Le bal d'Halloween battait son plein dans les sous sol de McKinley. L'ambiance n'était pas totalement sombre, mais juste assez pour faire écho au funeste de l'évènement. Cela faisait bien 2 bonnes heures que la fête avait commencé sous l'oeil attentif et draconien des professeurs qui avaient accepté de chaperonner... du moins leur regard se voulait réprobateur. La salle dégageait une chaleur étouffante, accentuée par le port de costumes aussi originaux les uns que les autres, pour ne pas dire ridicules.
Timothy suffoquait dans son habit de Bob, le meilleur ami du terrifiant et redouté Sully dans le Disney Monstres et Cie. Il n'avait pas honte. Il aimait l'auto dérision, surtout lorsque les autres se prenaient trop au sérieux. De toute façon, les gleeks étaient déjà montrés du doigt. Cependant ce soir là, les tensions paraissaient s'être dissipées. C'était comme si porter un costume permettait aux élèves de masquer également leur vraie personnalité ainsi que toute rivalité. Tout n'était quand même pas utopie, sinon le Principal n'aurait pas hésité à décréter que le port de costume serait obligatoire tous les jours.

Dans un coin reculé, Tim observait le comportement des élèves, un gobelet rouge à la main qu'il portait toutes les 5 secondes à ses lèvres. Lui seul savait ce qui inondait ce récipient, mais apparemment ce n'était rien d'illicite puisque les professeurs étaient aux aguets. Rien ne leur échappait, et dès qu'un brin d'animosité luisait quelque part, ils s'empressaient de l'éteindre soit à l'aide d'un regard noir, soit en jetant le fauteur de trouble dehors, à la surface, là où il faisait bon et où l'endroit ne ressemblait pas à l'entre d'une quelconque secte.
Le garçon n'était pas venu seul. Il avait demandé à Katia de l'accompagner, les autres filles qu'il fréquentait (pour ne pas dire la) avaient d'autres chats à fouetter. Lui-même se demandait ce qu'il faisait là, dans un costume ridicule, à partager l'oxygène dépravé de gens qui, pour la plupart, il n'appréciait pas. S'il s'était bien amusé pendant 1 heure, le temps semblait ralentir, et l'enfermer dans une spirale infernale. Katia l'avait abandonné un instant pour s'entretenir avec il-ne-savait-pas-qui. Ce qui était étonnant c'était qu'elle avait accepté de venir avec lui. Pourquoi lui ? D'ailleurs pourquoi étaient-ils amis ? Tim se le demandait souvent, mais c'était comme se demander pourquoi il détestait Kurt, au final c'était un fait indéniable et inexplicable.
Summer, un peu plus loin, le lorgnait avec insistance et sans aucune subtilité. Sûrement avait-elle autant envie que lui de lui ôter ce costume oppressant bien que plutôt amusant. D'un signe de tête, il l'envoya balader : c'était pas le moment. De plus, même s'il n'était pas dans une période sombre, il en avait terriblement envie. Il fallait avouer que certaines filles avaient arboré un look plutôt aguicheur. Ce n'était un secret pour personne que les sous-sol, abrités des regards indiscrets, étaient la scène préférée des actes clandestins.
Ôtant sa tête-capuche, il se rendit compte soudain que Katia lui avait faussé compagnie. Un mot pas très élégant lui parcouru l'esprit alors qu'il la cherchait des yeux. Elle n'avait qu'à le dire si elle voulait se débarrasser de lui, pensait-il. Puis, furtivement, il l'aperçu se diriger vers la chaufferie. Sans réfléchir il abandonna son gobelet, traversa la mer de créatures qui peuplait la piste de danse, puis s'incrusta à son tour dans la faille que dessinait la porte.

L'endroit était lugubre, bien plus que la grande salle aménagée exprès pour le bal, même avant que la déco, la sono et les projecteurs ne l'aient embelli.
Timothy, espérant que personne n'aurait la bonne idée de le suivre, s'avançait dans la salle à peine éclairée. Le bruit assourdissant des tuyaux couvrait la musique qui battait juste à côté. Le jeune homme était à la fois choqué et ébahi. En réalité il n'était jamais allé dans cet endroit. Ça faisait vraiment quartier de dépravation pour les mal baisés de McKinley. "Katia !?" dit-t-il pour annoncer sa présence.
L'air était plus frais ici, si bien qu'il décida de remettre sa capuche verte ridicule. "Ah t'es là !" ajouta-t-il soulagé tandis qu'il s'approchait de la jeune fille adossée contre un objet non identifié. "Qu'est-ce que tu fais là c'est flippant ici ? On se croirait dans un remake de Freddy !". En plus dans son costume de zombie, Katia avait tout pour faire peur. Peut-être bien l'avait-elle attiré ici pour s'en servir comme repas... cette fête était vraiment particulière.

