02. Qui sème le vent récolte la tempête ( Bryan Ryan & Emma Pillsbury)

La veille, Bryan était confiant ; ses projets pour les Awesome Voices avançaient bien, et les progrès qu’il remarquait auprès de ses élèves le rassuraient dans sa quête du Glee Club. Il s’était couché avec un sourire au coin des lèvres, prêt à affronter une nouvelle journée qui s’annonçait pleine de réussite.
Malheureusement, cette période d’euphorie ne dura guère, coupée net dès le lendemain matin, lorsque le jeune professeur découvrit sa salle de répétition vandalisée.

L’humiliation qu’il subit sur le coup fut suffisamment intense pour le blesser, mais en contrepartie, sa hargne envers les New Directions se décupla : voir ce qu’il considérait comme son jardin secret, violé d’une manière aussi barbare l’avait mis hors de lui, à tel point qu’il était désormais prêt à aller régler ça à sa manière avec William.

Assis, seul dans la salle des professeurs, il dut déployer de laborieux efforts pour parvenir à se contrôler et enfin retrouver son calme, jusqu'à ce qu'il découvrit glissée dans son casier,une lettre du proviseur Figgins co-signée par Emma Pillsbury. Cette association surprenante ne présageant rien de bon, Bryan déchira l’enveloppe grossièrement afin d’en retirer le contenu : une seule et unique feuille de papier, soigneusement pliée en trois sur laquelle deux longs paragraphes avaient été écrit à la main.
A la lecture du message qui lui était destiné à lui ainsi qu’à son rival, il fut prit d’une pernicieuse envie de revomir son petit déjeuner. Une énorme vague de chaleur lui traversa le corps : il bouillonnait de l'intérieur.Déjà bien secoué par le coup dur que venait de subir sa chorale, ce petit mot était la goutte d’eau qui fit déborder le vase.
D’un geste puissant, il écrasa son poing contre son casier, déformant la petite plaquette métallique bleue. Il exprima sa colère en laissant échapper une série de jurons, puis se dirigea sans attendre vers le bureau d'Emma Pilsbury qui ne se trouvait pas loin.

Ne prenant pas la peine de toquer, il entra en poussant la porte d’un air nerveux. Déranger la jeune conseillère d'orientation pendant son travail était le dernier de ses soucis.

- Vous pouvez m’expliquez ce que c’est que ce ramassis de merde ? s’exprima Bryan en plaquant bruyamment la lettre contre la table de son interlocutrice.

Déjà à l’origine, il aurait été difficile pour les Awesome Voices d’accepter de collaborer avec les New Directions, ne serait-ce que pour une simple prestation musicale. De fait, après ce qui venait de se passer, il était hors de question de s’humilier davantage en participant à un stupide flashmob.
Non mais que croyait-elle cette pauvre Emma ? Bryan l’aimait bien, mais sa candeur et sa jobardise à en faire pâlir les Bisounours avaient parfois le don de l’agacer au plus haut point. L’initiative était peut-être louable de sa part, elle prouvait néanmoins que la jeune femme n’avait rien compris.
S’appuyant d’une main sur le bureau, il se pencha légèrement en sa direction, lui jetant un regard glacial.

- Vous êtes au courant de ce que les New Directions ont fait à ma salle de répétition ? Pensez-vous sincèrement qu’après cela j’aurai le cœur à me trémousser à leurs côtés devant une caméra ? Par ailleurs, permettez-moi de vous dire que vous n’avez résolument rien compris ma pauvre! Si j’ai créé les Awesome Voices, ce n’est pas pour qu’ils aillent faire joujou avec les élèves de Will, j’ai d’autres ambitions, et il s'avère qu'elles sont bien moins niaiseuses que les vôtres !

Pour tout observateur extérieur, la scène aurait pu s'apparenter à celle d'un professeur grondant un mauvais élève. Le caractère plutôt effacé d'Emma Pilsbury donnait d'ailleurs la même impression à Bryan. N'ayant pas prit attention à peser ses mots, il venait littéralement d'aboyer sur la jeune femme. Mais qu'importe, l'intensité de ses paroles étaient à la mesure de l'agacement qu'il éprouvait. Et s'il fallait crier encore plus fort, et bien il le ferait.

