Choriste du mois

-20%
Le deal à ne pas rater :
-20% Récupérateur à eau mural 300 litres (Anthracite)
79 € 99 €
Voir le deal

Partagez | 
 

 06. Do you really want to hurt me ?

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyMar 15 Jan - 18:37

Assise à l’une des longues tables en bois du fond de la bibliothèque du lycée, Ashandra grattait le papier de son crayon rouge depuis près d’une heure et demie à la lumière d’une des lampes de la table, et elle ne voyait toujours pas la fin de ce paquet de copies. Il fallait que tout ceci soit rendu le lendemain à la première heure, et elle n’avait pas envie de traîner les copies avec elle chez Cassandra qui avait promis de lui prêter le dernier CD suggéré par Joanna. La jolie jeune femme avait les traits fatigués de toutes ces soirées passées à réviser les quelques partiels de théorie qu’il lui restait à passer. Le mois de juin n’était pas de tout repos pour la jeune femme qui devait également rendre son rapport de stage sur son expérience en tant que professeur d’anglais à McKinley. La tâche en serait pas une mince affaire, et il allait falloir faire preuve d’ingéniosité pour embellir la réalité. Bien sûr elle avait eu l’occasion d’enseigner un peu aux élèves, notamment grâce à l’un des professeurs qui au passage avait trouvé adéquat de lui faire du rentre-dedans. Mais l’essentiel de son temps, elle l’avait passé à préparer des quizz et à les corriger à la place de son maître de stage, la fameuse Mrs Mauley. Transporter les cartons de livre, se battre avec l’administration pour ouvrir de nouvelles classes, être bringuebalée d’un professeur à l’autre comme bonne à tout faire ou bouche-trou de service, le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’avait pas eu droit à une période d’essai paisible. Les anciens professeurs du lycée régnaient en maître et elle n’était qu’une assistante, autrement dit une esclave, tout juste bonne à s’asseoir dans le fond de la salle pour prendre des notes sur des techniques pédagogiques d’un autre âge, ou d’un autre monde dans le cas de Rose Kitteridge. Cependant, une bonne nouvelle avait réussi à lui redonner le courage d’affronter la page blanche du rapport : Mrs. Mauley prenait sa retraite à la rentrée de septembre, ce qui signifiait donc qu’un poste se libérait à la rentrée de septembre, et le principal Figgins lui avait fait comprendre par des voies tellement détournées qu’elle en doutait encore, que si ses résultats de Licence étaient satisfaisants elle pourrait prendre la relève dès l’automne. Alors qu’elle était à deux doigts de jeter l’éponge et de cesser de lire les rédactions bourrées de fautes des illettrés de ses classes, cette nouvelle lui avait remis du baume au cœur et elle travaillait désormais d’arrache-pied en annotant soigneusement chaque copie comme si sa vie en dépendait. Tout ceci n’aurait bien sûr aucune influence sur son potentiel contrat, mais il était dans sa nature de s’appliquer à tout ce qu’elle faisait dans l’espoir que Dieu lui donne le coup de pouce final qui ferait pencher la balance en sa faveur. Elle n’avait pas enduré cette année pour rien. Si elle obtenait ce poste, elle pourrait enfin subvenir à ses propres besoins sans avoir besoin de demander quoi que ce soit au révérend Green. Quoiqu’il en soit, elle avait besoin de se jeter corps et âme dans le travail pour oublier ce qui s’était passé chez elle quelques semaines plus tôt et dont la simple mention suffisait parfois à border ses yeux de larmes.

La jeune femme ajusta ses grosses lunettes noires sur son nez alors que dehors déjà la luminosité commençait à dangereusement baisser. Elle n’en avait pas vraiment besoin, mais avait pris l’habitude de les porter au lycée lorsqu’elle travaillait. Elles permettaient de cacher son visage aux élèves qui s’amusaient toujours à la fixer et elle entretenait la croyance qu’elles l’empêchaient de rougir aussi violemment qu’avant. Reprenant son travail dans la pénombre et le silence, elle se mit à fredonner pour elle-même. «I can’t believe I believed everything we had would last. So young and naive of me to think she was from your past. Silly of me to dream of one day having your kids. Love is so blind it feels right when it’s wrong.» Marquant le rythme avec les doigts de sa main gauche posée sur la feuille qu’elle lisait, elle continua d’une voix un peu plus claire sans vraiment s’en rendre compte, se croyant seule dans la bibliothèque désertée de tous les élèves après la période des examens. «I can't believe I fell for your schemes, I'm smarter than that. So young and naive to believe that with me you're a changed man. Foolish of me to compete when you cheat with loose women. It took me some time but now I moved on.» Mrs. Mauley devait venir la prévenir quand la réunion des professeurs serait terminée, elle lui avait même fait la vaine promesse qu’elle s’occuperait des copies restantes, mais Ashandra ne se faisait guère d’illusion sur son cas. «Cuz I realized I got Me myself and I, that's all I got in the end. That's what I found out and it ain't no need to cry, I took a vow that from now on, I'm gonna be my own best friend.» Elle s’étira dans un bâillement continuant à fredonner l’air de la chanson dans sa tête. La vieille pie ne devrait plus tarder, il était déjà sept heures bien passées. Peut-être qu’un message à Cassandra pour l’informer de son retard ne serait pas de trop. Elle ne lui avait pas donné d’heure précise, mais il était toujours plus poli de s’annoncer avant de débarquer même si parfois elle avait tendance à se laisser à croire qu’elle pouvait trouver une deuxième maison chez les Hamilton. Laissant sa main glisser le long du dossier de sa chaise pour chercher son sac à main sans détourner le regard de ses annotations, elle l’agita dans le vide quelques secondes avant de se résigner à chercher vraiment. Seigneur ! Elle avait laissé ses affaires dans son casier en salle des professeurs après avoir pris un café une heure plus tôt. Comment pouvait-elle être aussi bête... C’était une chose d’être occupée mais tête en l’air à ce point, il fallait qu’elle se ressaisisse. Terminant rapidement de noter la copie, Ashandra quitta sa table et traversa toute la bibliothèque en furetant vaguement entre les étagères pour chercher la présence éventuelle de quelqu’un d’autre. Personne, jusqu’à ce qu’elle aperçoive au fond d’une allée une robe bleue qui ne lui était que trop connue. De toutes les personnes qui aurait pu se trouver là, il fallait que ce soit la professeur d’arts plastiques Caitlin Rosenberg. Ni une ni deux, Shandy poursuivit son chemin à pas feutrés jusqu’à la porte et posa sa main sur le battant pour pousser.

Elle profiterait de son petit tour pour prendre des nouvelles de sa référante qui l’avait probablement oubliée et était rentrée la première comme toujours. Tout sauf rester seule avec la nouvelle choriste des Second Chances qui par chance n’avait pas l’air de l’avoir repérée. Arrivée après la bataille, quelques rumeurs courait à son sujet, et parmi elles, celle qui stipulait qu’elle avait été la meilleure amie de Cassandra depuis l’école primaire. Ashandra n’avait jamais rien entendu de la bouche de Cassie elle-même à son sujet, et elle n’avait pas souvenir de l’avoir jamais vraiment connue au lycée. Cela venait sûrement du fait qu’à cette époque elle fixait bien davantage le sol que les autres élèves, mais tout de même. Tout ceci était hautement suspect et jusqu’à présent elle n’avait pas osé poser de questions à la directrice de chorale, mais le rapprochement tout à fait naturel entre Caitlin et Christabella lui faisait redouter le pire. Elle n’arrivait pas à croire que tout était sur le point de recommencer. Elle avait beau cogner de toutes ses petites forces dans un sac de sable deux fois par semaine au minimum, elle avait toujours en elle cette jalousie dévorante et infondée qui menaçait de la briser à tout instant. La choriste avait donc pris le parti de l’éviter coûte que coûte et de ne pas s’intéresser de plus près à ses histoires. Poussant le battant de la porte, celui-ci semblait revêche et refusait de céder sous la pression. Ashandra fronça les sourcils et mit cette fois tout son poids sur la porte qui ne bougeait pas d’un pouce. Elle n’avait pas souvenir qu’il fût difficile de l’ouvrir pourtant... Ou alors... Se penchant en catastrophe vers le sol, elle y distingua clairement dans l’obscurité le verrou ancré dans son écrin de métal. Horreur. Et son téléphone qui était dehors. Comment faire ? Elle ne pouvait pas rester ici, elle devait passer chez Cassandra, écouter de la musique, peut-être dîner et rentrer chez elle terminer ses copies avant de dormir. Elle ne pouvait pas rester enfermée avec la nouvelle source de ses tracas, c’était hors de question. Donnant un petit coup d’épaule dans l’espoir que la porte cède, elle regretta un instant de ne pas avoir pris la formation kick-boxing qui lui aurait sans doute permis d’envoyer un bon coup de pied dans cette maudite porte à battants. Aucun espoir. Si elle appelait à l’aide, elle allait attirer l’attention de Caitlin, et si elle retournait à sa place en silence en attendant qu’elle réalise qu’elles avaient été enfermées, elle risquait de manquer sa chance quand on viendrait la libérer. Face à ce choix qui n’en était pas un, Ashandra prit une profonde respiration pour retrouver son calme et se dirigea vers l’angle où elle avait cru apercevoir la brunette. Puisse le Seigneur l’épauler dans cette épreuve, s’il lui apportait son concours, tout irait pour le mieux. À quelques mètres de la table, elle se racla discrètement la gorge pour l’avertir de sa présence sans lui faire peur. «Hmm. Excusez-moi, mais... euh... il semblerait que nous soyons enfermées dans la bibliothèque. La porte n’a pas l’air de vouloir s’ouvrir et je ne vois pas de serrure... Est-ce que vous auriez... un téléphone ?» Fixant le sol plutôt que la jeune femme, Ashandra ne pouvait s’empêcher de buter sur les mots tant elle se sentait mal à l’aise de venir la trouver dans ce genre de situation. Ah si seulement Mrs Mauley avait tenu ses promesses pour une fois...
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptySam 19 Jan - 14:08