Selon les dires, "les opposés s'attirent". Tim ne s'était jamais vraiment demandé qui, un jour, c'était réveillé avec cette conclusion, mais ce qui était sûr c'est qu'il ne pouvait le nier... pas totalement. Il était vrai que certaines personnes au caractère de Katia le révulsaient, à première vue. Pour une raison inconnue il pensait à Erin Sullivan, la douce poupée de porcelaine qui avait envoûté Ryan et Taleen, deux de ses plus proches amis. Après tout, peut-être que s'il se donnait la peine de lui laisser une chance, il arriverait à parfaire ce cercle amical.
Et dans de tels moments, il ne pouvait s'empêcher de se questionner sur sa pseudo amitié avec Katia, celle qui aurait pu être sa rivale l'année dernière aux régionales, et qui, malgré les apparences, détestaient les chorales de McKinley. Elle ne l'avait jamais avoué à Timothy, pas encore, et sûrement faisait-elle bien de garder ses pensées pour elle. C'était d'ailleurs ce qu'elle aurait du faire à cet instant : garder ses pensées pour elle. Tim ne pouvait pas la blâmer, il se connaissait susceptible et catégorique envers ses proches, et c'était justement pour ces raisons qu'il se sentit partir au quart de tour. Katia pouvait mépriser toute l'école, le monde entier si elle voulait, mais pas lui. Surtout pas lui. Il se sentait assez réduit au minimum chez lui, auprès du corps enseignant, alors elle n'avait pas intérêt à le prendre de haut comme elle aimait le faire avec les autres élèves.
Sur le coup, Timothy ne savait ce qu'il ressentait. Elle avait seulement prononcé quelques mots, mais sur un ton tellement réprobateur, comme s'il avait été coupable de quelque chose et qu'elle cherchait à lui faire payer. Puis le sous-entendu qu'elle laissa planer ne lui plaisait absolument pas non plus : "tu me suis maintenant ?". Le prenait-elle pour un quelconque animal de compagnie ou un ami de seconde zone ? D'ailleurs était-il un ami ? Lui se demandait parfois ce qu'il ressentait à son égard. Car même s'il avait envie de lui répondre avec ce même ton accusateur, il sentait que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Néanmoins ce serait bien connu si Timothy Ainsworth réfléchissait avant d'agir. Il lui répondit alors ce que justement il ne devait pas répondre.
"Oh calme tes nerfs ok j'y suis pour rien si t'es frustrée pour je sais pas quoi."

Un silence de mort sembla s'abattre dans la chaufferie. Heureusement, le bruit infernal de la tuyauterie rythmait le vide, tandis que la musique de la Grande Salle tambourinait toujours sur les murs froids et humides. Soupirant et levant les yeux vers un plafond qu'il arrivait à peine à discerner, il ôta la capuche verte qu'il venait à peine de déposer sur sa tête. Il en profita ensuite pour s'ébouriffer les cheveux, et, avant que Katia ne l'assomme avec ses mots, entreprit de calmer l'ambiance. "Ok je ne suis pas la meilleure oreille amicale du monde, et mes conseils craignent, mais je crois que tu te trompes de personne sur laquelle te défouler." dit-il avant de rejoindre Katia sur le sol sombre de la pièce. "Je suis pas crédible c'est ça ?" demanda-t-il alors qu'il observait son costume ridicule. "J'avoue que c'est totalement dérisoire de parler à un monstre vert même pas effrayant.". Il sourit. "Mais c'est aussi super cruel de s'en prendre à lui. N'a-t-il pas l'air super inoffensif ?"
C'était quitte ou double : soit Katia adhérait à son humour vaseux, soit elle l'envoyait paître royalement. Dans tous les cas il frisait le ridicule.

L'air, bien que moins étouffant que celui d'à côté, était aussi lourd une fois qu'on s'y était habitué, comme si un feu ardent brûlait au travers les parois. Tim regrettait de plus en plus son choix de costume, d'autant plus qu'il n'avait pas prévu de porter grand chose en dessous... encore heureux. De toute façon il n'avait pas espéré être élu roi du bal. Roi du bal... c'était des belles conneries. A tous les coups le couple élu serait Quinn et Puck. Ce dernier n'aimait pas Tim parce qu'il n'aimait pas que Tim n'aime pas Kurt puisque "lui seul à le droit de s'en prendre à lui". Difficile à suivre hein ? Ce serait pas étonnant qu'il ait menacé de mort tout le monde pour s'attirer le plus de votes possible.
Après refléxion, cette fête était vraiment assommante, littéralement. Tim regrettait de ne pas avoir fini de mettre en oeuvre son plan de vengeance avec Zack. Ce soir aurait été le parfait moment pour ridiculiser les footballeurs. En plus de ça, les AV auraient du préparer un numéro ensemble en plus de ceux préparés par chaque groupe, histoire de prouver qu'ils étaient les meilleurs. Oui, cette soirée qui aurait pu s'avérer riche en émotion n'était qu'une déception émotionnelle. Du moins pour le moment.

Elle pleurait. Katia pleurait. Tim ne l'avait sans doute pas remarqué à première vue, car elle semblait retenir ses larmes, et l'obscurité qui régnait n'aidait pas à apercevoir quelque signe sur son visage. Le garçon déglutit. Etait-ce lui qui l'avait fait pleurer ou était-elle sensible à autre chose ? Il se sentit soudain totalement impuissant. Comme s'il était aussi noir que les ombres qui dansaient sur le sol, aussi imperceptible que l'ambiance qui donnait vie à la pièce voisine, il n'était qu'une forme lointaine et indistincte peu lucide quant à son rôle dans ce monde. Katia avait su le déstabiliser. Elle l'avait fait la première fois qu'ils s'étaient rencontrés, et elle continuait de le faire, jour après jour. Tandis qu'elle découvrait petit à petit une nouvelle facette de son personnage, à son tour elle faisait tomber le masque. Au fond, Tim ne la connaissait pas. Il ne la connaissait qu'en surface, et c'était réciproque. Ils étaient proches sans l'être, car l'un et l'autre agissait différemment lorsqu'ils se fréquentaient.
Timothy s'était toujours dit que son amie dissimulait quelque chose. Pas forcément une chose importante, il avait juste l'impression que tout cette glace qui enveloppait son aura corporelle n'était destinée qu'à éloigner les gens de la vérité. C'était lui-même ce qu'il faisait. Il s'était construit une barrière dont seuls les plus tenaces et téméraires possédaient la clé. Sur le coup, il était difficile de savoir s'ils étaient eux-mêmes, quelqu'un d'autre, ou eux-mêmes feignant d'être quelqu'un d'autre.

