Choriste du mois

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 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...

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Grace Hamilton
Grace Hamilton
We don't own our heavens now.
We only own our hell.
Age : 23 Ans
Occupation : Bénévole à la LPA - Cantinière à l'OSU Lima - - Bloggeuse culinaire de bas étages
Humeur : You can be Alice I'll be the Mad Hatter
Statut : Vestale
Etoiles : 7393

Piece of Me
Chanson préférée du moment : Marina and the Diamonds - Lies
Glee club favori : Second Chances
Vos relations:
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MessageSujet: 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...   05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak... EmptyDim 11 Mai - 1:18

Les doigts de Grace se refermèrent sur l’ourlet fleuri de sa jupe. Ses onglets un peu plus longs qu’à l’accoutumée effleurèrent ses genoux et y tracèrent des marques rosâtres qu’elle recouvrit du tissus qu’elle triturait nerveusement. La tête penchée, un angle pratiquement inhumain appliqué entre ses cervicales et son sternum, résultat d’années de prière acharnée, ses cheveux en rideau luisant tout autour de son visage, elle respirait difficilement dans son cocon doré. Mordillant sa lèvre inférieure, fixant ses mains bien trop serrées pour faire comme si elles ne tremblaient pas, Grace sentait les regards qui vrillaient de tous côtés.

Les doigts de Grace se refermèrent sur les plis des draps blancs. Son nez ne sentait plus que l’odeur hygiénique vaguement nauséeuse d’antiseptiques et de gel hydroalcoolique. Ses cheveux écrasés sur l’oreiller tiède, elle fixait le plafond au blanc rendu grisâtre par la lueur mourante d’une lampe bas de gamme. Les lèvres serrées en un mince trait pâle, elle sentait des yeux posés sur elle. Et c’était la personne à qui ils appartenaient qu’elle fuyait. C’était à cause de la personne à qui ils n’appartenaient pas qu’une bordure humide s’était alignée sur ses cils.

Ses commissures tressaillirent.

Les chaises à ses côtés s’écartaient en cercle, chacune occupée par un membre de la Section Soutient-Psychologique de la LPA, chacune occupée par une paire de bras enroulés sur un torse vaguement recroquevillés sur ses malheurs, une petite armée de fœtus adultes heurtés par la Vie et les êtres qu’elle contient au point de s’être rappelé leur vie d’Avant, leur existence in-utero, le petit Paradis qui précède la vie bipède imposée. Les traumatismes nous font faire demi-tour. Ils font voir aux humains ce qu’il y avait avant. Ce qu’il y avait de Bien. Et les leur fait regretter. Fort. Si fort qu’ils ne veulent plus. Qu’ils disent non. Qu’ils font semblant. Et recrée sa petite bulle aquatique avec ses pensées, et perd dans le chantier sa raison et sa force. Ces êtres désincarnés posaient sur elle, elle, la Grace Hamilton, l’enfant de l’Église, la bénévole active, celle qui ne s’était jamais assise sur une chaise de cette Institution pour recevoir mais bien pour donner. Et, sous son regard fatigué, il lui semblait voir une quinzaine de blonde aux yeux bleus, meurtries, alignées devant elle. Une courbe d’elles, de reflet de cette vie qu’elle avait découvert pendant une fraction de seconde, qui se refermait juste devant elle, sur un fauteuil vide.

Elle s’était positionnée là précisément pour ça. Pour que personne n’ait une raison à la forcer à tout contact avec un autre humain, pour ne pas avoir le regard auquel répondre, pour ne pas avoir un jugement à deviner. Elle avait cru que c’était une bonne idée. Elle s’était trompée.

Elle s’était trompée. Elle avait cru qu’il viendrait. Qu’il la prendrait dans ses bras. Qu’il l’embrasserait sur la joue. Qu’ils tourneraient un peu, ensemble, unis, enfin. Qu’ils riraient d’une félicité inaltérable et qu’il l’emporterait au loin, après l’horizon et le soleil, après l’atmosphère qu’ils ne devraient plus partager les autres, après les étoiles nécessairement jalouses, nécessairement pas assez brillantes, et plus loin encore.

