I SCREWED UP EVERYTHING

L’avantage qu’avait reçu Robbie en arrivant seulement maintenant au lycée, c’est qu’il avait manqué le bal d’Halloween. Ce genre d’évènement où tous les jeunes s’empressent d’aller, n’était pas vraiment ce qu’il préférait. Ce n’était pas un total insociable mais tout de même. Enfin, à en croire les quelques restes de décorations qui étaient toujours suspendus, cette année le décor avait vraiment du en mettre plein les yeux. Il savait quand même que ça aurait été l’occasion idéale pour renouer certain lien ou en créer de nouveau. Tant pis, il y aura certainement d’autres occasions.
En tout cas, bonne nouvelle pour lui, le cap de la première semaine était passé. Il s’apprêtait à sortir du lycée, mais d’abord un arrêt aux casiers était nécessaire. En s’y rendant, il fit un rapide bilan de cette semaine qui s’était écoulée. Il ne s’était pas encore attiré d’ennui majeur, ce qui était un bon point. Il n’avait pas beaucoup sympathisé avec les autres, mais ça ce n’était pas étrange venant de lui. Il fut soulager de voir que de nombreuse choses étaient restées comme il les avait laissées. Les lancés de slushys, par exemple, était une activité qu’il avait envie de reprendre. Juste par principe, n’ayant pas grand-chose contre les chorales. Madame Pillsburry était toujours aussi manique, Sue toujours aussi tyrannique. Il avait aussi entendu quelques gleeks en répétition lorsqu’il marchait dans les couloirs. Il était content de voir que certaine chose n’avait pas changé, ce qui le rassurait sur son rôle de « nouveau ». En parlant de gleek, quelque chose lui semblait pourtant étrange. Il avait cru croiser Jesse au détour d’un couloir. Il n’avait pas compris ce qu’il faisait là mais bon, tout le monde a le droit à une seconde chance à ce qu’il parait.
En parlant de seconde chance, il n’avait toujours pas revu Timothy. Peut être qu’il avait quitté ce lycée. Il ne l’espérait pas. D’un autre coté c’était bizarre qu’il ne l’ait toujours pas vu alors que McKinley était un petit lycée où tout le monde se connaissait de vue du moins. Et autant le dire franchement, ce n’était pas le genre d’élève discret non plus. Il ne savait vraiment pas comment se passerais les retrouvailles, mais attendant ce jour, il avait essayé de trouver des arguments pour plaider sa cause. Evidemment ça n’allait pas être facile mais c’était nécessaire. Même si le principal intéressé décidait de ne plus jamais lui adresser la parole après ça, au moins il saurait toute l’histoire. Il s’en voulait et cherchait chaque jour les mots qui seraient le plus approprié à la situation. Et puis leur ancienne romance le mettait encore plus mal à l’aise.
Il était arrivé à son casier. C’était amusant, il croyait se souvenir que celui de Timothy n’était pas très loin de celui qu’on lui avait attribué à son retour. Il déposa ses livres afin d’alléger son sac, n’ayant aucune envie de faire ses devoirs ce soir. On ne perd pas les bonnes habitudes même après six longs mois passé dans une grande ville. Au moment de refermer la porte il constata que ses souvenirs étaient intacts en voyant Timothy ouvrir son casier à son tour. D’un mouvement vif, il bascula pour lui tourner le dos, au cas où il le verrait. Il avait beau s’être répété se qu’il dirait, tout de suite, il se sentait bien moins sûr de lui. Il fallait qu’il aille lui parler tout de même. Il se retourna et avança d’un pas qu’il voulait détendu. Il ne fit remarquer sa présence que lorsque Timothy claqua la porte de son casier provoquant un bruit sourd par la même occasion.

Toujours aussi doux à ce que je vois.

Sitôt dit, sitôt regretté. Pourquoi avait il dit ça ? Ce n’était pas prévu. En même temps il savait pertinemment que plus on planifiait quelque chose, plus il y avait de risque que rien ne se passe comme prévu. En tout cas, il avait vu juste : au moment où Timothy posa les yeux sur lui, son visage se durci encore plus. Déjà que le claquement de casier ne laissait pas pressentir sa bonne humeur, Robbie se dit qu’il aurait peut être mieux fait de partir, encore une fois…

1 semaine plus tôt.