Au lycée McKinley, le seul endroit qui paraissait le plus neutre aux yeux de Caitlin, c’était la bibliothèque. Déjà lorsqu’elle était étudiante, elle se réfugiait dans ce havre de silence, semblable à un lieu de prières où les œuvres des Dieux de la Littérature jalonnaient les hautes étagères. Ici, tout le monde semblait être au même niveau, tout le monde venait pour la même chose, étudier. À l’époque, c’était pour échapper au courroux de ses comparses cheerio qu’elle s’y rendait, consciente que ces dernières avaient bien mieux à faire que de venir terminer leurs devoirs. Elle était au moins sûre de ne pas les retrouver dans les rayons étroits et feutrés de la bibliothèque, si ce n’était pour échanger leur salive avec les petits nouveaux qu’elles essaieraient à tout prix de corrompre, parce que c’était comme ça que ça se passait, à McKinley. Aujourd’hui, tout ça lui semblait bien loin, même si autour d’elle, rien n’avait vraiment changé. Elle n’était plus lycéenne, elle ne portait plus l’uniforme des cheerios, elle était même en paix avec elle-même. Elle était toujours un peu fragile, elle ne pouvait le cacher, c’était dans sa nature. Elle était le genre de personne qu’on rêve de protéger, si frêle et naïve, comme un oisillon qui peine à apprendre à voler. Elle ne le faisait pas exprès, ce n’était pas un genre qu’elle voulait se donner, elle était née vulnérable. Caitlin était gentille, serviable et douce, quel mal y avait-il à ça. Elle avait connu des filles plus fortes qu’elle, qu’elle avait enviée, et sans doute que s’endurcir un peu lui aurait permis de se faire une place au sein de ses collègues qui, au lieu de l’avoir accueillie les bras ouverts en la félicitant pour son poste, la repoussaient sans cesse, mais à l’institut, on lui avait appris à s’accepter, et c’était ce qu’elle tentait de faire même si c’était difficile. Ses collègues, Caitlin ne parvenait pas à les comprendre, ça lui faisait de la peine de les voir réfractaires à son affectation dans son ancienne école. Carmel High lui manquait, la chaleur de la salle des professeurs lui manquait. Elle n’était qu’une simple remplaçante là-bas, pourtant, mais elle s’y sentait bien, et l’impression d’être reconnue pour ses efforts la faisait avancer et aimer son métier. Or, à McKinley, on ne pouvait pas dire que l’étude de sa matière soit vivement encouragée. Comme pour la religion, le débat concernant l’intérêt de l’enseignement des arts se composait de deux groupes bien distincts ; les agnostiques et les déistes. Quoique ces derniers se comptaient à peine sur les doigts d’une main. Elle restait la seule à véritablement croire que la peinture, la sculpture, et l’art en général pouvait vous changer un élève, le faire grandir et le mener à un bel avenir. William Schuester en personne ne semblait plus y croire après la défaite de sa chorale aux Sectionals. De plus en plus, Caitlin peinait à se lever chaque matin pour se retrouver seule à affronter une bande de perplexes qui la toisaient avec dédain en lui refusant l’accès à leur société secrète. Néanmoins, elle tenait bon pour ses élèves. Sa classe n’en comptait pas énormément, elle avait même dû négocier avec le principal Figgons pour récupérer quelques âmes en perdition dans la salle de retenues afin qu’il ne décide pas de tout simplement de rayer son cours du programme des options. Encore quelque chose qui avait fait jaser dans la salle des professeurs. Ils avaient parié que jamais Caitlin n’en viendrait à bout des cas sociaux qui passaient leur temps en retenue. Raté, en plus de réussir à les gérer, elle avait même émis l’idée de créer une sculpture qui trouverait sa place dans le hall et qui permettrait aux générations futures de se référer aux anciens autrement que par des résultats sportifs grandiloquents. Contre toute attente, ce projet les avait emballés puisqu’il y avait aussi à la clé une apparition dans le journal télévisé local. Rosenberg 1 - Le reste du monde 0.

Ses premières semaines à WMHS n’étaient donc pas de tout repos, la bibliothèque était devenue son refuge, son nouveau bureau. Les yeux légèrement plissés, elle caressait du bout du doigt les tranches des livres devant lesquels elle filait lentement, quand un murmure lui parvint sur sa gauche. Quelqu’un fredonnait, cela la fit sourire. Elle n’était peut-être pas la seule à trouver le réconfort dans les arts, finalement, et mettant le doigt sur l’ouvrage qu’elle cherchait, elle le poussa avec son index hors de sa rangée pour l’attraper avant de pivoter sur ses pieds et de sortir du rayon. Si seulement le rejet de ses collègues était le seul problème qu’elle avait à affronter. Il y avait aussi Cassandra, qui l’avait, certes, accepté dans sa chorale, mais qu’elle sentait plus froide que jamais. Elle ne savait pas si c’était une bonne idée de pousser sa meilleure amie (ou ancienne meilleure amie) à accepter son retour, Caitlin n’avait jamais fait partie des gens qui insistent. Elle était ambitieuse, forcément, mais elle prenait toujours soin qu’aucun individu ne se trouve jamais sur sa route pour ne blesser personne, pour avoir la satisfaction de dire qu’elle avait réussi sans avoir à n’écraser personne. Elle ne voulait pas ressembler à ses anciennes coéquipières cheerios qui lui avaient gâché l’existence, qui l’avait poussé à se rendre malade pour être parfaite, elle valait mieux que ça. S’acharner à vouloir faire la paix avec Cassandra, ce n’était pas tellement dans ses habitudes, donc, et ça lui faisait redouter de s’apercevoir qu’elle ne se connaissait pas aussi bien qu’elle le pensait, et qu’elle avait encore des dizaines de facettes de sa personnalité à exploiter, ce qu’elle ne tenait pas à faire, peu aventurière. Reprenant la route vers son petit coin tranquille, Caitlin feuilleta le livre qu’elle tenait dans les mains, fronçant doucement les sourcils en s’apercevant que les coins étaient écornés. Elle n’en oublia pas d’avancer, toutefois, et se glissant sans même toucher le bois de la table entre le petit espace entre celle-ci et sa chaise pour s’asseoir, elle repoussa son cahier de notes et ses copies pour poser l’ouvrage bien à plat. Cependant, une voix hésitante l’interpella et Caitlin leva aussitôt la tête. Ne pouvait contenir sa surprise en voyant qui s’adressait à elle, elle haussa les sourcils, l’écoutant avec attention.

Ça alors, si on lui avait dit qu’Ashandra Moon consentirait à lui parler un beau jour, sans doute que Caitlin se serait mise à rire aux éclats, croyant à une farce. Discrètement, la brunette se pinça le dos de la main pour vérifier si elle ne rêvait pas. La douleur furtive qui lui mordit la peau lui fit réaliser que non, et détendant derechef son visage marqué par la surprise, elle regarda celui de la jeune femme, concernée. Ashandra, depuis son arrivée, ne s’était pas une seule fois adressée à elle. En fait, il semblait qu’elle l’ignorait, clairement. Caitlin pensait qu’elle ne faisait que suivre le mouvement, qu’elle préférait sans doute rentrer dans le jeu des autres professeurs pour ne pas s’attirer d’ennui, et même si plusieurs fois, Caitlin avait essayé de l’approcher pour discuter un peu, comptant sur la bonté de la jeune assistante pour l’épauler dans ses douloureux débuts, elle s’était confrontée à un mur et n’avait plus rien tenté pour ne pas la mettre mal à l’aise. Sauf qu’elle avait rejoint les Second Chances depuis, et que la choriste qu’elle était devenue s’était aperçue qu’Ashandra qui, heureux hasard, faisait elle aussi partie de ce glee-club, ne la snobait pas seulement pour suivre la tendance de la salle des professeurs puisqu’il s’avérait qu’elle mettait tout en œuvre pour ne jamais se retrouver dans la même pièce qu’elle ou partager un duo. C’était blessant, et frustrant, mais Caitlin ne préférait pas émettre de jugement. Si elle agissait de cette manière, c’était qu’elle devait avoir ses raisons, des raisons que Caitlin aurait aimé connaître, néanmoins. Mais tout vient à point à qui sait attendre, et refoulant ses interrogations pour se concentrer sur le discours de la petite brune, elle arrondit les coins de sa bouche, pour dire :

« Oh, oui. Bien sûr. » Elle se retourna aussitôt sur sa chaise pour chercher son téléphone dans son sac à main, mais après l’ouverture de toutes ses pochettes, elle constata qu’elle ne l’avait pas. Confuse, elle retourna son visage navré vers Ashandra « Je suis désolée, j’ai sûrement dû l’oublier dans ma classe… » Caitlin pencha légèrement la tête sur le côté, fronçant les sourcils en songeant à quelque chose « Mais attendez, je crois que le téléphone de la bibliothécaire doit être en service. » La bibliothécaire de McKinley était connue pour passer ses journées au téléphone et pas pour négocier des prix de gros sur des ouvrages, mais bel et bien pour raconter ses malheurs à sa meilleure amie, profitant d’un forfait illimité à l’œil. Souriant, Caitlin se leva de sa chaise « Suivez-moi. » dit-elle à Ashandra en lui faisait un petit signe de main pour qu’elle la suive. Caitlin n’était pas rancunière, elle aurait pu laisser Ashandra se débrouiller seule et la laisser mariner jusqu’à ce que quelqu’un veuille bien lui ouvrir en refusant de lui adresser la parole, mais elle était adulte, et ce n’était décidément pas dans ses aptitudes de laisser les gens dans la nécessité. Se dirigeant d’un pas gracieux vers le comptoir de la bibliothécaire, Caitlin poussa la basse porte battante qui donnait accès à l’autre côté, et passant rapidement en revue les différents cadres photo, post-it et fiches d’emprunts éparpillés sur la tablette de la bibliothécaire, elle trouva le vieux téléphone caché derrière son ordinateur. Tirant sur le fil pour mettre l’appareil sur le comptoir, elle détacha le combiné et le tendit à Ashandra dans une expression bienveillante « Je n’ai pas beaucoup d’amis ici alors je suppose que c’est à vous d’appeler à l’aide. On vous sauvera sans doute plus volontiers que moi. » Elle attendit que la jeune femme lui prenne le combiné des mains, tourna les talons pour sortir de derrière le comptoir, et avant de bifurquer à son angle, elle lui glissa « J’espère que vous trouverez quelqu’un, bonsoir. »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyDim 20 Jan - 1:28

