On dit que la nuit porte conseil… pour Emma Pillsbury, ce qu’elle apportait le plus souvent étaient les doutes et incertitudes qu’elle tentait de refouler le jour. En effet, après son « entrevue » avec Bryan Ryan, la jeune femme avait été rongée par l’idée que peut-être, son idée de flash mob n’était finalement pas si bonne. L’homme était venu dans son bureau, furieux et consterné qu’Emma ait pu proposer une telle chose. La jeune femme, qui d’ordinaire était si effacée, avait tenté de prouver de toutes les façons possibles qu’elle agissait dans un intérêt commun et que cette fameuse idée qu’elle avait eu était l’un de ses derniers recours quant à la situation actuelle. Toutefois, malgré les arguments qu’elle avait présenté, le doute s’était peu à peu immiscé en elle, si bien que la nuit suivante, elle n’était parvenue à fermer l’œil, se tournant et retournant en dessous de ses couvertures. Car s’il y avait bien quelque chose qui manquait à Emma dans ce genre de situation, c’était la confiance en soi. Elle avait souvent peur de faire des erreurs, peur de nuire à autrui. On ne pouvait donc pas dire que Ryan lui ait simplifié la tache en venant la voir dans un tel état.

En arrivant au lycée McKinley ce matin-là, les grands yeux bruns de la conseillère d’orientation étaient soulignés de cernes. Elle traversa les couloirs sans prêter la moindre attention aux personnes autour d’elle, rejoignant instinctivement son bureau. A plusieurs reprises, elle faillit foncer dans des élèves qui se trouvaient en travers de son chemin ; heureusement, ces derniers connaissant le naturel rêveur de la jeune femme, ils finissaient toujours par s’écarter soigneusement. Atteignant enfin son bureau, Emma s’empressa de s’installer sur sa chaise, ouvrant son courrier afin de se changer les idées. Il n’y avait malheureusement rien d’important, et après qu’elle ait scrupuleusement rangé les enveloppes dans son premier tiroir, ses pensées se redirigèrent automatiquement vers Bryan Ryan, Will Schuester, les chorales et cette idée de flash mob qu’elle avait eu. Cela lui avait semblé être une si bonne idée au début : l’idée de réunir les deux chorales en les faisant travailler sur un sujet commun. Elle s’était dit que cela les amènerait peut-être à nouer des liens, à voir que derrière cette idée de chorale adverse, il y avait avant tout des êtres humains qui valaient certainement mieux.

Il fallait dire qu’avec Bryan Ryan et Will Schuester aux commandes, il y avait peu de chances que les choses s’améliorent entre les deux équipes. Il fallait dire que le premier était loin d’être un tendre : il était quand même revenu dans son ancien lycée dans le seul but de voler la vedette à Will, et de monter une chorale qui pourrait rentrer en compétition avec les New Direction. Emma fronça les sourcils à cette pensée ; elle ne pouvait pas vraiment être objective vis-à-vis de Will étant donné tout ce qui s’était passé entre eux, mais il lui semblait quand même que ce n’était pas lui le responsable de cette haine que se vouaient les élèves des deux chorales. Après tout, malgré la sympathie qu’elle éprouvait à l’égard du coach des Awesome Voice, il fallait avouer que l’élément perturbateur de l’histoire restait Bryan Ryan et ses envies de revanche sur le passé.

Emma passa donc la matinée à réfléchir à la situation, ne parvenant plus à se convaincre des biens faits de son idée. Lorsque midi sonna, elle en était toujours au même point : le regard vide posé sur son écran d’ordinateur, à peser le pour et le contre. Il fallait dire que la matinée n’avait pas été particulièrement agitée pour elle : elle ne reçut pas la moindre visite d’élèves déprimés ou à la recherche d’avis objectif pour demander conseil. Soupirant de plus belle et fronçant légèrement le nez, Emma décida alors d’aller prendre un déjeuner, espérant trouver quelqu’un dans la salle des professeurs qui pourrait la divertir de ses problèmes. Elle se leva donc de sa chaise et se dirigea vers la sortie de son bureau dont elle referma ensuite méticuleusement la porte. S’aventurant à nouveau dans les couloirs, elle prit immédiatement la direction de la salle des professeurs, quand son regard s’arrêta au passage sur une salle se situant un peu plus au loin. Il s’agissait du QG informatique, soit le rendez-vous de tous les accros de la souris entre deux cours. Haussant un sourcil, Emma s’arrêta net au beau milieu du couloir, une idée lui venant soudainement en tête. Un sourire s’installa alors sur ses lèvres, celui même qu’elle semblait avoir perdu depuis que Bryan Ryan avait quitté son bureau la veille, toujours aussi furieux qu’en arrivant.