Elle s’était trompée. La chaise était occupée. Comme le reste de la pièce. Les espaces vides étaient comblés, remplis. Le moindre atome d’oxygène saturé des doutes et de la confusion qu’elle exhalait par flot constant. Comme en condensation sur sa joue, elle sentait ses souvenirs brûler sa peau comme des poussières incandescente de cigarette calcinée, sans vraiment vouloir, sans vraiment pouvoir, les regarder. Comme tous les autres êtres de la salle, elle les a effacés, presque convaincue deux genoux et vingt centimètres de ses jambes composaient son univers à présent. C’était tellement plus simple. Tellement moins douloureux.

Une main se glissa dans la sienne.

Une main se glissa dans la sienne. Elle frissonna.

Elle sourit.

Elle tourna la tête et fixa le mur. Elle regardait la peinture hideuse accrochée sur du papier peint fade. Elle détaillait le moindre centimètre carré nettoyé avec soin, elle listait ce qui était dans son champs de vision, ce qui n’y était pas, dans l’ordre alphabétique. Ca l’occuperait, oui. Oui. Ca l’occuperait. Elle réfléchirait à autre chose. Elle oublierait.

Les doigts serrèrent les siens.


Elle serra les doigts avec ferveur.

Elle ferma les yeux. Elle priait. Elle hurlait. Elle ne voulait pas être là. Elle ne le voulait plus. Elle le voulait lui. Pas elle.

Elle. Encore. Toujours.

Grace releva la tête et croisa le regard bleuté.

Elle se noyait dans les prunelles qu’elle avait fini par croiser. Elles l’absorbaient, la dissolvaient dans un méandre d’empathie et d’inquiétude. Elle sentait la main perdue dans ses cheveux, comme la caresse que le regard trace sur le corps fêlé de son âme malingre. Une larme coula. Une joue se colla. Des cheveux roux, trop longs cependant, effleuraient ses cils dans une étreinte qu’elle vécu derrière ses sanglots.

Tout allait aller. Tout allait aller. Tout allait aller.


-Ca va aller., chuchota-t-elle à l’oreille d’Emma, penchée sur elle, son éternelle moue d’affection polie largement affichée.

Elle dévoila quelques dents. Le sourire était rongé par son regard. Les constellations disparaissent dans des trous noirs.

-On peut y aller…
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MessageSujet: Re: 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...   05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak... EmptySam 24 Mai - 18:27

Au fond, être fou n'équivalait jamais qu'à se bercer d'une réalité différente de celle des êtres humains que l'on considérait comme normaux. Que la société évaluait comme normaux. Que des tests poussés et prétendument objectifs sacraient normaux. Tests eux-même effectués par des scientifiques tout aussi fous, fous de construire leur monde, fous de le percevoir en langage mathématique quand d'autres le voyaient en rose, fous de penser que leur vision biaisée était capable de sonder les esprits les plus flous. Les plus fous. La relativité était un principe intrinsèque à la vérité. Et quelle vérité, au juste? Celle que les esprits façonnaient aléatoirement au détour de concepts inconsciemment ingurgités, de normes acceptées dans la stupidité la plus profonde -celle qui consistait à accepter sans questionner. Les plus fous questionnaient trop, probablement. Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont. La vérité de Grace n'était pas moins vraie que la vérité d'un esprit prétendument sain; pourtant elle était fausse.

Il n'y avait rien de rationnel à vouloir classer des boîtes de conserves de la plus petite à la plus grande, rien d'intelligent dans le fait de devoir se laver les mains en tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre dans un rituel quotidien qui incluait un nombre optimal de tours à effectuer. Les personnes normales ne trouvaient pas de confort dans l'utilisation abusive d'un chiffon contre une paroi vitrée. Les personnes normales ne voyaient pas l'intérêt d'aligner méticuleusement les objets disposés sur leur bureau. D'ailleurs, les personnes normales ne sentaient pas un frisson désagréable les parcourir des pieds à la tête à la vue d'un tableau de la tour de Pise qui les confronterait à un dilemme dont ils n'avaient que faire: pencher le tableau pour avoir une tour droite ou aligner parfaitement le tableau sous peine d'avoir une tour penchée. Non, ça, ça ne dérangeait pas les vérités rationnelles. ça dérangeait Emma.