Le silence de la salle, qui jusqu’alors l’enchantait au plus au point en en faisant un repère cosy, la rendait à présent si mal à l’aise que ses mains en devenaient moites. Elle étouffait alors que la température était tout à fait appréciable, elle avait la désagréable sensation que son col se resserrait sur sa gorge alors qu’elle portait un décolleté rond qui descendait sous ses clavicules. La choriste avait tant redouté de se retrouver dans ce genre de situation qu’elle avait l’impression de devenir folle alors que rien ne s’était passé. Pourquoi n’avait-elle pas tout simplement feint une grippe mortellement contagieuse pour aller à son entraînement de boxe ? Tout le monde le faisait. Mais pas elle, parce qu’elle avait des principes, et qu’elle redoutait le jugement que les autres avaient sur elle. Si elle voulait que Dieu l’aide à trouver la voir pour arranger sa situation, elle devait avoir la conduite la plus irréprochable possible. Pourtant à cet instant précis, elle le regrettait amèrement et aurait volontiers fait remarquer au Seigneur que ses messages étaient un peu flous et confus. Même le principal Figgins, et ce regard douteux qu’il baladait parfois sur elle, aurait été préférable à cette rencontre impromptue avec la nouvelle professeur d’arts plastiques du lycée. Non vraiment, elle ne comprenait pas du tout le chemin sinueux de sa destinée. Ashandra était si mal à l’aise que les battements de son cœur étaient en train de s’emballer et qu’elle s’imaginait déjà s’évanouir de honte ou être prise de nausées. L’espace d’une seconde, juste le temps qu’il avait fallu à Caitlin pour lui répondre, elle était déjà morte cent fois dans son esprit et s’apprêtait à prendre ses jambes à son cou pour démonter la porte de ses propres mains et s’enfuir d’ici pour éviter la confrontation. Mais quand enfin sa voix résonna à ses oreilles, Caitlin avait l’air on ne peut plus calme et sereine. Comme si sa présence ne la dérangeait pas, qu’elle n’avait rien vu de tous ses efforts pour l’éviter alors qu’elle avait poussé le zèle jusqu’à décliner un duo après son intégration aux rangs des Second Chances sous son nez. Il était tout simplement impossible qu’elle ne l’ait pas remarqué. Même Ryan Fairchild aurait été capable de voir qu’elle l’évitait. Elle aurait voulu relever les yeux pour ne serait-ce qu’entrevoir le genre d’expression qu’elle avait sur le visage, mais lorsque la jolie brune reprit la parole pour lui annoncer qu’elle n’avait finalement pas ce qu’elle était venue lui réclamer, Ashandra sursauta presque et figea à nouveau ses pupilles sur la pointe de ses ballerines. De mal en pis. Elles n’allaient tout de même pas passer la nuit ici, pas vrai ? Non pas qu’elle ait cru à un seul mot de ces histoires de fantômes que les élèves lui avaient raconté à la fin d’un cours sur le poème du “Corbeau” de Poe. S’il fallait passer une nuit sans son oreiller fétiche, en compagnie de Caitlin et d’un fantôme vengeur, il lui faudrait trouver une Bible dans ces rayonnages. Est-ce que même l’enfer qu’était ce lycée disposait d’un exemplaire du saint ouvrage ? L’assistante allait commencer à passer en revue les différentes sections qu’elle connaissait dans sa tête lorsque Caitlin attira son attention sur la ligne fixe de la bibliothèque. Trop occupée à paniquer toute seule, elle n’y avait bien sûr pas pensé, et c’était finalement une chance d’être tombée sur cette fille au sang-froid à sa connaissance inégalé. Bien qu’un peu frustrant de se sentir inférieure à elle.

Distraite par la surabondance de pensées désordonnées qui commençaient à chauffer ses circuits, Ashandra trottina pour rattraper sa collègue et ne pas rester seule. Elle se sentait coupable du mauvais accueil qu’elle lui avait réservé au lycée comme dans leur chorale, mais pas au point de se sentir pousser des ailes d’ange et d’essayer de briser la glace pour engager une conversation banale sur le chemin qui la ramenait à l’entrée. La vision de sa silhouette de dos était un peu plus supportable. Elle avait l’air plus fragile comme ça, bien que légère et gracile dans ses déplacements, et surtout elle n’avait pas à affronter son regard. Venant buter contre le comptoir alors que Caitlin faisait le tour et se mettait à fouiller le bureau, Ashandra réalisa que contrairement à elle, elle semblait parfaitement connaître l’endroit dans ses moindres recoins. Ça ne faisait que quelques semaines tout au plus qu’elle était au lycée, et pourtant elle connaissant déjà tout comme sa poche ? Sans avoir le temps de détourner le regard, encore sonnée par cette découverte, l’afro-américaine acheva d’être complètement mise au tapis par l’expression souriante de celle qui s’échappait déjà après lui avoir collé le combiné des les pattes comme si elle n’avait pas la moindre angoisse à l’idée de rester cloîtrée là-dedans. Complètement ébahie par ce qui venait de se produire, Ashandra n’arrivait pas à sortir de son état de gel momentané. Pourquoi fallait-il qu’elle soit plus efficace qu’elle ? Elle était déjà professeur alors qu’elle terminait ses études, elle connaissait la bibliothèque sur le bout des doigts alors qu’Ashandra n’y mettait que rarement les pieds en dépit de sa majeure, préférant de loin celle de l’OSU, et elle dégageait cette impression de calme et de bonté. Elle l’aidait à s’en sortir sans une seule remarque désobligeante alors qu’elle avait ignoré ses tentatives de rapprochement et en plus elle ne suspectait pas un instant qu’elle s’en irait en la laissant derrière elle ? Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Bien sûr l’avoir ignorée ne voulait pas dire lui qu’elle lui ferait du tort, et jamais Ashandra n’aurait pu s’en prendre à elle intentionnellement. Mais cette confiance qui semblait animer sa démarche, et la confiance avec laquelle elle avait assuré ne pas avoir d’ami dans les lieux capables de l’aider. Elle arrivait à dévoiler sans une once de honte ce que l’afro-américaine enfouissait au plus profond d’elle et vivait comme un échec. Le combiné toujours au creux de sa paume, ses doigts se resserrèrent sur le plastique noir alors qu’elle sentait à nouveau ce pincement dans sa poitrine. Elle ne le connaissait que trop bien. C’était de cette sensation d’impuissance et de faiblesse insupportable qu’elle se nourrissait quand il fallait monter sur le ring. Si ses progrès en boxe avaient été aussi rapides c’était non seulement grâce à la fréquence élevée de ses séances d’entraînement, mais aussi grâce à cette colère dirigée contre elle-même, contre la pathétique petite Shandy qui n’arriverait jamais à rien, qu’elle pouvait évacuer en se figurant à la place de son adversaire. C’était des gens comme Christabella et Caitlin qui rayonnaient de confiance en elle envers et contre tout qui empiraient ce sentiment d’infériorité qui la rongeait. C’était pour cela qu’elle les détestait avant même de les connaître et contre toutes les lois de son Dieu. Parce qu’elle ne supportait pas de ne pas avoir le même cran.

Raccrochant le combiné sans avoir composé de numéro, elle appela d’une voix forte la jeune femme avant qu’elle ne disparaisse totalement. «Caitlin !» C’était peut-être la première fois qu’elle prononçait son prénom, admettant enfin complètement son existence. Sa voix tremblait légèrement, mais peut-être pas assez pour être remarqué. Elle entremêla ses doigts fins devenus moites et baissa la tête avant de continuer. «Je... Je ne connais pas le numéro de quelqu’un qui puisse nous aider.» finit-elle par avouer. Qu’était-elle allée s’imaginer ? Que parce qu’elle se permettait le luxe de ne pas la rejoindre pour le déjeuner elle croulait sous les amis en salle des professeurs ? Est-ce qu’elle n’avait donc jamais remarqué qu’elle s’éclipsait toujours pour trouver une salle vide et y manger son déjeuner à l’abri des regards condescendants des titulaires ? Est-ce qu’il n’était pas de notoriété publique que personne ne la considérait comme un professeur et que la plupart des élèves aimaient se jouer de sa timidité en lui posant des questions bien trop personnelles plutôt que de noter ce qu’elle disait en cours ? Ces mots lui brûlaient les lèvres, mais elle était tout simplement incapable de les prononcer à voix haute. «Je suis dé... désolée, j’imagine que vous avez du travail mais...» Pourquoi devait-elle s’excuser encore ? «Je n’ai pas une très bonne mémoire des chiffres.» dit-elle en pinçant ses lèvres pour esquisser un sourire gêné. Ce n’était pas un mensonge, mais ce n’était très certainement pas la véritable raison derrière le fait qu’elle ne puisse que raccrocher le combiné sans appeler à l’aide. Les seuls numéros qu’elle connaissait par cœur étaient celui de sa maison et le téléphone portable de Cassandra. Jamais sa mère ne se déplacerait pour elle, et si elle demandait ce service à sa meilleure amie, elle était certaine de se condamner à en savoir un peu plus au sujet de la relation mystérieuse qui l’unissait à Caitlin. Si elle avait pu, elle serait retournée s’asseoir à sa table, seule, tout au fond, seulement elle était à présent tétanisée de peur à l’idée que le fantôme vienne posséder son corps tant elle était une cible facile. Il fallait donc qu’elle trouve le moyen de rester près de l’enseignante sans pour autant devoir révéler ses motivations. D’un pas hésitant, elle se rapprocha un peu plus de la brune longiligne. «Vous avez l’air... très calme. Ce n’est pas la première fois que vous êtes enfermée ici ?»
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyMar 22 Jan - 15:58