La semaine n’avait pas été de tout repos pour la conseillère d’orientation du lycée McKinley. En effet, la rivalité entre les chorales New Direction et Awesome Voice était à son apogée, et les élèves en faisant les frais ne cessaient d’aller et venir dans le bureau d’Emma Pillsbury qui ne savait plus où donner de la tête. Il y avait les apprentis chanteurs qui arrivaient la tête pleine d’idées plus horrifiantes les unes que les autres pour déstabiliser leurs adversaires, ceux qui devenaient les victimes de ce conflit et qui arrivaient en pleurant dans son bureau, et enfin ceux qui n’appartenaient à aucune chorale, mais que l’ambiance électrique du lycée déprimait.

Alors, en plein milieu de semaine, elle en avait eu assez, et avait prit son courage à deux mains avant d’aller se plaindre auprès de Figgins. Et quand on connaissait le tempérament plutôt effacé et réservé de la jeune femme, cette simple action en disait long sur son état d’esprit. Menaçant de claquer la porte si la situation ne s’arrangeait pas, elle avait surprit le directeur qui avait alors promis de trouver une solution. C’est alors que d’un commun accord ils décidèrent de proposer cette idée de Flashmob pour apaiser les esprits et faire jouer l’imagination des élèves en espérant les rapprocher. Aux yeux d’Emma, c’était là la solution la plus adéquate à la situation. Elle se disait qu’en réunissant les deux chorales dans un même exercice permettrait peut-être à certains de nouer des liens. Oh, bien entendu, une probable amitié entre Will Schuester et Bryan Ryan, ennemis de toujours et dirigeants des deux chorales, relevait de la science fiction, mais il fallait espérer que ce ne serait pas la même chose pour leurs élèves.

La veille, elle était donc passée au bureau du directeur pour signer une lettre rédigée à l’attention de Will et Bryan. En arrivant ce matin-là au lycée, Emma avait le sourire : elle était fière de son idée, et était pleine d’espoir quant à une possible trêve entre les deux chorales. Elle salua ses collègues avec enthousiasme aux détours de couloirs, atteignant son bureau sans encombre. Après avoir jeté un coup d’œil aux moindres recoins du bureau afin de vérifier que tout était en ordre, elle prit place sur sa chaise, sortant de son sac de quoi dépoussiérer les touches de son clavier ainsi que son ordinateur avant de l’utiliser. Elle avait entendu parler de nouveaux dépliants à l’égard des kleptomanes, et avait l’intention d’en commander quelques-uns. Après tout, parmi tous ces lycéens, il y en aurait forcément un ou deux dont la manie était de voler toutes sortes de babioles. D’ailleurs, Emma aurait juré que ce petit malin de Pete Snow lui avait dérobé un crayon quand il était venu lui rendre visite, prétextant un problème de cœur : sortir avec sa meilleure amie parce qu’il était en manque, ou retourner avec son ex pour la même raison ? Uh. En quelques clics, la jeune femme parvint à dénicher les dépliants et allait cliquer sur le bouton « confirmer l’achat » lorsque la porte de son bureau s’ouvrit brusquement, laissant apparaitre un Bryan Ryan furieux.

Vous pouvez m’expliquer ce que c’est, ce ramassis de merde ?

Il claqua la même lettre qu’Emma avait découvert la veille, sur le bureau, le faisant trembler quelque peu et occasionnant un sursaut à la conseillère d’orientation. Emma écarquilla les yeux, ses grands yeux bruns terrifiés scrutant le visage du coach des Awesome Voice, celui même qui s’amusait depuis quelques temps à se moquer gentiment d’elle et de ses manies. La jeune femme n’avait jamais trop su quoi penser vis-à-vis de son collègue : parfois sarcastique mais gentil, d’autres fois infernal voire carrément sadique, elle ne savait jamais sur quel pied danser. Cependant, on aurait dit que Ryan lui montrait cette fois-ci son coté le plus sombre. Elle marmonna quelques mots, bégayant tout en tentant de dénicher une réponse valable quand Ryan la surpris à nouveau en criant presque :

Vous êtes au courant de ce que les New Directions ont fait à ma salle de répétition ? Pensez-vous sincèrement qu’après cela j’aurai le cœur à me trémousser à leurs côtés devant une caméra ? Par ailleurs, permettez-moi de vous dire que vous n’avez résolument rien compris ma pauvre! Si j’ai créé les Awesome Voices, ce n’est pas pour qu’ils aillent faire joujou avec les élèves de Will, j’ai d’autres ambitions, et il s'avère qu'elles sont bien moins niaiseuses que les vôtres !

