Dormir est une perte de temps. C'est ce qu'Erwan, footballeur populaire au lycée McKinley, ne cessait de se répéter. Il ne comprenait absolument pas les bandes de flemmards qui arrivaient au lycée avec la trace de l'oreiller sur la joue ou des cernes sous les yeux. Lui, garçon hyperactif, se levait le sourire aux lèvres. Il bondissait de son lit et entreprenait mille choses à la fois. Ce jour là, il était particulièrement de bonne humeur, et surtout, en avance. Il se permit donc d'être encore plus soigné que d'habitude lorsqu'il passa à l'étape coiffure. Puis, tranquillement, il monta dans sa voiture et partit en direction du lycée. Arrivé là-bas, il perdit vite son sourire pourtant très souvent présent. Il avait complètement oublié. Son premier cours était les Mathématiques. De un, il détestait ça, et ne pouvait s'empêcher de perturber le cours au lieu de continuer à s'ennuyer, et de deux, le professeur avait prévu de leur faire passer une importante évaluation comptant énormément dans la moyenne. Bref, l'horreur totale pour Erwan qui n'avait rien écouté de l'année et était incapable de résoudre un problème niveau CM2. C'était la première fois qu'il voyait ses amis réviser avant d'aller en cours. Ce contrôle devait vraiment être important, et il était bien le seul à n'avoir même pas jeté un coup d'oeil à ses notes (qui d'ailleurs étaient inexistantes). La cloche sonna et il observa ses amis se diriger vers la salle de Mathématiques. Il ne les suivit pas, et au contraire, recula en se demandant où il allait pouvoir bien aller pendant toute une heure sans que personne ne le trouve. Car oui, il s'apprêtait à sécher les cours. Il préférait de loin cela plutôt que de se prendre de nouveau un zéro dans la figure.

Erwan s'arrêta subitement devant la porte des toilettes des filles. L'antre des Cheerleaders sexy, mais aussi des choristes qui se négligent. Le jeune brun n'y était jamais entré et ignorait à quoi ressemblait la salle. Rien d'extraordinaire, surement. Là, il était certain que personne n'allait le chercher, pas dans un endroit pareil ! Mais, si une fille y entrait pour se pomponner, que penserait-elle ? Il fallait de toute façon qu'il prenne le risque, car il allait se faire repérer si il restait plus longtemps dans les couloirs. Il entra donc, assez timidement. Il jeta un regard circulaire à la pièce. Il n'y avait personne, en apparence. Une cabine était fermée, mais le jeune homme se mit à penser que les toilettes étaient sûrement bouchées. Il s'admira devant une glace, et, étant persuadée d'être seul, se mit à chantonner.

« You say good morning, when it's midnight ! Going out of my head, alone in this bed ... »

Sa voix avait été douce, mélodieuse et bien contrôlée. Car oui, Erwan chantait plutôt bien mais refusait d'entrer dans une chorale. Ce ne sont que les losers qui participent à ce genre d'activité. Le Football, il trouvait ça bien plus viril. Il évitait donc de chanter en public afin de ne pas avoir à subir des remarques déplaisantes. Il sursauta, et son coeur fit un bon dans sa poitrine lorsqu'il vit que quelqu'un essayait d'ouvrir la porte. Il réagit vite en s'enferma dans une cabine, en se mettant debout sur la cuvette afin que la personne venant d'entrer ne puisse pas voir ses pieds par dessous. Ce qui devait être un agent d'entretien ne s'attarda pas et repartit au bout d'à peine deux minutes. Et en sortant, il perçut le "clic, clic" qu'il redoutait tant. Merde, il venait de fermer la porte à clé ! Ce qui signifiait qu'Erwan était enfermé dans les toilettes des filles, sans savoir quand il allait pouvoir enfin sortir. Espérons qu'ils ouvrent les toilettes lors de la récréation ... Cette dernière avait lieu dans ... deux heures. Génial ! Le beau brun sortit prudemment lorsqu'il entendit un léger reniflement venant de la cabine fermée. Il se baissa, et, effectivement, il vit des pieds portant des chaussures de jeune femme. Une fille, donc. A moins que ce ne soit Kurt Hummel ... Doucement, il frappa à la porte de la cabine.