Il y avait quelque chose qui faisait penser à Caitlin que sa présence auprès de sa collègue ne serait pas appréciée par la principale intéressée, c’était pour cette raison qu’elle avait tourné aussi précipitamment les talons, lui laissant tout l’espace nécessaire pour appeler quelqu’un qui viendrait la faire sortir de la bibliothèque. Elle avait bien compris qu’Ashandra l’évitait depuis son arrivée au lycée, plus encore depuis son intégration chez les Second Chances. De son point de vue, ce n’était pas une raison valable pour rentrer dans son jeu, et refuser de l’aider ou même de lui adresser la parole, c’était totalement au-dessus de ses forces. Qui plus est, c’était puéril. Elle était professeure, avait de hautes responsabilités dont l’éducation d’une ribambelle d’adolescents, si elle n’était pas capable elle-même de faire preuve d’un tant soit peu de discernement et de maturité, ce n’était pas dans un lycée qu’elle avait sa place, mais dans un jardin d’enfants. Et pas du côté de l’équipe enseignante, mais du côté des enfants boudeurs qui balancent leur purée de brocolis partout pour montrer leur vexation. Si Ashandra avait des choses à lui reprocher, c’était bien dommage, elle en était désolée même si elle ne connaissait pas son argumentation, mais, elle, elle n’avait rien à lui reprocher, mis à part son attitude étrange, cela va s’en dire. Elle avait déjà des ennemis dans la salle des professeurs, elle évitait donc de s’en faire d’autre ailleurs en se lançant dans des combats qu’elle savait perdus d’avance. Bien sûr que c’était frustrant, car elle aurait aimé comprendre pourquoi Ashandra s’obstinait à la repousser en allant jusqu’à refuser de chanter avec elle, mais le dialogue ne semblait pas être la tasse de thé de sa collège. Caitlin en avait envie, mais ne tenait pas à insister. La frustration, elle savait bien la gérer. C’était sa croix, celle qu’elle portait depuis toujours, et celle qu’elle porterait longtemps encore. Toutefois, elle ne put ignorer le fait que ce confinement inattendu puisse jouer en sa faveur. C’était peut-être un coup de pouce de Dieu pour l’encourager à demander à sa collègue ce qu’elle avait bien pu lui faire pour la heurter au point qu’elle donnait l’impression d’être incapable de la regarder droit dans les yeux. C’était inconfortable de sentir l’embarras de quelqu’un d’autre, Caitlin n’avait jamais été le genre de personne qu’on adule ou qu’on craint, elle n’en avait pas les aptitudes pour, et elle trouvait ça idiot. Elle avait été cheerio, pourtant, mais pas une cheerio très populaire, comme ses soi-disant amies. C’était un comble quand on savait que si elle les avait rejoints, c’était en partie pour connaître ce sentiment de faire partie d’un groupe, pas d’une paroisse ou d’un club et très souvent, il lui arrivait de regretter d’avoir cédé si facilement à l’appel de la normalité qui finalement ne l’avait pas tant fait évoluer. Ça lui avait juste fait perdre les personnes qu’elle aimait le plus au monde, Cassandra en priorité. Cependant, elle avait appris de ses erreurs, ça l’avait fait grandir et comprendre, elle en était ressortie un peu plus forte malgré tout et aujourd’hui, son expérience désastreuse dans le cocon des populaires qui l’avait tant malmené pour faire d’elle une copie conforme de toutes les autres, lui permettait de relativiser quand quelqu’un comme Ashandra, qui visiblement ne l’appréciait pas, venait lui demander de l’aide. Apparemment, c’était ça être adulte.

Elle eut à peine fait un pas que la voix d’Ashandra la figea sur place et elle se retourna lentement vers elle, interrogatrice. Elle semblait encore plus mal à l’aise, comme si la rappeler lui demander un effort considérable. Caitlin se mit alors à vraiment se demander ce qu’elle lui avait fait pour mériter autant d’angoisse. À ce qu’elle sache, elle n’était pas un monstre, et n’avait jamais rien fait de répréhensible qui valait qu’on prenne des pincettes pour d’adresser à elle. Les sourcils légèrement haussés, attendant qu’Ashandra lui dise ce qu’il y avait, la jeune femme hocha la tête quand enfin elle se décida à lui parler ; elle n’avait personne qu’elle pouvait appeler. Pour Caitlin, c’était logique qu’elle puisse connaître quelqu’un dans l’établissement apte à venir l’aider, parce qu’elle travaillait dans cette école depuis plus longtemps qu’elle, et qu’elle avait la chance d’avoir un maître de stage à ses côtés. Elle ne faisait pas attention aux rumeurs qu’on colportait dans les couloirs, craignant secrètement qu’elles la concernent et d’une façon générale, elle préférait étouffer le poussin dans l’œuf en faisant preuve d’une franchise toute mesurée, enveloppée dans un joli écrin de naïveté qui n’était pas contrefaite. Voilà pourquoi elle n’avait pas hésité à dire qu’elle n’avait pas d’amis dans ce lycée, pour que personne n’utilise ce fait contre elle pour la blesser.

« Je vois. » commença-t-elle par dire, neutre. Mais après réflexion, elle lui fit un grand sourire, et retourna près du comptoir d’un pas souple « Elle doit bien cacher le répertoire téléphonique des employés quelque part, vous ne croyez pas ? Si la chance est de votre côté, le bureau des surveillants sera encore ouvert. Samuel est souvent le dernier à partir. » En passant à côté d’elle, elle lui glissa une petite caresse réconfortante sur l’épaule, et repassa derrière le comptoir pour venir fouiller dans un tiroir « Voyons voir, ah ! Je n’aime pas fouiller dans les bureaux des autres, en principe, mais c’est un cas de force majeure. J’imagine qu’elle n’en saura jamais rien de toute façon. » dit-elle sur le ton de la plaisanterie, lançant une petite œillade qui se voulait complice à la jeune femme, mais elle ne s’attarda pas et reporta son attention sur le fond du tiroir. Un petit peu d’aide aurait été le bienvenu, sauf qu’Ashandra paraissait tétanisée ; par la peur, sans doute. Caitlin n’était pas trouillarde, elle n’était franchement pas téméraire non plus, mais elles se trouvaient dans la bibliothèque du lycée McKinley. Les employés étaient des mufles, les élèves de sacrés cas, mais les couloirs n’étaient pas si hostiles que ça quand la machine à sorbet était en panne et là, elles ne risquaient absolument rien. Les heures qu’elle avait passées à l’institut dans des pièces confinées à raconter son mal-être l’avait beaucoup aidé à garder la tête froide en cas de crise, et bien que ce fut fâcheux de se retrouver bloquer en soirée dans un lycée, elle évalua que ça ne méritait pas d’être considéré comme une vraie crise. Trifouillant précautionneusement, Caitlin se pencha légèrement en ouvrant un peu plus le tiroir quand elle tomba sur une feuille chiffonnée avec tous les raccourcis téléphoniques des différentes lignes des bureaux de l’école, elle voulut la tendre à Ashandra, lorsque sa voix résonna une nouvelle fois. Sa question la fit hausser les épaules dans un sourire puis brièvement regarder le plafond éclairé, et elle lui répondit :

« C’est la première fois. Mais vous savez, nous sommes dans la bibliothèque du lycée. Nous avons de la lumière, de la lecture et le distributeur a justement été réparé ce matin, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Au pire, on passera une nuit ici. D’après quelques élèves, les fauteuils du coin lecture sont plutôt confortables. » Elle posa enfin la feuille avec les numéros sur le comptoir, la plissa avec la paume de sa main et attrapa le combiné du téléphone en ajoutant dans un petit murmure, composant le chiffre du bureau des surveillants « Et jusqu’à présent, je peux vous assurer que je n’ai encore jamais mangé personne, si c’est ce qui vous effraye. » Elle lui sourit une dernière fois, attendit qu’on décroche de l’autre côté, mais rien ne se passa. Samuel devait faire sa dernière ronde ou fumer comme un pompier à la fenêtre, se fichant totalement de la sonnerie du téléphone. Il n’y avait plus qu’à espérer que Madeleine repasse dans le coin et reposant le combiné sur son socle, Caitlin observa le visage d’Ashandra. Pour tenter de la rassurer, elle élargit son sourire en lui disant d’un ton affable « On réessayera dans quelques minutes, ne vous en faites pas. »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyMer 23 Jan - 23:42

Garder Caitlin dans les parages était, contre toute attente, le meilleur moyen de l’aider à rester calme. Elle était certes un peu plus sereine en la voyant revenir sur ses pas pour lui tenir compagnie, mais pas moins mal à l’aise de la voir tout sourire. Était-elle en train de se moquer d’elle ? Son regard doux était plus dur à soutenir que n’importe quelle œillade méprisante et elle déglutit de manière incontrôlée. Honteuse, elle sentit sa main sur son épaule alors qu’elle retournait fouiller dans le fatras laissé par la bibliothécaire, et ce fut comme la confirmation de la condescendance dont elle faisait preuve à son encontre. Il n’y avait rien d’étonnant là-dedans... Toute personne normalement constituée, si tant est qu’il y en ait une dans ce lycée, lui aurait ri au nez depuis belle lurette, l’envoyant chercher elle-même les numéros directs pour les différents bureaux administratifs. D’ordinaire elle n’aurait eu besoin de personne pour lui dicter la marche à suivre, ou pire, prendre les choses en main. Ce n’était pas en vivant avec Dracy Moon que l’on apprenait à se reposer sur les autres pour que le travail soit fait, loin de là. Même depuis qu’elle s’était remariée, sa mère mettait un point d’honneur à ne pas se démener pour rendre sa maison présentable, préférant laisser cette tâche avilissante à d’autres. Au contraire, sa dernière lubie consistait à négocier avec le révérend pour engager une femme de ménage, prétextant même qu’elle se sentait coupable d’accaparer le temps précieux de sa fille aînée. C’était à se demander si ce cher beau-père n’était pas drogué en permanence ou ensorcelé pour ne pas se rendre compte de tous les mensonges et de toutes les tricheries auxquels elle avait recours pour le mener par le bout du nez. Si elle avait du sang de sorcière dans les veines, cela aurait pu expliquer que Dieu refuse de l’aider dans sa quête du bonheur. Et si ce n’était pas le cas, il la punissait d’avoir enfreint la piété filiale en lui imposant ce tête à tête avec sa nouvelle meilleure rivale. Toujours était-il qu’Ashandra avait accepté de continuer à jouer la comédie par respect pour son intelligence, ne pouvant se résoudre à croire qu’un serviteur de Dieu pouvait être aussi stupide. Il avait sûrement ses raisons pour faire mine de la croire. Et pour ne pas faire de remarques désobligeantes sur le traitement que sa nouvelle femme réservait à Willow. Depuis que son père avait été mis en prison et qu’ils avaient déménagé, la famille Moon n’était plus la même. Ils ne trouvaient plus l’équilibre nécessaire pour redevenir ce petit noyau de bonheur dont elle avait tant eu besoin pour s’épanouir. L’afro-américaine s’était résolue à grandir sans l’aide de ses proches, à l’exception de son grand frère qui avait eu la présence d’esprit de rester à Des Moines. Souvent elle avait l’impression d’être la seule véritable adulte responsable de la maisonnée. Et pourtant, confrontée à Caitlin elle retombait dans les pires vices de l’adolescence. Elle fixait le sol, se murait dans le silence, ignorait sa présence, tout ce qu’elle avait fait pendant ses années à McKinley pour s’éviter les ennuis. Elle ne voulait pas grand chose, en réalité, tout ce qu’elle souhaitait c’était qu’elle reparte d’où elle était venue. Qu’elle disparaisse en emmenant avec elle les vieux fantômes que lui cachait Cassandra. Qu’elle ne vienne plus lui afficher son sourire blanc brillant de perfection et de bonté sous le nez.