C'était entre éclats de rire et un jet de Slushy que Timothy l'avait vu. Au départ il s'était demandé si la framboise qui dégoulinait et ruisselait sur son visage n'avait pas altéré son sens de la réalité. Et même si c'était le cas, pourquoi lui ? Après être resté tétanisé un instant, meilleure façon d'être proie à un nouveau lancé de glace, il tourna les talons, terriblement offusqué. Lui qui venait de sortir d'une répétition plutôt amusante venait, en deux secondes top chrono, de passer de l'état de jubilation à celui de consternation. Tout ceci se résumait en deux mots : Slushy et Robbie. Et au fond, en plus de rimer parfaitement, ces deux là avaient une chose en commun : sur le coup ils surprenaient, et même lorsqu'on parvenait à s'en débarrasser, il en restait toujours des résidus.
Ainsi, pendant 1 semaine, Timothy avait tout mis en oeuvre pour éviter la confrontation avec son ex ami et plus si affinités. Au moins, il savait comment ruiner sa réputation inexistante : en avouant la vérité à tout le monde. Mais il ne pouvait se réduire à faire une chose pareille. Peut-être parce qu'au fond, rien n'avait changé. Tim se félicitait cependant d'avoir un an de moins que Robbie sinon il aurait obligatoirement eu affaire à lui dans un cours quelconque. La tâche n'avait pas été facile. Si au début Tim ne voyait plus Robbie, au fil des jours il se surprenait à le croiser partout, si bien qu'il en devenait fou. Ses amis l'avaient remarqué, sa mère aussi, ainsi que M. Ryan : durant cette semaine il était particulièrement irritant et irrité. Chose normale dirait-on, mais il l'était plus que d'habitude. Finalement la meilleure solution aurait été de mettre les choses au clair mais il ne s'en sentait pas capable. Pas maintenant.

Présent.

La rage intérieure de Timothy semblait s'être apaisée. Ce jour là, il n'avait ni croisé Robbie, ni Kurt, ni quelconque personne qui ravivait en lui des pulsions malsaines et meurtrières. La répétition s'était même bien déroulée, ainsi que tous les autres cours, où comme à son habitude, il n'avait cessait d'exaspérer les autres en ne pouvant rester en place plus de deux minutes. Lorsque son professeur d'histoire lui avait proposé de profiter de son énergie pour partager son savoir sur la Guerre de Sécession, il avait répondu qu'il n'avait que faire du passé et que c'était son travail à elle de leur enseigner, par le sien. D'autant plus qu'elle pouvait étaler sa science autant qu'elle voulait puisqu'elle n'avait pas, elle, d'autres matières débiles à apprendre. Évidemment il fut retenue, et la détention avait lieu ce soir même. Cela aurait été bien trop beau qu'aucune ombre ne vienne obscurcir cette parfaite journée, et si ça n'avait pas été maintenant, il aurait eu le droit aux remontrances de sa mère ou aux pics exacerbés de son beau-père, qui, en ce moment paraissait particulièrement frustré et aimait s'en prendre à lui pour extérioriser.
C'était donc sans grande conviction que Timothy s'était dirigé vers son casier après les cours, afin d'y déposer son sac et de "faire face à ses obligations d'élève". Ce fut lorsqu'il le referma sans aucune délicatesse, qu'il fut surpris par Robbie. Celle là il ne s'y attendait franchement pas. Et pourtant, sa colère sembla apaisée, comme si perturbée par un autre sentiment bien plus préoccupant. En réalité, il ne s'y attendait tellement pas, qu'il ne savait quoi dire. Lui qui avait cherché toute la semaine à éviter son ancien ami n'avait jamais réfléchi à comment réagir dans une situation pareille. Robbie non plus apparemment puisque, avec ironie, il souligna la douceur de son geste. "Toujours là à ce que je vois." répondit-il sur un ton bien plus sarcastique qu'il ne le voulait. Il finit par se tourner vers Robbie, et, avec difficulté, le fixa dans les yeux. Il n'avait pas changé depuis tout ce temps. "Sérieusement Robbie, t'as cru que t'allais débarquer après 6 mois d'absence, me sortir une petite phrase sympathique, faire un clin d'oeil, et que ça y est on allait redevenir les meilleurs potes du monde ?"

