Hunter se tenait debout, bien droit, devant son miroir depuis un bon 15 minutes. Il n’arrivait pas à croire qu’il avait accepté ce boulot. Il ne pouvait tout simplement pas se pointer hors de sa maison accoutré de cette façon, il était ridicule. L’adolescent soupira et s’auto-botta les fesses, il devait y aller, il avait déjà accepté et il ne souhaitait pas entacher sa fiabilité professionnelle, les nouvelles allaient vite à Lima. La veille au soir il avait reçu un appel du gérant de la boutique de BD du centre commercial de la ville, qui lui offrait un poste pour la journée du Samedi afin de promouvoir la nouvelle BD de superman qui venait d’être publiée. Son actuel patron était supposément ami avec le gérant de la boutique et lui aurait conseillé Hunter pour ce poste spéciale puisqu’il aurait, avait-il dit, le profil ou plutôt le physique de l’emploi. Pour ajouter au bonheur du jeune homme, il allait être payé temps double ce qui faisait de cette offre une occasion qu’il ne pouvait refuser puisque la facture de chauffage montait de plus en plus avec le temps qu’il faisait.

Le seul petit hic était la description de tâche : il devait faire la promotion du nouveau numéro costumé en Superman. Malgré son hésitation, il n’était pas question de refuser, le jeune avait déjà donné son accord. Il s’auto-fusilla du regard via le miroir de sa chambre en étant de plus en plus convaincu que son patron au Bar Karaoké devait s’écrouler de rire en ce moment. L’image que lui renvoyait la glace présentait un grand jeune homme vêtu d’un costume rouge, bleu et jaune extrêmement serré qui ne laissait pas place à beaucoup d’imagination, un grand S rouge parcourait sa poitrine. Par chance qu’Hunter était bien bâtit, car le costume laissa entrevoir quasiment tous les détails de son corps, ce qui aurait suffi à complexer n’importe qui.
L’adolescent se lança un dernier regard résigné, puis, prenant son courage entre ses mains, entrepris de se rendre au centre commercial, non sans s’être enfargé plusieurs fois dans sa longue cape rouge. Le centre commercial était désert lorsque le jeune Worthington fit son héroïque apparition. Ne rêvez pas en couleur, il n’a pas encore les pouvoirs de Clark Kent, il a dû se contenter d’y entrer par voie terrestre.

***

La matinée avait été plutôt tranquille, malgré le nouveau numéro de la collection, les fans de Lima n’étaient pas très nombreux. Quelques photos par-ci avec quelques jeunes Geeks à lunettes, quelques autographes signés d’une main malhabile, malgré leur petit nombre, les fans étaient quelque peu creepy. Ils ne cessaient de lui poser des questions sur l’effet de la kryptonite ainsi que sur son dernier combat avec je-ne-sais-plus-trop-qui et Hunter n’était pas particulièrement préparé à ça, il n’avait lu aucune BD de la collection, en fait, il n’avait jamais vraiment lu de BD. Il se contentait donc de répondre des trucs du genre «Un super héro ne dévoile pas ses tactiques, on ne sait jamais qui peut être le prochain ennemie.» ou encore «Rien ni personne n'est plus fort que moi!» et à son grand étonnement, ça semblait plutôt fonctionner. Il y avait même eu une mère qui l’avait reluqué pendant près de 15 minutes, la baves aux commissures des lèves et à ce moment Hunter avait remercié l’auteur d’avoir dessiné une cape à son héro.

Enfin, tout se passait plutôt bien jusqu’à ce que quelque chose le percute de plein fouet tout en gémissant son bonheur. Malheureusement, ce quelque chose s’avéra être un quelqu’un, un quelqu’un que l’adolescent connaissait et par qui il ne désirait pas être reconnu. Oups.

Citation :

SUPRAA-RED-SPOT-666, 10h23 AM :
Le cross over Superman V.S Magneto au centre commercial de Limaaaa !!! Godness j’en ai la cape qui frétille ! Je me pique à la kryptonite et j’arrache les yeux du premier môme qui me le prend des mains ! AAAAAH coureez vite l’acheter vous aussiiii !

