Coco Chanel a dit « La mode se démode, le style jamais. » Et même si cette pensée rappelait à Andrew le début d'un ancien épisode de Criminal Mind, série qu'il ne pouvait pas louper quand il était plus jeune, même en cas d'attaque de zombies nudistes, elle lui trottait dans la tête comme une sorte de marche à suivre dans la vie. Ce n'est pas en imitant les autres que tu resteras dans les esprits, mais plutôt en restant qui tu es, cause you're unique, babe. Enfin, il essayait désespérément de s'en satisfaire et de se l'imprimer dans le crâne tandis qu'il se voyait, de temps en temps, dans le reflet du punch ou dans celui des vitres. Costume trois pièce, nœud papillon, cheveux domptés et plaqués en arrière, il ne quittait définitivement le look qu'il affectionnait. Mais là, il se noyait dans la masse. Il disparaissait, chaloupant, entre des armées de fausses cannes à pommeau, de chapeaux ronds ou hauts de forme et de chaussures vernies. Mais peut être était-ce mieux ainsi. Il ne désirait pas attirer l'attention, ce soir du moins. Tiraillé entre son affection nouvelle, naissante pour Ingrid, et son amitié pour Amanda, il essayait de se faire tout petit pour ne pas créer une situation périlleuse comme un conflit atomique entre les deux blondes. Il connaissait le caractère flamboyant et vindicatif d'Amanda, surtout à son égard, et pensait presque pouvoir affirmer qu'Ingrid ne se laisserait pas faire. Alors, sur sa chaise raide en plastique, dans un coin de la salle entre les baffles hurlantes de la sono qui faisaient vrombirent l'air autour de lui et un coin de table oublié sous les canapés entamés et les verres vides, il attendait le retour de sa cavalière.

L'avantage quand on ne connait personne est que l'on n'a pas d'image à tenir, de popularité à entretenir, de sourire et de faux-semblant à afficher en toute circonstance. De toute façon, Andrew n'aurait pas pu se composer le masque figer que l'on voyait parfois sur les visages blancs et maquillés de certaines filles. Pas de ces rires beaucoup trop aiguës pour être vrais, ni de ces regards qui trahissent un envie de meurtre quand on voit la même tenue portée si bien sur votre concurrent. Mais l'inconvénient est sans doute la solitude. Exceptées Amanda qui répondait aux sollicitations nombreuses de ces fans, admirateurs et de la mairesse, et Ingrid qui se produisait bien trop souvent sur scène, Andrew ne connaissait personne. Bien sûr, il était au fait de l'identité de certains et certaines, comme la mairesse, rigide et fière dans sa robe si élégante, la propriétaire du studio de danse dont l'ouverture avait fait grand bruit, ou encore ce jeune homme blond qui était réputé pour être le styliste de Sue Sylvester. Andrew se félicitait d'écumer avec une ardeur dissimulée et presque honteuse les réseaux sociaux. Quoi de mieux pour connaître les personnalités d'une ville comme Lima que de passer quelques heures certains soirs sur le site officiel de la ville et sur le Twitter de la mairesse qui ne manque jamais d'abreuver la toile de ses maximes pittoresque et tout bonnement hilarantes. Si le jeune serveur ne touchait pas ou peu à la politique de la ville et n'était pas au fait des mesures récentes, il aimait lire les travées littéraires que la femme lançait sur le web.

