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 02. A place in this world

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MessageSujet: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyDim 6 Oct - 15:07

"Tu es sûre que c'est ici, Kiwi ?" demanda son père sans détacher son regard du prétendu lieu de rendez-vous. Son ton était à peine paternaliste, plutôt emprunt d'une inquiétude que jamais Andie n'avait suscité jusque là. Elle était de ce genre de fille auxquelles les parents vouaient une confiance aveugle et accordaient un soutien permanent dans chacun des choix importants de la vie. Pourtant depuis quelques temps la donne avait vraisemblablement changé. Peut-être était-ce lié au fait que leur Kiwi, comme ils aimaient le surnommer, n'était plus aussi vitaminé qu'auparavant et semblait plus victime que maître de ses choix. La pression nouvelle qui s'exerçait sur les épaules pourtant robustes d'Andie devenait un frein à son épanouissement personnel, et ce malgré le plaisir qu'elle éprouvait à danser lors des répétitions des Cheerios ou au studio de danse. Pour elle c'était un mal pour un bien, mais pour ses parents cela devenait une véritable préoccupation qui leur faisait réaliser pour la première fois ce que cela pouvait bien faire d'être un parent soucieux. "Positive." répondit Andie en opinant du chef, même si une boule d'angoisse lui nouait l'estomac. Elle avait beau être naïve, les doutes s'immisçaient parfois dans son esprit et ce moment en faisait partie. Il n'était cependant pas question de montrer son scepticisme devant son père, au risque d'être privée de liberté à l'avenir. Elle devait demeurer rayonnante d'assurance. Andie embrassa furtivement son père avant de bondir hors du pick up. D'un geste de la main elle lui intima de ne pas l'attendre, accompagnant sa prière d'un sourire gêné, comme si pour la première fois de sa vie elle avait honte de quelque chose. Comme si pour la première fois de sa vie elle devait se plier aux exigences sociales des adolescents de son âge et s'encombrer des règles qui régissaient les rapports entre les ados et les parents. Le pick up démarra et son père s'éloigna après un dernier signe de la main en guise d'au revoir. Elle pouvait toujours lire l'appréhension sur son visage, mais il avait finalement décidé de lui faire confiance. Andie n'était plus véritablement certaine de pouvoir s'en ravir.

La désolation du paysage n'avait d'égal que celle qui la terrassait de l'intérieur. Face à elle s'offrait le triste spectacle d'une grange abandonnée qui, selon les dires de Regina, abritait la soirée de l'année. Loin devant la soirée d'Halloween à laquelle Andie n'avait même pas participé, trop perdue entre les sentiments qu'elle faisait semblant d'éprouver pour Gabriel et ceux qu'elle éprouvait de toute évidence pour Addison. Inviter Gabriel aurait été la logique à adopter dans sa stratégie de conquête de popularité, mais elle avait l'impression qu'il remettait en question leurs méthodes et elle n'était pas encore prête à l'entendre mettre fin à leur relation fictive.
Vêtue de la même robe blanche à manches longues qu'elle avait porté à la soirée d'ouverture du studio de danse, Andie se décida enfin à avancer jusqu'au lieu de la fête. Une Cheerio digne de ce nom n'aurait jamais porté deux fois la même robe, mais d'une ce n'était pas les CMA et de deux personne du lycée ne l'avait vue dans cette tenue dont elle était pourtant plus que fière. La pluie de la veille avait rendu le terrain boueux et l'obligeait à salir les santiags courtes qu'elle avait achetées récemment. Elle fit abstraction de ce détail une fois la porte de la grange atteinte. D'un geste incertain elle la poussa et comme elle s'en doutait, eut droit à la surprise d'un lieu désert et sinistre. Elle resta figée un instant, se triturant les doigts pour masquer la peine qui la submergeait et éviter de trop se focaliser dessus.