La salle informatique du lycée était vide et heureusement, car Seth se sentait déjà palpitant d’excitation à la lecture de ce message. SUPRAA-RED-SPOT-666 n’était pas le plus illuminé des bloggeurs de « Marvel’s Pants on Fire », l’un des nombreux fan blog auxquels Seth était abonné, mais une chose était certaine, jamais on avait pu lui reprocher une intox. Seth ne tenait plus sur sa chaise et n’avait qu’une envie, c’était de se téléporter au Centre Commercial si cela lui eut été possible, c’était même plus une question de vie ou de mort, il était bientôt la demie et cela faisait plus d’une heure que la librairie du centre commercial avait ouvert ses portes, dans un futur bien trop proche, il ne resterait plus rien de ces précieux numéros.
Le jeune prof d’espagnol avait encore un cours à assurer malheureusement, comment faire ? Il s’était déjà fait porté pâle la semaine d’avant pour le même genre de motif -décidément Marvel à Lima reprenait du poil de la bête – et il lui serait difficile de recommencer. Tant pis, il aimait ses cours, il aimait ses élèves, mais il aimait bien plus encore Superman, il l’aimait d’amour et les obligations professionnelles ne se mettaient jamais en travers de l’amour ! Il pourrait prétexter un malaise post traumatique à retardement suite à l’expédition périlleuse à Columbus, car le pauvre Californien en avait prit plein la figure pour ainsi dire en partant de la capitale de l’Ohio ! Des délinquants la clope au bec, un ado enfermé dans la soute à bagage, une autre fugueuse auto stoppeuse, une chute dans le fossé avec cette dernière puis une deuxième chute après s’être fait traiter comme un pervers alors qu’on lui jeta de la terre à la figure… Oui, un arrêt était parfaitement justifié et mérité !
Seth ferma la fenêtre après avoir consciencieusement effacé l’historique de recherche, puis prit ses affaires en partance pour le Centre Commercial. Il s’arrêta au passage à l’infirmerie pour n’y déposer qu’un mot : « Encore sous le choc du bus, tu comprendra qu’il me faille du repos ! » Peyton ne comprendrait que trop bien, elle avait presque eut des vapeurs jusqu’à devoir s’allonger les pieds en l’air au milieu de ce carnage. Hors de question de traiter avec Figgins, ça non.

C’est avec une fougue hors du commun qu’il pénétra dans l’enceinte du lieu tant convoité ! Il monta quatre à quatre les escalators puis prit le chemin de la librairie qu’il ne connaissait que trop bien. Sans faire attention aux obstacles sur son passage, il n’avait dans sa ligne de mire que l’enseigne de la précieuse boutique, mais en y regardant de plus près, il aperçut une silhouette familière… SUPERMAN ! À Lima décidément on ne lésinait pas sur les moyens, un figurant avait été engagé pour jouer Superman à l’entrée de la boutique. Oh il en avait vu des tas, il ne comptait plus les conférences pour Comics addict et il avait lui même revêtit ce costume et tant d’autre, mais cela faisait si longtemps, perdu dans ce trou paumé qu’il n’avait pu se réjouir d’un tel spectacle.
Il arrivât à la hauteur de Superman, essoufflé mais les étoiles dans les yeux et chercha dans son sac son appareil photo. Il se maudirait pour la nuit des temps s’il ne l’avait pas prit par miracle dans son sac. Ce spécimen était plus vrai que nature. « WAH Superman, putain j’en ai jamais vu de meilleur je crois ! C’est dingue je l’ai tellement vu et revu que c’est comme si je te reconnaissais, comme si… Wow comme si je t’avais déjà vu en vrai alors que je t’ai vu qu’en dessin ! » Seth reprit son souffle alors qu’il cherchait encore désespérément son appareil photo. « Je suis épuisé, j’ai pas ta forme olympique je crois ! J’espère que j’ai emporté mon appareil ! Allez allez faîtes que je l’ai ! » Comment un moment d’extrême joie comme celui là aurait il pu être gâché par une telle bêtise ?
Le jeune homme riait maintenant nerveusement, le souffle toujours haletant et poursuivi la conversation avec celui qu’il considérait déjà comme son idole afin de le faire patienter pour la photo. « Tu fais ça souvent ? Je veux dire la figuration ? Moi c’est sûr à ta place, je le ferais pour rien ! » Seth rit un moment de lui même puis se dit que la majorité des gens ne ferait certainement pas ça par plaisir. Il était certes un malade mental dès qu’il s’agissait de comics mais avait encore la parfaite conscience que sa passion n’était pas partagée par tous à juste titre. « Ah tu fais peut être ça pour l’argent en fait ? » Il parut un peu désolé, comme s’il s’excusait d’être l’un de ceux qui justifiait sa présence et de lui infliger ce supplice si cela en était un indirectement.