Un peu nerveuse, la rouquine triturait la hanse de son sac à main comme si son aspect relativement épais et mousseux lui conférait un pouvoir relaxant, à la manière de ces boules de couleur médicalement conçues sur lesquelles appuyer frénétiquement rendait prétendument plus détendu. ça ne marchait pourtant pas vraiment. Elle avait le sentiment de ne pas appuyer aussi fort qu'elle ne l'aurait voulu, et d'ailleurs quand elle serrait ses mains frêles autour de la bande trop fine, elle se voyait contrainte de laisser ses ongles un peu trop longs s'enfoncer de quelques millimètres dans la paume qui leur faisait désormais face.

L'important n'était plus de dire vrai, de penser vrai, d'être raisonnable, rationnel, ou même sage: l'important était de le paraître. S'acheter une crédibilité était plus que compliqué pour les maigres moyens d'Emma. Elle luttait à chaque seconde pour être perçue pour peut-être un peu plus sage qu'elle ne l'était, particulièrement face à Grace. C'était en voyant la désolation dans laquelle elle s'embourbait que la conseillère d'orientation avait décidé qu'il fallait absolument faire quelque chose. Son obsession pour Wyatt avait été seulement excentrique au commencement; d'ailleurs Emma ne s'était que modérément inquiétée, n'avait que modérément essayé de faire comprendre à la jeune chrétienne qu'aucune volonté Divine ne les avait liés l'un à l'autre. Ni une volonté Divine, ni une volonté Divinatoire. Tout était faux. Plus faux que le faux que sa folie rendait vrai. Plus loin que la relativité: c'était dangereux. Pour elle, pour un couple qui s'était déchiré, pour un avenir qui n'était que plus gris au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient en la laissant plonger dans l'illusion qui faisait désormais son monde. Elle avait peut-être trop attendu, peut-être pas assez: tout ce que Emma voyait en tout cas, c'était que désormais la puissance des troubles qui hantaient les yeux vitreux de Grace était trop prononcée pour permettre à une simple amie, fut-ce Emma, de l'en débarrasser. Et si elle voulait la convaincre que sortir de ces maux étrangement confortables était une solution plus acceptable, il faudrait qu'elle invoque des forces un peu moins équivoques que celles qui étaient éventuellement les siennes.

Accepter de se rendre en psychanalyse n'avait rien d'évident. Loin, très loin de là. Emma en savait quelque chose: elle avait cherché à repousser l'échéance au maximum. Quelque part, se rendre d'elle-même dans une pièce aux murs froids spécialement conçue pour les "fous" achèverait d'ancrer ce titre en elle. Elle ne serait plus jamais normale; elle ne serait plus jamais légèrement dérangée, plus jamais juste maniaque. Elle souffrirait officiellement de Troubles Obsessionnels Compulsifs. Elle serait Malade. Malade mentale. Son cerveau serait détraqué, définitivement. Il l'aurait toujours été, et on le saurait, désormais. Elle avait eu le sentiment que plus jamais elle ne se définirait que par cette formule humiliante: je m'appelle Emma Pillsbury. Et je ne peux plus dire que je n'ai jamais eu besoin de l'aide d'un psychologue.
Ce pas, ces quelques pas, Grace ne pouvait pas les faire seule. Et pourtant il en était grand temps. Aussi la rouquine souhaitait tout mettre en oeuvre pour l'y aider... et Grace répondait que ça irait. Renonçant à son étreinte, Emma prit une inspiration profonde, un peu déroutée et envisageant difficilement la manière adaptée de s'adresser à la jeune Hamilton. C'est là qu'elle réalisa qu'elle devait à tout prix éviter de ne la considérer ou la définir autrement que par son "problème". La réduire à ce dernier serait la conduire à définitivement le rester. « C'est courageux d'être ici. » Répéta-t-elle, peut-être aussi pour elle-même. Parce qu'elle-même se sentait un peu trop peu courageuse pour être là. Parce qu'elle avait déjà eu la faiblesse de ne pas savoir être forte seule; parce que ça avait marché, un peu. Parce qu'elle se sentait encore terriblement vulnérable. « Oui, tout ira bien. C'est plus impressionnant avant que ça commence. » Acquiesçant pour se faire savoir qu'elle disait vrai, Emma s'installa à côté de Grace, songeant qu'elle aurait peut-être dû plus clairement définir sa présence en tant que patiente ou encadrante. C'était un comble, non? Une sorte d'aide psychologique pour quelques personnes qui elle-même avait besoin d'aide. En l'occurrence, Emma avait tenu à ce que ce soient d'autres bénévoles de la cellule psychologique qui s'essaient à la tâche de meneur de groupe. Ce serait probablement plus efficace pour Grace d'avoir le sentiment de ne pas être seule, d'être mieux comprise parce que souffrant d'une pathologie que d'autres avaient connue... et dont on se tirait, en somme. Un peu, au moins. Balayant du regard les visages fermés qui les entouraient, Emma reporta son attention sur Grace, cherchant ses pupilles. « Tu peux commencer à parler la première, si tu le souhaites. »
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Grace Hamilton
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MessageSujet: Re: 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...   05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak... EmptyMar 27 Mai - 21:35