On lui avait menti. On avait voulu l'humilier, l'anéantir pour qu'elle ne soit plus la menace d'un potentiel renversement de l'ordre établi à McKinley. Dans sa tête Andie entendait avec une troublante distinction les rires de Regina et du reste de la troupe, qui s'amusaient certainement chez elle ou dans un quelconque endroit plus approprié. Blessée dans ses sentiments, Andie tourna les talons alors qu'une première goutte de pluie vint s'écraser sur le bout de son nez. Elle n'y prêta même pas attention et entreprit de faire le chemin du retour à pieds, pour se punir de sa débilité.

Quelques heures plus tard elle déambulait encore dans les rues de Lima, toujours vêtue de sa robe mais trainant derrière elle une valisette comme si elle trainait le fardeau de sa vie. La tête baissée vers la route elle luttait contre les rafales de vent qui semblaient vouloir la retenir de s'échapper. Malgré sa joie de vivre et son apparente superficialité, Andie n'en demeurait pas moins une adolescente pourvue des mêmes émotions que les autres. Jamais encore elle n'avait éprouvé une telle tristesse et il n'était pas question de se laisser abattre de la sorte. Elle retournerait au Texas et reprendrait sa vie comme elle l'avait laissée. Une vie simple et sans souci.
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
Age : 20 ans
Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
Humeur : Déstabilisée
Statut : En couple avec Jamie Ainsworth
Etoiles : 5836

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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyDim 6 Oct - 20:14

Avec toute l’agitation de ces derniers jours, Harper avait négligé sa famille. Elle ne voyait plus ses frères qu’aux heures de repas, tandis que sa mère restait fidèle à elle-même. Entretenir des relations aussi infimes avec eux était difficile, ils lui manquaient. Elle s’en remettait d’ordinaire aux jumeaux, seulement, Harper ne trouvait plus le temps de se poser pour faire le point sur leur journée histoire de se changer les idées, si bien qu’elle éveillait leurs soupçons. Ils veillaient discrètement sur elle, non sans émettre des remarques teintées d’inquiétude à l’heure de la vaisselle. Remarques que Harper s’empressait de chasser d’un haussement d’épaules mollasson, tachant de rester elle-même. Un million de choses passaient par la tête de la blonde, pourtant. Des choses dont elle ne se souciait pas d’habitude, et qu’elle tentait de repousser le plus loin possible, prise au piège par des craintes profondes qui ne cessaient de s’accroître au fur et à mesure que les jours défilaient. Le club d’athlétisme, la remise des diplômes, son avenir, celui de ses frères… Elle était forcée de se remettre en question, mais pas que. Car l’impression de se perdre dans l’accumulation de non-dits la rendait de plus en plus fébrile. Harper n’aimait pas l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait actuellement. Alors, lorsque le lendemain d’Halloween son petit-frère lui raconta en détail le film qu’il avait été voir au vieux cinéma du centre-ville, et qu’il la supplia de louer le DVD pour le revoir encore une fois tant il l’avait aimé, elle ne put se résoudre à refuser. Harper sauta sur l’occasion en prévoyant pour le soir même un moment de détente en famille.

Tout le monde était dans le salon. Mariella se balançait dans le rocking-chair près de la fenêtre, le regard vadrouillant le long des plis impeccables du voilage suspendu à la barre à rideaux, arborant son éternelle mine évaporée, et ses enfants étaient assis sur le canapé. The Nightmare Before Christmas se jouait sur le téléviseur depuis quelques minutes déjà, mais Lilibeth ne trouvait toujours pas d’attrait notable aux images qui défilaient devant ses grands yeux bleus nuancé, et cela malgré tous ses efforts pour faire de cet intervalle un moment particulier. Elle avait ainsi tiré les rideaux et disposé l’écran de façon à ce que tout le monde voie le film sans se dévisser le cou, déposant coussins et couvertures sur les sièges du salon pour plus de confort dans l’ambiance automnale cernant la ville. Elle avait même sorti toutes les friandises qu’ils préféraient des placards pour se goinfrer ! Toutefois, rien n’y faisait. L’atmosphère qu’elle avait voulu recréer, celle du cinéma qu’elle avait côtoyé de nombreuses fois cet été, n’y était pas. Pour se consoler, elle rechargeait ses batteries grâce à la chaleur de ses frères, mais même ça, ça ne semblait pas être suffisant pour l’arracher à ses songes tourmentés. Elle ne rentrait pas dans le film d’animation. Cette histoire lui paraissait futile, ainsi elle perdit le fil dès les premières secondes. Calée entre les jumeaux, Harper posa tout doucement la tête sur l’épaule robuste de Julian, soupirant de lassitude en savourant son odeur boisée. Son petit frère s’était allongé de tout son long sur les genoux de ses trois aînés, gloussant par intermittence à l’écoute des chants du protagoniste, et naturellement, les doigts de sa sœur trouvèrent sa tignasse blonde et épaisse. Elle ne réussissait pas à lâcher prise, elle ne se sentait pas bien. Le goût sucré des fils à la pomme qu’elle avait engouffré dans sa bouche sitôt le paquet ouvert lui avait apporté un bien-être trop bref pour la satisfaire pleinement, et c’est le regard absent qu’elle suivait les tribulations de Jack Skellinghton. Il manquait quelque chose à ce tableau, tenta-t-elle de se convaincre pour déculpabiliser d’avoir mis en place toute cette mascarade.