Emma était plaquée contre le dossier de sa chaise, n’osant interrompre Ryan. Il fallait le vouloir, pourtant, pour vouloir terrifier la jeune femme à ce point : avec son rire nerveux et ses grands yeux inquisiteurs, quand on la voyait on avait envie de tout sauf de lui aboyer dessus. Et c’était pourtant exactement ce que venait de faire Bryan Ryan. La jeune femme patienta quelques secondes, tentant de reprendre ses esprits. Elle savait qu’il ne fallait pas se laisser rabaisser par Ryan, pas encore. D’un autre coté, sa raison lui criait de ne pas élever la voix et de rester celle qu’elle était : consentante et compréhensive. Fronçant les sourcils, elle prit une grande inspiration avant de finalement renoncer à prononcer quelques mots d’excuses. Non. Il ne fallait pas se faire marcher sur les pieds. Ou tout du moins, il fallait essayer. Se raclant la gorge tout en se donnant du courage, la conseillère d’orientation planta son regard dans celui de Bryan Ryan :

Ecoutez, je ne pouvais pas prévoir ce qu’il s’est passé dans votre salle de répétition. Je veux dire… c’est bien pour ça que j’essaye de faire évoluer les choses. Pour éviter ce genre de débordement. Ne comprenez-vous donc pas que cette petite rivalité entre vos deux chorales affecte énormément les élèves ? Je reçois tous les jours des élèves plus effrayés ou agacés les uns que les autres. Entre la haine que se vouent les élèves des deux chorales, et la terreur que produit Sue Sylvester sur chaque individu se trouvant sur son chemin, les élèves n’en peuvent plus. Et je pense que je suis la mieux placée ici pour tenter de faire changer les choses à leur avantage.

Emma inspira une grande bouffée d’air avant de rajouter :

Et mes ambitions ne sont en aucun cas niaises. A moins que vous ne considériez le fait de vouloir créer un environnement sain et paisible pour des adolescents perdus et se cherchant encore, être une chose naise

Emma Pilsbury était une gentille femme. Bryan l’avait su dès qu’il avait croisé son regard pour la première fois, au détour d’un couloir au mois de juin. Toujours ce sourire angélique plaqué sur son visage tel un autocollant impossible à retirer, toujours ces cheveux parfaitement dressés à la manière d’une nonne qui aurait eu l’autorisation de retirer sa coiffe, toujours ces accoutrements semblant tout droit sortis d’une armoire de grand mère des années 50, il était impossible de ne pas remarquer la jeune conseillère d’orientation. Pourtant, son caractère effacé, quasiment taciturne ne la poussait pas à se mettre en avant, bien au contraire. Son extrême gentillesse l’avait vue se faire marcher sur les pieds plus d’une fois de même que ses surprenantes petites manies lui valaient souvent les moqueries de son entourage.
C’était peut-être bien ce tout, qui faisait que Bryan éprouvait une certaine sympathie pour la jeune femme. Seul un monstre froid et sans cœur de la même race que Sue Sylvester était capable de détester un être humain si innocent.
Et en dépit des liens forts qu’elle avait pu, et pouvait encore entretenir avec Will Schuester, le directeur des Awesome Voices continuait à l’apprécier. A sa façon, mais, c’était déjà cela.
En effet, il ne manquait jamais de laisser échapper une remarque railleuse sur la tenue d’Emma, ou d’imiter ses étranges rituels à l’image de cette fois où il s’était installé à côté d’elle dans la salle des professeurs afin de lui montrer comment elle aurait du nettoyer ses crayons pour mieux les classer dans sa trousse.
Il avait conscience d’être parfois un peu désagréable, voire irrespectueux, mais c’était sa manière d’être et il ne pouvait rien en changer.

Toutefois, à cet instant, il avait dépassé toutes les limites en se montrant sous un jour que la jeune femme n’avait pas encore eu l’occasion de découvrir. Peu importe l’amitié qu’il pouvait ressentir pour cette dernière, il n’y avait pour le moment que ses propres problèmes qui comptaient. L’image de sa salle dévastée était encore bien gravée dans son esprit, et il ne pouvait de fait considérer cette idée de flashmob que comme une plaisanterie de mauvais goût, si ce n’était une seconde agression à son égard.
Emma tenta de se justifier comme elle le pouvait. Bryan avait remarqué l’inspiration qu’elle avait prise juste avant de commencer à parler, comme pour se donner du courage. Malheureusement pour elle, ses explications ne convenaient pas. Le jeune professeur lui adressa un regard faussement désolé.