L'étreinte de Katia, bien qu'inattendue, lui fit plaisir. C'était dans ces instants qu'il se surprenait à sentir la confusion dans son esprit. Il était lui-même avec elle, seulement ce n'était pas celui qu'il daignait montrer à la Terre entière. Il avait toujours été ainsi, attentionné et attentif à l'autre, d'une franchise qu'il complétait d'une touche d'humour ou d'auto dérision.
Elle lui avoua alors qu'elle avait fait une mauvaise rencontre. Sa première pensée fut "voilà, c'était moi." mais après tout c'était stupide étant donné sa réaction. Malgré tout il laissa s'exprimer son appréhension. "C'est moi c'est ça ?" demanda-t-il. Et puisqu'il savait que sa question était débile, il essaya de la noyer dans un flot de parole. "Ou tu veux dire Bob en parlant de moi ? C'est ça, t'es carrément ironique... nan... parce que je comprendrais que t'ais fait une mauvaise rencontre, j'veux dire il y a pleins de monstres flippant ici. Surtout ceux qui sont déjà pas gâtés par la nature au départ. J'ai failli vomir en voyant certaines personnes sérieux.", un flot... disons une vague de propos inutiles. "C'est le gars avec qui tu parlais tout à l'heure ?". finit-il par demander après une brève pause.
Il n'était pas sûr de vouloir savoir, tout comme il n'était pas sûr que Katia voulait qu'il sache. Malgré tout il lui en donna l'opportunité. S'il n'était pas doué pour les conversations à coeur ouvert, il savait les écouter. "A moins que tu veuilles pas en parler." ajouta-t-il.

Pour Timothy, une mauvaise rencontre ça aurait pu être Kurt ou son beau-père. Surtout son beau-père. Qu'est-ce qu'il viendrait faire là d'abord ? Ou bien quelqu'un qu'il ne voulait tellement pas voir que cela trahissait ses réels désirs. Immédiatement il chassa ces idées de son esprit.
La scène aurait pu être le cliché de la fille qui parle de ses problèmes au garçon qui, justement amoureux de celle-ci prendrait un malin plaisir à entendre ses déceptions passées. Mais qu'est-ce que c'est quand l'un est déguisé en monstre vert, l'autre en zombie, et que le paysage de coucher de soleil se transforme en décor lugubre et morne, habité par des bruits agaçants de tuyauterie, alors qu'une fête monstrueuse se déroule à côté ? Tim voulait savoir, mais il ne voulait pas que cela change quoi que ce soit à leur relation.

Lui ? A cause de lui qu’elle était en larme ? Katia leva la tête et écarquilla grand les yeux. Oh que non ! Comment avait-il pensé une chose aussi absurde ? Si quelqu’un pouvait remonter le moral de Katia c’était bien Tim. C’était son rayon de soleil lorsqu’elle allait mal. Et ces temps-ci, c’était souvent le cas. Elle aimait passer du temps avec lui, elle oubliait tous ses tracas. Ce garçon lui faisait vraiment du bien, on ne sait comment. Elle arrivait à rester elle-même, et même à sourire ! Ce qui n’était pas facile vu la tête d’enterrement ou le regard agressif qu’elle avait dans les couloirs du lycée habituellement. Comme pour Tim et les autres membres d’une chorale, Katia ne jouissait pas d’une super réputation. Certes, elle était jolie – et on est tous d’accord que les jolies filles s’intègrent plutôt bien – mais elle avait un fort caractère qui passe ou qui casse. Et à Lima, ça ne passe pas. Elle était souvent seule, ou traînait avec des gens qui n’était pas vraiment ses potes, histoire de. Pas avec Timothy. Elle était contente de l’avoir trouver. Pour sa gratitude, Katia se rapprocha de Tim et se serra tout contre lui. Certes, elle ne le connaissait pas beaucoup, mais elle n’avait pas besoin de ça, ils avaient un bon feeling et sur ça, Katia ne se trompait que rarement.
Ce qu’il pouvait sortir comme bêtises ! Mais au moins, ça la faisait rire. Halloween était une fête amusante, les personnes se déguisaient, et même si Katia n’aimait pas spécialement ça, elle y avait prit plaisir à perfectionner son maquillage pour qu’il soit le plus réaliste et réussi possible. En tout cas, son costume avait été battu à plate couture par celui de Tim, elle passait inaperçue à côté de lui ! Elle se demandait bien où il avait déniché un tel accoutrement d’ailleurs. Katia croisa son bras avec le sien et posa sa tête sur son épaule, puis dit doucement dans un rire

« Que tu peux être bête »

Katia leva les yeux vers le plafond et scanna la pièce de son regard. Elle n’avait pas choisis le meilleur endroit pour taper sa déprime, c’était vraiment glauque. Une pièce ou un viol ou un meurtre aurait pu être aisément commis. Heureusement qu’elle ne se trouvait pas seule dans la pièce, elle était vraiment glauque. Elle aurait voulu se lever, retourner dans la pièce dynamique et festive mais elle n’en avait pas le courage, ses jambes étaient encore toutes molles et refusaient de se mettre debout.

« Lui ? Non, c’est l’assistant de la bibliothécaire, il venait me harceler pour un livre non rendu. »

Katia s’étonna d’inventer un bobard aussi rapidement sans faire trembler sa voix lorsqu’elle inventait un mensonge. Et réaliste pour une fois. On sait tous combien Katia peut avoir des idées inadaptées à la situation. Elle n’avait jamais été très douée pour mentir, et elle voyait ça comme une qualité, on lisait en elle comme dans un livre ouvert. Et ça l’agaçait fortement. Elle ne sera jamais la fille mystérieuse aux cheveux bruns. Elle pouvait toujours se faire une teinture, elle avait essayé une fois, et ça avait plutôt donné un bon résultat, mais elle tenait trop à la blondeur. Elle servait d’excuser aux conneries qu’elles disaient parfois. Oups

« Ouais t’as raison, j’ai croisé une bande de monstres, des Awesome Voices ! »

