05. Tell me your story, tell me lies

MODO ;

La pause de midi venait de se terminer. Brittany avait laissé Santana à son travail, heureuse d'avoir pu passer ce repas avec elle et de lui avoir ainsi changer les idées. Leur amitié s'était bien rétablie après leur dispute de l'été dernier et leur réconciliation il y a six mois. Les choses ne seraient jamais tout à fait comme avant mais les gens changent et malgré tout cela, leur relation restait forte. C'était le plus important. Avoir dû vivre sans sa meilleure amie et son filleul dans sa vie pendant près de trois mois, cela avait été insupportable.

C'est donc de bonne humeur que Brittany arpentait les couloirs de l’hôpital, offrant un grand sourire aux malades comme aux soignants. Elle fit un crochet spécial dans le service de néo-natalité et ralentit le pas en approchant de la vitre donnant sur la salle où se reposaient les bébés dans leurs cocons. Voir toutes ces bouilles adorables éloigna toute trace résistance de mauvaise humeur. L'approche des Sectionals et la nervosité de Finn ainsi que du reste des UH avaient fini par la gagner, malgré son flegme habituel pour ces évènements. Mais, ici, ces soucis s'éloignaient au moins pour quelques temps.

Au bout de quelques instants, l'attention de Brittany se détacha des bambins, attirée par une jeune femme penchée sur un berceau. Elle lui rappelait quelque chose, mais ce n'est que lorsqu'elle se retourna pour caresser un autre enfant que Brittany la reconnut : c'était son ancienne voisine, disparue du jour au lendemain il y a plus de huit mois. Bon, en toute honnêteté, la blondinette ne s'était pas rendue compte tout de suite de sa 'disparition' : bien qu'elles étaient bonnes copines, elles ne s'étaient pas vu pendant un moment avant cela, alors elle n'était pas au courant des détails...

Leah fit le tour des couffins et Brittany réalisa bientôt qu'aucun d'entre eux ne devait être son enfant à elle. Peut-être travaillait-elle là ? Elle avait une blouse après tout... Curieuse, Brit' décida d'attendre patiemment et de poser la question. Ainsi, lorsque Leah sortit de la salle, elle était attendue et fut chaleureusement saluée : « Salut ! » Avec un grand sourire, Brittany ouvrit les bras bien grands en une invitation à l'étreinte. « Ça fait longtemps ! Je t'ai aperçu, je me demandais comment tu allais ? Tu travailles ici maintenant ? »

Ça ne semblait pas vraiment correspondre à l'artiste photographe dont Brittany se souvenait mais qu'est-ce qu'elle en savait après tout...

Cela faisait une semaine que Leah s’était inscrite en tant que bénévole à l’hôpital Ste Rita et plus particulièrement auprès des enfants et nouveaux-nés. Au début, ça n’avait pas été facile. Elle ne s’était occupée que d’un seul bébé dans sa vie ! Elle n’avait plus de famille proche, pas de cousine ou de tante qui lui aurait demandé de baby-sitter sa progéniture. Le seul enfant avec qui elle avait eu une réelle relation, c’était Yoshino. La fille de Yokiko rencontrée pendant son séjour au japon et qui avait le même âge que Livia. Elle avait gardé plusieurs fois Yoshino et c’est comme ça qu’elle s’était rendue compte qu’elle devait remonter la pente, travailler sur elle-même pour pouvoir rentrer à Lima et s’occuper de Livia. Le sourire et les progrès de Yoshino avaient fait le plus gros du travail et la thérapie qu’elle a suivi là-bas avait fini de la préparer à ce retour si compliqué. Car malgré tout cela, ça avait été très difficile. Elle s’était comportée comme une alcoolique irresponsable et violente avec Christa et Tim, elle s’était fait renvoyer paître par Robbie qui lui avait dit qu’elle était incapable de s’occuper d’un enfant… Elle n’avait toujours pas vu Livia depuis qu’elle était arrivée et c’était une douleur lancinante, comme un poids de plus en plus lourd qui oppressait sa cage thoracique. Alors, pour se prouver à elle-même et à Robbie qu’elle pouvait s’occuper de Livia, elle s’était inscrite bénévolement dans ce service et elle passait une partie de ses journées entourées d’enfants et de leurs mères. Certains instants auprès de ces petits anges semblaient alléger quelque peu le poids de l’absence de Livia mais par moment, c’était pire et elle avait l’impression de manquer d’air. La veille, elle avait pleuré en cachette dans une pièce de stockage de matériel médical.

