tout entendu parler de toi... Cassandra a dû oublier de mentionner ton nom.» Se mordant l’intérieur de la joue, elle n’osait pas encore se lancer la tête la première dans les questions les plus épineuses. «Et sinon... est-ce que tu comptes, rejoindre la chorale aussi ? Maintenant que tu es là et que vous êtes à nouveau ensemble, ça ne m’étonnerait pas vraiment.» Baissant les yeux malgré elle, incapable de dissimuler jusqu’au bout le goût amer de la fatalité qui l’habitait, elle ne voulait plus la regarder en face.
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyVen 17 Fév - 22:55

Ashandra et Christabella auraient pu être bonnes amies, toutes deux ayant de nombreux points communs. La religion, pour commencer. D’après le peu que Christa savait, Ashandra s’était tournée vers la religion durant son adolescence, mais portait envers Dieu une foi immense et sans failles, comme Christa à l’époque où elles étaient encore au lycée. Elles s’étaient donc retrouvées au club de chasteté ensembles, et c’était d’ailleurs Cassandra qui les avait présentées l’une à l’autre. Leurs croyances et leurs serments de pureté avaient constitués, aux yeux des autres élèves, une source intarissable de moqueries. Elles avaient plus ou moins le même style de vie, et d’ailleurs, avec Cassandra elles avaient toutes trois fait parties des filles les moins bien habillées, chacune cherchant avant tout à dissimuler son corps au regard avide de leur camarade masculin. De plus, Ashandra s’était avérée aussi discrète que Christabella. Mais ce qui aurait vraiment pu les rapprocher l’une de l’autre, c’est avant tout Cassandra, que Christabella considérait comme sa meilleure amie, et qu’Ashandra semblait tenir en très haute estime. C’est simple, à l’époque si Cassie n’était pas avec Christa, c’est qu’elle était avec Ashandra. Christabella se souvenait d’avoir de nombreuses fois vu les deux jeunes filles ensembles, alors qu’elle-même était en compagnie d’Ezrael. Elle savait également qu’elle avait quelque peu délaissée Cassie au profit du jeune homme et de sa relation avec lui, mais Cassie ne lui en avait jamais tenue rigueur, et de toutes manières, cela faisait partie du passé. A présent, Christabella était de retour à Lima, et comptait bien rattraper le temps avec sa meilleure amie. Comme elle savait bien que Cassie et Ashandra étaient restées proches l’une de l’autre, pendant qu’elle-même vivait à deux heures de route de Lima, elle n’avait donc pas été surprise en voyant le visage d’Ashandra apparaitre au milieu des paroissiens. Mais, trop confiante, elle ne semblait pas remarquer l’air crispé qu’arborait Ashandra à cet instant. L’air de quelqu’un qui a du mal à digérer une bien mauvaise nouvelle. Christabella ne voyait rien de cela, elle ne se rendait pas compte à quel point la revoir était, pour Ashandra, apparemment synonyme de quelque chose de fortement déplaisant. Elle ne voyait pas que sa simple présence déplaisait fortement Ashandra, parce qu’elle-même était plutôt contente de retrouver une ancienne camarade. Même si elles n’avaient jamais été proches, Christa n’avait eu que de bons échos la concernant, et à cet instant, elle se disait qu’il était peut-être temps de faire ce qu’elle n’avait pas pu faire par le passé, à savoir nouer une amitié avec Ashandra. Loin de se douter que cette dernière était à des lieux de vouloir être amie avec elle, Christa se contentait de la fixer paisiblement.

En revanche, elle vit nettement l’air légèrement accusateur qu’Ashandra lui lança, lorsqu’elle expliqua en quelques mots qu’elle devait travailler. Christabella afficha à ses paroles un air compréhensif, mais se sentit soudainement envahie par le doute. Ashandra donnait fortement l’impression d’en vouloir à quelqu’un, et son ressentiment semblait se déporter… sur elle. A cette pensée, Christabella fut partagée. Elle se dit tout dabord qu’Ashandra n’était certainement pas à plaindre. Oui, Christa avait eu une bourse d’études qui lui avait financé quatre années d’études à Colombus, et elle avait la chance de passer une année dans un laboratoire qui l’avait employée comme stagiaire. Elle avait pu se concentrer pleinement sur ses études, sa bourse finançant l’inscription et le loyer de sa chambre universitaire. Oui, elle avait eu de la chance. Mais en retour, elle avait eu à affronter la désapprobation de ses parents, qui l’avaient reniée, mise à la porte, et elle s’était retrouvée sans rien, du jour au lendemain. Maintenant, les choses s’arrangeaient, puisque l’Etat lui versait une nouvelle bourse pour étudier deux années de plus. Mais elle aussi, elle devait travailler, et jongler avec études et job. Alors il était hors de question de se laisser accuser d’avoir obtenu plus que les autres. Et puis, elle se reprit, et se traita mentalement d’idiote. Ashandra était peut-être simplement de mauvaise humeur, cela pouvait arriver à tout le monde, et quand bien même elle en voudrait à qui que ce soit, ce ne pouvait évidemment pas être à Christabella. Elle se faisait des idées, et distraitement, elle se demanda si c’était les horribles mots que son père lui avait jeté à la figure, et sa situation avec sa famille, qui la poussait à se méfier. Ce n’était pas impossible. Les récents évènements avaient profondément marqués la jeune femme, la poussant à réviser son jugement sur de nombreuses choses. Par exemple, elle croyait toujours en Dieu… mais elle n’avait plus confiance. Et c’était peut-être une erreur, puisque cela lui faisait imaginer des choses. Et pour le lui prouver, Ashandra la complimenta. La remerciant d’un sourire, Christabella ne fut pour autant pas capable de se défaire de cet étrange sentiment que quelque chose ne tournait pas rond. Elle chercha un signe qui la mettrait sur la voie, scrutant le visage d’Ashandra, tout en se persuadant que ce n’était que le fruit de son imagination.

« Et bien, cela n’a rien d’étonnant. J’ai mis du temps avant d’aller la voir. Et puis, peut-être qu’elle ne pense pas à tout te dire, tu ne crois pas ? » dit-elle gentiment.

Par ces mots, elle ne cherchait nullement à blesser Ashandra, plutôt à la rassurer. Cassandra n’avait peut-être pas pensé à l’avertir de son retour, trop occupée qu’elle l’était à gérer une chorale, une association et ses propres études, sans parler de son futur mariage. Elle devait avoir bien d’autres choses en tête.