Ses efforts pour la détendre était aussi touchants que voyants, mais il était clair qu’elle se serait volontiers passée de cette irruption dans son travail. Si comme elle, elle n’avait pas obtenu de coup de main de la part de ses collègues, elle devait avoir des montagnes de travail pour cette fin d’année. Sans compter qu’elle était titulaire de sa matière, et que les arts plastiques n’étaient pas fortement représentés à WMHS. Totalement incompétente en la matière ou presque, ce n’était pas comme si elle pouvait lui apporter son aide, l’eût-elle voulu. Elle n’était même pas capable de l’aider à passer un coup de fil salvateur vers le monde extérieur... Ashandra se contentait de l’observer impuissante, comme si son cerveau refusait de coopérer pour lui apporter son secours dans la quête d’une solution. Et cela ne s’arrangea guère lorsque Caitlin conclut, comme si ça avait été la chose la plus naturelle qui soit, qu’elles pourraient dormir là si jamais leurs efforts étaient vains. Hors de question. Inenvisageable. Même pas en rêve. Rentrer en moto avec Samuel Youngblood et sa mauvaise réputation était encore une meilleure éventualité. Oh oui, ou bien elle passerait par la fenêtre et se laisserait glisser le long d’une gouttière, mais elle ne resterait pas enfermée là. Un petit rire nerveux s’échappa de ses lèvres à sa dernière remarque. Le cannibalisme n’était sans doute rien à côté d’un crime que même Cassandra Hamilton ne réussissait pas à pardonner. Dire qu’elle mourait d’envie de l’interroger à ce sujet était très en dessous de la réalité. Chaque fois qu’elles se retrouvaient en tête à tête, retenir ses questions relevait de la torture, mais il n’était pas question de froisser la blonde alors que sa confiance était sans doute toujours ébranlée. Ces derniers temps leur amitié n’était plus tout à fait la même. Sans doute était-elle occupée à penser à Jeremy, à organiser des choses pour la chorale avec Joanna, à faire du bénévolat à la LPA, ce n’étaient pas les excuses qui manquaient. Mais tout de même... Ses erreurs passées l’avaient mise sur le banc de touche pour un moment, elle le savait. Peut-être même qu’elle était sous haute surveillance, et qu’au moindre faux-pas elle risquait de retourner derrière les barreaux, sans passer par la case départ, sans toucher 20 000$. Toutefois elle lui avait pardonné. C’était ce qu’elle lui avait fait comprendre en tout cas. Et elle ne lui réservait pas le même traitement qu’à Caitlin. Alors qu’avait bien pu faire cette fille pour perturber Cassie à ce point ?

La dévisageant tandis qu’elle était au téléphone pour chercher à joindre l’un des étourdis qui les avait enfermées, ses traits ne trahissaient aucune nervosité, aucun ressentiment. Sa peau était parfaitement lisse, à l’exception d’un sourire qui aurait fait fondre un cœur de pierre. C’était à n’y rien comprendre. Tirée de ses songes par une nouvelle remarque de la part de Caitlin, Ashandra mit quelques secondes à réaliser. «Hein ? Oh ! Oui... Pardon.» Tirant sur les manches courtes de son t-shirt en entourant sa poitrine, elle n’était plus aussi nerveuse à l’idée de rester bloquée ici quelques minutes de plus. Elle pourrait toujours essayer de lui soutirer quelques informations, et si elle se faisait envoyer sur les roses, elle n’aurait plus de remords à l’ignorer dans les couloirs. «Si... si ça ne vous dérange pas trop... Ça vous embête que l’on reste ensemble ? Je sais... je sais qu’il y a tout ce qu’il faut mais... Un fantôme de zombie cheerio pourrait sortir de derrière une étagère avec un slushy!» Sa tentative d’humour était des plus ratées, mais elle ne put s’empêcher de rire à nouveau nerveusement avant de retrouver le silence. Elle n’avait jamais été très loquace avec les étrangers, mais si elle voulait arriver à lui tirer les vers du nez, il fallait bien qu’elle improvise quelque chose. «Le... Hmm. Le slushy est un tradition ancestrale... J’imagine que vous en avez déjà vu dans les couloirs. Quand j’étais au lycée ici, j’avais toujours une tenue de rechange dans mon casier, au cas où. Il n’y en avait pas là où j’étais avant, ça a été une douloureuse découverte...» S’appuyant d’un coude sur le comptoir, elle coula un regard discret en direction de Caitlin avant de poser sa question d’un ton hésitant. «Et vous ? Vous en aviez déjà vu avant ?»
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyVen 15 Fév - 21:41

Pleine de bons sentiments, Caitlin était partie à la recherche du répertoire téléphonique de la bibliothécaire pour aider Ashandra. Samuel ne devait pas être parti, elle lui proposa donc de passer un coup de fil au bureau des surveillants à peine eut-elle remis la main sur la précieuse feuille racornie. Le jeune homme restait souvent dans les parages pour s’assurer que les portes étaient bien fermées après la classe ou tout simplement pour flâner dans les couloirs comme un bel étranger dont il aimait se donner l’allure. Du moins, c’était la version officielle, car plusieurs fois en sortant de l’établissement pour rentrer chez elle, la brunette l’avait surpris en train d’attendre tranquillement devant le vestiaire des cheerios, la cigarette au bec et la mèche au vent. Elle préférait ne pas s’imaginer ce qu’il y faisait, se disant qu’il était juste un fier et consciencieux supporter de l’équipe, comme c’était souvent le cas dans le corps professoral. Sauf qu’elle n’était pas aussi naïve qu’elle en avait l’air et que son expérience au sein de cette même équipe lui avait appris que la jupette à franges n’attirait pas seulement la curiosité des Titans. Caitlin avait compris que quelque chose se tramait. Néanmoins, même si les pratiques de Samuel lui donnaient des frissons qui n’avaient rien d’agréable, elle estimait que ça ne la regardait pas et que tant qu’elle n’avait pas de preuves tangibles pour l’accuser, elle lui laisserait un sursis. Le lycée William McKinley n’avait pas besoin d’un scandale retentissant comme celui-ci, sa réputation était déjà bien assez entachée comme ça.

Jetant des regards à Ashandra, Caitlin s’aperçut qu’elle semblait paniquée à l’idée de rester enfermée dans cette bibliothèque. Elle ne comprenait pas pourquoi, il n’y avait vraiment rien à craindre. Malgré la vétusté de certains endroits et de l’ancienneté des meubles, elle restait accueillante. Encore plus lorsqu’il n’y avait aucun élève pour déranger l’assistance, c’était même un plaisir de s’y rendre après les cours. Parfois, Caitlin tombait sur les élèves qui s’occupaient du journal de l’école ; Sunny Palmer, la talentueuse journaliste toujours, ou presque, accompagnée par Jamie Ainsworth, son ami photographe qu’elle croisait trop souvent près de sa classe. Elle faisait une pause dans la correction de ses copies pour les encourager à boucler leurs articles avant la fin de la semaine. Elle était amicale avec les élèves, pas autant que Seth Catalano qui donnait l’impression de véritablement faire partie du cercle très fermé des nerds de ce lycée, mais elle était plus accessible que la majorité des professeurs qui enseignaient dans cette école. Elle jugeait que c’était important pour eux de sentir qu’ils pouvaient vraiment avoir confiance en un adulte et il se trouvait qu’ils le lui rendaient plutôt bien. Le combiné toujours collé contre son oreille, Caitlin pensa un instant que l’effroi de sa collègue avait quelque chose à voir avec elle. Avait-elle manqué un épisode, était-elle passée à côté d’un détail important concernant sa relation, qu’elle considérait comme étant inexistante, les faits le prouvaient, avec la jeune femme ? Car d’après ses souvenirs, elle ne lui avait jamais rien fait de mal et comme avec les élèves, elle n’avait eu que des intentions louables à son égard. Elle avait bêtement pensé pouvoir s’en faire une amie lorsqu’elle s’était rendu compte que son arrivée dans la salle des professeurs ne faisait pas l’unanimité, cherchant un peu de soutien. Elle s’était au lieu de quoi confrontée à un mur d’indifférence, ce qui était c’était encore pire que les quolibets de ses collègues, car si elle pouvait ignorer les moqueries et les regards de travers qu’elle récoltait depuis son arrivée, elle ne pouvait cesser de se remettre en question et de vouloir chercher une raison concrète au dédain évident que la petite brune nourrissait à son égard.

Sa tentative de contacter les surveillants échoua, mais Caitlin promit à Ashandra qu’elle réessaierait dans quelques minutes. Attendrit par la blague de cette dernière, elle rit de bon cœur avec elle. Non seulement parce qu’elle la trouvait particulièrement drôle, mais aussi pour ne pas la mettre mal à l’aise en laissant sa plaisanterie tomber à plat. Elle nota toutefois que la brunette lui avait demandé si elle pouvait rester avec elle. Ce n’était peut-être pas grand-chose, mais elle décelait comme un sentiment de décontraction chez elle, ce qui était plutôt bon signe – mais il était connu que Caitlin avait tendance à se montrer trop optimiste. Aussi, elle lui sourit de nouveau et acquiesça avec affabilité « Pas de problèmes, bien sûr. » Son regard vacilla sur sa droite, là où le distributeur était installé. Elle le pointa du doigt, s’engageant par la petite porte basse à battant du comptoir qu’elle poussa « Peut-être que vous avez faim, c’est presque l’heure du dîner. Ca n’aura rien d’un repas cinq étoiles, mais j’adore les pop-tarts, pas vous ? » Elle marcha jusqu’à la table qu’elle avait quittée quelques instants plus tôt, se pencha pour récupérer un peu d’argent dans son sac à main et rebroussa, rejoignant le distributeur pendant que sa collègue lui parlait des slushies qu’elle connaissait, malheureusement, que trop bien.