- Dans ces cas là je vous suggère d’aller faire un petit tour à Pyongyang, proposer aux Coréens du sud un petit flashmob avec leurs voisins du nord ! Ah non, mieux, à Jérusalem tiens ! Je suis persuadé que les Israéliens et les Palestiniens seraient ravis de partager une chanson ensemble dans un « environnement sain et paisible » après les horreurs qu’ils se sont mutuellement fait subir !

Bien entendu, comparer la situation du lycée Mc Kinley à d’autres problèmes géopolitiques bien plus désastreux était complètement démesuré, mais Bryan était en colère, il tenait à faire comprendre à Emma que son angélisme avait des limites évidentes, et que si, dans le cas présent, elle faisait davantage preuve de niaiserie qu’autre chose.

- Non mais bordel, d’où vous est venue cette idée ? Vous pensez vraiment pouvoir résoudre les choses avec votre flashmob ? Quelle naïveté ! Les problèmes qui existent entre les deux chorales sont bien plus profonds qu’une simple chamaillerie entre adolescents, et on ne les arrange pas à coup de baguette magique comme vous espérez le faire.

En effet, pour Bryan, la bataille qui opposait les Awesome Voices aux New Direction était bien plus que cela. Il s’agissait davantage d’un problème personnel qu’il avait à régler, lui et ses vieux démons. Ce qu’il ne voulait absolument pas, c’était que les choses se résolvent et que tout finisse par rentrer dans l’ordre. Car ce retour au statu quo serait synonyme de victoire pour William, et ça, il ne pourrait pas le supporter.

Malgré toute la conviction qu’elle avait tenté de mettre dans ses paroles, le regard furieux de Bryan Ryan déstabilisa la jeune conseillère d’orientation. Debout, excédé, on aurait dit qu’il venait de courir un marathon tellement ses joues étaient rosées. Elle pouvait presque apercevoir des perles de sueur. Le moins que l’on pouvait dire, était qu’aux yeux du coach des Awesome Voice, la victoire était une chose primordiale. Autrement dit, l’humiliation et la défaite étaient des mots bannis de son vocabulaire, ce qui amenait Emma à penser qu’il serait plus difficile de le convaincre lui, plus que n’importe qui d’autre, à s’allier à son ennemi pour présenter un projet commun, au lieu de tout simplement continuer ce qu’il réalisait depuis le début de l’année : à savoir de tout faire pour battre les New Direction en les défiant constamment. Ce petit jeu aurait d’ailleurs pu durer longtemps si elle ne s’était pas interposée. Le directeur Figgins ne s’intéressant qu’au sort des Cheerios, et délaissant ces histoires de glee club, ce n’était certainement pas lui qui se serait révolté contre l’ambiance électrique qui régnait entre les élèves du lycée à cause de cette rivalité. Alors, malgré la fureur de son collègue, Emma ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de fierté à l’idée d’avoir eu le courage d’enfin dire ce qu’elle avait sur le cœur.

A ces pensées, la jeune femme esquissa un sourire discret, qui fut pourtant très rapidement effacé par les paroles de Bryan Ryan, qui ne semblait toujours pas calmé. En effet, il lui aboya presque dessus en lui disant que si elle pensait que son idée de flash mob pouvait réunir des personnes, alors peut-être devrait-elle essayer ses méthodes sur les Pays du Monde en conflit, histoire de voir si cela fonctionnerait aussi. Emma ne pu s’empêcher de ressentir de la colère suite à ces paroles. La comparaison était hyperbolique : comment pouvait-on faire le rapprochement entre un lycée connaissant des difficultés au niveau de son ambiance, et des Pays qui se battaient depuis des années sans parvenir à trouver de solutions à leurs problèmes ? Emma se mordit la lèvre inférieure, plantant à nouveau son regard dans celui de Bryan, qui lui, la fusillait littéralement de ses grands yeux clairs.

Je pense que vous allez trop loin, là. On parle d’un lycée, n’est-ce pas ? Alors j’essaye de trouver une solution à ce niveau-là.