« Qui est là ? C'est Erwan, Erwan Merry. Ouais, je sais que je ne devrais pas être là mais ... c'est compliqué. Je crois qu'on est enfermés là, alors, autant que tu sortes ... »

Il espérait que la fille enfermée ici était une belle Cheerios sexy avec qui il pourrait passer du bon temps. Avec un peu de chance, il allait tomber sur Andréa ! Il espérait juste qu'il n'allait pas être obligé de faire la conversation à un loser de choriste !

Erwan détestait ne pas savoir à qui il s'adressait. Il se coucha par terre mais ne vit que ses jambes, impossible de voir son visage. La jeune femme ne portait pas de jupe à carreau, ce n'était donc pas Rachel Berry. Un bon point, car Erwan l'aurait tué s'il avait dû rester plus de deux heures enfermé avec elle. Il se redressa pour s'adosser au mur face à la cabine occupée, entre deux lavabos.

« Tu comptes rester combien de temps là-dedans ? »

Il avait dit ces mots en soupirant. En regardant l'heure, il remarqua qu'a peine dix minutes s'était écoulées. Ces deux heures allait être loongue, très longue ! Ils commença à contempler ses ongles coupés très court, puis balança sa tête contre un tuyau sous un lavabo, ferma les yeux et se mit à rêver. Il vit un stade de Football, des supporters, puis lui, arrivant sur le terrain acclamé par les supporters déchaîné qui criait son nom. C'était le rêve auquel il tenait le plus, et il était persuadé qu'un jour, il réussirait à l'atteindre. Il avait été accepté dans la nouvelle équipe du lycée, occupant le poste qu'il désirait par dessus tout et c'était déjà un bon début. S'il arrivait à être une star du football à McKinley, il pourrait déjà s'estimer heureux. Lorsque les images dans sa tête perdirent leur sens, il rouvrit les yeux et les referma aussitôt. Cette fois, il se voyait défiler sur un podium, très joliment habillé grâce à des vêtements Louis Vuitton ou bien Jean Paul Gaultier. Etre mannequin, c'était le bon plan. Tu es au moins certain d'avoir toutes les filles à tes pieds, et pas des plus moches. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de revenir à la réalité. Il se leva d'un bond, et s'approcha de la cabine, jusqu'à y poser sa joue. Il entendait toujours la respiration régulière de la jeune femme, mais elle n'avait apparemment pas l'intention de sortir. Pour être têtue, elle l'était !

« Quand on sortira, tu me promets de ne pas aller te vanter en disant à tes copines que nous avons couché ensemble ? »

Prétentieux, vous croyez ? Mais vous savez, avec les filles, il faut d'attendre à tout. Erwan faisait donc bien d'être prévenant. Et puis, il fallait bien dire que le jeune brun était un dieu vivant, toute les filles de la Terre rêverait de passer du bon temps avec lui. Non, je plaisante. Ça, ce sont les pensées qui lui traversait l'esprit au moment même où il prononçait sa phrase. Puis, sans bruit, il entra dans la cabine d'à côté, et monta sur la cuvette. Grâce à sa grande taille, il parvint à attraper l'angle du petit mur séparant les deux WC. Il se hissa dessus avec difficulté, il ne pouvait s'aider que de la force de ses bras. D'accord, il était musclé, mais quand même ! Après quelque secondes d'efforts il y parvint tout de même et tomba nez à nez avec ... DAKOTA EVANS !

« AAAAAH ! »

Il lâcha sa prise et tomba, de façon assez ridicule, de l'autre côté, c'est à dire, dans la même cabine que Dakota. Il la regarda avec des gros yeux comme si elle était un monstre à huit yeux et quatre-vingt pattes.

« C'est ... toi ?! »

Il avait dit cela comme si il était dégoûté. Ce n'était pas très flatteur pour elle ... Mais merde quoi, il s'attendait à voir une Cheerleader qu'il aurait pu réconforter comme il se devait, et tombait nez à nez avec la choriste qu'il s'amusait à persécuter tous les jours !