Au bout de quelques minutes, Emma était installée devant un ordinateur, après avoir pris soin de nettoyer la place ainsi que les ordinateurs – le clavier et la souris principalement, car comme tout le Monde, ou tout du moins Emma le sait, c’est là où la majorité des microbes se nichent. Sourcils toujours froncés, la conseillère d’orientation se connecta à Youtube en quelques clics, et entra les mots « flash mob ». Aussitôt, les vidéos apparurent sur la page et Emma choisit de regarder celle qui semblait la plus populaire : une vidéo de la flash mob de Chicago en l’honneur des Black Eyed Peas et de leur titre « I gotta feelin’ ». Les grands yeux ébahis d’Emma suivirent avec attention la mise en scène, s’attirant quelques regards curieux d’élèves autour d’elle lorsqu’elle laissa échapper de petits gémissements de surprise. Il fallait avouer que c’était vraiment un travail époustouflant : ces danseurs dégageaient une telle énergie ! Après cette flash mob, elle se mit à découvrir de nombreuses autres postées sur le célèbre site de partage vidéo, et elle ne pouvait s’empêcher à chaque fois de dévoiler sa surprise.

Absorbée par ses recherches, ou plutôt ses visionnages, elle ne vit pas tout de suite Will Schuester entrer dans la même pièce qu’elle. En fait, ce ne fut qu’en entendant résonner sa voix familière dans la salle d’informatique qu’elle consentit enfin à détourner le regard de l’écran d’ordinateur…

Dire que Bryan Ryan n’avait été qu’un peu énervé relevait de l’euphémisme, Emma en était consciente. Après tout, le coach des Awesome Voice n’avait pas hésité à user des grands moyens, en insultant à la fois Emma et ses idées qu’il considérait comme naïves et sans utilité, et Will qui, le pauvre, avait eu droit à d’autres adjectifs bien moins gratifiants. Pourtant ce qui choquait la conseillère d’orientation n’était pas tant les mots qu’il avait employés. Le pire avait été lorsqu’il s’en était pris aux objets de la pièce. Elle avait alors été comme paralysée, incapable de réagir. Et ça, Bryan le savait : il savait que l’ordre était quelque chose qui importait à ses yeux, que dès que l’on s’en prenait à cela, elle paniquait complètement. Car Emma n’était rien d’autre qu’un petit bout de femme pleine de sensibilité, à fleur de peau. Au fond, elle était fragile, et dès qu’elle essuyait les critiques, elle se retrouvée chamboulée, pleine d’interrogations qui ne cessaient de danser dans son esprit et qu’elle ne parvenait à chasser. C’était comme si quelqu’un vous disait de ne pas regarder une chose : plus il vous dira de ne pas le faire, plus, par pur esprit de contradiction, vous voudrez regarder. Pour Emma c’était exactement la même chose : dès qu’elle essayait d’oublier, tous les doutes remontaient à la surface et ses efforts s’avéraient être vains.

Le regard confus de la jeune femme se posa sur sa main, toujours entre celles de Will. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait, ne savait pas pourquoi elle laissait ce geste en apparence si insignifiant mais vraisemblablement lourd de sens, se poursuivre. Tout ce dont elle était sûre était qu’elle appréciait cette impression de chaleur, de sécurité. C’était peu et pourtant ce simple contact parvenait à la bouleverser. Cela lui rappelait tant de souvenirs, essentiellement les bons. Il y avait un an, elle était encore cette femme entichée d’un homme marié, qui se sentait égoïste de ressentir des sentiments à l’égard de ce dernier, mais ne pouvait tout simplement s’en empêcher. Elle était celle dont les lèvres esquissaient un sourire dès que son regard croisait le sien, celle qui s’arrangeait pour arriver en même temps que lieu dans la salle des professeurs le matin ou le midi, pour déjeuner. Dans un sens, cette époque avait été aussi heureuse qu’elle n’avait été synonyme de malheur. Rien n’était simple, et pourtant il y avait cette lueur d’espoir en elle qui lui disait qu’un jour, peut-être, elle aurait droit à sa chance. Oui, c’était ça, elle avait été pleine d’espoir, un espoir malsain et égoïste, certes, mais un espoir quand même. Et aujourd’hui, que restait-il ? Des regrets, énormément de regrets. De n’avoir su attendre qu’il se soit remis de son divorce, de ne pas avoir été à la hauteur, bloquée par ses propres problèmes, et de l’avoir vu lui échapper au final. Dans un sens, ce passage avait été obligatoire et déterminant. Elle avait alors décidé de sortir avec Carl, tout en espérant que cela apaiserait ses doutes, et avait finalement trouvé en lui un homme tendre qui la rassurait et l’aidait. L’homme parfait.