Les yeux fixés sur la pointe de ses chaussures vernies, il fut tiré de ses pensées par l'apparition d'un colosse blond dans son champs de vision et de sa main immense s'emparant d'un verre en plastique -pauvre verre, il semblait si frêle dans la poigne du shérif- qui gisait sur le coin de table qu'Andrew semblait surveiller avec assiduité. Lima ne pouvait que bien se porter avec un titan de ce calibre. Et le couple qu'il semblait faire avec le jeune styliste -Andrew n'en était pas certain, n'étant pas vraiment au fait des potins de la ville- était aussi atypique que drôle. Le serveur avait déjà parlé avec Glenn. Quelques banalités, des présentations rapides, des coups d’œils échangés sur le look de l'autre. Ok, ils ne se connaissaient pas. Ou à peine. Mais Andrew prit son courage à deux mains, et décida d'entretenir une conversation un peu plus poussée avec le jeune blond. Et puis, l'armoire à glace semblait passionnée par le buffet un peu plus loin. Alors, après une preste poussée sur ses jambes, Andrew fendit la foule, évitant un couple qui semblait danser une valse étrange et possédée pour ne pas se faire crever une œil, slalomant entre les badauds qui restaient stoïques et raides sur le bord de la piste. Arrivant devant le jeune homme, il fit son plus beau sourire, remit en place les ourlets de sa veste et vérifia que son nœud papillon était bien à sa place. Une fois l'inspection faite, il franchit les derniers mètres qui les séparaient, lui et Glenn.

"Hey ! Tu passes une bonne soirée ?"

Oui. Il n'avait trouvé que ça. Que cette phrase banale, stupide, presque enfantine, pour entamer une conversation. Une entame de discussion pitoyable qui, à coup sûr, finirait dans les archives de la honte pour le serveur, dans les annales du ringard pour le styliste. L'angoisse ... Et puis, avec la chance qu'il a, il ne se souvenait pas de lui. Et il se faisait accoster par une paires de sourcils et une touffe de cheveux gominée et inconnue. La soirée ne faisait que commencer.

Glenn n’avait pas beaucoup apprécié se faire congédié de la sorte par Sue et Warren mais il n’avait pas eu d’autre choix que de s’éloigner en faisant bonne figure; Après tout, il s’agissait de la mairesse de la ville, de sa patronne et accessoirement la personne la plus terrifiante que portait cette Terre. Le styliste était même persuadé que le jour de sa naissance avait été prédit des millénaires auparavant et que la pauvre pythie qui avait eu cette vision était tombé dans un état catatonique. Sûrement qu’elle n’avait aps supporter la vision de ce ciel noir et chargé d’éclair, de la Terre qui s’ouvrait en deux et laissait échapper une flopée de diablotins rieurs offrant au monde une Sue Sylvester toute neuve. Bref, ce n’était pas le genre de personne à qui on désobéissait juste pour le fun, à moins d’avoir prévu un jet privé près à s’envoler pour le Triangle des Bermudes en espérant que quoi qu’il se trouve là, c’était suffisamment dangereux pour la tenir à l’écart (Glenn misait personnellement sur Davy Jones, le Kraken et le Léviathan mais on était jamais sûr de rien) et, malheureusement, Glenn n’était pas (encore) le créateur de renom qu’il voulait être et n’avait donc pas les moyens pour un jet privé.

Il avait donc forcé Warren à lui garder sa canne, c’était bien la moindre des choses pour le congédier, et s’était éloigner, son verre de punch au gin à la main. Il faisait d’ailleurs son possible pour le siroter le plus lentement possible, vu que la flasque était restée entre les mains de son shérif de petit amie et qu’il ne pourrait donc pas améliorer un autre verre. A moins que quelques uns des élèves présents aient été assez malin pour ajouter un petit quelque chose au mélange sans être vu.  Quand même, il trouvait qu’ils étaient vachement sage ces lycéens. Quand lui même était au lycée, il y avait toujours au moins quinze personnes prêtes à spiker le punch quitte à faire des diversions. Alala, c’était une autre époque. Glenn se souvenait très bien de la fête qu’il avait organisé avec Ashley et Kyle à la piscine, il y avait plus de 5 ans. Cela avait été un succès de bout en bout ET ils avaient réussi à éviter les problèmes; Que de souvenirs à McKinley quand même …