Courageux. Courageuse. L’était-elle vraiment ? Aux royaumes des aveugles, les borgnes sont rois. Et pourtant. Parmi tous ces visages fermés, ces petits doigts un peu trop repliés, ses jambes calées un peu trop loin sous leur siège. Parmi toutes ces âmes fripées, écorchées, couturées… Pouvait-elle réellement prétendre à quoique ce soit ? Pouvait-elle réellement penser être courageuse ? Avoir perdu moins de sang dans les batailles ? Sentir ses cicatrices brûler avec moins d’intensité? Non. Elle ne pouvait pas. Parce qu’ils n’étaient pas les autres. Ils étaient elle. Des reflets à peine déformés. Des projections de sa pauvre petite personne. Les éclats brisés de monde mis en patchwork, balancés sur la toile grisâtre du groupe de soutien, au hasard. Ils étaient de l’Art. Des effusions expressionnistes, conceptuelles, sombres et torturées. Plus impressionnant. Frisson. Nausée. Froid. Elle avait froid. Commencement. Oui. Non. Peut-être. Pourquoi pas. Sans opinion. Grace n’avait aucune opinion. Grace n’avait plus rien.

Grace n’était plus rien.

Les choses avançaient lentement, et pourtant, c’était comme si tout se déplaçait à cent à l’heure autour d’elle. Si vite, si brusque, tout valdinguait sans connexions, sans liens logiques. Si bien qu’elle se retrouva à parler. Sans comprendre. Sans vouloir. Et pourtant les mots s’alignaient. Et à peine avait-elle démarré qu’elle n’en déjà voyait plus, ne voulait pas en voir, la fin.

-Je m’appelle Grace Hamilton.

Sa voix lui paraissait lointaine. Blanche. Désincarnée.

-Certains parmi vous doivent probablement me reconnaître… Vous m’avez sans doute vue à l’église, ou dans les locaux de l’Association, dans diverses actions de charité, ou tout simplement croisée en ville… Certains même m’ont peut-être déjà entendue chanter dans une chorale…

Elle hocha doucement la tête.

-Oui, pouvez facilement savoir beaucoup de choses sur moi. Mais vous ne pouvez pas savoir que je suis.

Elle releva le front, ses yeux glacés posés sur le néant qui s’étendait à l’infini devant elle.

-Je suis…

Lèvre mordillée.

-… Je suis mythomane.

Regard remonté vers le plafond. Voix atone.

-Je ne sais pas quand ça a commencé. Peut-être hier. Peut-être il y a un an. Il y a deux, trois, dix ans. Peut-être même avant. Je ne sais pas. Je ne sais pas si je suis née ainsi. Je ne sais pas quand j’ai commencé à aimer ça. Je ne sais pas si c’est une épreuve ou une punition. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas comment. Mais c’est ainsi.