Si quelqu'un savait à quel point Tim était rancunier, c'était bien Robbie. Il savait heureusement ou malheureusement presque tout de lui, alors que lui-même paraissait parfois peu sincère sur certaines choses le concernant. Peut-être avait-il aussi menti sur ses sentiments et que s'éloigner de lui tout ce temps lui avait permis de faire la part des choses. Peu importe, Tim ne lui pardonnerait jamais.
"Je t'ai attendu 1 mois. Et quand j'ai vu que c'était fini, je suis passé à autre chose. Apparemment t'as fait pareil." ajouta-t-il alors qu'il entreprit de se diriger vers la sortie. Il fit immédiatement demi tour en pointant l'intérieur du lycée, là où il devait se rendre.

Les premiers jours de sa nouvelle vie hors de Lima avaient été très difficiles pour lui. Il n'avait pas d'ami et tous ceux qu'il avait laissé derrière lui, allait le haïr en découvrant qu'il ne donnait plus aucun signe de vie. Il avait dressé une liste de personnes qui lui demandaient de l'attention et chaque jour, en moyenne, il rayait un nom. Le jour où il avait dû barrer « maman » avait été le plus libérateur de sa vie. Il n'avait pas hésité une seule seconde. Après tout, pourquoi continuer à feindre une relation mère/fils alors qu'elle venait de le jeter hors de sa vie comme un malpropre. Il vivait toujours chez elle à contre-coeur, mais le jour opportun quand il aurait un endroit a squatter de temps en temps, il avait prévu de partir au plus vite. C'était à cause d'elle que Timothy était si rigide avec lui maintenant et pour ça, Robbie ne la pardonnerai jamais.

Il s'était même demandé un jour, si garder son nom sur sa liste était une bonne chose. Il avait beaucoup réfléchi à ce propos, puis avait décidé de le garder. De toute façon il savait que si ça ne venait pas de lui, ça viendrait de Timothy. Ce qu'il ne savait pas, c'est que Robbie avait cédé au chantage de sa mère uniquement à cause de lui. Ne voulant pas révéler aux autres leur relation que sa mère avait apprise d'une façon encore bien mystérieuse, il avait préféré protéger Timothy en partant. Plutôt contradictoire, mais ça lui avait semblé être la meilleure solution. Ça n'avait évidemment pas été facile sachant qu'il partirait en ne prévenant personne, que sa mère ne dirait rien et que tout le monde l'aurait oublié au bout de quelques semaines.

Et il avait eu raison, depuis son retour, très peu d'anciens amis avaient voulu lui adresser la parole. Il aurait pu jurer que certains l'évitaient même, mais ne voulant pas paraitre paranoïaque, il oublia cette idée. Mais voilà, aujourd'hui se présentait une occasion rêvée pour reparler à son ancien amant, et il n'était pas décidé à la laisser filer. Évidemment, Timothy lui répondit sur un ton bien plus froid que la plus intense période glaciaire. Il n'avait ni l'air de vouloir lui parler, ni même de vouloir l'écouter se justifier en vain encore et encore.

Je suis peut-être parti pendant six mois, mais je suis pas devenu magicien, dit-il sur un ton relativement calme, je sais que je vais pas tout te faire oublier en claquant des doigts. Tu crois pas que j'ai réfléchi des centaines de fois à ce que je pourrais te dire pour que tu veuilles au moins m'accorder deux minutes. Je sais très bien qu'on va pas redevenir potes à l'instant où j'aurais fermé la bouche. Peut-être même qu'on ne le sera plus jamais parce que j'ai merdé.

Ouais ça pour avoir tout fait foirer, il avait été très bon. Il n'en avait pourtant pas encore fini. Il ne lâcherait pas le cas Timothy tant qu'il ne lui aura pas expliqué la situation dans laquelle sa mère l'avait fourré. Il savait que deux minutes ne seraient pas du tout suffisante pour plaider sa cause face à Timothy surtout mais s'il arrivait à lui faire entendre les grandes lignes peut être qu'il y aurait moyen de rentrer dans les détails plus tard.
Il ne comptait pas lui raconter que c'était une décision de sa mère. Ce serait lui tendre un perche pour l'empaler dessus. Puis il reprit la parole en réponse à ce que venait d'ajouter Timothy.

Je suis content que t'ai réussi à passer à autre chose. Vraiment. Mais crois moi ou non, pour moi ça a pas été facile. Tu crois que je suis parti sur un coup de tête sans penser aux conséquences ? Bah détrompes toi !

Il le vit partir, il poussa un soupir en adossant aux casiers. Il savait que s'il partait, il était pas prêt de pouvoir le recroiser de sitôt. Il ne fallait pas qu'il parte sinon c'était vraiment mort, et il ne pourrait jamais lui expliquer. Tentant le tout pour le tout, il prit un ton un peu provocateur pour essayer de le faire réagir.