« J’y pense en effet. » ajouta-t-elle ensuite. « Maintenant que je suis ici, enfin que je suis revenue vivre ici, j’aimerais me rapprocher de mes amis, et donc de Cassie. Je ne suis pas une très bonne chanteuse, mais ma foi, ça pourrait être intéressant. » plaisanta-t-elle avec un léger rire. Après un long regard, elle ne put s’empêcher de demander, en inclinant légèrement la tête sur le côté, un air inquiet sur le visage : « Est-ce que tout va bien, Ashandra ? Tu as l’air… un peu malade, en fait. »
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptySam 18 Fév - 4:13

La foule commençait à se disperser déjà et les deux jeunes femmes se retrouvaient de plus en plus exposées au regard des badauds sur le haut du parvis. Surélevée de seulement quelques marches, la porte principale d’une sobriété toute protestante laissait le soleil se réfléchir sur les murs presque blancs du bâtiment. C’était la première fois qu’elle avait l’occasion de détailler un peu le paysage depuis ce point de vue. Ashandra n’avait pas l’habitude de rester aussi longtemps devant l’église après l’office. D’ordinaire elle rentrait vite chez elle pour préparer à déjeuner, ou bien elle avait officiellement le droit et l’occasion de passer l’après-midi avec Cassandra et se dispensait de la compagnie d’une Dracy à l’humeur au beau fixe après avoir assisté au prêche du pasteur de Lafayette. Or ce jour-là elle n’avait rien prévu pour son après-midi si ce n’était d’aller lire au parc pour profiter de cette journée ensoleillée, une rareté par les temps qui couraient. Ce qui sous-entendait donc qu’elle devrait rentrer assez rapidement. Mais rien n’aurait être aussi éloigné de ses préoccupations à cet instant. Il ne s’agissait pas de réveiller Damon pour qu’il mange quelque chose après sa cuite de la veille, ou bien de servir une entrée, un plat et un dessert à l’heure décidée par sa mère, non. Ce qui se jouait ici et maintenant c’était son amitié avec Cassandra Hamilton. Tout du moins c’était comme cela qu’Ashandra percevait la situation. Campée sur ses positions défensives, ne manquant pas d’envoyer à l’occasion une pique ou deux dans la direction de son adversaire, il ne manquait plus que des cordes à son ring. Son sourire benoît et sa voix bienveillante n’éveillait aucun sentiment de proximité avec la jolie brune. Bien au contraire ils étaient autant de raisons supplémentaires de détester cette image de perfection qu’elle s’efforçait sûrement de renvoyer à tout le monde comme elle tentait elle-même de le faire en vain. Malgré les points communs qui abondaient sûrement entre les deux anciennes camarades du club le moins prisé de McKinley, l’afro-américaine ne réussissait pas à se reconnaître en elle et n’en avait pas envie. Tout ce que cette fille de pasteur était, tout ce qu’elle pouvait représenter, semblait être une atteinte directe à son intégrité physique et morale. Le simple fait qu’elle se tienne là devant elle, droite comme un i à lui susurrer des paroles enrobées de miel, suffisait à la diminuer physiquement et à lui faire perdre haleine. Elle semblait si forte, si sûre d’elle. C’était comme si rien ne pouvait l’atteindre et qu’elle s’assurait que tout le monde le sache. Elle venait ici en reine, pour récupérer sa place auprès de Cassie. Une fois de plus elle se revoyait sur son banc, se pencher sur le côté pour éviter l’obstacle qui lui barrait la vue et apercevoir les deux amies ensemble au premier rang. Plus l’image se répétait dans sa tête, plus elle était éloignée de la réalité. À présent ce n’était plus deux silhouettes côte à côte qu’elle distinguait dans le brouillard de sa mémoire paranoïaque, mais deux visages souriants et complices se faisant face. Ils ne correspondaient d’ailleurs pas tout à fait aux visages qu’elle pouvait voir maintenant mais bien plutôt à ceux de l’époque du lycée, et la douleur n’en était que plus aiguë. Rien n’avait changé. Ou plutôt, l’histoire se réécrivait et cette fois Christabella ne lui laisserait pas de place, si ce n’était celle de choriste au dernier rang.

Sa remarque vint comme un coup de gong couronnant toutes ses angoisses. Qu’elle en ait conscience ou non Christabella venait d’ouvrir les hostilités en s’attaquant directement au cœur du problème. Elle ne savait pas si ce ton doucereux était celui qu’elle employait d’ordinaire ou bien si c’était un effet de son piètre jeu de scène pour lui faire comprendre qu’elle devrait se tenir à sa place à présent et que celle qui avait la préférence était une autre. Sa langue était sèche et elle aurait voulu desserrer un peu le col de sa robe qui malgré un arrondi plutôt généreux était devenu oppressant sur sa gorge. Portant une main à son cou elle laissa ses doigts tracer le creux de sa jugulaire comme pour se forcer à déglutir. Le contact de ses paumes moites sur sa peau sèche eut pour effet immédiat de la dégoûter. Elle en était réduite à paniquer pour une simple conversation en public. Que ferait-elle si elle devait se retrouver contrainte d’entretenir une relation suivie avec elle. À la chorale ? Elle ne savait plus s’il fallait en rire ou bien en pleurer. Son dernier refuge. Le seul endroit où elle s’amusait vraiment, où elle pouvait se développer en toute quiétude et progresser en tant que personne était menacé directement par cette fille qui avait l’air d’avoir le monde à ses pieds. Et de quels amis est-ce qu’elle parlait exactement ? Cassandra mise à part elle ne connaissait personne qui ait fait partie du même lycée à la même époque. Preuve s’il en était que toute cette mascarade de la jeune fille ébahie n’était que poudre aux yeux pour réaffirmer sa place de meilleure amie une bonne fois pour toute. Pour qui se prenait-elle ? Était-elle restée bloquée à l’âge du lycée où tout fonctionne par caste et par strates sociales ? Dans ses représentations, si elle était le haut de la pyramide, elle s’assurait donc qu’Ashandra reste en bas pour ne pas lui poser de problèmes ? Tout s’emboîtait si parfaitement dans l’esprit de l’étudiante en littérature qu’elle en avait presque le tournis et ses pieds se dérobaient sous son poids. «J’imagine que oui... Oui bien elle me réservait la surprise.» Sa voix était morne et déjà elle ne réussissait plus à maintenir l’illusion de l’intérêt. Elle avait envie de se défendre. De lui dire de repartir de là d’où elle venait et de la laisser en paix qu’enfin elle puisse se construire un semblant de vie normale. Elle n’était même pas douée... En vérité elle se moquait sans doute de savoir chanter ou non, la chorale elle-même ne l’intéressait que pour retrouver sa place de meilleure amie, ne l’avait-elle pas dit ? Chaque phrase, chaque mot, chaque note de son rire était une insulte à tout ce en quoi Ashandra croyait. Bien loin de la foi chrétienne, elle avait une confiance aveugle dans le travail et les efforts. Elle aimait chanter parce que ça lui avait toujours permis de s’exprimer quand ses mots à elle étaient insuffisants, quand elle était trop effacée pour prendre la parole. La musique l’avait sauvée, bien plus que Dieu, bien plus que de déménager. C’était une passion qu’elle vivait du plus profond de son être et Christabella n’avait qu’à prononcer quelques mots pour tout rabaisser au rang d’activité secondaire. Secondaire. Second rang. Seconde place. Ces mots tournaient comme un écho dans sa tête qui la lançait de douleur. Relevant enfin les yeux vers elle, elle eut un mouvement de recul en trouvant son visage si près du sien en train de l’ausculter. «Hein ? Non pardon... J’étais perdue dans mes pensées. Il y a tellement de choses à faire à la chorale, beaucoup de travail, et tout le monde prend ça très à cœur.» Une fois de plus elle mentait entre ses dents car elle était bien persuadée que Peter ou Larry ne mettaient pas toute leur énergie dans les répétitions, mais pour dissuader Christabella de se lancer elle était prête à leur décerner la palme de meilleur choriste.