Elle était contaminée. Infectée. Elle était Pécheresse. Ses traits se tordirent imperceptiblement. Elle avait envie de vomir.

-Le Mensonge m’a menée…

Respiration difficile.

-Bien trop loin. Le Mensonge était une solution facile. Une réponse toute faite aux questions qu’on pouvait me poser. Une gomme pour tous les petits détails qui ne devaient pas exister. C’était un moyen d’être plus…

Trouble.

-Parfaite.

Regard égaré. Quelque chose. Quelqu’un. A regarder. Pour s’accrocher. Les yeux bleus. Ses yeux bleus. Tête détournée. Paupières rabattues. Noir. Réconfortant. Bien. Bien. Bien. Très bien.

-C’était la Grace que les gens s’attendaient à voir. Que j’espérais devenir. C’était ce qu’il y avait de Mieux pour tout le monde… C’était ce que je croyais. Le Mensonge m’a…

Tête secouée. Non. Yeux ouverts. Lumière écrasante.

-J’ai menti. A tant de gens. A moi-même, en premier lieu. J’ai fait des choses… Des choses horribles. J’ai conspué, j’ai insulté, j’ai cru en l’amour…

L’Amour.

-…, j’ai forcé les autres à y croire, j’ai participé à la déchirure d’un couple, et je m’en suis réjouie, je me suis éloignée des gens qui comptaient le plus pour moi, j’ai harcelé une jeune fille, j’ai aidé à la précipiter dans l’alcoolisme, je l’ai provoquée, jusqu’à la violence, et lorsqu’elle m’a tendu la main… Lorsqu’elle a cherché à m’aider…

Frémissement.

-J’ai menti. Encore. J’ai souri. Elle m’a prise dans ses bras. Et je me suis laissée faire. Pour avoir ses marques sur moi. Pour avoir des… Des preuves. Quand je me suis retrouvée chez moi, j’ai… Je…

Silence. Dehors. Dedans. Partout.

-… Je me suis fait mal… Je… Je ne sais plus exactement comment mais… Je…

Déglutition.

-… J’avais pris des médicaments. Oui. Des médicaments. Pour aider les saignements. Pour être sûre d’aller à l’hôpital. C’était volontaire. Totalement volontaire. Quand je me suis retrouvée aux Urgences, j’étais…

Bouche entre-ouverte.

-J’étais heureuse. J’avais prévu une robe. Une jolie robe. Une robe pastel, comme il les aime… Quand il m’embrassait, j’avais toujours une robe pastel…

Clignement des yeux.

-Dans ma tête. Quand il m’embrassait dans ma tête, je… J’étais jolie. Et il était beau. Et je voulais ça. Oui. Je voulais ça. Alors j’avais pris ma robe pastel. Mais ils n’ont pas… Ils n’ont pas voulu que je la mette, alors, c’est pour ça que… Je…

Non. Non. Non.

Qu’est-ce qu’on lui avait dit ?

-Aucune importance. Oui. Non. Si. La robe n’avait aucune importance. Parce que j’avais appelé ce garçon..,

Le garçon.

-… pour qu’il vienne, et me serre dans ses bras, et accuse cette fille, parce que j’avais des marques, vous voyez, j’avais des preuves, et qu’on s’aime fort, fort, fort… Mais… Tout-ça, c’était du Mensonge. Parce qu’il est venu. Mais on ne s’est pas aimé. Non. Pas du tout.

Goût amer dans la bouche.

- Il m’a regardé. Et dans ses yeux. Dans ses yeux.

Ses yeux.

-Il n’y avait pas de l’Amour. Non.

Mains tremblantes.

-Non.

Figée d’un seul coup. Moue placide.

-Il est parti. Il m’a laissée.

Il les a laissé.

-Et c’était terminé.

Rideau.

Elle revint en arrière, tout contre sa chaise. Ses yeux s’écartèrent vers l’avant de son visage. Son chuchotement devenait rauque, mécanique.