Nonchalamment, Glenn s’enfonça dans la foule, en buvant son verre et en surveillant du coin de l’oeil le récipient contenant le liquide rouge. Il avait conscience de se comporter de façon un peu bizarre mais il n’y avait là rien de nouveau sous le soleil pour Glenn. Ce n’était certainement pas pour son comportement rationnel et sa retenue qu’on le connaissait et ça lui allait très bien. Et puis de toute façon, il se fichai pas mal de se qu’on pouvait penser de lui, tout ce qu’il voulait c’était de l’alcool. Sans savoir pourquoi, il avait un très mauvais pressentiment, surtout depuis qu’il avait vu le geste que Madeleine avait adressé à Warren après l’avoir saluer. Et c’était sans parler de l’humeur massacrante du shérif qu’il ne parvenait pas à dérider ! Non, vraiment, il le sentait vraiment mal et il voulait donc en profiter au maximum avant que l’orage n’éclate, et si une légère ébriété pouvait l’y aider et bien qui était il pour refuser de l’aide ?
Le blond remarqua distraitement les flammes orangées qui commençaient à s’élever là où s’était trouver Madeleine peu auparavant. Il y avait sûrement là une corrélation mais Glenn était bien le dernier à pouvoir la juger vu le nombre de fois où lui même avait mis le feu à quelque chose .. ou simplement détruit quelque chose. Bref, il en avait pas grand chose à faire et préféra s’intéresser de nouveau au punch pour remplir son verre désormais vide. Il fut agréablement surpris par l’arrière goût alcoolisé de sa boisson et reporta ensuite son attention sur la scène où une (ou deux ?) chorale(s) interprétait le tube de Fergie A little party never kill nobody. Glenn n’était pas vraiment un partisan des glee clubs mais il devait avouer que c’était pas trop mal fait et qu’il avait une envie folle de se déchaîner sur la piste de danse et, pourquoi pas, danser un Charleston tant qu’on y était. Mais il ne voyait pas avec qui il pourrait faire ça dans la mesure où Warren refuserait à coup sûr et il ne connaissait personne capable de danser cela à part Brittany qui était occupée.

Il en était là de ses réflexions, planté en plein milieu d’un passage, sans vraiment faire gaffe aux gens qui pestait contre lui, quand un individu se planta devant lui et lui sortit la phrase d’approche la plus ringarde et drôle de tout les temps. Il mit quelques instants à se souvenir de qui il s’agissait (contrairement à ce qu’on pouvait penser, les gens qu’il haranguait pour un sujet ou pour un autre était légion). Andrew ! Un sourire se dessina sur son visage alors qu’il levait un sourcil amusé et le regardait de haut en bas.

-Andrew ! Je dois dire que tu as l’air … dashing !  Oui, oui la soirée se passe bien pour l’instant. Et toi ? Dis moi que tu as fais quelques bêtises depuis qu’on s’est vu ?

Glenn avait en effet décidé que Andrew devait se dévergonder un peu et en avait fait sa mission sacrée sur Terre. Ils ne se connaissaient pas encore très bien mais cela ne saurait tarder, et puis il l’aimait bien ! Glenn ne put s’empêcher de redresser le noeud papillon, qui était un epu de guingois, de l’autre homme tout en lui souriant.

-Enfin, ça se passe bien mais qu’est ce que c’est ennuyeux !  J’aimerai bien aller enflammer la piste de danse mais bon … Et quoi de neuf de ton côté ? Eros serait-il intervenu dans ta vie ?

Après tout, il n’était pas la commère de la ville pour rien et on ne se refaisait pas.

Quelques bêtises. Quelques bêtises ? Glenn avait toujours été un de ces énigmes qu'Andrew se refusait à comprendre, histoire de n'en perdre ni la saveur ni ce côté mystérieux si attirant. Ou alors le jeune serveur était tout simplement trop feignant pour essayer d'un jour comprendre le blond, ce qui était une possibilité certaine. Et puis, il avait reçu les compliments de ce qu'il considérait comme un ponte de la mode, du moins local, du moins avait il comprendre. Andrew n'était pas très au fait des rumeurs qui circulaient à Lima, même si ce n'était pas faute de surfer assidûment sur les réseaux sociaux et de suivre les différentes personnalités de la ville, assez peu nombreuses pour qu'Andrew ne se perde dans les méandres informatiques du web. On n'appelait pas pour rien internet la toile finalement. Et Sue était sans doute la veuve noire la plus célèbre de la ville. Mais il était assez à jour, sorte d'Andrew 2.0, pour savoir que le compliment de Glenn était une preuve de qualité. Lima's quality, bien mieux que ces voitures allemandes. Après, savoir si le compliment était sincère, c'était une autre histoire, mais Andrew passait une bonne soirée, le sourire vissé sur son visage, et s'était résolu à faire en sorte que la soirée fut bonne. Alors il accepta le compliment, avec un sourire gêné et un rosissement maladroit qui envahissait ses joues. Depuis quand faisait-il aussi chaud dans cette salle ? Mon dieu Andrew, décoince toi mon gars, tu ne fais que parler à un garçon, il te demande pas en mariage hein. Détournant le regard sur une décoration qui pendait au plafond, reprenant contenance et sans froid, il répondit avec une moue navrée qu'il savait contrôler à merveille mais qui était pour le coup sincère.

