Au début de l’année, Matteo avait attiré la curiosité de bon nombre d’élèves, il avait eu droit à un tas de questions, à des regards admiratifs, à des demandes d’autographe. La plupart des élèves s’étaient néanmoins habitués à la présence de l’enfant star parmi eux, et s’étaient progressivement désintéressés de lui. Sauf Kessy Jefferson, celle-ci était plus tenace, et avait de bonnes raisons, puisqu’elle espérait faire carrière. En ce qui la concernait, ça n’était pas de la curiosité malsaine ou quoi que ce soit d’autres, elle posait énormément de questions, au point d’être souvent agaçante, mais ce n’était pas pour obtenir des potins. Il y avait en revanche une personne dont il n’avait jamais compris le comportement : Kara Sparks. La cheerleader s’était beaucoup intéressée à lui, au début, mais ça n’avait pas duré longtemps. Du jour au lendemain, elle avait cessé de lui parler, l’évitant presque. Ce n’était pas vraiment le genre de comportements auxquels le jeune garçon était habitué, et il n’avait pas vraiment su comment réagir, alors il avait fait comme si de rien n’était, essayant de parler à l’evil cheerio comme si son comportement à elle n’était pas étrange. Elle ne se rendait peut-être pas compte après tout. Obnubilée par sa soif de popularité, cherchant sans cesse de nouvelles personnes avec qui créer des liens pour la tirer vers le haut, elle passait à côté de possibles amitiés lorsqu’elle tournait le dos au gens. Mais le karma bitch la rattraperait peut-être un jour. Matteo n’était pas susceptible, ou rancunier, ou quoi que ce soit, et l’attitude de Kara l’intriguait plus qu’autre chose, mais il n’était pas dit que tout le monde réagisse de la même façon que lui. Cela dit, il avait essayé d’aller lui parler le midi-même, et elle lui avait encore une fois tourné le dos pour aller de l’autre côté du couloir.

Cela avait été la fois de trop. Cette fille avait un problème avec lui, et il avait vraiment envie de comprendre d’où il venait. Il ne se rappelait pas l’avoir vexée, avoir dit le moindre mal d’elle, ou fait quoi que ce soit qui ait pu la blesser. Sa décision était prise : il allait insister pour lui parler. Pas devant ses amies – ou esclavagistes ? – cheerleaders, bien sûr. La présence de celles-ci ne ferait qu’empirer les choses. L’adolescente se pliait en quatre, ou presque pour faire ce qu’elles lui disaient, uniquement pour grimper sur l’échelle sociale. Du moins, c’était ce que Matteo pensait remarquer, mais il pouvait parfaitement se tromper, puisqu’il n’avait jamais eu l’occasion de parler avec la jeune fille de la situation. Cela faisait trop longtemps que ce petit jeu durait. Tantôt mielleuse, tantôt fuyante, ce comportement agaçait le jeune homme à un point qu’il n’aurait pas estimé. Il ne demandait qu’à comprendre. Qu’avait-il bien pu faire ?  

A chaque intercours, il restait donc dans les couloirs, à attendre de l’apercevoir seule. Il n’attendait que de pouvoir percer l’abcès. A chaque fois qu’il l’aperçut, elle était avec d’autres filles. Ce genre de filles en quête d’ascension sociale ne se promenaient donc jamais seules ? Trop dépendantes des autres et de leurs avis pour oser s’aventurer seules dans les couloirs, ou pour faire quoi que ce soit. Le souci qu’il avait pu remarquer avec les cheerleaders et les footballeurs, était qu’ils voulaient être les rois et les reines du lycée, reconnus par tous. Mais dans le monde extérieur, en dehors de McKinley High, personne ne les connaissait. Ils oubliaient ce détail, pourtant crucial à leur vie. Tous ces efforts pour se faire connaître dans les couloirs d’un établissement scolaire ne leur serviraient strictement à rien. Alors il les regardait tous faire, regardait les filles faire leurs drama queen, les footballeurs faire leurs gros durs, alors qu’en fait certains étaient juste faits de mousse, et il suffisait d’une petite attaque verbale pour les faire pleurer, ou leur donner envie de se battre. Dans tous les cas, ils finissaient toujours par s’écraser, et par maugréer leur échec.

A cette pensée, le jeune homme leva les yeux au plafond et soupira. Il était adossé à son casier, un genou plié, le pied appuyé sur la métal, les mains dans les poches. Les couloirs étaient pleins, mais pas de Kara Sparks à l’horizon. La sonnerie de midi venait de retentir, et les lieux se vidèrent rapidement. Evidemment, tout le monde allait au self. Il attendit quelques minutes, mais personne n’arrivait. Il soupira d’agacement, avant de se lancer sur la route du self. Il mangeait avec Candace, et la faire attendre trop longtemps n’était pas franchement une bonne idée. Il n’activa pas pour autant le pas. Il fallait qu’une trouve une autre stratégie pour réussir à parler à la Sparks. Arrivé devant la porte du self, il n’avait toujours rien trouvé. Sa main se trouvait sur la poignée lorsqu’il entendit du bruit derrière lui. Trois filles venaient d’arriver : deux cheerios et une autre. Il ne les voyait pas encore très bien, mais il ne mit pas longtemps à reconnaître l’accent d’Andie Lloyd, qui n’était inconnu à personne. Il en déduit donc que les deux autres filles étaient Harper Pritchard, et Kara. Il avait prévu de ne pas aller la voir alors qu’elle était avec ses amies, mais il se rendait à présent compte qu’il n’avait plus vraiment le choix. Il enleva sa main de la poignée, et se retourna vers les arrivantes, faisant mine de ne pas les avoir entendues. « Oh tiens, Kara, tu tombes bien ! Je peux te parler deux minutes, s’il te plait ? ». Il adressa un sourire aux deux autres. « Promis, je la garde pas longtemps ! ». Il espérait que sa manœuvre innocente fonctionnerait. Autant que son interlocutrice soit coopérative, sinon, ça serait plus embêtant.