Alors maintenant c'est toi qui fuis...

Robbie n'était pas censé ignorer les conséquences de son départ, en réalité il en était totalement conscient. Certainement savait-il qu'en faisant ses bagages sur un coup de tête, il avait laissé sur le bord de son lit une amitié solide, qui, malgré sa longue résistance avait terminé par s'éroder lentement. Tim lui en voulait tellement que toutes les excuses du monde ne vaudraient rien. Parce que même s'il avait quitté Lima pour la bonne cause, même si c'était pour le meilleur, il n'en avait avisé personne, et même pas celui qui pouvait se vanter d'être son meilleur ami. Il n'avait pas été là quand Tim était seul face à sa soit disant famille, il n'avait pas été là quand sa mère, de façon inattendue et spontanée, l'avait averti qu'elle n'hésiterait pas à le mettre à la porte s'il continuait à s'attirer des ennuis. Il avait tout gâché.

Et malgré tout, une partie de lui voulait savoir. Peut-être était-il rancunier, mais il ne voulait pas demeurer dans l'ignorance. Toujours est-il qu'accorder une chance à Robbie serait lui donner trop d'importance. Certes il était important pour lui, ou du moins l'avait été à une époque de sa vie, mais sa fierté lui dictait une conduite opposée. Il était tiraillé entre son esprit et son coeur, ne sachant lequel devait l'emporter dans un tel combat.

Rien n'avait changé, même après 6 mois, les deux êtres continuaient de lire en l'autre aussi facilement qu'auparavant. Robbie savait qu'en blâmant Tim, il reviendrait à la charge. Et il avait raison. "J'ai des obligations figure-toi." dit-il en tournant les talons afin de faire de nouveau face à son ancien ami. Nul besoin de regarder l'expression qui se lisait sur le visage de Robbie pour savoir qu'il n'en croyait pas un mot. Enfin techniquement Tim avait des obligations dont il ignorait encore la forme : il priait seulement pour ne plus avoir à nettoyer ce fichu lycée avec une serpillère démodée, mais la vérité était qu'il avait toujours fait passer ses priorités absolues avant ses obligations, et les deux n'étaient pas compatibles. Se grattant la tête, un rictus maladroit se dessinait sur ses lèvres tandis qu'il entreprit d'abandonner Robbie à son sort. Après avoir fait à peine deux pas, il fit demi-tour. "Non mais sérieux tu me dis à moi que je fuis ? C'est pour ça que tu es revenu ?" demanda-t-il un peu sur la défensive. "C'est pas à ça que tu t'attendais ? Ah non, t'aurais voulu que je te demande "pourquoi es-tu parti" ?" ajouta-t-il. "Mais ça je le sais, c'est parce que t'avais peur... alors pas besoin de me faire la morale."
Robbie n'avait pas bougé et Tim, à présent de l'autre côté du corridor, s'adossait contre les casiers d'en face. "Vraiment je me demande pourquoi tu es revenu." insista-t-il.

Si le départ de Robbie avait eu des conséquences, son retour également. Si Timothy lui en voulait d'être revenu c'était parce qu'à présent il ne pouvait s'empêcher de penser au passé qu'il avait pourtant réussi à laisser derrière lui. Même s'il voulait plus que tout que tout redevienne comme avant, c'était impossible. Non pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce que son caractère faisait qu'il ne l'accepterait pas. "Alors ? La voilà ta chance de t'expliquer."

Robbie était plutôt fier de ce qu’il venait de dire. Il savait pertinemment que traiter Tim de lâche le rendrait complètement hors de lui. Du moins ça le forcerais à réagir, et pas simplement partir comme ça, sans avoir écouté un mot. Il avait des obligations alors ? Bien, mais Robbie savait très bien de quelle nature elles étaient. C’était forcément qu’il était en retenue pour rester après les cours. Pas de chance pour Tim, Robbie savait aussi que ce n’était pas dans sa nature de faire ce qu’on lui impose. Tout deux avaient sécher des heures de retenues juste pour trainer ensemble, ou faire de la musique, ou autre. Il faut dire qu’à l’époque pour l’un comme pour l’autre, le choix entre la retenue ou passer du temps avec l’autre ne se faisait pas. Robbie devait se faire à l’idée que désormais, cela appartenait au passé, et qu’il n’aurait probablement plus l’occasion d’avoir de tels moments avec lui. Cependant, il ne mettrait pas une croix sur tout ça tant qu’il ne se sera pas expliqué, et ensuite, advienne que pourra. Après tout ça avait été son choix, les conséquences étaient dures, mais jamais il ne le regretterait.