Mais à présent, elle contemplait ces merveilles toutes fraichement mises au monde. Ils étaient tous beaux ces bébés, ils méritaient des parents irréprochables. En revenant en arrière, elle se mordait les doigts de ne pas avoir suivi de thérapie pendant sa grossesse, de ne pas avoir vu venir ce pétage de plomb qui l’avait fait quitter Lima en laissant toute sa vie et surtout sa fille derrière elle. Elle prit une magnifique petite Clara dans ses bras et la berça un instant en s’imaginant que c’était Livia. Elle la reposa délicatement pour ne pas la réveiller après qu’elle se soit endormie. A vrai dire, elle avait fini tout son travail et n’avait plus rien à faire pour le moment, c’était l’heure où elle rentrait chez elle déjeuner avant d’aller faire un tour au studio pour gérer les affaires courantes de son entreprise. Elle caressa la joue douce et rosée de Clara puis, elle passa entre les berceaux médicalisés et replaça quelques couvertures tout en ayant un geste d’affection pour chacun des bébés dont elle s’approchait. Elle avait de l’amour maternel à revendre, cet amour qu’elle avait trouvé en elle tardivement et qui mourrait d’envie de s’exprimer et de s’épanouir pour Livia. Elle finit par se décider à sortir de la pièce avec un pâle sourire sur le visage et releva la tête pour tomber nez à nez avec Brittany. La surprise s’afficha sur son visage, même avant qu’elle ne quitte Lima, les deux amies s’étaient perdues de vue pendant un moment. Cela devait bien faire un an qu’elles ne s’étaient pas vues voir plus car Leah ne se souvenait pas d’avoir à expliquer son ventre arrondi à la danseuse blonde.

L’accueil chaleureux de Brittany rassura Leah qui avait toujours une forte appréhension quand elle recroisait quelqu’un à Lima. Leah répondit avec un réel entrain au salut de Brittany et s’avança pour accepter et lui rendre son étreinte :

« Oh Britt’, ça me fait super plaisir de te voir ! Ah ben moi, je pète le feu ! Et toi, ça va bien ? »

Avec Brittany, ça avait toujours été une amitié sans prise de tête, c’était simple avec elle, elles partageaient de bons moments en faisant chauffer leurs cartes bleues dans les boutiques, riaient de bon coeur et s’amusaient d’un rien. Elles n’avaient jamais eu de discussion philosophique ou à cœur ouvert sur leurs souffrances ou sentiments profonds, elles profitaient simplement de la compagnie de l’autre pour se changer les idées. Alors quand Brittany lui demanda avec tant d’innocence si elle travaillait là et comment elle allait, Leah fit rapidement le calcul dans sa tête. A l’époque, Brittany ne fréquentait pas grand monde du cercle de Leah. Ryder, Robbie, Tim et Christa n’avaient pas de lien avec elle. Alors, se pouvait-il que Brittany soit une des rares dans Lima à ne pas savoir que Leah était une mère indigne ? Et même une mère tout court ? Alors, elle fit ce que n’importe qui aurait fait à sa place, ou du moins c’est ce qu’elle se dit pour se déculpabiliser, elle inventa une histoire abracadabrante en y glissant quelques vérités :

« Oh, non. Je fais un peu de bénévolat, ici ! Tu sais, bosser pour mon entreprise c’est sympa, mais pas aussi gratifiant que de donner de mon temps pour les enfants malades… Je reviens du Japon, tu étais au courant ? Je… Je me suis engagée dans un cirque pendant un an ! »

Quoi ? Un cirque ? Leah n’était pas très douée pour improviser ce genre de mensonge. Elle avait conservé son véritable pays de destination, tout en gonflant la durée de son séjour. Il y avait des cirques au Japon ? Elle n’en avait pas vu un seul quand elle y était et se sentit légèrement rougir sous l’effet du mensonge. Elle se racla la gorge et se mit à se diriger vers les vestiaires en faisant signe à Brittany de la suivre dans le couloir :

« Je vais te raconter ça, mais d’abord il faut que je me change ! J’ai fini, je comptais aller manger un bout chez moi mais si tu es dispo, je t’invite au restau ! »