-Je m’appelle Grace Hamilton. Et je ne vais pas bien.

Yeux fermés.

-Mais je sais. Je sais qu’un jour, pas aujourd’hui, pas demain, peut-être même pas le jour d’après, mais un jour, ça ira mieux…

Un jour, tout sera Parfait.

-Je m’appelle Grace Hamilton. Et j’attends.
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MessageSujet: Re: 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...   05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak... EmptyLun 7 Juil - 22:27

Guérir mentalement était bien moins aisé qu'il ne l'était de le faire physiquement. Les amputés, écorchés vifs, brûlés à vie riraient à cette hypothèse insidieuse... pourtant il y avait quelque chose de plus logique, de plus mathématique dans la blessure physique: avec ou sans jambe. Avec ou sans cicatrice. Une ou deux plaies. Un cerveau blessé, ou plutôt un cerveau malade, était par définition difficilement sondable. Et à n'en estimer qu'approximativement les blessures, il semblait évident qu'y disposer des pansements aléatoires n'était que modérément efficace. Voire pas du tout. Même en cicatrisant, même en pansant les plaies avec un soin tout particulier, il y avait fort à parier que toujours cette petite cicatrice resterait, vicieuse, endormie, indolore jusqu'à ce qu'un souvenir la réveille. Destructrice par la suite. Être sain d'esprit après ne plus l'avoir été pour une période déterminée relevait de l'utopie, de la naïveté la plus crasseuse. Par un quasi déterminisme était-on voué à rester fou: restait à délimiter cette folie.

Aussi semblait-il que le courage et la force du malade n'étaient pas de se débarrasser de sa maladie, pas non plus de ne pas la connaître. D'entre deux déments, celui qui l'était le plus n'était pas nécessairement le moins apte à emprunter le chemin de la guérison, bien au contraire. Aussi ne comptait-on pas les litres de sang perdus; on ne comptait pas les pansements collés; on ne comptait pas les rêves amputés; juste la volonté de maîtriser ce que l'on reconnaissait comme étant une potentialité aliénante. Peu importait dès lors de tomber n fois, pour peu qu'il reste un peu d'énergie pour souhaiter se relever n+1 fois.

Et Grace était là.

Étendue de tout son long au sol, elle avait eu tout le loisir de mordre la poussière, de toucher le fond, de s'enfoncer, de se terrer six pieds sous terre, de s'enterrer dans son château de fortune, son empire colossal dont le reste du monde voyait bien ses pieds d'argile, de terre, de poussière. Rien que le vent ne puisse emporter. Balayée l'innocence, balayée l'ingénue. Bouffée par sa candeur et sa seule volonté de perfection.

Vouloir le vrai, c'est s'avouer impuissant à le créer.

Aussi l'avait-elle créé, son vrai. Au prix d'un orgueil malmené dont elle vivait apparemment relativement bien la séparation. C'était à elle de parler. La voix étrangement calme et pourtant quasi placide s'éprit de l'assemblée, l'étreignant avec cette faiblesse innocente qui lui était propre. Les paroles coulaient, flux continu, et malgré la douleur de l'empathie conjuguée au regret de n'avoir rien su faire, Emma s'efforça de concentrer son regard sur la petite tête blonde qui ne faisait que de petits mouvements réguliers, quasi imperceptibles, inhérents à la tentative de discussion.

Lorsque le mot s'échoua sur les tympans de Emma, cette dernière eut un petit soupir, dont elle n'aurait su dire s'il était de soulagement ou d'appréhension, dans l'anticipation des détails qui allaient suivre. Il y avait toujours un côté rassurant à la foi de la cadette Hamilton. Il y avait toujours quelque chose de réconfortant à savoir que quand tout foutait le camp, elle se disait que c'était parce que Dieu pliait temporairement bagages. Pourtant malgré les issus inéluctables dont Il déciderait, Grace parvenait à mettre des mots sur une chose qu'il y a quelques mois encore elle ne considérait seulement pas comme envisageable. Emma la revoyait, près d'un an auparavant, déboulant dans son salon en évitant avec une habileté contestable toutes les preuves que, non, le monde parfait qu'elle avait peint de ses rêves édulcorés ne correspondait pas à la réalité; qu'il lui manquait un peu de terne pour le rendre plus crédible; que le terne ferait ressortir l'arc-en-ciel qu'on y percevait avec un peu d'efforts. ça, c'était une autre histoire.