Il assista de nouveau impuissant au départ de Tim. Il ne pouvait en aucun cas le forcer à rester. S’il tentait de le retenir par le bras, il savait qu’il y avait de fortes chances que cette discussion tourne court, à base de coups. Mais il fut surpris de voir qu’il s’arrêta uniquement après quelques mètres parcourus. D’un coté il était content de voir qu’il restait, mais en même temps, le ton qu’il employait pour dire ses mots ne lui plaisait pas. Mais une fois de plus, cette réaction était fortement prévisible. Et ne voulant pas une fois de plus faire quelque chose de stupide qui couperait court a cet entretien, il ne fit aucune remarque sur l’intonation de Timothy.

Pas vraiment. Je suis pas seulement revenu pour te blâmer. D’ailleurs, je suis mal placé pour donner des leçons, j’en suis conscient. Mais t’as raison ! Je m’attendais à ce que tu me demande pourquoi je suis parti. Tu crois surement que la décision de partir comme ça sans rien dire, se prendre sur un coup de tête ? Bah non, et crois moi, ce n’était pas a cause de la peur !

Il fit quelque pause entre ses phrases. Pour réfléchir aux mots qu’il emploierait et aussi pour laisser un peu de temps à Tim pour réfléchir à ce qu’il disait. Il savait qu’avouer ses tords gonflerai l’égo de Tim mais en même temps, il ne pouvait pas faire autrement. Il n’allait pas rejeter la faute sur lui alors qu’il n’avait rien fait. Si seulement il lui laissait l’opportunité de s’expliquer. Mais ce n’était pas du tout gagné pour l’instant. Tim se mis face à lui de l’autre coté du couloir. Il lui dit une nouvelle fois qu’il se demandait pourquoi il était revenu. Alors il avait le choix… Lui raconter toute l’histoire qu’il y avait eu chez sa tante ou juste les grandes lignes. Puis il opta pour les grandes lignes, et Tim déciderait s’il voulait en savoir plus ou non.

Bon je vais resté large, parce que ce qui m’est arrivé la bas, j’ai pas envie que tout le lycée soit au courant. Et on sait tout les deux que les couloirs ne sont pas vraiment dignes des confessions. En gros je t’explique : il m’est arrivé une galère là bas, du genre qui se répare pas, et j’ai décidé de quitter l’endroit.

Il passerait encore pour un lâche qui fuit, mais il n’aurait pas pu continuer à vivre là bas. N’importe qui aurait fait le choix de partir dans de telles conditions en plus. Si Tim était disposé à l’écouter alors il lui expliquerait. Mais pour cela, il faudrait qu’ils soient tout les deux ou du moins que Timothy s’approche un peu. Rien de plus, il ne voulait pas passer pour un gars qui profite de la situation. Tout ce qui s'était passé la bas était assez dur, il s'était juré de ne jamais en parler ici pour ne pas que cela s'ébruite. Il lui donnait toute sa confiance à ce sujet, en espérant tout de même que Timothy ne divulgue pas tout. Il était prêt a courir le risque avec lui. De toute façon, ils ont l'habitude de ça tout les deux.

Pas vraiment. Robbie n'était "pas seulement revenu pour le blâmer". Cette phrase au sous-entendu tellement peu subtil ne pouvait même pas prétendre s'élever au rang d'insinuation. Tim fut tellement indigné par le manque de diplomatie de son ami qu'il ne cessait d'observer et de jouer avec ses doigts comme on le fait quand on est "pas vraiment" intéressé. En fait il l'était, intéressé, mais il feignait seulement de ne pas l'être. Il avait attendu ce moment avec tellement d'impatience, il se l'était tellement joué dans son esprit pendant les premières semaines d'absence de Robbie, qu'il s'en voyait déçu, désillusionné.
Adossé contre la rangée de casier qui faisait face à Robbie, lorsqu'il ne s'occupait pas de ses doigts ou de se recoiffer, Tim regardait le plafond. Ce dernier était encore moins passionnant que Robbie et il attirait beaucoup moins le regard, mais pourtant cela n'étonnait personne. En plus d'être rancunier et fier, Tim était aussi un grand enfant. Immature, sa mère lui avait souvent répété, tout comme ses professeurs. Il était assez commun, chaque année, de voir figurer sur son bulletin de notes le fait qu'il se comportait parfois avec une puérilité déconcertante. Enfin ça c'était ce que racontaient les profs, mais Timothy savait très bien qu'il était capable, s'il le voulait, de faire preuve de sérieux. Si les profs le qualifiaient d'immature ou encore lui refilaient des heures de retenue c'était parce qu'ils n'exerçaient sur lui aucune emprise. Comme un enfant qui n'a aucune limite ou qui aime s'amuser à les franchir. Lorsqu'on y réfléchissait, c'était le corps enseignant qui faisait preuve de puérilité en le consignant comme s'il avait 4 ans.