« Du pop-corn ! » lança-elle à haute voix en se redressant d’un sursaut, se souvenant miraculeusement de toutes les fois où elle avait regardé des films avec Jamie. Elle avait trouvé la parade parfaite pour se dérober du spectacle offert par le squelette animé. Ethan tomba par terre dans une roulade sonore, provoquant le rire tonitruant de l’assistance « Lilibeth, ça fait mal ! » s’offusqua le petit dernier en se relevant rapidement, se frottant les fesses. Harper prit une mine à peine désolée en s’extirpant du canapé « Pardon, petit mec ! Prends ma place, je vais voir si on a quelque chose pour faire du pop-corn. » Elle déposa un bisou furtif sur sa joue, replaçant le plaid douillet sur ses genoux noueux. Harper fit tout son possible pour éviter les œillades suspicieuses des jumeaux, car ils n’étaient pas sans savoir que leur sœur détestait le pop-corn. Et dans une tentative de paraître sereine, elle attrapa un autre fil sucré qu’elle avala en une bouchée.

Frissonnant au contact de l’air plus frais dans cet endroit de la maison, Harper s’enveloppa dans un gilet très épais suspendu à la patère de l’entrée, puis marcha jusqu’à l’évier de la cuisine. Posant ses deux paumes sur le rebord, elle souffla longuement et bruyamment, chassant tout l’air de ses poumons pour se détendre, en vain. Les chants faussement joyeux du héros du film n’avaient fait que l’angoisser davantage. Ce sourire mi-Halloween mi-Noël, cet enchevêtrement d’images burlesques, lui faisaient froid dans le dos et avec du recul, elle se demandait bien comment elle avait pu accepter de laisser Ethan regarder ce qui lui donnerait probablement des cauchemars les nuits prochaines. En face de la fenêtre donnant sur la rue, Harper releva la tête, sa frange blond cendré barrant son front. Elle avait besoin de se détendre, d’une manière ou d’une autre. Plissant les paupières en affrontant la luminosité éclatante du dehors, elle s’aperçut que des gouttelettes parsemaient la surface lisse de la fenêtre qu’elle observa un long moment, dans l’espoir naïf d’y trouver un peu de félicité. Derrière la barrière d’eau floutant le carreau, elle aperçut une silhouette qui ne lui était pas inconnue, et derechef, un sentiment d’allégresse inattendue remonta le long de sa colonne vertébrale.