Katia eu un demi-sourire. Même si Timothy – et ô combien elle l’appréciait – faisait partie des Awesome Voices, elle ne pouvait s’empêcher de détester cette chorale. Le fait que ce soit une chorale la met déjà sur les nerfs et en plus elle essaie de voler la vedette de New Directions. Comme si une chorale n’était pas assez, comme si une bande de looser avait besoin d’être doublée. Katia était dure avec les chorales, parce qu’elle était chez les Vocal Adrenaline ? Tout le monde n’est pas au courant de ça, mais voir que les membres du Glee Clubs se font victimisés fait de la peine à Katia. A Carmel, jamais ça ne se serait passé comme ça. C’était eux qui lançaient les slushy et non le contraire. Katia avait écouté New Directions lors des Regionals et Selectionals, et si leurs chansonnettes étaient pas mal, ils ne faisaient qu’agiter vaguement leurs jambes et leurs bras, rien de rythmé et mis en scène. Désespérant pour Katia, qui avait tant travaillé sur les chorégraphies imposées par Shelby Corcoran. Et ça payait, ils en mettaient plein la vue ! Katia n’avait encore jamais assisté à une répétition d’Awesome Voices mais elle les mettait dans le même panier que la première chorale de McKinley. Il faudrait juste que Timothy lui prouve le contraire. Et encore, têtue comme elle l’est, Katia n’avouera pas son erreur si facilement.

Même si Katia paraissait davantage confiante et d'humeur à plaisanter, Tim ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle utilisait le fait qu'il veuille détendre l'atmosphère pour se détourner du vrai problème. Au fond elle savait bien que Tim n'irait pas creuser bien loin. C'était à la fois une qualité et un défaut. Si Timothy laissait se noyer les choses, c'était parce qu'elle n'avait pas envie d'en parler. Mais parfois il est préférable que les autres fassent des choix pour nous. Le fait est que jamais Tim n'ira fouiner dans la tête de quelqu'un si cette personne refuse de s'ouvrir à lui. De toute façon, il finirait par savoir.
Apparemment ce n'était pas le gars avec qui elle parlait un peu plus tôt, celui pour qui elle l'avait presque abandonné. Il n'aurait pas osé dire qu'elle l'avait mis de côté puisqu'elle l'avait averti, mais leur conversation avait eu l'air bien plus sérieuse qu'une histoire de livre non rendu. Bien que Tim ne savait pas réellement à quelle point une telle conversation pouvait être sérieuse puisqu'il n'avait jamais mis les pieds dans la bibliothèque. C'était du suicide social. Car Timothy adorait lire, seulement il se voyait mal se rabaisser au rang des intellos du lycée pour qui la vie sociale était transposée dans les pages d'un roman ou d'une encyclopédie débile. C'était triste à dire, mais ces gens, incapables de vivre leur propre vie convenablement, la vivaient à travers des personnages fictifs. Parfois Tim voulait les secouer pour leur faire prendre conscience que le travail était inutile s'il n'était pas conduit par un noble objectif. Après tout, à quoi bon s'acharner au travail si un but ne régit pas nos obligations ? Du moins c'était la théorie de Timothy. Théorie qu'au final il ne mettait pas en pratique puisqu'il négligeait la "case travail" pour directement jouir des plaisirs qui sont au bout.
Tout ça pour dire que peut-être après tout Katia disait la vérité.

Puis, elle dévia totalement la conversation pour s'attaquer gentiment aux chorales de McKinley, pour ne pas dire LA chorale de McKinley. Katia n'avait rien contre Tim, mais ce dernier savait qu'elle méprisait les Glee Clubs pour une raison qu'il ignorait. C'était une autre chose qui rendait leur amitié totalement improbable et pourtant si épanouie. "Je veux bien te croire, certains sont vraiment affreux." avoua-t-il. Oui, il faisait partie des Awesome Voices, mais non il ne les appréciait pas tous. Personne ne pouvait aimer tout le monde après tout. Mais même si c'était le cas, il demeurait persuadé que Katia mettait tout le groupe dans le même sac. Pourtant, Tim détestait Keith mais ne niait pas son talent. Il ne lui crachait pas non plus à la figure de peur que sa tête n'enfle plus qu'elle ne le faisait déjà, mais il en était conscient, à son grand désespoir. "Tu sais, les Awesome Voices sont doués. Les New Directions ont carrément décrédibilisé les Glee Clubs au sein du lycée, mais ça va changer !"
Il n'en croyait pas un mot. C'était trop tard, chorale rimait avec défaite et bas de l'échelle sociale. Et même si les Awesome Voices remportaient les Nationales, les préjugés continueraient à dicter la conduite des élèves. A McKinley, les stars c'était les Cheerios et les ratés du Football Club. Même si ces derniers étaient aussi brillants que leurs résultats scolaires, leur réputation n'en faiblissait pas. Tout ça parce que personne n'osait ouvrir sa bouche. Cela consternait Tim, mais il n'y pouvait rien.
"Regarde le monstre que je fais !" dit-il en se levant pour qu'elle puisse contempler la monstruosité de son costume. Il se sentait bien auprès de Katia, lorsque cette dernière avait posé sa tête sur son épaule, mais il voulait lui faire regretter de penser que les Awesome Vocies étaient des ratés. Certes certains l'étaient, mais lorsqu'ils étaient ensemble, ils brillaient.
Our lawyer made us change the name of this song so we wouldn't get sued - Fall Out Boy

Brothers and sisters put this record down
Take my advice ('cause we are bad news)
We will leave you hung and drawn
It's not worth the hearing you'll lose

It's just past 8 and I'm feeling young and reckless
The ribbon on my wrist says, "Do not open before Christmas." ♫

Ridicule dans son costume, Tim avait décidé de ne pas trop se prendre au sérieux. Il dansait de façon totalement dérisoire, mais tout de même sa voix restait sa fierté. En prononçant ces derniers mots, il montrait son poignet qu'il tendit aussitôt à Katia pour qu'elle se décide à le rejoindre.