Un soupir, puis Tim baissa les yeux, avant de les porter sur son ami. Il sentait bien que le rythme des phrases de son interlocuteur avait pour but de créer un meilleur impact dans son esprit, mais Tim voulait montrer que rien n'arrivait à le perturber et encore moins à le faire changer d'avis. Lorsque Robbie employa la rhétorique pour lui demander s'il croyait vraiment que le décision de partir se prenait sur un coup de tête, il acquiesça. Quelque chose dans le regard de Robbie témoignait d'une sincérité déconcertante que Tim n'eut aucun mal à percevoir. Il aurait bien voulu le croire, mais il avait perdu sa confiance, à la minute même où il avait franchi la frontière de la ville.
Puis il exposa la suite. Là c'était trop. Il n'avait rien dit, rien avoué, mais il en avait déjà trop dit. "Tu aurais vraiment du réfléchir à tes mots avant de te pointer devant moi Robbie." dit-il en secouant la tête et en affichant une moue apparente qui trahissait sa déception. "En gros si tu n'avais pas eu de galère comme tu dis, tu serais resté là bas. C'est bien ce que tu dis ?" s'éloignant du casier, il se dirigeait vers l'intérieur du lycée, à reculons, pour ne pas quitter Robbie des yeux. "Tu sais quoi ? Va te faire foutre !" lança-t-il en accompagnant ses paroles d'un geste tout aussi informel. "Sans blague tu aurais mieux fait de m'envoyer un mail ou un sms, ça aurait fait plus lâche, quoi que tu y es habitué, mais au moins tu aurais réfléchi à deux fois avant de dire des conneries... j'hallucine. Ça devait vraiment être grave pour que tu acceptes de revenir vers moi hein ?" ajouta-t-il totalement désabusé, toujours à reculons, un regard inflexible porté sur le visage de Robbie.

Peut-être avait-il réagi au quart de tour, mais ça Robbie en avait déjà fait les frais. Si Tim s'était trompé sur toute la ligne, son ami reviendrait à la charge, encore et encore. Et si ce n'était pas le cas, il aurait bien fait de le remettre à sa place. Inconsciemment Tim espérait que Robbie paie le crime qu'il avait commis "là bas", peu importe ce que cela pouvait bien être. Il était tellement remonté contre lui que plus aucun argument n'arriverait à le convaincre, du moins pas à cet instant. "Mais ne t'inquiète pas, ton secret est bien gardé avec moi. Pourquoi j'irais parler de toi à qui que ce soit de toute façon ?" dit-il enfin en tournant les talons.
Son visage à présent dissimulé laissa transparaître une amertume écrasante. Tout en continuant son chemin vers l'intérieur du lycée, il espérait, tout au fond de lui, que Robbie viendrait s'excuser comme il ne l'avait jamais fait. S'excuser d'être pitoyable, d'être parti, et d'être revenu. Car c'était tout ce que Timothy pouvait bien lui reprocher maintenant.

Robbie s’était vraiment attendu à un tout autre scénario. Pas digne d’un épisode des Bisounours mais moins cru que celui qu’il était en train de vivre. Si seulement tout s’était passé comme il l’aurait voulu, il serait venu voir Tim qui l’aurait d’abord repoussé. Puis Robbie aurait sorti un réplique qui aurait piquer sa curiosité et aurait voulu en savoir plus, Robbie aurait donc été obligé de lui raconter, et Tim lui en aurait un peu moins voulu. Oui il fallait tout de même un peu de réalisme, il savait que Tim ne le pardonnerais pas a cent pour cent dès leur retrouvailles. Arriverait-il au moins à le pardonner un jour ? La réaction de Tim était amplement légitime, mais si la situation avait été renversée, Robbie lui aurait laissé au moins une chance de s’expliquer. Puis il se demanda pourquoi il avait fallu que Tim soit si rancunier.