"Non, pas de bêtises. J'avoue ne pas avoir le temps. Enfin c'est l'excuse que je me donne."

Rire gêné. Encore plus gênant sans doute que le feu de ses joues maintenant disparu. Pourquoi parlait il de la piste de danse ? Et d'Eros ? Ne surtout pas faire de lien, de rapport ? Oh non, pourquoi ce mot, rapport, était il venu dans son esprit. Andrew secoua la tête, comme pour chasser de mauvaises pensées et surtout oublier les images qui venaient de se fixer dans son esprit. Il fallait qu'il trouve de quoi boire, et avec de l'alcool, histoire d'oublier dan =s quel état il venait de se trouver. Il baissa la tête, regardant la pointe de ses chaussures vernies et impeccables, et répondit, mutin. Tenta de répondre, mais il ne savait que dire. Il savait Gleen en couple avec l'armoire à glace, sublime au demeurant, qui était plus loin, la question devait être sans doute innocente. Quant à la piste de danse, Glenn devait sans doute s'ennuyer, il n'y avait ni invitation à la danse, pourquoi s'afficher avec un vendeur quand il avait un shérif bodybuildé dans sa garde robe, ni sous entendu douteux. Andrew respira un bon coup, relevant la tête, et fixa le jeune blond avec un sourire entendu.

"Non, j'ai oublié de renouveler ma carte au club d'Eros, je crois qu'il me fuit. Quant à la piste de danse, je crois que le shérif de la ville cherche un cavalier plutôt dans ton genre. Enfin je crois. Mais si tu veux, je peux t'aider à te des-ennuyer."

Mon dieu, que ça sonne tendancieux. Andrew avait assurément le sens de la formule. Et un certain talent pour se mettre dans des situations aussi gênantes qu'involontaires. Mais maintenant que c'était lancé, il fallait assumer. Et trouver un verre, vite. Andrew en avait besoin, un besoin impérieux, vital. Besoin d'oublier, et vite. Mais déjà la musique changeait, plus rapide, plus joyeux, toujours avec cette aspect poussiéreux et charmant qu'avaient les années 30. Une époque où se bousculaient la prohibition et le trafic d'alcool, la drogue à l'arrière des bars et les billets de banque dans les sous-vêtements des jeunes femmes. On se pensait immortel, à cette époque là. On fumait, on flirtait, on trompait le mari qui n'était jamais vraiment là, on vivait une vie de débauche qui correspondait si mal à la vie que menait le jeune serveur. Mais parfois, il avait envie de fuir responsabilité et image proprette du gendre idéal sourcileux pour s'éclater. Et vivre.

Alors il adressa un clin d’œil à Glenn. Le choix était évident maintenant. Andrew n'en voyait que deux, mais il attendait ardemment d'être surpris par le pape local en matière de haute couture. La piste de danse. Ou le breuvage innocent que la mairesse avait sans doute fait surveiller par les meilleurs agents de la CIA. Et avec un peu de chance, un hélicoptère avec caméra thermique survolait le gymnase pour inspecter que personne ne s'approchait trop prêt et trop longtemps du punch avec une bouteille susceptible d’accueillir l'alcool prohibé. Le choix était dans les mains précises et raffinés du jeune blond, et Andrew savait qu'avec lui, la soirée ne faisait que commencer.