Dakota Evans, Dakota Evans. Il allait devoir passer deux heures en compagnie de Dakota Evans ! Il resta pétrifié, la bouche ouverte. Et non, il ne bavait pas. Il s'attendait à tout le monde, même à Sue Sylvester tiens, mais pas à elle. La jeune brune au joli visage enfantin sortit de la cabine où il était toujours étalé. Il se releva d'un bond lorsque il se rendit compte qu'il était allongé dans les toilettes ... Dans les toilettes, quoi ! On ne sait jamais ce que les gens font là-dedans. Il défroissa son tee-shirt rayé, et sortit à son tour, fier et arrogant.

« Comment ne pas être déçu lorsqu'on tombe sur ... toi ? »

Et comment peut-on être aussi méchant et sans coeur que Erwan ? Il s'arrêta à quelques centimètres d'elle et la regarda dans le miroir. Lui qui avait l'habitude de voir la peur habiter ses yeux bruns, il fut surpris de voir de la détermination y refléter. Elle était sûre d'elle, ce qui n'était pas vraiment habituel. Quelle était la cause de cette soudaine prise de confiance en elle ? Dakota lui parla de l'acrobatie ridicule qu'il avait tenté en enjambant le mur séparant les deux toilettes. Elle était provocatrice à en mourir. Il se plaça devant elle, l'empêchant de se regarder dans le miroir. Il arborait un air surpris.

« Mais pour qui tu te prends, Evans ? Tu n'avais même pas le courage de sortir de ta cabine, j'ai dû venir te chercher et tu te permets maintenant de me dire cela ? »

Il pouffa, outré qu'elle ait le culot de lui parler de cette manière. A lui, celui qui la terrifiait sans cesse, et qui la slushait tous les jours ? Elle n'avait pas peur, vraiment pas peur des représailles. Puis, ses yeux s'écarquillèrent. Il avait complètement oublié qu'elle l'avait entendu chanté. Car oui, il était entré, il avait chantonné quelques phrases, mais elle, était déjà arrivée ! Elle avait donc tout entendu. C'était une catastrophe ! Et si elle racontait cela à tout le monde ? Qu'allaient penser ses amis footballers ? La surprise se lit sur son visage. Mais il redevint vite impassible.

« Un joli solo ? Arrête de te foutre de moi ! »

Car oui, elle se moquait de lui, c'était certain. Il détestait ça, et n'allait pas se laisser faire. Surtout que des moqueries de la part de Dakota Evans n'étaient pas les bienvenues ! Le beau jeune homme se retourna vers le lavabo, et se contempla dans le miroir. Il passa une main dans ses cheveux bruns. Il y avait mis presque tout le pot de gel, et ça tenait plutôt bien. Il eut un petit sourire satisfait, il se trouvait vraiment beau. Il fit couler l'eau, et se lava les mains pendant deux longues minutes. Puis, alors que la jeune fille ne s'y attendait pas du tout, Erwan mit le plus d'eau possible dans ses mains et la balança sur Dakota, visant son visage et ses cheveux en priorité.

« Ooops »

Il éclata d'un rire mesquin. Il ne s'était pas loupé, et avait créé l'effet de surprise qu'il voulait. Il se plia en deux, voyant Dakota dégoulinante d'eau glacée.

Erwan, bien trop occupé à rire, ne remarqua pas que Dakota préparait sa vengeance. Il se retrouva aussi trempé qu'elle, sans vraiment comprendre ce qui venait de se passer. Il mit quelques secondes à s'habituer à la température, puis leva la tête vers elle. Il lui lança un regard faussement dédaigneux. Il avait envie d'éclater de rire, cela se voyait à ses lèvres, elles tremblaient. Et ce n'était pas simplement à cause du froid. Il remua la tête et des gouttes d'eau partirent de tous les côtés. Sa coiffure ne ressemblait plus à rien, mais, étrangement, il s'en fichait. Il jeta tout de même un coup d'œil à son reflet dans le miroir et plaqua ses cheveux sur son front du mieux qu'il le put.

Il reporta son attention sur la jeune femme brune, vérifiant qu'elle ne préparait pas quelque chose. Avec le bruit qu'ils venaient de faire, toutes personnes se trouvant dans le couloir à cet instant les avaient entendus, c'était certain. Alors qu'elle le définit de chien mouillé, il la regarda, les sourcils levés.