En voyant Andie Lloyd traverser la rue, Harper se redressa de toute sa taille, s’attendant à ce qu’elle emprunte l’allée de la maison des Pritchard pour venir lui rendre visite. Ses illusions s’envolèrent aussi vite qu’elles furent venues lorsqu’elle s’aperçut qu’Andie continuait son chemin à travers la banlieue d’un pas étonnamment déterminé, traînant quelque chose derrière elle. Harper plissa davantage les yeux, approcha son visage de la vitre. Elle se courba au-dessus de l’évier, et dubitative, elle murmura pour elle-même « Qu’est-ce qu’elle... » A la limite du désespoir, cherchant une échappatoire, Harper fit brusquement volte-face, et s’élança dans le hall d’entrée pour sortir de chez elle.
Faisant passer son gilet au-dessus de sa tête pour se protéger du mauvais temps, Harper progressa sur plusieurs mètres dans l’allée humide. Mouillant ses chaussons, elle vint à la rencontre d’Andie, qui continuait d’avancer avec sa valise aussi bruyante qu’un orage d’été « Lloyd ! » l’appela Lilibeth pour attirer son attention. Sa voix ne s’éleva pas très haut par-dessus le bruit du vent, de la pluie et de la valise d’Andie. Elle s’arrêta à bonne distance de la boîte aux lettres en criant, cette fois-ci « Andie ! » Son couvre-chef de fortune retomba fixe sur ses épaules, les gouttes d’eau ricochèrent sur son crâne. Avec pointe de curiosité, ses yeux désignant la valise de la jeune fille, elle ajouta « Tu fais quoi avec ta valise ? Tu pars en voyage ? »
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyDim 6 Oct - 23:38

Grelottante, Andie motivait sa cadence en pensant à toutes les bonnes choses qui l'attendaient au Texas. Là bas le vent ne vous chassait pas à coup de bourrasques et la chaleur de l'été était véritablement étouffante. Ses camarades partageaient les mêmes goûts qu'elle pour le risque et les attitudes décomplexées. Elle pourrait revoir Margaret la vache bloquer la circulation et conter à Mr. Carr toutes les horreurs qu'elle avait subies à la ville, comme lui-même lui avait conté ses exploits de guerre. Elle était pourtant intimement persuadée qu'il la chasserait à coups de pieds pour la punir de sa lâcheté, et ce même s'il levait rarement son derrière de son rocking chair. Il la traiterait de pétocharde et rirait d'un rire nerveux qui trahirait sa déception. Mais Andie s'en fichait. L'incident de la grange abandonnée n'en était qu'un parmi d'autres. Et même si au départ elle était résolue à passer outre les méchancetés qu'on avait bien pu lui faire subir ces dernières semaines, elle avait fini par venir à bout de ses réserves de hardiesse texane. Elle n'avait pas peur des coyotes ou des crocodiles, elle aurait même pu affronter les deux à la fois si sa survie en dépendait, mais seule contre un troupeau de hyènes enragées elle n'avait aucune chance d'en sortir vivante. C'était bien la première fois qu'elle avait fait preuve de lucidité. Andie savait remettre à sa place un garçon trop irrespectueux mais elle avait beaucoup trop de mal à savoir comment réagir lorsque son honneur était en jeu. De toute évidence la vie essayait de lui transmettre un message : elle essayait de lui faire comprendre avec un peu trop de cruauté peut-être qu'elle n'était pas à sa place. Si elle s'était accrochée si longtemps, c'était pour l'unique but de faire la fierté de ses parents en mettant toutes les chances de son côté pour obtenir une bourse d'études, mais peut-être que tous ses efforts n'en valaient pas la peine. Peut-être qu'elle avait cru rêver de cette nouvelle vie mais qu'en réalité elle n'en avait pas l'étoffe. Peut-être qu'elle était faite pour se salir les mains à la ferme et non se les faire vernir par quelqu'un qui la méprisait foncièrement.