Elle la détestait. Et elle se détestait en train de la détester. Elle se trouvait misérable et exécrable. D’un égoïsme et d’une injustice sans nom. Une fois de plus elle se retrouvait projetée malgré elle contre une rangée de casier, sauf que cette fois l’épaule qui l’envoyait en dehors de la grande voie n’était pas celle d’une Cheerio ambitieuse ou d’un sportif moqueur mais celle d’une jeune femme à qui on aurait donné le bon dieu sans confession. Elle était en train de perdre tout contrôle. « Aujourd’hui nous n’avions pas de représentation, c’est dommage. Tu aurais pu voir le niveau tout à fait correct que nous avons maintenant ! Je suis sûre que nous avons tout à fait les capacités de l’emporter sur les autres chorales. D’ailleurs je me ferais une joie de te donner un petit aperçu de ce que nous répétons !» Sa voix ne tremblait pas malgré la peur qu’on pouvait y déceler avec une oreille attentive. Utiliser les mots des autres pour exprimer ses propres peines et ses propres craintes. N’était-ce pas ça qu’elle avait toujours demandé à la musique ? Comme une épiphanie, elle prit Christabella par le bras pour l’entraîner vers la petite volée de marche devant elles. Vidant ses poumons pour mieux les remplir d’un oxygène douloureux, elle ferma ses paupières une seconde pour se donner l’ultime impulsion de courage qui lui manquait pour laisser un filet de voix s’échapper de ses lèvres. «Here's the thing, we started out friends, it was cool but it was all pretend. Yeah, yeah, since you been gone. You're dedicated, you took the time, wasn't long 'til I called you mine. Yeah, yeah, since you been gone. And all you'd ever hear me say is how I picture me with you, that's all you'd ever hear me say» Descendant la première marche, toujours accrochée au bras mince de la jeune fille, elle releva les yeux vers son visage pour accrocher son regard, laissant un mince sourire étirer ses lèvres, elle avait conscience que son corps bougeait contre son gré. Elle n’aurait jamais fait ça en temps normal. Jamais. Même acculée dans le plus profond désarroi jamais elle n’aurait fait de mal à une mouche. Personne n’aurait pu le soupçonner tant elle s’appliquait à dissimuler la noirceur de son âme qui parfois s’échappait et se déversait sans filtre. Doucement, son pied gauche resta en travers du passage de la brune tandis qu’elle entonnait à présent le refrain avec une énergie rare, se détachant enfin de son bras pour être sûre de ne pas être tentée de la retenir en provoquant sa chute. Se moquant éperdument des spectateurs interloqués par cette représentation improvisée, elle voulait attirer toute l’attention de Christabella pour la distraire. «But since you been gone, I can breathe for the first time. I'm so movin' on, yeah yeah. Thanks to you, now I get what I want. Since you been gone». À bout de souffle, elle venait de le faire. Sur ses traits une expression horrifiée passa en la voyant manquer la marche comme elle l’avait souhaité et tomber un peu plus bas sans bruit. Elle l’avait rendue folle. Portant ses deux mains à sa bouche pour dissimuler le cri silencieux, elle ne laissa passer que quelques secondes avant de se jeter à son tour au bas des petits escaliers pour s’incliner vers Christabella, se gardant néanmoins de lui tendre la main. «Oh mon dieu ! Est-ce que tu t’es fait mal ?»

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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptySam 18 Fév - 16:43

Le soleil qui brillait faisait naitre des reflets dans la chevelure d’Ashandra, l’éclairant comme le ferait une auréole, mais ne parvenait pas à dissimuler un malaise que Christabella commençait enfin à voir. Son sourire s’était effacé progressivement, laissant place à une expression un peu perdue et véritablement distraite, comme si tout son esprit était tourné vers autre chose et non plus vers la conversation qu’elles avaient. Comprenant qu’il devait y avoir un problème, Christabella chercha un signe qui l’aiderait à comprendre. Elle ne connaissait pas assez Ashandra, mais visiblement, quelque chose pesait sur la poitrine de cette dernière. Elle avait l’air de quelqu’un qui a gouté un plat indigeste, au gout écœurant qu’elle ne parvient pas à faire passer, et l’impression que c’était de sa faute à elle ne quittait pas Christabella. Pourtant, elle ne parvenait pas à imaginer en quoi elle avait pu déplaire à Ashandra. Peut-être avait-elle laissé échapper quelque parole malheureuse qui l’aurait blessée ou vexée. Un pli se forma au coin de ses lèvres, signe qu’elle s’en voulait déjà, et elle se repassa mentalement les quelques phrases qui avaient franchies ses lèvres. Elle avait sous-entendu que Cassie ne disait pas forcément tout à Ashandra, et c’était peut-être, en y repensant, vexant. Elle savait que les deux jeunes femmes étaient très proches, alors supposer que Cassie cachait des choses à Ashandra suffisait à blesser cette dernière. Pourtant, c’était loin d’être ce que Christabella voulait dire, mais elle se rendit compte qu’elle avait choisi une mauvaise formulation. Elle ouvrit la bouche pour s’excuser, et s’expliquer, voulant préciser qu’elle était certaine que si Cassandra ne l’avait pas mise au courant de son retour à Lima, ce n’était pas pour la tenir à l’écart de quoi que ce soit, mais plutôt par étourderie. Cassandra était de toutes manières bien trop franche et directe pour cacher quoi que ce soit, à qui que ce soit. Mais la métisse ne lui permit pas de dire quoi que ce soit, enchainant sur le sujet de la chorale, et Christabella referma la bouche, se contentant d’hocher la tête alors qu’Ashandra lui vantait les mérites des Second Chance, qui selon elle avaient toute leur chance de gagner la compétition. Bien sûr, Christabella n’avait pour l’instant assisté à aucune répétition, et même si elle avait bien envie de rejoindre la chorale de sa meilleure amie, elle savait au fond d’elle-même qu’il y avait une autre chorale qui lui faisait de l’œil. La chorale des Awesome Voice était chère au cœur d’Ezrael, et il en faisait d’ailleurs partie, même cinq ans après. Secrètement, Christabella envisageait de les rejoindre eux, et non pas les Second Chance, afin de retrouver cette intimité qu’elle avait autrefois partagé avec Ezrael, et ce même si à présent il avait une petite amie. Pour l’heure, rien n’était décidé, et elle savait que ni Ezrael ni Cassandra ne la forceraient en quoi que ce soit, mais si on lui demandait de choisir, là tout de suite, elle hésiterait fortement. Peut-être était-ce une preuve du manque d’implication qu’elle était prête à fournir dans un tel projet, mais pour sa défende, elle n’avait jamais fait partie d’un groupe qui visait à remporter un championnat. Durant ses années de lycée, elle avait rejoint les rangs du club de science, mais s’était toujours abstenue de participer aux compétitions, choisissant de rester dans l’ombre à chaque fois. Or, les Awesome Voice autant que les Second Chance visaient la première place. Alors seulement elle réalisa qu’elle avait peut-être fait preuve d’un peu trop de légèreté, en parlant de rejoindre la chorale. Pour ce qu’elle en savait, Ashandra était peut-être du genre à se dévouer corps et âmes dans la chorale. Entendre Christabella utiliser le terme « intéressant » au lieu de « passionnant, extraordinaire, vital » devait lui hérisser le poil. Comprenant qu’elle avait fait gaffe sur gaffe depuis le début, la jeune fille n’eut pour autant pas l’occasion de retirer les paroles malheureuses qu’elle avait eu, car Ashandra tint à lui montrer un peu le niveau qu’ils avaient. Lui saisissant le bras, elle l’entraina à sa suite, et Christabella se laissa faire.