« Tu es sûre de ce que tu viens de dire, Evans ? »

Il n'avait pas perdu sa manie, et l'appelait toujours par son nom de famille. Il appelait ses amis par leur prénoms, et Dakota n'était après tout pas son amie. Il n'avait donc pas l'intention de changer de ce côté là. Le jeune homme jeta un regard circulaire à la pièce, cherchant à se venger. Son regard tomba sur la cuvette des toilettes. Non, il n'était pas si cruel, c'était bien trop dégoûtant. Il préférait se faire asperger de dix slushys (même s'il n'avait jamais testé) que de se retrouver la tête la première dans la cuvette. Il frissonna en imaginant la scène. Beurk. Il eut soudain une idée.

Il feignit la réflexion en fixant ses chaussures. Et fonça vers elle. Comme un taureau, oui, c'est ça. Il l'attrapa par les hanches. Elle ne put pas vraiment se débattre, de un, à cause de l'effet de surprise qu'il avait réussi à produire, et de deux, ses bras frêles ne pouvaient pas rivaliser avec ceux musclés de Erwan. Il la porta sur son épaule, comme il le put, et s'approcha du lavabo. Il mouilla un peu plus ses cheveux, et rassembla toute la force de ses bras pour ne pas la faire tomber. Le beau footballeur ne voulait tout de même pas lui faire mal. Il la lâcha et la reposa mais sa vengeance ne s'arrêtait pas là. Il s'approcha du distributeur de savon et appuya sur le bouton afin que ses mains en soit recouvertes. Il lui offrit un petit sourire, un peu sadique sur les bords. Il s'approcha d'elle, les bras tendus et la savonna en évitant ses yeux. Il s'écarta, et contempla son oeuvre, satisfait.

« Tu ressembles ... à rien ! » Il se mit à rire, et reprit. « Ça fait du trente à un là, Dakota. »

Il se surprit lui-même, il venait de l'appeler par son prénom. Le sourire qui flottait sur ses lèvres trahissait ce qu'il ressentait. Il se mit à réaliser que les préjugés étaient faux. Car cette fille se montrait de plus en plus fun.

Alors que Erwan la regardait se contempler dans le miroir pour ensuite éclater de rire devant le résultat, il se mit à penser que jamais il n'aurait envisagé pouvoir s'amuser avec Dakota. Il avait oublié tout ce qu'il lui avait fait subir et il avait oublié qu'il la qualifiait sans cesse de looser. Il n'avait pensé qu'à se laisser aller, sans se poser de questions. Et ma foi, ils avaient tous les deux réussis à se détendre. Mais qu'est-ce que cela signifiait ? Il revint à la réalité lorsqu'elle se frotta à lui afin de se sécher un peu. Le beau brun se mit à rire en reculant, et en secouant son tee-shirt maintenant trempé. Ah ben bravo ! Il passa une main dans ses cheveux eux aussi mouillés. Il ne pouvait maintenant plus rien pour sauver sa coiffure, il les éparpilla donc dans tous les sens. Il savait que lorsque ses amis, le verrait sortir des toilettes des filles en compagnie de Dakota Evans, trempée et les yeux rieurs, il allait devoir fournir une explication. Il était déjà en train de préparer un petit discours du genre « Elle m'a séquestré, je n'ai rien pu faire ! » C'était absurde, mais ses stupides amis footballeurs allaient surement gober cela. Oh et puis merde, il n'avait de compte à rendre à absolument personne, à part peut-être à sa mère. Il arrêta donc de se poser ce genre de questions. Il lui offrit un sourire alors qu'elle partit s'asseoir, épuisée. Il fit de même en s'adossant au mur d'en face.

« Je pense que tu as compris qu'il ne fallait pas me provoquer. » Il lui sourit de nouveau, il plaisantait. « Mais je t'achèverais peut-être ... un jour ! »