We're only liars, but we're the best (we're the best)
We're only good for the latest trend
We're only good cause you can have almost famous friends
Besides, we've got such good fashion sense ♫

"Avoue que c'est vrai !" dit-il en montrant ce qu'il portait, un grand sourire au lèvre. Puis il continua, abandonnant Katia alors qu'il se dirigeait il ne savait où dans la pièce. Le bruit pénible de la tuyauterie couvrait sa voix, mais cette dernière parvenait aisément aux oreilles en rebondissant sur les parois de la chaufferie.

Brothers and sisters, yeah, put these words down
Into your notebook (spit lines like these)
We're friends when you're on your knees
Make them dance like we were shooting their feet

It's just past 8 and I'm feeling young and reckless
The ribbon on my wrist says, "Do not open before Christmas."

We're only liars, but we're the best (we're the best)
We're only good for the latest trend
We're only good cause you can have almost famous friends
Besides, we've got such good fashion sense ♫

Après avoir fait le tour de la pièce, tapi dans l'ombre, il surprit Katia qui ne put retenir un sursaut.

We're only liars, but we're the best
We're only good for the latest trend

We're only liars, but we're the best
We're only good for the latest trend
We're only good cause you can have almost famous friends
Besides, we've got such good fashion sense ♫

Haletant, il s'inclina pour remercier son public. "Bon, c'est un peu limité question équipement ici, mais l'acoustique est cool ! Tu devrais venir nous voir un jour répéter." proposa-t-il enfin. Quoiqu'il en soit, il avait totalement oublié pourquoi il était ici et sûrement que Katia aussi.

Si Tim n'avait pas insisté, il ne s'en félicitait pas pour autant. Certes il avait réussi à faire oublier à Katia une peine dont il ignorait la source, mais au final, il n'avait fait que masquer la réalité dans ce que l'on pourrait qualifier de fiction éphémère. Grâce à ce sentiment, on se sentait soudainement tellement loin du vrai monde que l'on en confondait les sensations perçues des sensations que l'on croyait percevoir. Tim ne connaissait que trop bien ce sentiment. Sauf que contrairement à Katia, et sûrement avait-il tord, il n'avait personne pour lui vendre du rêve. Enfin techniquement, car finalement cela revenait au même. Il se dirigeait vers Summer, la redoutable et redouté Summer, qui ne lui vendait pas du rêve à proprement parler, mais qui lui procurait une chose qui elle s'en chargerait. C'était pathétique, lui-même s'en rendait compte lorsque l'effet escompté se dissipait peu à peu et que sa lucidité l'envoyer valser contre le mur solide de la réalité. Il se méprisait lui-même, se jurait de ne jamais recommencer, puis, lorsque rien n'allait, il s'y remettait. Si vouloir aller bien lorsque tout va mal est une dépendance, alors il était dépendant. Dépendant d'un bien-être dont il ne pouvait jouir par ses propres moyens. Dépendant d'une sensation qu'il croyait avoir, mais qui n'était au fond qu'une illusion.
Timothy se gardait bien de conter ses exploits, car même s'il était parfois fier de ses prouesses techniques pour être expulsé de cours ou hériter d'heures de retenue, il ne l'était pas de sa pathétique et misérable vie. Sur ce point Katia et lui se ressemblaient. Ils se mentaient à eux-mêmes et au monde entier en prétendant une chose, prétendant d'être quelqu'un, niant les faits, mais en affrontant la vérité au moment venu. Et après tout, peut-être était-ce cette vérité dont Katia avait fait face quelques instants plus tôt. Et peut-être qu'il l'avait confortée dans son mensonge. Non, il ne s'en félicitait pas.

Katia finit par aborder le sujet tabou des chorales. Il l'avait cherché, il avait même tendu une énorme perche que même celui dont la vue est affreusement troublée n'aurait pu manquer. Au moins avec elle il n'avait pas à craindre un éternel débat entre New Directions et Awesome Voices. Du moins il le croyait. Alors comme ça elle était du côté de l'ennemi ? "Pitié Katia, du côté des New Directions c'est plutôt du gaz qu'il y a dans l'eau. En plus de ça tu as entendu ce qu'ils ont fait à notre salle de répétition ? J'aimerais mieux dormir dehors que de les rejoindre." dit-il tandis qu'il se rendit compte que cette alternative était tout à fait envisageable. "C'est comme partout; tout le monde ne peut pas apprécier tout le monde... Surtout moi..." ajouta-t-il avec un sourire. "Puis tu sais, M. Ryan est quelqu'un de bien, tu devrais pas le juger pour un soit disant passé que tout le monde ignore. Au moins avec lui on sait à quoi s'en tenir, il nous promet pas mondes et merveilles, mais je suis sûr qu'il le fait parce qu'il y croit autant que nous. On a tout à gagner en pensant comme lui."
N'avait-il pas raison ? Le pessimisme n'était-il pas une façon de masquer une certaine prétention et confiance en soi ?
Un mois plus tôt il aurait été tout bonnement impensable, impossible, inimaginable que Timothy se mette à plaider la cause de son professeur. Katia l'avait dit elle-même : il était tyrannique. Si au début Tim criait au complot, il s'était vite rendu compte que même si M. Ryan ne le montrait pas il avait foi en lui. Pourquoi l'aurait-il choisi sinon ? Et si ceci aurait pu être une bonne leçon de vie pour lui, Tim ne s'était pas pour autant arrêté de juger sur les apparences et de prendre pour acquis des impressions qui se révélaient parfois totalement fausses. Après tout il n'avait rien à reprocher à Katia et encore moins à lui enseigner. "Elles sortent d'où ces 8h de colle ?" demanda-t-il soudainement comme s'il venait de réaliser l'étendue de la peine endurée. Il fallait avouer qu'elle avait fait fort, lui-même ne pouvait se vanter d'un tel record. Et même s'il se gardait bien de le dire car il criait à l'injustice à chaque heure de détention qu'il s'attirait, il ne pouvait s'empêcher de penser que son amie les avait certainement méritées. "Tu l'as provoqué non ? Parce que moi quand je remets en question l'autorité des profs, ils font la même chose. Faut dire que c'est leur seule arme contre nous. Quand ils ne savent plus quoi faire ils font appel à ça. En fait c'est une arme pour les faibles." Pas que le M. Ryan soit faible, pensait-il.