Durant sa « carrière » chez les cheerios de WMHS, elle avait été forcée de pratiquer cette tradition ancestrale comme l’avait dépeint Ashandra. C’était l’un des moments les plus difficiles de sa vie, celui où elle avait dû montrer à ses coéquipières qu’elle faisait bel et bien partie de leur groupe en jouant les bourreaux. C’était à ce moment-là qu’elle s’était aperçue qu’elle avait fait une erreur en voulant s’intégrer, mais qu’il était trop tard pour faire marche arrière. Caitlin avait été à deux doigts de ne pas relever le défi, mais l’élève qui se trouvait face à elle fut assez courageuse pour lui épargner une humiliation publique en se versant elle-même la totalité du liquide glacé sur la tête. Traversant la bibliothèque accompagnée d’Ashandra, Caitlin écarquilla les yeux quand elle lui dit qu’elle avait été élève ici et soudain, cela fit tilt dans sa tête : elle l’avait sans doute vu dans son uniforme à l’époque, elle devait avoir peur de se confronter à une jeune femme sans scrupules à l’ambition exacerbée, c’était aussi simple que ça ! Soudain, elle fut soulagée d’avoir résolu le mystère et en retournant son joli minois vers elle, elle lui dit avec beaucoup de douceur :

« Je ne savais pas que vous aviez été élève à McKinley, je l’ai été moi aussi. Quelle année ? » demanda-t-elle dans l’espoir de confirmer ses pensées. Elle inséra un premier billet dans le distributeur qui l’avala aussitôt, tapa le code correspondant aux pop-tarts qu’elle convoitait et après avoir ramassé le paquet dans l’interstice, le tendit gentiment à Ashandra « Je pensais qu’en revenant ici en tant que professeur cet acte de bizutage aurait disparu, mais elle est plus présente que jamais. Je n’ai jamais compris comment le principal Figgins pouvait tolérer ces espèces d’abus de pouvoir de la part des membres de l’équipe de foot ou des cheerios. Ça me fait beaucoup regretter d’avoir pendant un temps porté l’uniforme. » Elle inséra un autre billet dans la machine, récupéra un autre paquet de pop-tarts et en se relevant, elle lui glissa sur le ton de la confidence « On a tous nos petits défauts, n’est-ce pas ? » Elle passa son pouce sous l’emballage pour détacher les coins de la boîte, désigna le comptoir de la bibliothécaire du menton en marchant vers lui. Caitlin eut comme le besoin de se justifier, et regardant en l’air en levant légèrement la main devant elle, elle poursuivit « J’avais juste envie de m’intégrer et les cheerios étaient le seul club qui recrutait encore quand j’ai senti qu’il fallait que je m’ouvre un peu plus au monde sans pitié qui m’entourait. » Elle émit un petit rire sans joie, rebaissa le regard qu’elle grossit en concluant d’un ton amer « Je n’avais pas réalisé que les individus qui rendaient les couloirs si hostiles faisaient partie du club que je venais de rejoindre, imaginez ma déception. » Elle sortit une pâtisserie du paquet, en suçota un coin et souriant à la jeune femme, elle coula un regard au paquet qu’elle n’avait pas ouvert et lui demanda le plus naturellement du monde « Elles sont à quoi les vôtres ? Moi, à la cannelle. Vous en voulez ? »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyDim 17 Fév - 22:18

Plus encore qu’avec Christabella, l’impression de s’en prendre à la mauvaise personne était oppressante en compagnie de Caitlin. Son air doux, ses sourires pleins — qui par ailleurs étaient sûrement forcés, les louanges des élèves qui suivaient ses classes et la médisance des autres professeurs titulaires, la liste des qualités ne faisaient que s’allonger. L’enseignante poussait même le vice jusqu’à lui offrir des petits gâteaux au distributeur alors qu’elle la contraignait à interrompre son travail par pure frousse. Acceptant son offre d’un hochement de tête, elle pinça ses lèvres gênées par tant de bonté aussi peu méritée. Caitlin aurait clairement pu être canonisée au panthéon de McKinley comme sainte martyre. Ashandra ne savait rien d’elle et avait pris le parti de la juger comme un danger de plus dans son amitié avec Cassandra. C’était immature, insensé et sans doute un peu malsain, mais c’était plus fort qu’elle. Malgré tout le mal qu’elle avait fait à leur précieuse amitié après l’incident du parvis, la seule leçon qu’elle semblait avoir retenue du passé, outre qu’elle avait sérieusement besoin de laisser sa rage intérieure s’exprimer de manière cadrée, c’était de ne plus aller chercher les ennuis. Elle n’était pas honnête avec elle-même, et c’était un euphémisme. Il était plus facile de fuir vers l’avant et de fracasser ses poings enrubannés contre un sac de sable plutôt que de réfléchir à ce qu’elle devait faire pour changer la situation durablement. Sa soupape de sécurité fonctionnait à merveille, mais la fréquence de plus en plus haute de ses entraînements cachait aussi un malaise qu’elle ne savait pas résoudre seule. L’afro-américaine ne faisait encore que toucher du bout des doigts le véritable problème qui résidait dans son insécurité permanente. Son frère et elle n’avaient plus de relation, sa mère n’avait de conversation avec elle qu’autour de la table du dîner et pour la forme, sa petite sœur était trop jeune pour partager son fardeau et elle n’avait certainement pas envie d’affronter un sermon enflammé de son beau-père. Elle avait bien d’autres connaissances, mais rien n’égalait son amitié avec Cassie en intensité. Ashandra était prête à tout pour elle. Elle lui avait confié ses secrets, ses pensées les plus profondes, elle espérait du fond du cœur ne pas être une présence contraignante pour la jolie blonde qui gardait trop souvent son masque social en place. Nul autre qu’elle ne la connaissait aussi bien. Et pourtant, même après leur réconciliation miraculeuse au bar karaoké, quelque chose était resté cassé entre elles. Elle n’aurait pas su dire s’il s’agissait d’une distance introduite subtilement par Cassandra ou bien si elle était une fois de plus la coupable. Elle ne lui avait pas dit pour les entraînements de boxe. De même qu’elle n’avait jamais trouvé le courage de mentionner Caitlin et encore moins Christabella. Si elle réussissait à se sortir de ce piège suffisamment tôt pour passer en coup de vent chez les Hamilton, elle ne mentionnerait peut-être même pas la présence de la professeur d’arts plastiques dans la bibliothèque de peur de froisser Cassie. La jeune femme mordit sa lèvre inférieure pour retenir un soupir exaspéré contre elle-même et secoua la tête dépitée.

Les doigts enfoncés dans sa chair veloutée sur ses bras croisés, elle observait l’allure svelte de la brune et ses sourcils se haussèrent de surprise à sa question. Les rumeurs étaient donc fondées ? Comment avait-elle pu ne pas la voir pendant les deux années qu’elle avait passées dans ce lycée ? Elle n’avait pas l’habitude de prêter attention aux autres dans les couloirs, trop occupée à fixer le sol et se faire la plus petite possible pour éviter de devenir la cible des Cheerios en général et de Santana Lopez en particulier, mais au point de ne pas se souvenir même vaguement de son visage... Cassandra ne l’avait jamais mentionnée. Elle n’était jamais venue aux séances du club de Chasteté. Devait-elle prendre cela comme gage que pour une fois les ragots reflétaient la réalité ? «Je suis arrivée en troisième année. En euh... 2012 si ma mémoire est bonne.» Récupérant le paquet gentiment offert, elle interrompit là sa réponse pour ne rien révéler avant d’avoir eu plus de détails. «Merci» glissa-t-elle en regardant le petit paquet qui ne lui faisait en réalité pas très envie. La situation était bien trop stressante pour avoir un quelconque appétit. Enfermée dans le lycée de ses cauchemars avec l’une des incarnations de ses peurs irrationnelles de tout perdre, son estomac était noué et davantage enclin à la nausée qu’à une gourmandise. Ses yeux remontèrent en flèche à la mention d’un uniforme.