Il se mit à respirer calmement, afin de calmer son coeur, qui battait bien trop vite à son goût. Même s'il était assez musclé entre autres grâce aux rudes entrainements de Football, porter une jeune femme de son âge, cela n'était pas de tout repos. « Oh faite, tu me dis pourquoi tu es venue dans ses toilettes… non parce que je le sais bien que tu es stupide mais pas au point de te trompé de porte… » Elle ajouta un peu plus tard un petit : « Quoi que ! » Erwan haussa les sourcils, et prit un air perplexe. Il était stupide ... quand il le voulait, disons. En Maths, il était stupide. En littérature, il était stupide. Mais lorsqu'il était question d'établir des stratégies de défense sur le Terrain de Football, il ne l'était pas du tout. Un question d'état d'esprit. Et tout au long de l'année, il avait fait preuve d'une grande stupidité au près de Dakota. Il commençait presque à s'en vouloir. Presque ! N'oublions pas qu'il est un jeune homme capable d'être gentil avec vous et de vous planter un couteau dans le dos ensuite. Mais il n'était, à ce moment là, pas vraiment dans cette optique. Il s'ordonnait simplement de rester lui-même, de ne pas se poser de questions. Il allait de toute façon passer deux heures avec elle, alors autant ne pas se prendre la tête que de lui faire la guerre. Il prit un air outré.

« Hé ! Je t'interdis de dire ça ! » Il eut un léger sourire en coin et expliqua le pourquoi du comment. « J'avais un contrôle de Maths, et je ne sais pas si tu sais, mais moi et les Maths ... Je me suis dis que dans les toilettes des filles, personne ne viendrait me chercher ! »

Et il avait raison, personne ne l'avait cherché ici, malgré le bruit que les deux lycéens avaient fait en se chamaillant. Il sourit encore une fois, et comme s'il était en train de raconter une palpitante histoire, il dit :

« Et là, je suis tombé sur une horrible fille brune. Un sorcière je crois, armée de savon dans les cheveux. Elle fait vraiment flipper ! »

Il se leva en riant, et en la pointant du doigt. Il criait presque et il se demandait comment le concierge, à l'extérieur faisait pour ne pas les entendre. Alors que Erwan riait toujours, il sentit son téléphone portable vibrer dans sa poche. Il avait miraculeusement survécu aux attaques de Dakota. Il devait être trempé, comment pouvait-il encore fonctionner. La sonnerie annonçant un appel retentit. I'm alive, de Céline Dion. Le jeune homme rougit jusqu'aux oreilles. C'était la honte. Il était certain que personne ne l'aurait imaginer en train d'écouter ce type de chansons. Et pourtant ... il adorait. Ne sachant pas vraiment comment réagir, il se mit à bredouiller. « I get wings to fly, oh, I'm alive ! »

C'était assez étrange de le voir chanter cela. Du Céline Dion, quoi ! Il prit un peu plus confiance en lui, et continua, en chantant un peu plus fort cette fois.

« When you call on me, when I hear you breathe I get wings to fly I feel that I'm alive. » Il se mit à tapoter du pied, comme le faisait la diva, un sourire en coin. « When you look at me I can touch the sky I know that I'm alive. »

Il fit des gestes avec son bras, imitant la chanteuse alors que son portable avait pourtant cessé d'émettre la chanson. Il avait regardé le DVD d'un de ses concerts à New York des millions de fois, et connaissait ses mimiques par coeur. Il avait envie de rire, mais cela gâcherait la chanson, et il s'appliquait afin de chanter du mieux qu'il le pouvait. Il s'approcha de Dakota de façon comique, en se déhanchant comme pourrait le faire Céline Dion, et lui tendit sa main.

Les deux lycéens avait mis les toilettes dans un sale état. L'eau moussante, car mélangée à du savon, inondait le carrelage blanc près des lavabos. Le jeune homme lut l'écriteau « Merci de laisser cet endroit dans l'état où vous l'avez trouvé. ». Mmmh, c'était raté. Erwan aurait beaucoup aimé voir la tête que les femmes de ménage allaient faire en découvrant la salle. Surtout qu'elles n'auraient aucun moyen de savoir qui avait fait une bataille d'eau/savon dans les toilettes, à part si les deux lycéens se faisaient attrapés. Dakota prit la parole, toujours aussi souriante. Transformer Erwan en crapaud ? Quel dommage ! Le pire était qu'il pensait vraiment cela. Bon, il en rajoutait parfois un petit peu, peut-être, mais il était vrai qu'il se trouvait plutôt beau gosse. Disons qu'il lui arrivait que très rarement d'envier un autre garçon pour son physique. Et puis, il ne regardait pas vraiment. Il préférait reluquer les Cheerios, il y avait bien plus de fabuleuses choses à voir. Le jeune homme prit un air outré. Il pointa du doigt son visage qu'il considérait comme presque parfait. Presque, Dieu le devançait de peu.