Même s'il sous-entendait que Katia avait remporté le duel, il sous-entendait également que c'était M. Ryan qui avait raison dans l'histoire. Lui-même ne savait quoi penser. Il soutenait à la fois sa camarade dont il pouvait aisément se mettre à la place, mais également son professeur qu'il avait appris à respecter. Certainement qu'elle pourrait en faire autant, avec un peu de patience et d'ouverture d'esprit.

Katia avait raison, les amis de Timothy se comptaient facilement sur les doigts d'une main, et il serait même atrocement envisageable d'affirmer que cette main s'était vue amputée de quelques phalanges. La vérité était qu'il en faisait exprès. Il plaignait les soi-disant célébrités du lycée qu'en apparence tout le monde admirait, mais détestait en secret. Le monde impitoyable de ces personnes ne se nourrissait que d'hypocrisie et de trahison. Sur qui peut-on vraiment compter quand on croit que le monde entier nous apprécie en surface mais qu'on se rend compte qu'au fond ce n'est pas le cas ? Timothy ne voulait jamais avoir à se poser la question. S'il était réticent quant à accorder son amitié c'était pour savoir sur qui compter sans même avoir à le demander. En plus de ça, la barrière psychologique qu'il avait érigée pouvait très bien symboliser un test. Celui qui réussissait à la franchir était digne de sa confiance, car certainement en valait-il la peine. Et ce n'était pas peu dire que trahir sa confiance revenait à perdre toute chance de rejoindre ses rangs. Être rancunier ce n'était qu'être davantage sensible aux vraies valeurs de l'amitié. Premièrement parce qu'un ami ne trahirait pas, et deuxièmement parce que pardonner trop facilement engendrerait facilement les excès.
Et Katia était là devant lui, en tant que véritable amie. La seule chose dont Timothy n'était pas fier c'était de prétendre être quelqu'un dans les couloirs en s'entourant de gens qu'il appréciait parce qu'ils lui ressemblaient, et d'être dans l'ombre un tout autre lui en s'entourant d'autres gens qu'il appréciait pour leur complémentarité, leur sincérité, et pour une autre chose dont personne ne pourrait expliquer la nature exacte. Katia avait raison. Qui aimait-il au fond ? Sa mère très certainement, mais ce sentiment qu'il éprouvait pour elle semblait corrompu par un autre amour qui n'était pas le sien. Était-ce d'abord de l'amour ? S'il ne pouvait pas réellement compter les personnes qu'il aimait c'était parce qu'en réalité il ne savait plus à quoi ressemblait ce sentiment. Toutes les personnes qu'il avait su aimer avait fini par le décevoir. Et pourtant, auprès de Katia, il ressentait de plus en plus ce sentiment oublié et refoulé. Il n'en était lui-même pas sûr, alors jamais il ne pourrait en informer la principale concernée. Peut-être était-ce mieux ainsi...

Timothy fronça les sourcils lorsque son amie lui expliqua la soi-disant raison de ce tas d'heures de colle. Un rictus se dessina sur ses lèvres. Il n'en croyait pas un mot. Katia dissimulait quelque chose, et même s'il n'était pas en mesure de le lui demander maintenant, il finirait par savoir. Il ne lui en voulait cependant pas de garder des secrets. Tout d'abord parce qu'ils n'en étaient pas encore au stade où "on a pas de secret l'un pour l'autre", mais également parce que lui-même était loin d'avoir tout dit.
C'était donc l'occasion rêvée. Katia lui tendait une perche qu'il ne pouvait s'empêcher d'empoigner avec un plaisir dissimulé. Il s'assit à ses côtés comme elle le lui avait proposé, puis posa une condition. "Ok je te dis la raison initiale de mon intégration à la chorale, et tu me dis quelque chose que je ne sais pas à propos de toi." dit-il. "Et pas un truc du genre : "j'ai un chat qui s'appelle Boule de poil" !" ajouta-t-il. En réalité il avait une idée bien précise de question mais il ne voulait pas brusquer Katia et encore moins s'avancer dans sa vie privée. Le fait est qu'il voulait savoir ce que lui voulait vraiment ce gars qu'elle avait abordé plus tôt dans la salle de bal, et pourquoi M. Ryan avait vraiment été si tyrannique avec elle. Et peut-être bien qu'au fond tout se croisait.

Il la regarda fixement. Ce genre de regard qui veut dire "tu as le choix mais au fond tu ne l'as pas". "Tu sais très peu de personnes savent mon véritable motif pour avoir rejoint les Awesome Voices. Surtout pas M. Ryan. Même si au fond il n'en a rien à faire parce que c'est seulement le résultat qui compte. Alors tu as intérêt à avoir un bon dossier à lâcher !" affirma-t-il en lui adressant un sourire quelque peu nerveux.
Tim n'était pas du genre à s'approprier les commérages qui coulaient à flot à McKinley et encore moins à en être la source. S'il accordait une totale confiance à Katia, il voulait simplement qu'elle fasse de même. Ce n'était que le début de leur amitié.