Au lycée, elle avait très souvent entendue chanter Ezrael, et par ailleurs, elle adorait sa voix. Mais elle avait également assisté aux Sectionals qui avaient vu se mélanger les New Direction et les Awesome Voice, sur des chansons de Michael Jackson, et elle avait même entendue Cassandra chanter, le jour où celle-ci avait donné de la voix devant les paroissiens de son père. Et puis évidemment, elle ne pouvait oublier Rachel Berry, qu’elle entendait au moins une fois par jour à la radio ou à la télévision. La passion principale de Christabella étant le cinéma, elle aurait menti en disant qu’elle était une passionnée de musique, mais elle avait une jolie collection de CD. Pourtant, elle n’était pas à proprement parler une accro de la chanson. En fait, elle n’avait jamais chanté. Si elle voulait joindre une chorale, que ce soit les Second Chance ou les Awesome Voice, c’était surtout pour se rapprocher des personnes qui comptaient le plus pour elle. Elle se refusait à choisir pour l’instant entre Ezrael, son premier et seul amour, et Cassandra, sa meilleure amie. Mais elle savait à présent qu’elle avait fait une erreur en cherchant à faire partie d’un tel groupe uniquement dans ce but. Ashandra lui donnait une belle leçon. S’en rendait-elle compte ? En tout cas, l’écouter chanter permit à Christabella de revenir sur terre. Elle allait devoir réfléchir un peu plus sérieusement à la véritable raison qui la pousserait à rejoindre une chorale.
La voix d’Ashandra faisait tourner quelques têtes dans leur direction, mais tous les regards qui se posaient sur elles n’étaient que bienveillance. A dire vrai, jamais Christa n’aurait pu penser qu’Ashandra serait assez courageuse pour chanter seule et en public, mais après tout, l’adolescente timide qu’elle avait été au lycée, n’était plus qu’un souvenir, tout comme elle-même avait changé. Le sourire qu’elle reçut lorsqu’elle rencontra le regard de l’afro-américaine lui sembla étrange, mais son esprit fut bien vite happé par les paroles, par le son de la voix qui flirtait avec ses oreilles, par les yeux qui ne quittaient pas les siens. Suivant le mouvement donné par Ashandra, les pieds de Christabella descendirent une marche, puis une autre. Aujourd’hui, elle portait une paire de bottes en cuir vieilli qu’elle avait trouvées lors d’un vide grenier. Elle en était tombée amoureuse au premier regard, et Clayton les lui avait offertes. Des bottes vieilles et qui donnait à sa tenue de couleur vive une allure un peu grunge, sans même qu’elle en ait conscience. Des bottes dans lesquelles elle se sentait bien. A travers la semelle elle pouvait sentir le ciment de chaque marche. Sauf celui de la dernière. Emportée par son élan, elle sentit son corps basculer vers l’avant. Sa cheville se tordit, bloquée par un obstacle qu’elle n’avait pas vu, et en l’espace de quelques secondes, elle réalisa : qu’elle allait littéralement mordre la poussière, qu’elle allait se faire mal, et surtout, qu’on venait de lui faire un croche-pied. La minute suivant, son genou rencontrait le bitume, une douleur violente remonta le long de sa jambe et de son bras gauche, sur lequel elle venait de se réceptionner, et elle se retrouva enfin par terre. Elle n’avait loupé que deux petites marches, mais de toute évidence, elle manquait de réflexe.

Alors qu’autour d’elle, de petites exclamations de stupeur retentissaient, Christabella grimaça, son genou et sa main la brulant. Fort heureusement, les paroissiens ont cette gentillesse et cette compassion qui les empêche de se moquer de celle qui vient de s’affaler lamentablement avec la grâce d’un ange déchu, et aucun rire ne vint saluer sa chute. En revanche, elle entendit très bien Ashandra qui lui demandait si tout allait bien. Avant de répondre, elle prit le temps de baisser les yeux vers sa main, écorchée. De petits gravillons s’étaient fichés dans la peau, mais pas suffisamment pour la faire saigner. Mais son poignet la lançait, signe qu’elle s’était plutôt mal réceptionnée. Pourtant, elle pouvait encore bouger, elle se concentra donc sur son genou. Son collant était troué à l’endroit où le sol avait rencontré sa jambe, et un filet de sang rougissait déjà sa peau, qui s’était littéralement déchirée sous ce violent contact. Rien de grave en somme, mais lorsqu’elle leva les yeux vers Ashandra, détaillant l’air horrifiée de celle-ci, elle ne vit que mensonges, traitrise et surtout, méchanceté.