L’attitude de Tim l'agaçait de plus en plus. Il avait horreur quand quelqu’un ne l’écoutait pas quand il parlait. Et surtout lorsque la personne avait connaissance de ce détail mais qui malgré tout ne prêtait pas attention a lui. Et c’était précisément ce que faisait Tim, tripottant ses mains, soufflant d’ennui, regardant le plafond etc. Il avait les cartes en main, il le savait, et en jouait. Robbie savait qu’au moindre faut pas commis, il pourrait perdre Tim pour de bon. Car le fait qu’il soit encore là, indiquait à Robbie qu’il y avait peut-être une lueur d’espoir pour qu’ils se fréquentent un jour ou l’autre de nouveau. Il ne voulait pas non plus baser tous ses espoirs la dessus. Parfois Tim pouvait être tellement imprévisible. A l’époque où ils s’appréciaient encore, Robbie s’amusait de ça mais maintenant, il devait simplement faire très attention à ses mots. Alors qu’il continua de parler, il vit le visage de Tim changer du tout au tout, et arborant désormais une colère bien visible. Le ton et les mots qu’il employa s’accordaient d’ailleurs parfaitement avec ce visage.

Ouais j’y serais resté t’as raison. Il ne lâcha pas Tim du regard, alors qu’il s’éloignait de lui. Mais crois moi, t’aurais fait pareil si t’avais vécu la même chose. Me juge pas ! T’as aucune idée de se qui s’est passé ! Maintenant, lui aussi haussait le ton. Le temps des diplomatie était révolu, et tant pis pour ce qui pourraient les entendre.

Tim lui fit un joli geste pour illustrer ses toutes aussi jolies paroles. Franchement Robbie pensait la même chose maintenant à propos du texto. Au moins il lui aurait tout dis, Tim aurait été libre ou non de supprimer le message mais au moins il lui aurait dit ce qu’il avait à avouer. Il fut profondément blessé du fait que Tim ne cherche même pas à savoir ce qu'il s’était passé. Après tout, ce n’était pas une petite affaire, bien au contraire, et n’ayant aucun ami au lycée, il espérait avoir un rien de soutient de la part de Tim. Mais un fois de plus il s’était planté en beauté.

Et ouais ! C’était grave. Mais tant que ta petite vie se déroule bien en fait tu t’en fou des autres c’est ça ? Il attendit pour examiner une quelconque réaction de Tim. Robbie savait parfaitement que le beau père de Tim était un con et qu’il était loin d’avoir une vie pleine de paillettes. Il avait juste dit ça pour susciter une réaction. Et ne fais pas comme d’habitude en te faisant passer pour la victime. « Han pauvre Tim alors, le méchant Robbie est parti sans rien dire ! ». Tu sais quoi ? A ma place, toi aussi tu serais parti. Fais pas le fier au cœur de pierre devant moi okay ! J’suis surement celui qui te connais le mieux je sais comment t’aurais agi, et laisse moi te dire une fois de plus : TU AURAIS FAIT COMME MOI !

S’en était trop. Il avait essayé de garder son calme depuis trop longtemps. Robbie était de nature colérique mais envers ses amis, et anciens amis comme maintenant, il essayait de se contrôler. Mais se faire accusé à tord par un petit qui crois tout savoir de la vie du haut de ses 17ans, c’était trop. Puis Tim repris la parole disant qu’il n’avait aucune raison de parler de Robbie aux autres. Comme si le fait que Tim parle de lui, lui donnait une importance aux yeux de tous.

Bon tu sais quoi ? T’as réussi à m’oublier une fois, ça sera pas dur de recommencer ? Si tu veux pas d’explication, bien ! Retournes à tes « obligations ». Mais au moins écoutes moi pour une dernière chose. Il baissa le ton et attendit de voir si Timothy arrêtait de marcher pour l'écouter. Puis il reprit. Je suis désolé du mal que t'a infligé mon départ. Crois moi, je le pense vraiment, mais je te jure que j’ai pas eu le choix.