Bouche bée, elle était incapable de répondre à cette remarque glissée sur le ton de la confidence. Elle avait fait partie des Cheerios. Elle avait fait partie de l’escouade qui l’avait torturée pendant des années qui avait paru une éternité. Et Caitlin trouvait que cela relevait de l’ordre du petit détail ? Estomaquée par cet aveu, Ashandra n’arrivait plus à calmer le tremblement sensible de sa main libre pendante à son côté. Alors c’était ça le crime impardonnable ? Il avait fallu un uniforme de Cheerios pour briser la confiance de Cassandra ? Dévisageant la jolie brune, elle avait du mal à se la figurer en suppôt de Santana engoncée dans un uniforme trop court. «Pardon ?» souffla-t-elle dans une respiration étranglée. Comment pouvait-elle être capable de plaisanter à ce sujet quand elle savait tout le mal que ces bourreaux aux visages d’anges faisaient à tous ceux qui ne collaient pas à leurs normes ? De qui croyait-elle se moquer ? Il était impossible de ne pas remarquer les actes de barbarie perpétrés par ce petit groupe d’adolescents dans le lycée. Dès le jour de la rentrée tous les élèves qui sortaient du rang pour quelque raison que ce soit étaient en danger d’être jeté dans une poubelle ou un casier. Ignorant sa dernière question sur les pop-tarts qu’elle avait encore moins envie de goûter, elle posa sa main secouée de frissons sur le comptoir voisin pour reprendre son équilibre. «C’est une blague ?» demanda-t-elle sans l’ombre d’un sourire. Avait-elle dû jeter un slushy à Cassie ? Était-ce la raison pour laquelle elles avaient rompu toute relation ? Les questions concernant la blonde la dévoraient de l’intérieur mais elle n’arrivait pas à en formuler une seule. Ses yeux noirs plantés sur la jeune femme, elle avait l’impression d’être tout à fait revenue cinq ans plus tôt. Elle voyait mal Caitlin la plaquer au mur comme l’avait fait Santana, ou la maltraiter de quelque manière que ce soit, mais la pensée qu’elle avait pu infliger ce traitement à quelqu’un d’autre lui glaça le sang. Une minute plus tôt elle lui décernait presque une auréole... Comme elle jugeait mal les gens. «Le...» Le choc lui avait tellement noué la langue qu’elle manqua de la mordre. S’éclaircissant la gorge, elle reprit plus assurée. «Quand je suis arrivée dans ce “monde sans pitié”, le seul club qui m’a ouvert les bras a été le club de Chasteté. On ne peut pas dire que je me sois intégrée dans le reste du lycée, mais j’ai eu une certaine popularité. Chez les lanceuses de glace pilée, et les footballeurs vulgaires.» Fronçant le nez à ce souvenir qu’elle voulait laisser enterré avec le reste de son passé de petite fille trop lisse et soumise, elle n’arrivait pas à garder le masque approprié à sa tentative maladroite de cynisme. «Peut-être que je ne vous ai jamais vue parce que j’était trop occupée à fixer le sol dans l’espoir qu’on ne me plaque pas contre un casier, ou parce que la glace ne piquerait pas mes yeux lorsqu’on me la lancerait.» Elle n’avait même plus honte de cet aveu amer jeté au visage de Caitlin. Ses doigts se refermèrent sur les pop-tarts en malmenant l’emballage. «J’ai entendu dire que vous aviez été une amie de Cassandra.» lâcha-t-elle finalement. «Elle ne m’avait jamais parlé de vous, mais je pense que je sais pourquoi maintenant.» Ses yeux plissés dans une moue de douleur, elle n’arrivait pas à en croire ses oreilles. Tout ceci s’était passé il y avait tellement longtemps, et pourtant les souvenirs étaient encore si frais qu’elle aurait pu décrire avec une précision extrême la sensation des grains de glace roulant jusqu’à ses sous-vêtements et de l’eau chaude des toilettes dans ses cheveux pour essayer de s’en débarrasser. Bien qu’elle sût que rien ne lui arriverait, la présence de Caitlin avait quelque chose d’insupportable et ça n’avait plus qu’un rapport lointain avec Cassandra.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptySam 23 Fév - 18:24

Caitlin faisait partie de ces gens qui bien que psychologiquement fragiles ne jouaient pas la carte du mystère autour d’eux ou de leur histoire. Il était déjà difficile pour elle de vivre avec son passé sans en plus devoir se fabriquer une carapace qui ne lui tiendrait pas au corps. Certains préféraient devenir des montres de froideur pour garder leurs secrets bien enfouis dans leur cœur, ce n’était pas le cas de Caitlin. Elle n’avait pas la carrure pour aller à l’encontre de sa nature profonde qui était douce et sans complexité. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de la changer, pourtant. On avait tenté de la modeler à la mode des Cheerios dès son entrée dans l’équipe, ça n’avait pas fonctionné au grand dam de Sue Sylvester et de son troupeau de moutons dociles. Ça avait tout juste été bon à la rendre malade et plus instable que jamais. Plus jamais ça, c’était devenu son leitmotiv. Elle n’était pas transparente pour autant et savait faire la part des choses. Les informations, elle les accordait au compte-gouttes. Caitlin avait un sens aiguisé de ce qu’il fallait dire ou non en présence d’inconnu, mais assumait les faits qui avaient jalonné son parcours, néanmoins. Ils la ramenaient à une certaine réalité, lui permettaient de se construire une espèce d’idéal : celui de ne jamais plus revenir en arrière et surtout, de ne plus vouloir rentrer à tout prix dans le moule qui lui avait tant fait envie lorsqu’elle avait été adolescente. Ça avait été une erreur, oui, mais qui n’en faisait pas, des erreurs ? Aujourd’hui, elle était qui elle était, avec ses forces et ses faiblesses. A quoi bon essayer de se montrer plus aguerrie qu’elle ne l’était en réalité ? Son long séjour à l’hôpital lui avait donné la force de faire face à ses erreurs, d’affronter ses peurs aussi superficielles qu’elles fussent et maintenant, elle était devenue une jeune femme plus confiante, pas moins vulnérable mais plus armée contre la rivalité et les obstacles qui pendant longtemps encore se dresseraient sur son chemin. Ça lui donnait un avantage certain pour enseigner à des adolescents, elle savait exactement ce qu’il ressentait tout simplement parce qu’il n’y avait pas si longtemps encore, elle était à leur place. Ce fut pourquoi elle n’avait pas hésité à faire savoir à Ashandra qu’elle avait fait partie de l’équipe des cheerleaders de WMHS. En toute innocence, certainement, pensant que la jeune femme ferait elle aussi la part des choses et ne la mettrait pas directement dans la case des furies à pompons tortionnaires et nymphomanes. Seulement, à voir l’expression sur son visage rond et parsemé de grains de beauté, Caitlin comprit très vite que sa révélation ne ferait pas mouche et qu’elle devrait se justifier, peut-être même s’en excuser.

Ensemble, elles avancèrent jusqu’au comptoir de la bibliothécaire sur lequel Caitlin déposa son paquet de biscuits, la bouche étonnamment sèche. Elle leva un regard circonspect vers Ashandra qui n’avait jamais autant parlé que depuis deux secondes. Ces deux secondes parurent s’étirer en longueur, faisant naître chez Caitlin un sentiment étrange d’exaspération. Au moins, cette innocente perche permettait à Caitlin d’enfin avoir un net aperçu du son de la voix de la jeune femme qui semblait au bord de la syncope. Le ressentiment qu’elle laissait transparaître dans le son de sa voix était douloureux pour Caitlin, car il la ramenait quelques années en arrière lorsqu’elle avait surpris le regard méprisant de Cassandra qui la toisait à l’autre bout du couloir alors qu’elle portait pour la première fois son tout nouvel uniforme. Celui qui avait dressé des barrières infranchissables en elles, celui qui était responsable de tous ses maux – de tous leurs maux. Préférant ne pas interrompre la brunette, la professeure le regard sous ses longs cils bruns, s’attendant à ce qu’elle l’insulte ouvertement. Très rapidement, Caitlin comprit qu’Ashandra avait été la cible des cheerleaders pendant sa scolarité, et c’était regrettable. Cependant, même si Caitlin avait fait partie de cette joyeuse troupe, ça ne voulait pas dire qu’elle acceptait leurs méthodes, c’était même le contraire. Elle n’avait jamais eu le courage de se dresser sur le chemin des leaders, elle était déjà dans le collimateur des fortes têtes qui s’appliquaient à lui apprendre à se mettre les doigts au fond de la gorge. Elle avait su d’emblée que s’impliquer dans une rébellion aurait causé sa perte. Malgré tout, elle avait refusé d’être la complice des actes de cruautés auxquels s’adonnaient ses petites camarades. C’était toujours la même chose dans ce genre de situations, à croire que les gens ne se souvenaient que de ceux qui les avaient fait souffrir, des bourreaux qui avançaient la tête haute dans les couloirs comme si tout leur était déjà acquis et que la ville leur appartenait. Les élèves qui ne voulaient qu’une chose, s’intégrer ou tout simplement se créer de beaux souvenirs à raconter à leurs enfants, n’avaient aucun crédit aux yeux des autres parce qu’ils étaient discrets et sans mauvaises intentions. Sam Evans, Gale Hemmens et même Brittany Pierce n’avaient jamais été les personnes qu’Ashandra décrivait dans son discours vindicatif : des footballeurs vulgaires et des lanceuses de glace pilée.

Le regard de Caitlin resta planté sur le visage d’Ashandra qui n’en pouvait plus de lui balancer son amertume au visage, comme si cela faisait des années qu’elle avait eu envie de se venger de ceux qui l’avaient maltraitée et qu’enfin, après tant d’années à garder tout ça pour elle, elle pouvait enfin s’en libérer. Sans calcul, les yeux de Caitlin se remplirent de larmes et par dignité, elle détourna les pupilles pour venir les poser sur le paquet de pop-tarts qui ne lui disaient plus rien. Elle pourrait faire tout ce qu’elle voudrait, elle restait persuadée que son propos sincère n’atteindrait pas Ashandra qui était trop en colère. C’était son droit bien sûr, et Caitlin n’essaierait pas de la dissuader de revoir son jugement. Si c’était ce qu’elle ressentait, il valait mieux qu’elle laisse tout sortir plutôt qu’elle rumine des années encore sur ses mauvais souvenirs. Caitlin pourrait survivre à la rancœur de la jeune femme, elle doutait de toute façon qu’elles deviennent un jour amies, pas après l’échantillon aigre qu’Ashandra lui avait fourni quant à l’image qu’elle avait d’elle. Ce qui fit retourner l’attention de Caitlin vers d’Ashandra fut la façon avec laquelle elle lui annonça qu’elle savait qu’elle était amie avec Cassandra. Maintenant, Caitlin sentait que l’assistante cherchait à la blesser, c’était tellement évident que cela lui fit froncer les sourcils alors que tout doucement, ses grands yeux s’asséchaient. Ashandra était amère, certes, mais ça ne lui donnait pas le droit de vouloir s’en prendre à elle de cette manière. Elle n’avait pas le droit d’utiliser Cassandra pour lui faire du mal, et la culpabilité qui lui emprisonnait la poitrine se transforma soudain en un ressentiment qui la força à esquisser un sourire sans joie. Dans la foulée, Cailtin chuchota :