Détournant son regard de Bryan Ryan, elle se mit à observer les élèves passant derrière la vitre de l’entrée de son bureau. Là encore, la jeune femme se disait que même en voulant tenter d’arranger les choses, elle finissait quand même par se voir remonter les bretelles. Elle pensait que le fait de dire enfin ce qu’elle pensait permettrait, avec un peu de chance, d’améliorer les choses, mais visiblement ce ne serait pas une chose simple. Bryan Ryan la sortit de sa rêverie lorsqu’il reprit la parole, toujours aussi furieux contre la conseillère d’orientation. Il lui demandait d’où lui venait une telle idée, comment avait-elle pu penser que sa flash mob permettrait de résoudre des problèmes « bien plus profonds qu’une simple chamaillerie entre adolescents ». En entendant cette phrase, Emma posa son regard sur Bryan Ryan, ne tentant plus d’échapper à la lueur déchainée dansant dans ses yeux.

Il était rare qu’Emma sente la colère la surprendre et pourtant c’était le cas ce matin-là. Elle faisait toujours tout ce qu’elle pouvait pour aider, et ça finissait toujours par se retourner contre elle. Haussant un sourcil, elle répondit d’une voix froide qui ne lui ressemblait pourtant pas :

En effet, je pense que le vrai fond du problème n’est pas une « chamaillerie entre adolescents », comme vous le dites. Le vrai cœur du problème, c’est vous, non ? Vous qui êtes revenu monter cette chorale, vous qui êtes revenu dans le seul but d’anéantir la réputation de Will, de remettre au goût du jour cette vieille rancœur datant des années lycée. Le seul que mon idée gêne jusqu’à présent, c’est vous. Auriez-vous donc peur de voir vos élèves se lier d’amitié avec les élèves de la chorale de votre ennemi soit disant juré, Mr Ryan ? Et ainsi de voir tous vos efforts anéantis ?

S’interrompant, Emma reprit sa respiration. Elle n’avait pas l’habitude de ce genre de situation et il fallait avouer que cela la mettait mal à l’aise, au fond. Car avec les phrases de Bryan revenaient les mêmes doutes qui l’avait suivie jusqu’au moment de prendre la décision de lancer son idée de flash mob. Se prenant la tête entre les mains, elle ne dit rien pendant quelques secondes, avant de lâcher à voix basse, le regard rivé sur la surface lisse de son bureau, loin du regard enflammé de son collègue :

Je le répète, Ryan, je ne fais qu’agir dans un intérêt commun et en l’occurrence, celui des élèves.

Il y avait quelques chose dans le regard d'Emma qui l'insupportait à cet instant. Ce petit air plein de candeur qu'elle trainait partout avec elle et en toute circonstance, comme si rien ne pouvait pervertir cette innocence invisible que la nature lui avait attribué.
Certes, il était allé trop loin en faisant cette comparaison douteuse avec Israël ou la Corée du Nord, mais la jeune conseillère d'orientation avait également franchi un pas de trop en imposant ce flashmob au nez et à la barbe de tous, et il fallait qu'elle comprenne que ce projet, bien que plein de bon sentiments, n'était rien de plus qu'une offense.

Il est impossible de demander à deux ennemis de collaborer ainsi, pour rien, sans que personne n'y gagne au change. Le climat de haine et de compétition avait été déjà trop entretenu au sein des deux chorales pour faire marche arrière. A quasiment chaque cours, Bryan ne manquait pas de répéter à ses élèves toute l'importance pour les Awesome Voices de l'emporter sur les New Directions qu'ils devaient traiter en véritables adversaires à éliminer. Le message passait d'autant mieux par le biais de discours haineux diabolisant la chorale de Will, et si le procédé pouvait apparaître un poil propagandiste, il n'en était que plus juste, et de surcroît nécessaire. Par ailleurs, il se doutait bien que de son côté, son rival usait également de tous les stratagèmes pour le caricaturer et le montrer comme un être insensible, opportuniste ou sans-coeur.

Bien sûr, c'était faux.Certes Bryan n'était revenu que dans l'unique but de détruire le Glee Club pré-établi à McKinley. Certes, il avait réduit les rêves de cet Artie Abrams, et fait pleurer la jeune Chang. Mais s'il faisait tout cela, ce n'était par pure vengeance, encore moins pour satisfaire son malsain petit plaisir. Il aspirait juste à montrer aux jeunes le vraie visage de l'industrie de la musique, qu'ils se rendent compte que tout n'est pas que strass et paillette, et qu'il ne suffisait pas d'être doué pour réussir, il en était la preuve humaine. Jamais il n'avait été question de fermer le Glee club, de bannir la musique du lycée ou d'autres choses encore plus farfelues qu'il avait eu l'occasion d'entendre.
Aussi, en prétendant vouloir résoudre un problème, Emma Pillsbury était en réalité en train d'en perpétuer un. Peut-être involontairement, mais c'était déjà suffisamment rageant.