Elle lui tournait le dos à présent et profita de ce moment pour essayer de se façonner un visage impassible et de réfléchir à toute vitesse à des détails pour étoffer ses bobards. Elle entra dans le vestiaire et tint la porte ouverte pour Brittany afin que celle-ci l’attende sur le banc pendant qu’elle se changeait dans les cabines individuelles. Elle prit ses affaires dans son casier, entra dans la cabine et commença à déboutonner sa chemise :

« Non mais c’est une histoire de fou, tu ne vas pas me croire…

En fait, je l’ai rencontré sur un shooting à New-York… C’était le dresseur de tigres, enfin des fauves quoi… Il… Il était sexy avec sa cicatrice sur le visage. Une histoire de fou, c’est un lion une fois qui l’a attaqué… Enfin, bref… Il s’appelait…

…Gozo. Et ça a été la passion instantanée. Du coup je l’ai suivi à Tokyo ! »

Tout en enfilant sa robe en laine grise, elle fit une grimace désespérée. Mais qu’est-ce qu’elle avait été inventer encore… Un dresseur de fauve nommé Gozo avec une cicatrice sur le visage et qu’elle avait rencontré dans un shooting à New-York ?? Personne ne croirait à une histoire pareille… Derrière la porte de sa cabine, elle se mordit les lèvres en attendant la réaction de Brittany et en se disant qu’elle allait bientôt devoir photoshoper la photo d’un japonais random trouvée sur Google si son amie lui demandait à voir ce fameux Gozo avec qui elle aurait eu une soit-disant relation passionnée d’un an…

MODO ;

La compagnie d’une amie pleine d’entrain et de bonne volonté finit d’illuminer la journée de Brittany : oubliées ses pensées moroses sur la compétition à venir ou ses préoccupations pour son cours du danse du soir, c’était le moment de papoter tranquillement ! Pas de lourd passé entre elles deux, elles étaient copines et ne parlaient que de choses légères et agréables. Exactement ce dont elle avait besoin. La preuve en était de l’annonce de Leah : la bouche entrouverte d’admiration, Brittany relâcha son étreinte et joignit ses mains devant sa poitrine en signe d’émotion.

« Vraiment ?! C’est super ! » s’exclama-t-elle, les yeux brillants. Du bénévolat et un voyage d’un an dans un endroit exotique ? Wow, Leah avait une vie excitante, quelle force de caractère ! Même si elle en avait les moyens, ce genre de choses n’était pas venu à l’esprit de Brittany lorsqu’elle était sans activité (ou, en tout cas, pas de manière sérieuse). Avide d’en savoir plus, elle hocha la tête et emboita le pas de Leah. « Oh, j’ai déjà mangé avec Santana, » avoua-t-elle, un peu contrite, avant de rajouter rapidement : « Mais je pourrais prendre un dessert et un café ! » Elle n’allait pas rater cette histoire, quand même !

Elle s’installa docilement sur un banc et écouta le récit de Leah à travers la paroi, tout en caressant et jouant avec le velours pourpre de sa jupe. Son esprit, très imaginatif (et naïf, comme on le sait), n’eut pas de mal à visualiser la scène que décrivait son amie. Préoccupée par ces images, elle ne remarqua en rien le rythme saccadé du récit, les pauses, les répétitions ou les points un peu stéréotypés, avalant diligemment cette belle histoire. Elle émit quelques mots et bruits admiratifs pour marquer qu’elle écoutait et encourager Leah sur sa lancée.

Lorsque cette dernière ressortit, Brittany se leva vivement et sautilla sur place. « Woah ! C’est incroyable… et tellement beau ! Il faudra que tu me montres des photos de lui ! et de Tokyo, aussi, bien sûr ! Tu as dû prendre tout un tas de super photos là-bas ! » Elle ouvrit la marche vers la sortie cette fois ci, et revint sur le sujet qui l’avait le plus marqué : « Mais un cirque, quand même, c’est extraordinaire ! Tu as participé aux spectacles ? avec les tigres et Gozo, peut-être ? ou tu as pris des photos ?! Comment étaient les animaux ? »

L’amour des chats (et des gros félins, par extension) de Brittany menaçait de ressortir et de monopoliser la conversation. Elle tenta de se maitriser parce que, bien sûr, il y avait bien plus dans cette histoire que des tigres, aussi mignons soient-ils. Ceci dit, dans un cirque, les animaux (oh, les otaries ! elle adorait les otaries, elles étaient toujours si drôles, avec leurs grandes pattes toutes plates !) et les danseurs aériens (comment cela s’appelait déjà ? un funicule ?) étaient clairement le lot du panier !