Et sur ces mots, ce fut au tour de Robbie de tourner les talons et de partir dans le sens opposé à Tim. Ce dernier avait eu sa chance, et il avait encore l’occasion de réfléchir s’il voulait ou non arrêter Robbie et écouter ce qu’il avait à lui dire. Sinon, Robbie se ferait une raison et le rayerai lui aussi de sa vie. Il atteindrait la porte dans une trentaine de secondes, et il espérait de tout cœur que Tim le hèle pour lui dire qu’il lui accordait un peu de temps pour s’expliquer. Plus qu’une vingtaine de secondes avant d’atteindre la porte. Une… Deux… Trois… Quatre…

Timothy avait eu sa preuve. Il avait eu les excuses de Robbie alors qu'il se dirigeait d'un pas nonchalant vers ses "devoirs". Le seul devoir qu'il avait réellement, c'était celui de savoir. Mais maintenant que Robbie lui avait prouvé sa sincérité, il pouvait s'enfuir avec dignité, contrairement à lui six mois plus tôt. Timothy feignait l'indifférence, mais la nostalgie du passé ne pouvait s'empêcher de refaire surface, lui dictant que rien n'était perdu. Que le passé, le présent, le futur, tout pouvait se ressembler. Mais le choix ne tenait qu'à lui.
Tournant timidement la tête, il constata que Robbie aussi avait décidé de lui montrer qu'il était maître de son destin. Non, de leur destin. Et il n'y avait rien de pire que de se savoir le pilier dans une relation, l'élément déclencheur, l'étincelle qui pouvait faire s'embraser une amitié, un amour perdu. Mais Robbie s'en allait. Sûrement son visage décrivait autant de déception que le sien à cet instant. Peut-être même était-il rongé par la culpabilité, le remord, le regret ? Peut-être pas. Robbie l'avait dit lui-même, il y serait resté si aucun drame ne l'avait poussé à revenir à Lima. Croyait-il vraiment rallumer les sentiments éteints de Timothy en lui avouant cette terrible vérité ? Tim avait trésailli en l'entendant. Sûrement que son ami avait envisagé un tout autre scénario pour cette scène, mais la réciprocité était abominable. Il aurait voulu l'entendre dire qu'il était revenu pour lui. Qu'il était parti pour lui, avait déclenché ce drame pour lui, et était revenu pour lui. Et Timothy se surprenait à beaucoup trop penser à lui. Lui, lui, lui. Qu'en était-il des autres ? Suis-je vraiment égoïste ? Se demandait-il. Offensé par son orgueil, il s'arrêta brusquement, se retourna, ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il secoua la tête, plissa les yeux, et, d'un geste de la main, parcourut son visage comme pour le nettoyer de tous les défauts et des mauvais sentiments qu'il pouvait bien montrer. Robbie l'avait dit lui-même, tant que sa petite vie fonctionnait bien il s'en foutait des autres. Seulement sa vie ne fonctionnait pas bien. Alors comment se soucier des autres quand rien chez soi ne va ? N'est-ce pas hypocrite ? Timothy n'était en tout cas pas assez altruiste et extraverti pour se projeter dans la vie des autres avant d'affronter la dure réalité de la sienne.

Tim partait, Robbie s'arrêtait, Robbie partait, Tim s'arrêtait. Un jour arriveraient-ils à avancer dans le même sens ? Pas aujourd'hui dans tous les cas. Les paroles de son ami se bousculaient dans sa tête, ses sentiments aussi, il ne savait plus comment réagir. Il était en colère, désolé, nostalgique, indigné, froissé, honteux... Au final, Robbie n'avait fait l'expérience seulement des sentiments qui le mettaient lui à la place de méchant. Il avait raison, Tim se faisait passer pour la victime, comme toujours. Il était victime de son beau-père, il avait été victime de la frustration de M. Ryan, victime des jets de Slushy, victime de toutes ces heures de retenue dont il avait écopé, victime de la haine des autres. Et si finalement il était la cause de tous ses problèmes ? Sur le coup, c'était lui qui avait envie de fuir. Il n'aurait jamais cru que lui balancer ses quatre vérités aurait eu un impact si important, surtout au vu des circonstances. Anxieux, il rongeait ses ongles, toujours en contemplant Robbie lui tourner le dos, attendant très certainement une réaction de sa part. Mais non. Chacun était victime. Victime de leurs propres sentiments. Et sur le coup, Tim était victime de sa rancune.
Il tourna les talons une dernière fois, sachant qu'il reverrait Robbie bien assez tôt, et que ce jour-là, malgré tous ses efforts, il serait toujours la pauvre victime.