- Mais vous ne résolvez rien du tout! dit-il avec lassitude, à la manière d'un père exaspéré par les paroles absurde de sa petite fille

A cet instant, Bryan ne pensait pas pouvoir être encore plus énervé. Pourtant, le discours accusateur que déversa par la suite la jeune femme fut comme un boom dans sa tête : la cadence des battements de son coeur s'accéléra, et il fut pris d'une désagréable bouffée de chaleur qui ne présagea rien de bon.
En plus d'avoir tout faux, Emma avait montré qu'elle avait beau vouloir pacifier la situation, elle avait tout de même choisi son camp.

- Vous avez intérêt à baisser de ton immédiatement. Par ailleurs, vous viendrez me reparler du bien commun dans quinze ans lorsque les membres actuels du Glee Club seront devenus chômeurs, dépressifs, alcooliques ou les trois à la fois.Tous rêvent de devenir des stars, et le pire, c'est qu'ils semblent vraiment y croire. Et pourquoi? Parce que Schuester est si obsédé par son désir de voir ses élèves réussir ce que nous avons tous échoué, qu'il en est prêt à mentir à ces derniers et à les aveugler de rêves inaccessibles. On a eu de cesse de me désigner comme le monstre insensible qui casse les ambitions d'adolescents fragiles, et j'assume cette image. Mais moi au moins, je ne profite pas de cette fragilité pour jouer avec les sentiments de mes Awesome Voices. Moi, je ne manipule personne. Alors de grâce Emma, ce n'est pas parce que vous éprouvez des sentiments pour Will que cela doit vous empêcher de juger les choses avec raison!

Que… Pardon ? De quel droit vous autorisez-vous à faire ce genre de réflexion ? Cela n’a absolument aucun rapport… si vos propos s’avéraient vrais, ce qui n’est pas, hm, le cas. Et voyez-vous, je baisserai le ton si j’en ai envie. Que les choses soient claires : je ne suis pas idiote, et je sais pertinemment que ces adolescents ne parviendront pas tous à percer dans ce milieu. Et alors ? Ils sont passionnés, et je pense que si leur rêve est de devenir la prochaine Madonna ou le futur Justin Timberlake, alors ce n’est pas en entretenant cette guerre stupide et puérile que ça les fera avancer. Bien au contraire ! Ne prenez pas votre échec personnel pour une généralité, Ryan. De plus, ces élèves ne sont pas tous stupides comme vous semblez le croire : ils évoluent dans le même Monde que nous ; ils savent que les rêves ne sont pas tous réalisables.

Plus ça allait, et plus Bryan s'emportait. C'était déjà une colère monstre qui l'avait mené au bureau de la conseillère d'orientation, l'échange que les deux adultes avaient par la suite eu n'ayant qu'envenimé les choses. C'était comme si son coeur venait de subir plusieurs électrochocs : à ces douleurs causées par les multiples affronts auquel il avait fait face, ce n'était pas moins de la tristesse que de la rage qui en était ressortie. A la fois, il avait été humilié et souillé par les actes de vandalisme des New Directions et en même temps, il se sentait peiné de demeurer incompris de tous, y compris Emma.

D'ordinaire, Bryan n'était pourtant pas de ceux qui se soucient de l'avis des autres. Les autres ne sont que des imbéciles, et en général, il vaut bien mieux tracer son chemin seul. Mais voilà, cela faisait maintenant trois semaines qu'il était à McKinley, et il n'en pouvait tout simplement plus d'être désigné à tort comme le fauteur de trouble. Fallait-il qu'il se donne un air plus sympathique, qu'il fasse des courbettes aux autres professeurs ou qu'il s'efforce d'afficher un sourire niais en toute circonstance pour que l'on arrête de le considérer comme celui qui vient chambouler le parfait et merveilleux ordre établi? Merde! Lui savait pourquoi il était là, et s'il concédait que ses intentions n'étaient pas entièrement roses, il pouvait au moins se targuer de mener un combat juste pour défendre une noble cause. Il avait au moins espéré qu'Emma saisisse cela, elle qui prétendait avoir ce quelque chose en plus pour comprendre les gens. Au lieu de cela, elle s'était arrêtée à la première image qu'elle avait du jeune professeur, et n'avait pas préféré voir plus loin, tout simplement parce que les liens qui l'unissaient à Will l'empêchaient de voir clair.