« Tu m’as poussé. » souffla-t-elle, pour ne pas se faire entendre des autres, qui en voyant que tout allait bien, se désintéressaient déjà d’elle pour s’éloigner. Très vite, il ne resta plus qu’elles deux, et cette fois, Christabella ne chercha pas à dissimuler son expression franchement accusatrice. « Pourquoi tu m’as poussé ? » Tant bien que mal, elle se releva, sans quitter des yeux la jeune femme. « Mais qu’est-ce que je t’ai fait Ashandra ? Pourquoi est-ce que tu m’as poussé ? » répéta-t-elle plus fort, en frottant sa main pour ôter les gravillons, en équilibre précaire sur une seule jambe, son genou gauche la faisant horriblement souffrir.
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyLun 20 Fév - 16:21

Jamais elle n’aurait cru qu’un jour elle aurait le courage de chanter seule, au milieu d’inconnus, en dehors de la chorale. Et pourtant, Ashandra s’était retrouvée à chanter cet air définitivement rock au milieu du parvis de l’église devant les quelques fidèles s’éternisant pour discuter entre eux. Si le début de la chanson correspondait bien à sa jolie voix grave, le refrain presque crié était loin de ses habitudes et de sa zone de confort. Elle avait trouvé la chanson idéale pour exprimer toute cette frustration qui grandissait en elle à mesure qu’elle comprenait qu’avant même que Christa ne pousse la porte de l’annexe, quelque chose serait définitivement rompu entre Cassandra et elle. Et que ce ne serait pas la faute de la petite brune, aussi horrible que ce soit pour elle de l’admettre. Elle venait sans doute de commettre quelque chose d’irréparable et le regard de sa victime sur elle était bien pire que tous les regards de haine que Damon pouvait lui envoyer à longueur de temps. Elle ne lui avait rien fait... La jeune femme ne réussissait pas à se convaincre que ce qu’elle disait était vrai. Non elle ne l’avait pas poussée. Pas exactement. Elle avait provoqué son déséquilibre et elle l’avait regardée tomber lourdement sur le sol sans essayer de se rattraper. De manière implacable, sans défense, sans réaction. Et maintenant elle la dévisageait avec son air de petite fille blessée qui en veut à sa camarade de jeu de l’avoir poussée en bas du tobogan contre son gré. Rongée par le remords, Ashandra ne pouvait pas nier l’immense soulagement qu’elle avait ressenti en la voyant tomber dans son piège. L’espace d’une seconde elle s’était sentie libérée de toute sa colère, et ses poumons avaient enfin réussi à se gonfler d’un air vital. Cependant la satisfaction avait été de bien courte durée et bien vite les regrets et la peur avaient serré sa poitrine. Il était trop tard pour faire marche arrière maintenant. Elle avait fait le pas de trop et peu importaient les excuses qu’elles pourraient présenter, tout le monde saurait qui elle était vraiment au fond d’elle-même. Le souvenir de Damon au commissariat surgit dans son esprit. La choriste devint tout à coup beaucoup plus attentive à ce qui l’entourait. Personne n’osait les approcher mais pas de doute, les regards étaient rivés sur elles. Sur la coupable, et sa victime. Elle venait de lui offrir sur un plateau d’argent cette première place qu’elle voulait récupérer. Il lui suffisait d’un mot à Cassandra pour que la relation qui l’avait liée à elle pendant six longues années ne redevienne poussière. Un hoquet de douleur s’échappa de ses lèvres alors qu’elle était toujours incapable d’émettre le moindre son. Elle ne savait plus si elle devait se sentir en colère ou bien se laisser aller à toute la tristesse que ces noires pensées lui inspiraient. Elle avait envie de la gifler pour la faire taire alors qu’elle s’acharnait à répéter encore et encore les mêmes mots. Elle avait envie de se jeter sur elle et de lui tirer les cheveux, de griffer son joli visage angélique qui contrairement au sien n’avait sans doute jamais porté d’expression aussi mauvaise. La couleur rougie de son genou qui dépassait de sa robe retroussée sur le sol était insupportable mais elle ne pouvait s’empêcher d’avoir les yeux rivés sur cette preuve accablante. Levant enfin les yeux vers la mine courroucée de Christabella, Ashandra n’y tint plus et laissa les sanglots qu’elle retenait éclater, plaquant ses deux mains contre son visage pour cacher sa faiblesse. C’en était trop pour elle en une seul journée.

Sa relation avec la directrice de la chorale lui était bien plus précieuse qu’un grand nombre de choses, passant loin devant celle qu’elle avait avec sa famille à présent. Elle était sa confidente, son modèle, elles étaient passées par des moments difficiles ensemble au lycée, Cassandra avait été la seule personne à qui elle avait osé avouer qu’elle n’était plus vierge, la seule qui l’avait aidée quand elle devait faire face à Santana Lopez. C’était la seule personne avec qui elle avait gardé contact à Des Moines. Et pourtant quelque chose de fondamentalement inégal semblait grever cette amitié et la rendait toujours incertaine et fragile aux yeux d’Ashandra, frappée au sceau de l’éphémère. Si son amie préférait au final Christabella c’était sûrement parce qu’elle lui apportait autre chose que des ennuis. Elle n’était pas un poids de plus dans la besace de cette fille complètement surmenée qui passait sa vie à courir des cours aux répétitions puis à la LPA sans jamais profiter vraiment de rien. Elles avaient sûrement quelque chose d’unique en commun en dehors du chant qui leur permettrait de conserver une relation libre de toute contrainte. Elle était sûrement plus gentille, plus douce, plus attentionnée qu’elle ne le serait jamais. Elle n’était pas le genre de fille à perdre tout contrôle sous le coup de la jalousie et à en pousser une autre dans les escaliers. Le souffle coupé par ses larmes, elle voulait se trouver des excuses, lui expliquer qu’elle s’était sentie menacée, agressée, bafouée, que c’était de sa faute, qu’elle n’avait pas eu le choix. Mais même dans sa tête tous ces mots sonnaient faux. Elle avait eu le choix. Elle aurait pu l’ignorer et poursuivre son chemin comme elle l’avait fait des années auparavant. Elle aurait pu essayer de mieux la connaître pour tenter de conserver cette relation privilégiée qu’elle entretenait avec Cassandra. Mais elle n’avait pas su garder son calme. Et elle était si faible, pleurant à chaudes larmes en public. Il n’était pas étonnant que son frère la déteste et que sa mère la méprise. Personne ne la connaissait mieux qu’eux et l’un comme l’autre avaient sans doute vu clair dans son âme depuis longtemps. L’absence de Damon à ses côtés, la future perte de Cassandra, sa brouille avec Ruby. Tout lui revenait en pleine figure et elle était incapable de bouger ou d’articuler. La jeune femme avait envie de fuir. Elle aurait voulu courir à sa voiture et s’enfuir vite et loin pour ne pas avoir à faire face à ses responsabilités. Mais elle savait que c’était interdit et la première fois lui avait servi de leçon. Jamais rien de bien ne pourrait sortir de la lâcheté et de l’égoïsme. Si elle trouvait la force de s’excuser sincèrement peut-être que Dieu la pardonnerait. Peut-être qu’il lui redonnerait la force de puiser ailleurs que dans la colère et l’envie la force de vivre. Elle ne se faisait guère d’illusions sur le pardon de Christabella qui se méfierait sans doute d’elle plus que jamais et elle s’en voulait tellement d’avoir ôté à son visage enfantin ce sourire innocent qui le caractérisait si souvent. Reniflant bruyamment, elle parvint à apaiser un instant le hoquettement de sa voix pour poser ses yeux sur Christabella, plongeant son regard noir dans le sien, les yeux rougis par ses larmes. «Je suis désolée.» La bouche tordue dans une moue douloureuse elle ne voulait pas avoir à en dire plus, elle n’avait aucune envie de se justifier auprès de la jeune femme, mais elle savait qu’elle n’avait pas le choix et ne devait pas mentir pour espérer recevoir une rédemption. «Je suis si désolée... Je ne voulais pas, je ne sais pas ce qui m’a...» Elle mentait. Elle ne parvenait pas à lui dire la vérité en face tant c’était douloureux pour elle de l’admettre à voix haute. «J’ai eu peur. J’ai eu peur que tu me la prennes. J’ai eu peur d’être toute seule.» Son regard était devenu presque suppliant et le peu de mascara qui ornait ses cils noircissait à présent ses joues. «Qu’est-ce que j’ai fait mon dieu je suis tellement désolée.» Elle se sentait tellement haïssable de pleurer devant la meilleure amie qu’elle détestait tant alors qu’elle venait de la blesser. Mais rien n’y faisait elle ne parvenait plus à s’arrêter et même les mots froids de Damon qui avaient eu raison de ses dernières larmes ne parvenaient pas à stopper ces gouttes salées qu’elle avalait malgré elle. Il avait raison après tout, peut-être qu’elle espérait se tirer de toutes les situations embarrassantes en pleurant comme une enfant, peut-être qu’elle n’était rien de plus qu’une gamine capricieuse, égoïste et jalouse qui vivait dans la peur. Elle voulait sortir de cette bulle qui la maintenait dans un état de faiblesse et voir d’autres personnes. Elle avait besoin de changer d’air. De ne plus penser à Cassandra ni à Christabella pour faire comme si de rien n’était et continuer à avancer. Tout ce qu’elle faisait à Lima n’était qu’échec et douleur. Jamais elle n’aurait dû revenir. Et maintenant elle n’avait même plus la force de la supplier de ne rien dire à Cassandra. C’était inutile de toute façon. Les choses ne seraient jamais plus comme avant.
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyLun 27 Fév - 23:03