Le plus dur arrivait. Incapable de détourner le regard des traits crispés de Grace, incapable pourtant de les soutenir avec bravoure, Emma sentit un petit nœud se former dans sa gorge. C'était là. ça arrivait. Ses poings se crispèrent légèrement au souvenir des fausses preuves que Grace avait récoltées dans un calcul si savant qu'il en était psychotique. Psychopathique.

Et ce fut la robe.

Ce fut la robe qui arracha à Emma une grimace qu'elle tenta de rendre imperceptible, qui crispa ses traits de manière trop anarchique pour qu'on ne comprenne pas que s'il n'y avait pas eu d'enjeu elle se serait mise à pleurer. Si elle avait regardé cette même scène depuis son téléviseur, elle aurait réagi comme n'importe quel gamin devant bambi, comme n'importe quel adulte devant La Vie est Belle. Elle l'avait vue, sa robe. Elle n'avait simplement pas vu tout ce qu'elle était. Elle prit une inspiration, à contre-coeur, pour corriger la blondinette qui se risquait à évoquer les fois où Wyatt l'embrassait. Elle se corrigea seule. Oui il l'embrassait; dans son vrai. La détresse de Grace désolait Emma au-delà du dicible. Et c'est parce qu'elle ne savait rien dire qu'elle se taisait, par peur de ne la déranger, de ne déblatérer des banalités sans nom alors qu'elle n'envisageait rien d'autre que de la prendre dans ses bras... et de baisser les bras. Tout le contraire de ce qui était recommandé, donc, même si c'était beaucoup à encaisser pour un si petit cœur... Elle n'osait pas imaginer ce que c'était pour Grace.

Reprenant sa respiration, Emma hésita un instant avant de n'initier un semblant de clappement de mains, mi-tu pour en ôter toute consonance festive, s'assurant avant ça d'avoir la bénédiction des bénévoles. Aussi, une fois que les visages clos eurent applaudi, la rouquine se risqua à un sourire bienveillant, tentant de capter le regard vide de Grace, tendant une main vers la sienne pour la recouvrir d'un geste protecteur. « Oui Grace, ça ira mieux. » Qu'est-ce qu'elle en savait? Elle savait pour Grace tout ce qu'elle n'avait pas su pour elle. Elle savait qu'elle croyait plus que de raison au fait que la volonté était un pouvoir indéfectible. Elle ne pourrait pas recréer son Paradis dans le but d'y adapter le réel; elle pourrait en revanche voir ce qu'il y avait de paradisiaque dans un réel si souvent diabolique. « Je t'assure, tu as fait le plus dur. » Le plus dur, c'était d'accepter de laisser partir son Prince Charmant. D'accepter de laisser mourir son image pour comprendre que précisément, il n'était pas son Prince. S'avouer vaincue, avouer que la bataille était vaine. Avouer que la bataille était interne. Psychique. « Parler... c'est le plus difficile. Le plus efficace, aussi, probablement. » Aussi fanait lentement l'idéal d'un rouquin prédestiné à coup de voyance téléphonique. Ainsi mourrait la perspective d'un monde exclusivement enchanteur; mais pas l'idée du bonheur. « Est-ce que... ça va? » -mieux? ça allait probablement mieux, mais pas encore assez. Pas assez pour le demander sans le lui faire réaliser. Il n'était pas temps de faire demi-tour, pas si près du but. Seulement il pouvait encore paraître bien lointain à ses yeux clairs et vitreux; à Emma de la guider dans la pénombre d'un tunnel qui lui semblait sans fin. Elle la voyait à mi-chemin, il était hors de question qu'elle pense plus commode de faire demi-tour.
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MessageSujet: Re: 05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak...   05. You never told me what it was that made you strong and what it was that made you weak... Empty

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