« Pourquoi gâcher une telle beauté ? »

Malgré son sérieux, il lui sourit tout de même. Puis, son téléphone se mit sonner, et il se mit donc à chanter du Celine Dion, et invita Dakota à le rejoindre. La jeune femme hésita un peu, puis attrapa la main du Footballeur qui l'aida à se relever. Si on lui avait dit qu'un jour, il s'amuserait de cette manière avec Dakota Evans, il ne l'aurait pas cru. Et pourtant ! La jolie brune se mit à chanter, d'abord timidement, puis avec confiance. Le beau footballeur se mit à danser, conscient qu'il n'était pas mauvais du tout dans ce domaine. Il avait pris des cours de break dance et s'était révélé très doué. Erwan s'arrêta de chanter afin de l'écouter. Il fut scotché. Pourquoi ne chantait-elle que dans les choeurs avec une voix pareille ? Bryan Ryan était-il idiot ou sourd ? Sa voix était douce, mais assurée, juste, mais un peu fragile. Un cocktail parfait. Il sourit, impressionné. Comment un petit bout de femme comme elle pouvait être aussi talentueuse. Et dire que Erwan se moquait de cela et préférait lui balancer de la glace pillée en pleine figure. Il se trouvait idiot à présent. Lorsque Dakota, en réalisant qu'elle était maintenant seule à chanter, s'arrêta, Erwan s'exclama ;

« Non, ne t'arrêtes pas, tu es super douée ! »

Il n'eut pas le temps de la complimenter d'avantage. Des bruits de pas se firent entendre devant la porte des toilettes. Il entendit le "clic, clic" qui signifiait que la porte venait d'être déverrouillée. Oh non, ils allaient se faire prendre. Peut-être même allaient-ils être obligés de tout nettoyer, ce que Erwan n'avait jamais fait de sa vie. Sa mère jouait aussi le rôle de la boniche en lavant ses caleçons sales. Il regarda autour de lui et se dirigea vers la cabine la plus éloignée de la porte. Il fit signe à Dakota de le suivre en murmurant un "grouille" à peine audible. Il la laissa entrer avant de fermer la porte en priant pour que le concierge, ou la femme de ménage qui venait d'entrer n'ait pas l'idée de regarder par dessous. Sinon, quelle excuse pourrait-il fournir ? Vous me faîtes chier avec vos contrôles, alors j'ai séché. Non, non, il ne réussirait à rien, à part à se faire virer. Déjà qu'il avait plusieurs fois frôlé l'exclusion ... Il entendit les bruits de pas se rapprocher de la cabine où les deux lycéens s'étaient réfugiés. Il l'entendit soupirer. Puis, ce qui devait être pour sûr une femme de ménage, rebroussa chemin et sortit. Sans verrouiller la porte. Erwan n'y croyait plus, ils étaient libres ! Sauf que ... le jeune homme n'avait plus très envie de quitter Dakota. Il attendit quelques secondes, afin de s'assurer qu'ils étaient bien de nouveau seuls, et sortit. Il se dirigea vers la porte d'entrée des toilettes, et l'ouvrit.

« Ça y est, on est libres ! »

Il lui sourit légèrement, mais son regard témoignait ; il n'était pas si heureux que ça. Il serrait la poignée entre ses doigts, qui devenaient moites. Alors, tout allait redevenir comme avant. Il n'en avait pas envie, vraiment pas. Il était conscient d'avoir les outils en main. Mais, était-il prêt à changer ?


« Mais sache que ... si ça ne tenait qu'à moi, je ferais durer ce moment un peu plus longtemps. »

« J’aurais aimé qu’il dure plus longtemps moi aussi … »