En se repassant mentalement les minutes qui venaient de s’écouler, Christabella cherchait la preuve qu’elle avait fait fausse route en accusant Ashandra, que celle-ci ne l’avait pas fait tomber, que c’était juste une maladresse de sa part et qu’elle devait s’excuser de l’avoir aussitôt jugé comme coupable de sa chute. Pourtant, Christabella n’était pas quelqu’un de maladroit. Elle n’était pas non plus une grande sportive, mais elle avait un bon équilibre. Enfin, en temps normal. Disons que, toujours en temps normal, elle ne serait jamais tombée, elle n’aurait jamais loupé une marche –à moins d’être vraiment très distraite. Alors oui, son attention avait été détournée par la chanson d’Ashandra, mais pas au point de rater une marche et de s’affaler devant tout le monde, surtout que ce petit escalier, elle l’avait gravie, et descendue, un nombre incalculable de fois, du temps où elle était encore au lycée. Elle en avait l’habitude. Et puis, il ne s’agissait pas simplement d’une marche loupée. Elle avait nettement sentie un obstacle contre sa cheville, et comme elle esquissait un geste pour descendre, son mouvement l’avait emporté sans qu’elle puisse se rattraper. Bon, pour le manque de réflexe, elle plaidait coupable, parce qu’elle était à deux marches du trottoir, et elle aurait très bien pu simplement trébucher et se rattraper. Mais non, elle avait basculé en avant, et son genou avait rencontré le bitume assez brutalement. Et ce n’était pas une maladresse de sa part. C’était un geste délibéré de la part d’Ashandra, car l’obstacle qui avait bloqué Christabella dans sa descente, c’était bel et bien le pied de la jeune femme, tendue en travers de sa route. La main qui tenait le bras de Christa s’était alors prestement écartée, lui ôtant définitivement tout moyen de se rattraper. A présent, Christabella se tenait debout, chancelante, le regard incrédule fixé sur Ashandra, son collant troué s’imbibant du sang qui coulait de sa plaie au genou. Rien de très grave, bien sûr. Son poignet la lançait un peu, mais la douleur s’estompait rapidement, preuve qu’elle n’avait rien, même pas une foulure. Au pire, elle mettrait un peu de glace dessus en rentrant chez elle. Quand à son genou, qui saignait, le choc violent contre le trottoir avait entamé la peau sur plusieurs couches, mais rien de grave non plus. Elle aurait un beau bleu, et peut-être une petite cicatrice. Christa n’était pas ce qu’on appelle familièrement une chochotte, elle n’allait certes pas se mettre à pleurer en hurlant, ou se rouler par terre parce que oh mon Dieu son collant venait de se déchirer. En revanche, elle se sentait stupéfaite, et la colère, qui n’était pourtant pas un sentiment qui venait souvent la visiter, semblait sur le point de s’emparer d’elle, motivée par la douleur qui pulsait dans son genou. Et puis, elle voulait savoir, plus que tout, pourquoi Ashandra venait de la pousser. L’espace d’un instant, Christa se serait presque cru revenue au temps du lycée, où les Cheerios s’amusaient à la bousculer, elle et Cassandra, cherchant à les humilier en provoquant des chutes dans les escaliers. A l’époque, Christabella prenait la chose avec philosophie, arguant qu’on ne pouvait pas plaire à tout le monde, pour commencer, et que les plus à plaindre n’étaient pas forcément celles qui tombaient, mais plutôt celles qui poussaient, car si elles en venaient à de telles extrémités, c’était souvent pour de sombres raisons. Que ce soit pour suivre une mode qui, quand on est une cheerleader, consiste à être le plus peste possible, ou pour se venger, ou même pour se soulager. Cette pensée la força à se calmer, et à ne pas se laisser envahir par un sentiment aussi déplaisant que la colère. A la place, elle se focalisa sur le visage d’Ashandra, qui semblait traversée par tout un florilège d’émotion. Qu’est ce qui avait bien pu la pousser à agir ainsi ? Ce n’était pas grand-chose, certes, elle n’avait pas non plus poussé Christa sous les roues d’un bus, mais de toute évidence, quelque chose couvait en Ashandra.