Au delà de la colère, c'était surtout la déception qui s'était éprise de Bryan.

- Et vous? De quel droit vous permettez-vous de m'accuser de venir foutre mon petit bordel alors que j'essaye simplement d'arranger les choses,hein? Les élèves de ce lycée ne sont certainement pas stupides comme vous le pensez, mais une chose est sûre, c'est que vous, vous l'êtes.Et moi qui pensais que vous seriez capable de voir en mon projet plus loin que les autres... Conneries!

Puis le directeur des Awesome Voices sembla hésiter un instant, avant de finalement reprendre, sans baisser de ton et en pointant du doigt la jeune femme d'un air menaçant.

- Oui c'est votre petite amourette avec Schuester qui vous a rendue aveugle. Oui, c'est lui qui vous fait agir avec le crétinisme dont vous faites actuellement preuve. Inutile de vous voiler la face Emma.Derrière vos petits airs de sainte-nitouche pacifiste, vous avez en fait déjà choisi votre camp depuis bien longtemps. Vous refusez simplement de voir la réalité, de voir ce qui serait bon pour les élèves de ce lycée et pour leur avenir,parce que vous êtes trop égoïste pour admettre que votre petit héros n'est en fait qu'un gros con.

Bryan n'ignorait pas l'histoire qu'il y avait eu entre Emma et Will. Il savait qu'ils s'étaient cherchés un petit moment avant de finalement tomber dans les bras l'un de l'autre à l'issue de péripéties plus ou moins compliquées. Dans tous les cas, il n'y avait pas à chercher bien loin pour se rendre compte que la jeune femme entretenait un lien spécial avec le directeur des New Directions, qui l'éloignait d'un jugement objectif du directeur des Awesome Voices.
Ce dernier plongea son regard dans celui de son interlocutrice ; il était aisé pour elle de voir tout le ressentiment qu'il pouvait éprouver à cet instant envers elle, et un observateur extérieur aurait presque pu parier qu'un meurtre était sur le point d'avoir lieu dans le petit bureau.
Après avoir repris son souffle, il ajouta, presque en hurlant :

- Si vous saviez comme vous me faites pitié, incapable de prendre vos propres décisions, trop innocente pour avoir le courage de pensez par vous-même! Arrêtez donc de vous fatiguer,cela ne sert à rien d'essayer de vous donner bonne conscience en prétendant vouloir arranger les choses alors qu'en réalité vous les empirez. Vous voulez nous imposer votre fichu flashmob? Grand bien vous fasse ma grande, mais en ce qui me concerne, vous savez où vous pouvez vous le mettre!

D'un revers de la main, Bryan balaya le mini présentoir qui se trouvait sur le bureau. L'objet fut projeté avec tant de force qu'il heurta bruyamment le mur, faisant voler les dépliants qui y étaient soigneusement logés.
Emma venait de faire connaissance avec une autre facette du jeune professeur, encore plus sombre que celle qu'il laissait transparaître au quotidien. Un homme capable des plus ignobles grossièretés et d'une violence terrifiante.

Telle une tornade qui a fini de faire ses dégâts, et en adressant un dernier regard haineux à son interlocutrice, il s'échappa de la salle aussi rapidement qu'il y était rentré, en claquant la porte dans un fracas retentissant.
Cela n'arrivait pas souvent, mais voilà ce qui se passait lorsqu'on cherchait les ennuis avec Bryan Ryan : d'une part, il n'y avait pas besoin d'attendre très longtemps avant de les trouver, et d'autre part, cela faisait rarement du bien.