Maintenant, son regard brun retrouva celui de Will. Les souvenirs s’estompèrent lorsqu’elle vit la lueur confuse qui dansait dans ses prunelles. Elle sentit alors ses mains s’écarter de la sienne d’un geste brusque. Emma fronça les sourcils. Elle avait certainement eu raison de penser que ses paroles puissent être mal interprétées. Pourtant, lorsqu’elle avait dit se sentir mal par rapport à la situation actuelle, ce n’avait rien avoir avec ce contact physique entre eux. Dans un sens, c’était mieux ainsi, tenta-t-elle de se persuader. Effacer l’ambiguïté était une décision sage… mais en avait-elle réellement envie, cependant ? Rien n’était moins sûr. Car malheureusement, elle pensait vouloir tout le contraire, même si c’était encore une fois égoïste. Elle soupira doucement, baissant les yeux. Elle écarta légèrement ses mains aussi, car quelque chose lui disait que cela valait mieux. Soudain, Will se leva d’un bond et Emma se remit à l’observer, perplexe. Avait-elle fait quelque chose de mal, encore une fois ? Dans le regard de Will, on ne pouvait déceler désormais que la colère et l’agacement. Emma n’aimait pas le voir ainsi. Le professeur d’espagnol s’exclama alors que tout ce que Bryan Ryan savait faire, était de démoraliser tout le Monde et qu’il ne prenait jamais le temps d’écouter qui que ce soit, puisqu’il croyait en ses paroles. Emma ouvrit de grands yeux, terrifiée à l’idée d’avoir pu mettre Will dans cet état. Elle avait si peur des répercussions que cela aurait encore, sur lui bien sûr, mais aussi sur le reste du lycée. Les disputes entre les deux hommes étaient déjà assez fréquentes sans qu’elle ne rajoute son grain de sel.

Elle s’apprêta à répondre, lorsque Will la devança, ajoutant d’un air revêche que Bryan allait l’entendre. Emma secoua la tête et répondit immédiatement :

« Oh non, non, non, ne fais pas ça. Ce n’est pas grave, je t’assure, il a juste… exprimé son opinion, rien de plus. »

Elle l’observait désormais de ses grands yeux bruns effrayés. Assister à une confrontation entre Will et Bryan était bien la dernière chose dont elle avait envie, et elle s’en voudrait longtemps si elle en était la cause, en révélant au premier ce que le second lui avait dit. Elle était plutôt surprise de constater avec quelle impulsivité le coach des New Direction réagissait. Il lui avait semblé être restée évasive pourtant, ne racontant rien des mots qu’il avait pu lui jeter à la figure, et du chaos qu’il avait mit dans sa tête. Elle ne lui avait rien dit de tout ça, ne lui répondant seulement qu’il avait été « un peu » énervé puisqu’en désaccord avec ses idées. Elle essayait désormais de trouver un moyen d’orienter la discussion vers un autre sujet, voulant calmer les ardeurs de Will qui semblait être sur le point d’aller faire un scandale dans le bureau de Bryan Ryan. Son regard parcourut la pièce à moitié vide, les élèves étant pour la plupart partis déjeuner à la cafétéria, avant de se poser sur l’écran de l’ordinateur sur lequel la dernière image de la flashmob était restée figée lorsque la vidéo s’était arrêtée. Fronçant les sourcils à nouveau, elle se mordit la lèvre inférieure, pensive. Elle ne savait pas quoi faire de plus, en réalité, pour arranger encore les choses. Elle était à court d’idée, car tout ce qu’elle avait entreprit jusque maintenant s’était avéré vain. Il n’y avait qu’à voir cette idée de flashmob qu’elle avait eu et qui, maintenant, déchainait les passions de tout le Monde : Bryan, puis Will qui à cause d’elle, en voulait énormément à son ennemi qui s’en était prit à elle. C’était sans issue, sans fin. Elle en vint à se demander si elle ne parviendrait jamais à faire quelque chose qui puisse être synonyme de réconciliation pour les deux hommes. Malheureusement pour elle, ces derniers semblaient être si opposés qu’elle doutait pouvoir les unir malgré tous les efforts qu’elle pourrait faire.

Finalement, la jeune femme chassa ces idées de son esprit et décida de répondre à Will :

« Tu sais, ça n’a aucune importance, ce qu’il a pu dire. Ce qui compte, c’est que cette histoire ne crée pas plus de tensions qu’il n’y en a déjà. C’est tout ce que je veux. »

Mensonge, quand tu nous tiens. Evidemment, aux yeux d’Emma, les paroles de Bryan avaient eu de l’importance, puisqu’elles avaient eu le don de la plonger dans le doute. Mais il ne fallait pas que Will pense que cela ait pu la bouleverser, sinon il allait finir par péter un plomb lui aussi, et tout cela finirait au plus mal. Alors Emma fit comme si rien n’était, et poursuivit :

« Evitons de parler de sujets qui fâchent, n’est-ce pas ? Dis-moi plutôt comment tu vas, après tout cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas parlé. On ne devrait pas tout gâcher en parlant de Bryan Ryan... »

Elle faillit ajouter que leurs discussions lui avait manqué, mais n’osa pas. Elle marchait déjà sur des œufs en lui demandant comment il allait, alors inutile de rendre les choses plus compliquées encore. Elle éprouvait une certaine curiosité qu’elle contenait difficilement à l’égard de ce que ces derniers mois avaient pu être pour Will. Elle se demandait s’il avait pensé autant à elle qu'elle n’avait pensé à lui. Après l’épisode du baiser qu’ils avaient échangé avant les vacances, il en aurait pu être difficilement autrement pour elle ; que Carl soit là ou non, Will occupait toujours une place importante dans son cœur… Et ce n’était malheureusement pas prêt de changer.