Et soudain, alors que Christa s’attendait à voir un faux air d’innocence fleurir sur le visage d’Ashandra, ou au contraire, un air cruel, ce furent des larmes qui dévalèrent les joues de la jeune femme, lorsqu’elle éclata en sanglot, prenant Christa au dépourvu et se répandant en excuses confuses, lui offrant une piètre explication à son comportement. Silencieuse, Christabella la contempla sans bouger, tentant de comprendre ce qui venait de se produire et ce qu’éprouvait Ashandra, ce qu’elle essayait, entre deux sanglots, de lui expliquer. Les sourcils froncés, Christabella se contenta de la fixer sans mot dire.

« Arrête de pleurer Ashandra, s’il-te-plait. » dit-elle fermement. Dévisageant la jeune femme qui se tenait en face d’elle, Christabella poursuivit : « Et tu peux garder tes excuses, et ton mensonge. Si tu n’avais pas voulu me pousser, tu ne l’aurais pas fait. N’aggrave pas les choses en mentant, c’est offensant, pour moi et surtout pour le Seigneur. » Elle s’efforçait de ne pas être trop dure, mais c’était difficile alors que son genou la lançait. Pourtant, elle se refusa à agir avec emportement et colère, et au lieu de partir sans chercher davantage, ou pire, au lieu de frapper Ashandra pour se venger, elle pinça les lèvres. « Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Et j’ai mal au genou, alors si tu permets… » Sans plus attendre, elle contourna Ashandra et se laissa tomber sur une marche pour examiner son genou qui saignait, mais moins. De minces filets de sang avaient imbibés son collant, qui était bon pour la poubelle. Du bout des doigts, elle ôta quelques petits gravillons qui s’étaient plantés dans sa peau, grimaçant sous la douleur, et plia doucement sa jambe pour s’assurer que tout allait bien. Mais à part une douleur qui semblait ne pas dissimuler quelque chose de plus grave, tout allait bien, et elle releva les yeux vers Ashandra, un air profondément accusateur sur le visage, et les sourcils toujours froncés. « Non mais quel âge tu as, pour pousser quelqu’un comme ça ? On n’a plus dix ans je te signale, si tu as un problème avec moi, tu aurais dû me le dire directement au lieu d’agir aussi… impulsivement. J’aurais pu me faire vraiment mal, ou pire, j’aurais pu tomber sur un paroissien plus âgé qui lui, se serait fait mal. Je ne sais pas à quoi tu pensais, mais maintenant que tu m’as donné la preuve que tu avais un problème, tu vas me faire le plaisir de m’expliquer. C’est la moindre des choses. » Christabella se retint un moment, puis ajouta, un peu par vengeance : « Et puis comme ça, tu sauras quoi dire quand tu devras mettre à nu ton cœur devant Dieu en te confessant. »
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MessageSujet: Re: 01. Good girl gone mad   01. Good girl gone mad EmptyMer 29 Fév - 22:55

Son dos courbé, secoué de sanglots, elle se sentait tellement faible face à Christabella. Elle venait de la faire tomber et pourtant elle avait l’impression d’avoir reçu bien plus de coups qu’elle. Prise dans le flot de ses contradictions elle ne savait plus si elle pleurait pour ce qu’elle venait de faire à la jeune femme ou pour les conséquences que ses actes allaient entraîner pour elle. Ashandra n’osait pas la regarder alors que ses larmes coulaient le long de ses joues pour se noyer jusque dans le creux de ses clavicules si profondément dessinées. Elle n’osait pas plus regarder autour d’elle. Elle savait qu’elles n’étaient pas seules sur le parvis, et elle avait attiré l’attention de plusieurs personnes en se mettant à chanter de tout son cœur. Toutes ces personnes qu’elle préférait occulter étaient autant de témoins potentiels à son procès, autant de langues pieuses qui se délieraient bien vite pour partager les rumeurs du jour. Le sermon n’avait pas été exceptionnel et il leur faudrait tout de même un sujet à aborder au country club. Or ce jour-là, Ashandra serait au centre de toutes les conversations. Elle s’imaginait déjà le regard des autres fidèles le dimanche suivant, le regard des élèves dans les couloirs. Il y aurait ceux qui riraient en la félicitant de se dévergonder un peu, et puis ceux qui la regarderaient avec déception comme Jésus ou même Cameron. Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression de voir blanc tant le sang lui montait vite à la tête. Elle avait envie de se pincer pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un cauchemar, qu’elle était vraiment là, debout devant Christabella qui la dévisageait d’un air réprobateur. Ça ne pouvait être que ça. Un mauvais rêve dans lequel elle jouait le rôle d’une autre qui s’en prenait à une Christa fantomatique revenue la hanter jusque dans son sommeil. À tout moment Candice et Damon surgiraient de nulle part pour leur jeter de petits cailloux, et puis sa mère viendrait la gifler et elle se réveillerait. Et tout serait fini. Décrispant ses doigts, elle porta sa main droite jusqu’à son bras gauche et saisit sa chair pour la pincer doucement. La douleur était ténue mais elle était néanmoins présente. Ashandra refusait de croire que ce n’était pas un rêve. Elle devait se réveiller, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle se retrouve coincée dans cet univers infernal. Pinçant plus fort la douleur était perçante, ses ongles s’enfonçaient dans sa peau noire en y laissant de profondes marques mais rien n’y faisait, elle ne se réveillait pas. Et elle continuait à pleurer. Incapable d’articuler autre chose que des excuses devant Christabella. Sanglotant de plus belle alors qu’elle avait enfin réussi à apaiser le rythme saccadé de sa respiration en réalisant que sa dernière chance de s’échapper dans l’imaginaire venait de s’envoler, Ashandra suivait la jeune femme avec des yeux gonflés d’anxiété. Le ton de sa voix la prit à la gorge, comme si la brune venait de lui rendre le coup qu’elle venait de lui porter. Pourquoi fallait-elle qu’elle soit toujours si faible ? Entendre les mots de Damon dans sa bouche était un supplice. Elle savait que pleurer ne résoudrait pas les choses, qu’on attendait d’elle qu’elle agisse comme une adulte responsable, seulement elle en était incapable. Elle avait besoin de quelqu’un qui la protège. Elle avait besoin de savoir qu’elle pourrait se confier à quelqu’un. Mais cette fois, elle était seule. Elle ne pourrait rien dire à Cassandra. Elle ne pourrait rien dire à personne.