Erwan esquissa un très léger sourire dans sa direction, un sourire triste. Personne ne pourrait croire qu'il était triste de quitter Dakota la gleek, Miss Soda, le surnom qu'il avait inventé, et dont il était fier, dans un passé pourtant si proche. Et dire qu'il l'insultait sans jamais la regarder dans les yeux. Et dire qu'il la slushait tous les jours (et même parfois plusieurs fois par jour) sans jamais se soucier d'elle, en oubliant son acte la seconde d'après. Le jeune homme se sentait ... stupide d'avoir été aussi stupide. Oui, c'est ça. Il avait envie de sauter par la fenêtre pour lui prouver qu'il s'en voulait. Mais cela ne servirait à rien, et puis le courage lui manquerait. Il parvenait seulement à baisser les yeux, à contempler ses chaussures, comme un gamin pris en flagrant délit. Il aurait voulu disparaître. Mais cela lui était impossible, il prit donc son maigre courage à deux mains, leva la tête et la regarda dans les yeux. Avant, il n'aurait pas hésité à lui cracher dessus. Maintenant, il craignait que son regard sur elle la gêne. Il se faisait peur. L'heure, peut-être plus, qu'il avait passé en compagnie de Dakota avait entraîné tellement de changements, dans sa tête. Il la voyait différemment, d'un autre oeil. D'un oeil nouveau. Et ça lui faisait peur. Qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'il s'était toujours trompé, sur toute la ligne ? Qu'il s'entendrait avec ses autres victimes aussi bien qu'avec Dakota, s'il arrivait à faire tomber son masque ? Sa réputation de gros dur en prenait un coup. Ne répétait-il pas souvent que la popularité passait avant tout ? Mais quel importance, qu'était-ce que la popularité ? Sa tête allait exploser, des centaines de questions se bousculaient, mais il n'arrivait à trouver aucune réponse. Il inspira un bon coup par le nez en mordant nerveusement l'intérieur de sa joue, qui se mettrait bientôt à saigner.

Il fut surpris de la voir poser sa main sur la sienne, serrant toujours très fort la poignée de la porte d'entrée des toilettes. Quelques heures plus tôt, il aurait dégagé sa main, l'aurait insulté et serait parti tout en lui lançant des regards noirs. Si ses amis avaient été là, l'aurait il fait comme si les deux lycéens ne s'étaient jamais vraiment parlés ? Ou, les auraient-ils défié ? Etait-il prêt à changer concernant Dakota ? Etait-elle consciente qu'il se mettrait de nombreux amis à dos si il commençait à sympathiser avec une choriste surnommée Miss Soda ? Il était conscient d'avoir les cartes en main, il pouvait en faire ce qu'il souhaitait. Encore fallait-il qu'il ait une idée de comment les utiliser.

« Je ... »

A peine audible, pathétique. C'était tout ce qu'il était capable de faire. Il perçut à peine la pression que la jeune femme venait d'exercer sur sa main devenue toute rouge. Doucement, il lâcha la poignée de la porte alors que Dakota s'apprêtait à partir. Quinze minutes plus tôt, il aurait rit au sarcasme de Dakota. Mais maintenant, il avait juste envie de tout casser. De mettre les toilettes dans un état encore plus déplorable qu'à ce moment. Il lâcha complètement la poignée de la porte et resta quelques secondes immobile, à réfléchir. Il attrapa ensuite son sac noir qu'il avait déposé à l'entrée des toilettes, et le jeta avec force sur son épaule. Il passa une main dans ses cheveux courts. Ils n'étaient presque plus mouillés, il n'aurait donc pas à s'expliquer à propos de cela. A cette heure ci, sa classe avait cours de français. Il y a quelques heures, il aurait pouffé et serait plaint mais maintenant, il s'en fichait. Il avait dautre chose à penser et n'avait pas le temps de se plaindre. En silence, il se dirigea vers la salle où se déroulait le cours. Il toqua à la porte sans grande conviction, et le professeur intima au jeune homme d'entrer, ce qu'il fit. Il ne décrocha aucun sourire à aucun de ses camarades.

« J'étais à l'infirmerie, et non, elle ne m'a pas donner de billet de retard. »

Vu la tête qu'Erwan tirait, le professeur le crut sur parole. Il partit s'asseoir seul au fond de la classe, juste devant la table d'un de ses amis footballeurs. Celui-ci de retourna directement afin de lui demander ce qui n'allait pas. Erwan ne répondit pas, et se contenta de sortir sagement un stylo de sa trousse presque vide, ce qu'il n'avait jamais fait en cours de français. Son ami insista, une fois, deux fois, trois fois. Le jeune homme posa son regard sur lui.

« Ferme la. »

sujet clos !