Toujours assis, Tim n'avait plus aucune idée de l'endroit où il était et il avait d'autant plus fait abstraction de son ridicule costume que tout en devenait davantage risible. Un monstre vert qui se prenait au sérieux, c'était le comble de la dérision. Et pourtant au départ il avait tout envisagé sauf une telle scène. Le temps n'avait plus aucune emprise sur lui, il ne savait pas si cela faisait cinq minutes, vingt minutes, une heure qu'il était là, mais c'était le cadet de ses soucis. Il ne se préoccupait pas d'imaginer qu'à quelques mètres la fête battait son plein, juste derrière les sombres parois de ce lieu quelque peu lugubre et bruyant, parce qu'à vrai dire pour lui les réjouissances se jouaient ici. Et sûrement que si Katia se trouvait là bas, elles se joueraient là bas. Lui-même n'en revenait pas d'admettre de telles choses, mais il aimait tellement être celui qu'il était à ses côtés qu'il aimerait ne jamais avoir à se libérer de son emprise. Tout paraissait tellement plus simple avec elle, plus léger. La vie n'était plus qu'un sombre amas de mauvais ressentiments mais plutôt un moyen de garder seulement ses meilleurs aspects. Certainement était-ce pour cela qu'il réagissait différemment avec elle. Parce que par une magie inexpliquée, elle faisait s'évanouir ses mauvais souvenirs, rien qu'un instant. Et cela valait tous les bals d'Halloween du monde. Surtout que Tim n'était pas du genre social. Il était plutôt ce gars assis dans son coin qui broie du noir tandis que les autres se dandinent autour de lui comme s'il n'existait pas. Ce qui au final l'énervait encore davantage. Mais ce soir, il n'avait pas à s'en soucier. Il était présent, et quelqu'un le reconnaissait.

L'heure des révélations avait sonné. Premièrement Katia n'aimait pas les animaux. Tim sourit. Il ne s'était jamais vraiment posé la question, mais sûrement ne les appréciait-il pas beaucoup non plus. En réalité, c'était étrangement réciproque. Les animaux avaient sûrement ce don de deviner les intentions des gens pour pouvoir se faire une opinion d'eux. Timothy n'avait pas ce talent. Au contraire il jugeait sur les apparences. Et après réflexion, si les animaux pensaient de la même façon, il n'était pas étonnant qu'ils se fassent une mauvaise idée de lui. Après tout il s'en fichait. S'il se moquait d'avoir la reconnaissance de toutes les âmes humaines ce n'était certainement pas pour se morfondre d'être détesté des animaux.
Timothy esquissa un sourire encourageant. Un sourire qui disait tout le contraire de ce que son esprit lui reprochait. Il se sentait tellement nul à cet instant d'avoir voulu jouer la carte de la curiosité... ce n'était tellement pas lui. Mais après tout, il n'était pas vraiment lui auprès de Katia. Du moins c'était ce qu'il se répétait pour expliquer son comportement. Il eut envie de rétorquer qu'elle n'était absolument pas obliger d'en faire autant si elle ne le voulait pas. Ce n'était pas comme si elle lui devait quoi que ce soit. S'il lui avouait la vérité c'était pour se libérer d'un léger secret qui, même s'il l'avait déjà fait auparavant, semblait moins peser sur sa conscience lorsqu'il parvenait aux oreilles de quelqu'un d'autre. Mais Katia l'avait devancé. A vrai dire il ne s'attendait pas à ça, mais c'était vrai qu'il ne connaissait absolument rien sur Katia. Et réciproquement elle ne savait rien sur lui. Comment se faisait-il qu'on puisse être si proche et pourtant si loin l'un de l'autre ? Tim se sentait troublé et fasciné à la fois. Elle était une parfaite inconnue, mais il la considérait comme ses plus proches amis, ceux dont il savait bien plus que le simple prénom, l'âge, et l'ascendance hiérarchique dans le lycée. Et Même ce dernier point il ne pouvait se vanter de le savoir chez Katia. Elle était blonde, plutôt attirante, mais elle n'était pas Cheeleader. Pourquoi ? En fait Timothy s'en fichait. C'était ça qui lui plaisait chez elle. Qu'elle ne veuille pas rentrer dans une case prédéfinie.

Puis elle mentionna le nom de CAMPBELL. C'était comme si ce son l'avait durement ramené à la réalité du monde. Qu'est-ce qu'il venait faire là cet idiot ? Et tout sembla s'écrouler. C'était LE coup de fouet, il ne rêvait plus. "T'es sorti avec Keith Campbell ?" demanda-t-il comme s'il avait besoin d'une quelconque confirmation. "Mais ce type est un crétin total. Dis-moi que tu le regrettes !" De toute façon elle avait dit "un été". Aussi bien ils n'étaient que de jeunes âmes innocentes à l'époque. Tim l'espérait secrètement. Et il espérait de façon plus visible que Katia lui répondrait que oui, elle le regrettait. Ou qu'il avait changé. Quelque chose qui le conforterait dans l'idée que Katia n'était pas si opposée que ça à lui. Mais c'était le cas... et c'était après tout pour cela qu'il l'appréciait. Certainement. Peut-être.
Il haussa les épaules intuitivement, levant un sourcil. Katia faisait ce qu'elle voulait, il n'avait rien à lui reprocher lorsqu'il y repensait. Il avait lui-même eu des relations plutôt intimes avec Summer Davis qui n'était pas exactement son type de fille. Et il était très probable que Katia la déteste. Tout le monde la détestait. Même celles qui faisaient croire le contraire. Mais ça Katia ne le saurait jamais. C'était un secret qu'il avait juré de garder, parce que "ça valait mieux pour eux deux".
"Quoiqu'il en soit, tu en as dit assez." dit-il avec un sourire conventionnel. C'était à son tour de parler de lui, et ce même s'il aurait aimé en savoir encore davantage sur Katia. "Je suppose que c'est à moi de faire des confidences. C'est pas si terrible que ça." ajouta-t-il pour rassurer son amie. "Au départ j'ai postulé pour la chorale pour éviter d'être mis à la porte par ma mère. Tu serais pas surprise si je te disais que j'ai fait beaucoup de conneries et au bout d'un moment elle en a eu marre." avoua-t-il. Ce n'était pas exactement toute la vérité, mais il ne voulait définitivement pas de la pitié de Katia s'il en venait à parler de la façon dont son beau-père le traitait. "Alors j'ai rejoint les Awesome Voices pour essayer de tempérer mes excès. Puis c'est un bon moyen de lui montrer que je ne suis pas un incapable. Et en plus de ça je le fais par plaisir. Même si au début c'était difficile de se plier aux exigences."
Timothy ne savait même pas si la conseillère d'orientation elle-même était au courant de cette histoire. Certainement que non. Sinon elle viendrait le harceler toute la journée. Ce qu'il avait appris à apprécier. Au moins ,elle, s'intéressait à son avenir.