Malgré toutes ces excuses, Christabella ne la croyait pas. Elle refusait de la croire et pire, l’accusait de mentir. Recevant ses accusations en plein visage, elle ne quitta pas son regard qui la scrutait avec mépris et colère. L’étudiante ne pouvait que la comprendre. Elle s’était tenue à sa place quelques temps auparavant, en se confrontant à Peter. Le retournement de situation était risible et douloureux pour la jeune femme qui ne put que se souvenir des mots que le professeur de mathématiques lui avait adressés. Était-elle fausse ? Vivait-elle vraiment dans le mensonge ? De toute évidence elle en était incapable, et cette fois encore le vernis de l’image qu’elle voulait donner aux autres s’était craquelé pour laisser apparaître un peu plus cette Ashandra qu’elle ne supportait pas en elle. La regardant passer à côté d’elle sans la bousculer pour aller s’asseoir, elle ne pouvait plus détacher ses yeux du genou ensanglanté d’où glissaient quelques gouttes le long de sa jambe. La couleur du sang s’éclaircissant en roulant sur sa peau était étrangement fascinante et elle sentait toute l’adrénaline qui avait impulsé son acte de violence retomber, la laissant tremblante et apeurée. Elle était terrorisée, non pas par d’éventuelles représailles dont elle croyait Christa incapable, mais par elle-même et toute cette colère qui se cachait en elle. Et ce n’était pas le regard mauvais de la petite fille pieuse par devoir ou ses menaces de la colère divine qui allaient l’impressionner. Elle savait mieux que quiconque ce que Dieu pouvait penser d’elle. Pas un seul instant elle n’avait imaginé qu’elle puisse être pardonnée pour son acte. Elle avait usé de son libre-arbitre pour choisir son chemin, le mauvais chemin, le chemin qui la conduisait sans cesse plus loin sur la voie de la solitude et de la haine. Elle ne savait plus quoi répondre. Elle aurait voulu s’excuser une fois de plus mais c’était peine perdue, Christabella ne l’écouterait pas. Elle avait l’air furieuse et perdue. Qui ne l’aurait pas été ? Sa décision n’avait pas été le fruit de la simple impulsion du moment. Dès l’instant où elle l’avait revue, Ashandra avait compris qu’elle ne pourrait pas revenir à son point de départ. Elle refusait de se battre encore contre Christa pour l’attention de Cassandra. Elle refusait d’être considérée comme une amie de second rang. Elle n’endurerait pas avec un sourire l’amitié renaissante des deux jeunes femmes alors qu’elle serait rongée par la jalousie. Sa tentative désespérée n’avait été qu’un appel à l’aide manqué. Elle avait voulu de l’attention, elle en avait eue. Les regards des badauds étaient toujours sur elle et elle ne savait pas si c’était parce qu’elle pleurait ou parce qu’ils l’avaient vue faire. La jolie afro-américaine dont les traits étaient déformés par le chagrin et la peur détacha enfin son regard de Christabella assise à ses pieds pour scruter les environs. Elle aurait voulu qu’ils disparaissent tous, tout de suite. Leurs murmures étaient insupportables. Elle avait l’impression de les entendre multipliés et intensifiés. La lumière du jour était devenue agressive. Elle voulait se dérober à la vue de tous. Elle voulait s’enfuir. Elle n’avait plus rien à faire sur les lieux de son crime. Ses lèvres tremblantes s’apaisèrent un instant dans le silence de Christabella. Réalisant qu’elle avait continué à parler pendant que son esprit dérivait, elle ne manqua cependant pas sa dernière remarque qui ne la manqua pas.

Mordant la pulpe de sa lèvre inférieure elle fronça les sourcils, contrariée par cette dernière remarque qui sonnait particulièrement faux. Elle se sentait vexée d’entendre la meilleure amie prodigue lui parler de son cœur. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle ressentait. Elle n’avait pas le droit de lui dire quoi faire. Personne n’avait ce droit. Oui elle l’avait blessée, elle avait été horrible, elle avait trahi tout ce à quoi elle pensait, et elle s’en voulait terriblement, mais elle refusait malgré tout d’entendre ce genre de commentaire dans la bouche de celle qui allait briser son cœur en lui volant sa meilleure amie. Que pouvait-elle connaître des péchés que l’on confesse à Dieu, Christabella Parfaite Gillepsie ? Elle n’avait sûrement jamais rien eu de suffisamment lourd sur la poitrine pour ne serait-ce qu’être tentée d’en parler à Dieu. Pour elle prier devait être un exercice de routine, elle devait le faire comme on récite une poésie, sans jamais rien demander de pressant à Dieu. Elle ne savait pas ce que c’était que de supplier le ciel pour qu’il vous accorde sa bienveillance, pour qu’il vous rende votre père, pour qu’il épargne votre frère, pour qu’il ne vous abandonne pas alors que vôtre âme cède à la noirceur de ce monde. Elle ne savait pas ce que la foi représentait pour Ashandra. Elle s’y était raccrochée comme à une bouée, comme sa mère, et puis petit à petit elle avait appris à l’apprivoiser, à prendre ses distances pour mieux en appréhender l’importance. Elle n’était pas une fidèle aveugle. Elle ne se rendait pas aux sermons par habitude. Elle attendait du ciel qu’il lui montre quoi faire. Elle espérait que Dieu lui fasse signe. Elle espérait qu’il apaise sa colère et qu’il l’empêche de commettre ce genre d’acte monstrueux. Mais elle en était indigne et ce n’était pas dix Notre Père prescrits par un pasteur qui la sauverait. Elle le savait. Ravalant la colère qui recommençait à monter en elle du mieux qu’elle put, elle essuya le coin de ses yeux en fixant la jeune femme. Jamais elle ne la supplierait de ne rien dire. Jamais elle ne se mettrait à genoux pour elle. Peut-être qu’elle n’était pas si désolée que cela en fin de compte, et elle ne comptait pas lui mentir puisqu’elle refusait de l’entendre de toute façon. «Ne me dis pas ce que je dois dire à Dieu Christabella.» Sa voix avait claqué comme un coup de fouet dans le silence de la place, sèche comme sa gorge, violente comme le croche-pied qu’elle avait fait à son ancienne camarade. «Je ne voulais pas te blesser. Je...» Plus les mots sortaient et plus sa confiance un instant retrouvée s’effondrait. «Je...» Elle se remit à bafouiller sans pour autant que les larmes ne se remettent à couler. «Je dois partir.» finit-elle par lâcher en tournant les talons. En réalité il n’y avait probablement plus rien à faire pour elle ici. Incapable de donner à la jeune femmes les explications qu’elle attendait, elle préférait encore fuir. Marchant quelques foulées pour s’éloigner de la scène du crime, elle ne tarda pas à se mettre à courir, aussi vite et aussi loin qu’elle le put. À bout de souffle alors que ses poumons étaient sur le point d’éclater, elle se faufila dans l’une des ruelles longeant deux immeubles du vieux centre pour se laisser glisser jusqu’au sol le long du mur en pensant à ce qu'elle avait fait, à ce qu'on allait dire, à ce que Cassandra penserait. C’était fini.

[Rp clos]
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