Si la colère d’Emma semblait atteindre des sommets, cela semblait être également le cas de son collègue. Bryan Ryan lui envoyait ce regard qui semblait d’ordinaire être accordé aux élèves de la chorale des New Direction, ou à Will Schuester. Cette fois-ci, c’était à Emma qu’il était destiné. La jeune femme qui tentait de se calmer se rendit compte de la dureté de ses paroles juste après les avoir prononcé. Son cœur faisait toujours des bonds dans sa poitrine, comme si elle venait de courir un marathon. Peu à peu, la culpabilité s’installa pourtant en elle, et elle commença à éprouver des remords. Certes, elle était en colère contre lui, contre ses paroles et surtout contre sa remarque évoquant sa relation avec Will, mais elle n’y était pas allée de main morte non plus. Fuyant soudainement le regard de l’homme fumant presque face à elle, son regard se posa au hasard sur un point derrière lui. Elle aurait tellement voulu que les choses continuent sur la même lignée que l’année précédente. Un seul Glee Club, leurs élèves en compétition seulement dans le but de se voir accorder les meilleurs solos. Mais pas d’Awesome Voice ni de Bryan Ryan pour corser encore un peu les choses. La situation devenait insupportable. Le soir, quand elle rentrait chez elle, elle se sentait presque extenuée par la journée et le défilé d’élèves dans son bureau venu se plaindre. Elle n’avait alors envie que d’une seule chose : de retrouver son appartement propre et rangé, et voir Carl pour qu’il la console. Elle n’allait pas au lycée à reculons, mais en ce moment la situation était si tendue, que ce n’était pas toujours très marrant d’y aller non plus.

Soupirant de plus belle, la jeune femme rousse sursauta presque lorsque son interlocuteur, excédé, repris la parole, lui balançant non plus des reproches mais carrément des insultes en pleine figure. Ainsi, il n’hésita pas à la pointer du doigt d’un air accusateur en lui disant que si les élèves n’étaient pas stupides, elle en tout cas l’était. Enfin ça, c’était avant de lui cracher carrément au visage qu’elle n’était qu’une égoïste dans le fond qui avait pris position depuis bien longtemps à cause de Will qu’il qualifia de gros con, au passage. En gros, elle n’était qu’une crétine, disait-il. Emma l’observa avec de grands yeux ronds hébétés, incapable de réagir à ce flot d’insultes. Elle qui appréciait pourtant Ryan… A cause de sa simple volonté d’arranger les choses, elle venait de faire ressortir le coté le plus sombre du personnage. Malgré tout ce qu’il pouvait dire, elle parvenait quand même à s’en vouloir de l’avoir amené à dire de telles choses. Toutefois, c’était avant qu’il apporte la touche final à ce si beau discours. En effet, quand il lui cria qu’elle pouvait se mettre la flashmob où il le pensait, Emma en fut consternée. Un frisson parcouru son échine, et la jeune femme resta droite comme un piquet sur sa chaise, dévisageant Bryan Ryan de ses grands yeux bruns apeurés. Incapable du moindre mouvement, elle ne put l’empêcher de balayer d’un revers de la main son écritoire sur lequel étaient gravés les mots « Emma Pillsbury, conseillère d’orientation ». Le son métallique sur le sol résonna dans la pièce. La jeune femme balbutia quelques mots en vain, dans l’espoir de prononcer ne serait-ce qu’une phrase, mais elle était en réalité bien trop bouleversée pour cela.

Il lui adressa un dernier regard empreint d’une haine profonde et tourna les talons, claquant la porte aussi fort que possible derrière lui. Pendant les premières secondes qui suivirent, Emma ne bougea pas d’un cil, tentant de reprendre ses esprits. Confuse, abasourdie et déconcertée, elle eut du mal à réagir. Son regard finit par se poser sur l’écritoire immobile sur le sol et c’est alors qu’une larme se mit à rouler sur sa joue, bientôt suivie de nombreuses autres. Derrière les vitres de son bureau, les élèves lui jetaient des regards inquiets ou hilares, n’ayant pu que constater la fureur du coach des Awesome Voice en sortant du bureau de la conseillère d’orientation. Les répliques cinglantes de Ryan étaient certainement arrivées aux oreilles de quelques-uns, et elle pouvait être certaine qu’elles finiraient pas faire le tour du lycée. Tant que Will l’ignorait… En tout cas, le reste de l’école allait se faire un malin plaisir à se répéter la rumeur. Imaginez un peu : la conseillère d’orientation se fait passer un savon par un Bryan Ryan excédé. Cela en amuserait plus d’un…

Se levant de son siège, Emma alla récupérer son écritoire avant de se rassoir. Passant un coup de chiffon dessus, elle le disposa ensuite sur la surface lisse et polie du bureau. Les larmes continuant de rouler sur ses joues, elle finit par se prendre la tête entre les mains.

Quand un élève passa dans son bureau dans l’heure qui suivit, il retrouva une Emma souriante, sans aucune trace de mascara sur ses doux traits. Toutefois, ce n’était qu’une façade, et derrière ce masque de neutralité, Emma cachait de nombreux doutes et incertitudes.

- SUJET CLOS -