S'il n'aimait pas Keith ? Tim fit mine de répondre sans même ouvrir la bouche, inclinant les deux sourcils et inclinant légèrement la tête. Il se demandait vraiment si la question de Katia était rhétorique ou si pendant un bref instant elle y avait cru. Tu l'as aimé ? C'était ça la vraie question qu'il se posait. Et là, la réponse n'était plus tellement évidente. Comment ne pas le détester ? Même sa façon de respirer puait l'égocentrisme. Il avait toujours cet air hautain et détaché, comme si rien ne pouvait l'atteindre tant il était inaccessible. Tout le contraire de Tim qui lui s'enfermait six pieds sous terre pour que personne ne puisse entreprendre de le déterrer. Mais après tout il n'était pas surprenant que ces deux là aient partagé une alchimie que Tim ne pourrait jamais avoir avec Katia. Ils étaient certainement bien plus semblables que lui ne pouvait l'être d'elle. C'était peut-être ça le plus difficile à encaisser. Se dire que des gars comme Keith pouvaient se vanter de conquérir des filles comme Katia que Tim n'aurait même jamais rêvé séduire. Tout simplement parce qu'il n'aurait jamais cru que derrière de tels apparences puisse se cacher une âme pour laquelle il ne serait pas insensible.
Et même si mentionner le nom du riche blond l'avait fait tressaillir, il n'avait pas ressenti le moindre accès de colère. Au contraire, il avait simplement acquiescé quand Katia avait avoué être crétine, sans se séparer d'un léger sourire qui disait que non, après tout elle ne l'était pas. Ou du moins qu'elle ne l'était plus. Mais la conversation avait pris un autre tournant. Pour une fois Tim se surprenait à se sentir d'humeur à se confier. Il ne savait pas si c'était la présence de Katia qui lui imposait une confiance et une sérénité inhabituelles, mais il savait simplement que le simple fait que l'on s'intéresse à lui ne valait pour rien au monde de s'attarder sur le cas d'un idiot qui n'était pas lui.

Il était pourtant vrai que Katia savait trouver les mots. Ce n'était pas seulement son costume qui le rendait inconfortable mais toute la scène. Certainement parce qu'il n'était pas habitué à ce qu'on lui jette des fleurs. C'était plutôt les cailloux qu'il avait appris à encaisser. Alors quand Katia lui avoua que sa mère ne se rendait pas compte de la chance qu'elle avait d'avoir un fils comme lui, un sourire gêné se dessina sur son visage qui pourtant ne vira pas au rouge. Après tout, Timothy était réputé pour son apparence stoïque qui lui avait valu de nombreuses ruptures avec la gente féminine. Lui qui croyait pourtant que les filles aimaient bien les garçons à l'apparence froide et mauvaise, il avait fait l'expérience du contraire. Et en plus de ça, il n'était absolument pas démonstratif. Que de défauts qui font qu'au final, les autres commencent à douter de sa sincérité.
Ce que Tim se gardait bien de dire, c'était que la légitimité du geste de sa mère était affreusement respectable. Et même qu'au contraire, son existence avait sûrement été pour elle la pire des malchances. L'enthousiasme hypocrite sur son visage s'évanouit. Même s'il jouait souvent de son "poker face", il était difficile de dissimuler le passage d'un état de joie inexpliquée à celui de déception personnelle. Il baissa les yeux mais se reprit aussitôt que Katia lui en demanda plus. "Oh tu sais, j'ai pas fait dans l'originalité. Violence, drogue, infractions. Ces choses là." dit-il avec un sérieux déconcertant, sans défier le regard de son amie. Il n'avait pas vraiment envie de rentrer dans les détails. Ce serait tendre le bâton pour se faire frapper. Et par la même occasion se serait faire regretter à Katia d'avoir dit des choses encourageantes à son égard. Et enfin ce serait prouver la légitimité de la réaction de sa mère. Car il l'avait mérité. Mais malgré tout il savait que sa mère n'était pas exactement le cerveau de cette opération. Elle n'en était même que l'instrument. "Ça te dirait de retourner voir ce qui se passe là bas ? Avant que tout ça ne termine en déprime collective..." ajouta-t-il après s'être mis debout avec difficulté, en tendant la main à Katia pour l'aider à son tour à se lever.

Même si ces quelques minutes... ou plus, avaient été un plaisir, Tim n'avait pas perdu de vue la réalité qui se jouait seulement à quelques mètres d'eux. Et puis il ne fallait pas louper le sacre de la Reine et du Roi de McKinley ! Et pendant un court instant. Un fragment de seconde. Tim se surprit à se voir remporter le prix au côté de Katia. C'était absurde et totalement contraire à sa volonté. S'il y avait bien quelque chose qu'il ne voulait pas, c'était monter sur cette scène pour qu'on lui dépose sur le crâne une couronne ridicule. Non, s'il voulait vraiment partir c'était pour éviter de faire un résumé bâclé et dénué d'intérêt de sa vie. Après tout Katia apprendrait à le connaître avec le temps. Et même s'il aurait aimé tout savoir d'elle aujourd'hui, il en ferait de même... après avoir fracassé Keith contre les casiers. D'ailleurs peut-être que si Tim le détestait c'était parce qu'il avait tout ce qu'il rêvait d'avoir. N'importe quoi, pensa-t-il. En plus il est ringard avec son accent de snobinard !