« Vous êtes bien renseignée. » Il n’était plus question d’être cordiale, désormais. Ashandra l’avait ouvertement provoquée et s’humectant doucement les lèvres, passant sa langue lentement entre celles-ci pour ne pas céder à l’emportement – ce qu’elle était incapable de faire, soit dit en passant –, elle continua un peu plus fort « Moi aussi, je faisais partie du club de Chasteté, mais je l’ai quitté juste après mon admission chez les Cheerios. J’ai pensé qu’en tant que présidente, Cassandra n’accepterait pas de voir sa meilleure amie se rendre aux sessions du club dans la tenue qu’elle abhorrait le plus au monde. Il se trouve que j’ai eu raison puisque depuis, on ne se parle plus. » Elle pencha la tête sur le côté, arqua son sourcil gauche avec un certain détachement dans l’attitude « Maintenant, vous pourrez prétendre être au courant. J’espère que vous êtes satisfaite, ça vous donnera enfin une bonne raison de faire comme si je n’existais pas dans les couloirs, n’est-ce pas ? » Elle se redressa, esquissa un autre sourire en coin et tout bas, elle lui dit « Vous savez ce que disait Leonardo da Vinci ? » Dans un italien parfait, elle récita « Nulla ci inganna di più del nostro giudizio ; rien ne nous trompe autant que notre jugement. » Son regard se perdit dans celui de la jeune femme, et dissipant peu à peu son sourire, elle conclut avec sérieux « J’imagine que vous ne voulez plus de mon aide. Alors, si vous permettez, je vais retourner m’asseoir. » Caitlin attrapa ses biscuits, fit un premier pas, puis aussitôt se retourna légèrement, faisant virevolter le jupon souple de sa robe « Oh, et ne vous inquiétez surtout pas pour le fantôme de zombie cheerio, comme tout ce qui se dit ici, ce n’est qu’une rumeur. » Et la toisant une dernière fois, Caitlin reprit sa marche jusqu’à sa table.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? EmptyMar 26 Fév - 18:21

La satisfaction profonde qu’elle éprouva après avoir craché au visage de Caitlin ce qu’elle avait toujours rêvé de dire à l’un de ses tortionnaires ne fut que de courte durée lorsqu’elle vit son regard embué de larmes. La jeune femme détourna fièrement le regard alors que les yeux noirs de l’assistante la dévisageaient toujours, incapables de croire au spectacle qu’ils contemplaient. Les Cheerios ne pleuraient pas. Elle ne se sentaient pas coupable. Remords, compassion, empathie, ce n’étaient pas des sentiments auxquels elles avaient accès. Shandy se figea à cette réaction inattendue et se mordit violemment l’intérieur de la lèvre comme pour se punir d’avoir exprimé tout haut ce qu’elle avait retenu depuis l’intrusion grossière de quelques lycéens dans la salle du club après leur tentative de recrutement. La panique envahit son corps tétanisé pour remplacer tout à fait le mépris et la colère qui la consumaient pourtant si violemment quelques secondes plus tôt. Et comme pour achever ce changement de comportement à 180 degrés, la mémoire lui revenait enfin pour mieux poignarder son cœur qu’elle avait cru un instant suffisamment accroché pour se venger. Elle connaissait une autre membre du club des mini-jupes qui n’avait jamais voulu prendre part à ces manifestations barbares. L’image de Ruby surgit dans son esprit et sa poitrine se serra douloureusement alors que la culpabilité lui nouait la langue, les dents toujours serrées sur l’intérieur velouté de sa joue. Elle aussi avait été cheerleader, et la jeune femme avait tout de même trouvé en elle des qualités qui en avait fait une amie chère en dépit de son choix. Leurs ressemblances avaient surpassé leurs divergences, et même si elle ne s’était jamais promenée en sa compagnie sur le terrain miné du lycée, elle avait tout de même gardé de bons souvenirs de sa relation avec la brune. Elle avait compris son choix. Elle savait qu’elle n’était pas comme le reste de ces poupées cruelles trop heureuses de se jeter dans le moule démoniaque. Une fois, alors qu’elle l’avait soupçonnée d’un lancer de slushy auquel elle avait assisté de loin, elle s’était laissé convaincre par sa bonne foi et le désespoir dans son regard. Sa méfiance naturelle aggravée par les épreuves que Dieu avait mis sur sa route avait fini par corrompre son jugement. Elle aurait dû accorder le bénéfice du doute à Caitlin plutôt que de lui sauter à la gorge avec ses grands mots, et elle le payait à présent en la voyant ravaler son chagrin à grand peine.

Réduite au silence, elle s’en voulait terriblement d’avoir pressé son jugement aveuglé de craintes irrationnelles sur la jeune professeur. Plus encore que cela, elle avait eu la mesquinerie vipérine d’aborder la question de Cassandra, et le sourire esquissé sur le visage durci de Caitlin la fit déglutir alors que l’air s’échappait à peine de ses lèvres tremblantes. Elle aurait voulu s’excuser immédiatement, retirer ses paroles, la supplier pour obtenir son pardon, mais ses cordes vocales semblaient dénuée de toute force, incapable de même produire un gémissement de détresse aux confessions brutales sur cette amitié passée qui avait pourtant été l’objet de toute sa curiosité à l’égard de l’enseignante. Sa voix était à peine audible ce qui lui donna l’impression d’avoir hurlé les mots qu’elle lui avait adressé quelques secondes auparavant. Les battements de son cœur auraient pu couvrir le volume de sa citation mais elle était trop concentrée sur ce filet de voix pour en perdre une miette. La fermeté de ses mots ne faisait à son sens que trahir une fragilité mal dissimulée et des plaies à vif qu’Ashandra venait elle-même de lui infliger, mais elle ne put s’empêcher d’admirer son aplomb. Jamais elle ne se serait crue capable de faire du mal à quelqu’un d’autre qu’elle-même, trop lâche, trop égoïste pour oser affronter le regard des autres. Jamais et pourtant, en l’espace de quelques mois elle avait eu cet accrochage avec Christabella qui traînait encore sur toutes les lèvres mal intentionnées de la paroisse, et maintenant ça. Oh elle ne s’en était pas sortie indemne de toute culpabilité comme les bourreaux en jupette à lanières rouges, et les larmes qui étranglaient sa gorge et qu’elle réprimait mal pour ne pas irriter Caitlin davantage en étaient sans doute témoins. Mais elle ne se reconnaissait plus. Depuis quand avait elle cette méchanceté en elle qui la poussait à attaquer plutôt qu’à se défendre ? Elle ne parlerait définitivement pas de cette rencontre à Cassandra, mais ça n’aurait rien à voir avec la jalousie et tout à voir avec la honte. Caitlin n’avait rien fait de mal, elle avait toujours été cordiale et avait tenté de lui tendre la main au lycée et aux répétitions, mais Ashandra s’était empressée de la repousser sans lui accorder un regard. Vaniteuse et imbue d’elle-même, elle avait refusé d’offrir sa chance à la jeune femme à cause de ragots dans l’idée qu’elle se protégeait de nouveaux coups durs à venir. Douce ironie du sort pour celle qui endurait toujours les racontars au sujet de sa famille et de son comportement. Son regard avait perdu son focus pour errer dans le vague et quand elle reprit conscience de l’endroit où elle se tenait, Caitlin s’était évanouie dans les rayonnages.

Malgré l’envie déchirante de courir après elle pour confesser ses péchés, ses pieds refusaient de quitter leur ancrage dans le sol de la bibliothèque. La bouche entrouverte comme si elle cherchait à en faire sortir les mots d’excuses qui ne trouveraient sans doute jamais bon accueil, elle ne sut dire si plusieurs minutes s’écoulèrent, mais un bruit métallique dans son dos la fit tressauter et lui arracha un cri apeuré. «Wooow ! On se calme !» déclara la grande blonde décoiffée qui lui faisait face appuyée contre le battant de la porte ouverte. «Nan mais c’est quoi ça, qu’est-ce que tu fiches là ? T’as du bol que je sois revenue. Ça va cinq minutes les heures supp’ tu trouves pas ? Je ferme dans une demi heure, on me dégage le plancher d’ici là, c’est clair ?» Ashandra dévisageait la surveillante avec incompréhension comme si elle avait parlé un langage qu’elle ne comprenait pas mais finit par acquiescer d’un hochement de tête. Elle resta plantée au même endroit une minute de plus alors que la porte battante s’immobilisa tout à fait, puis elle baissa le regard sur le paquet de biscuits qu’elle tenait au creux de sa main, ratatiné aux angles. Sans prendre la respiration profonde dont elle aurait eu besoin pour échapper à son impression d’asphyxie, elle entreprit de se sortir de sa torpeur pour rejoindre d’un pas mal assuré la table où elle avait abandonné ses affaires. Elle était libre. Elle pouvait sortir de la bibliothèque. Du lycée. Retrouver Cassandra. Feindre l’ignorance en écoutant de la musique et en prospectant sur les prochains projets de Joanna. Rire peut-être. Rentrer chez elle. S’enrouler dans ses couvertures. Pleurer peut-être. Elle rassembla ses affaires calmement, rangeant les copies dans un parfait alignement avant de les glisser dans la pochette de papier, elle-même soigneusement placée dans son sac à main. Arrangeant la lanière de cuir sur son épaule, elle entreprit de remonter l’allée centrale. Elle avait presque atteint la porte qu’elle caressait du regard, mais ses pas cessèrent, et avant de s’en rendre compte, elle avait rebroussé chemin et se trouvait devant la table de Caitlin.

«La porte est ouverte.» dit-elle mécaniquement sans regarder la jeune femme assise à la même place qu’auparavant. «Ils ferment dans une demi heure, il faut...» sa voix se perdit alors qu’elle étranglait un sanglot. Une larme chaude roula le long de sa joue qu’elle ne trouva pas la force d’effacer. Ses yeux évitaient de trouver la silhouette de la choriste, et ses lèvres se desserrèrent à nouveau. «Je suis désolée.» couina-t-elle alors que les larmes menaçaient de perler aux coins de ses cils. Partagée entre le besoin d’en dire plus et l’impuissance, ses doigts se fermèrent sur son sac à main et elle recula d’un pas. Son estomac contracté en une crampe douloureuse, elle reprit avec plus d’intensité : «Je suis désolée. Je...» Rien d’autre ne lui venait. Elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas se montrer ainsi à celle qu’elle venait de tourmenter, c’était trop hypocrite que de laisser croire qu’elle était celle qui souffrait. Ses yeux se portèrent une seconde sur les pupilles de Caitlin, puis elle brisa le contact. Comme elle était venue, ses jambes la soutinrent encore pour faire demi-tour et elle s’éloigna en silence, luttant pour ne pas laisser aller à l’amertume mordante de ses pleurs.

[Rp Clos]
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
06. Do you really want to hurt me ? Empty
MessageSujet: Re: 06. Do you really want to hurt me ?   06. Do you really want to hurt me ? Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

06. Do you really want to hurt me ?

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Glee RPG :: 
Archives
 :: Archives Saison 2 :: Episode 6
-