Comme si ce n'était pas assez, le vent soufflait dans sa direction et rendait son fardeau encore plus lourd. La valise qu'elle trainait sur le sol faisait un boucan monstre qu'elle n'entendait même pas tant ses oreilles bourdonnaient. Le pire c'était qu'elle n'avait pris que le strict minimum : toutes ses chaussures, un chapeau, un short et un débardeur. Non Andie n'avait jamais été une fille très prévoyante et cette escapade était au moins la preuve que malgré les apparences elle demeurait la même fille que celle qui s'était émerveillée de la moindre parcelle de cette ville à son arrivée. Elle n'avait même pas laissé une note sur son lit pour prévenir ses parents. Elle avait juste cru bon de boucler ses affaires et de marcher sous un déluge jusqu'au sud du pays. L'Ohio c'était trop sophistiqué pour elle. Trop de courbettes, trop de règles, trop de maquillage et de bonnes manières. Cela faisait au moins un mois qu'elle n'avait prononcé aucun gros mot, parce qu'on l'obligeait à se laver la bouche au savon autrement. Peut-être avait-elle eu tort d'écouter Brittany. Sa descente aux enfers avait commencé depuis qu'elle était passée aux yeux des autres de la fermière arriérée à double menace pour l'élite. Belle et douée en danse, c'était un cocktail qui aurait pu fonctionner si elle avait eu un soutien quelconque. Sauf que Cissy était partie étudier à l'université et Nina terminait le lycée dans un pensionnat strict à l'autre extrémité du pays. Force était de constater qu'elles étaient ses seules amies à McKinley, les seules susceptibles de la défendre et de la hisser au sommet au lieu de vouloir lui semer des obstacles lors de son ascension.

Oh et il y avait Harper également. Mais Harper était différente. Elle était comme un chat grognon qu'on attrapait et auquel on faisait des câlins tandis qu'il rêvait pas si secrètement de s'enfuir le plus vite possible. Oui c'était sûr, si elle devait être un animal elle serait un chat. Andie pensait d'ailleurs tellement à elle qu'elle la voyait s'exprimer à grands cris sur le bord du trottoir d'en face. C'était fini, elle allait attraper une pneumonie et mourir comme une lâche qui se fait la malle pendant la bataille : dans des conditions ridiculement horribles. Puis elle réalisa qu'elle ne rêvait peut-être pas. Non, elle ne rêvait définitivement pas. Ce genre de sarcasme son imagination n'était pas capable d'en produire. "Je rentre chez moi." répondit-elle sans s'arrêter. Elle dégagea une mèche de cheveu qui s'était collée à sa joue et reprit la marche. "Pas chez moi ici, non. Chez moi au Texas. Tu pourras me rendre visite quand tu veux. Je t'enverrai une carte postale avec l'adresse." Elle se figea enfin et immobilisa sa valise roulante. Le vacarme du vent s'arrêta soudain, bizarrement. "Ici il fait trop froid et les gens se battent de façon déloyale. J'aime pas." Difficile de faire la différence entre les larmes potentielles qui avaient roulé sur ses joues et les gouttelettes de pluie qui s’y étaient amoncelées. C'était de la bruine, la pire de toutes. Un peu comme Regina. Elle vous semblait tomber innocemment et vous inspirait une confiance telle que vous baissiez votre garde. Puis deux heures plus tard vous réalisiez que votre pantalon était trempé et qu'un virus quelconque avait certainement réussi à s'inoculer quelque part. Déloyale. Au moins au Texas quand il pleuvait c'était pas pour faire semblant. "Allez j'ai encore de la route. A bientôt." assura-t-elle en agrippant à nouveau la poignée de sa valise.
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Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyJeu 10 Oct - 12:05

Apercevoir Andie qui traversait la route avait poussé Harper à s’échapper momentanément, oppressée par l’atmosphère calfeutrée de la maison plongée dans la pénombre. L’air frais du dehors dégageait les odeurs singulières de l’automne. La fine pluie tombant du ciel accentuait les saveurs de cette fragrance agréable, entre l’effluve âpre des feuilles tombées des arbres au début du mois d’octobre et celle de l’asphalte humide qu’elle foula avec souplesse. La bruine flouta son champ de vision lorsqu’elle dévala les marches du perron, et elle s’abrita sous sa grosse laine, se concentrant sur la silhouette mouvante qu’elle distinguait à peine à travers les trombes d’eau qui se déversaient devant elle. La morsure de l’air sur son visage rond la réveilla instantanément. Harper respira à pleins poumons pour se ragaillardir, se débarrassant temporairement des divers soucis qui la tracassait, puis sans y réfléchir, sans fermer la porte d’entrée derrière elle, elle courut jusqu’à la boîte aux lettres et appela Andie à grands cris.

Peu de personnes étaient importantes pour Harper. Elle n’accordait pas d’attention aux autres, amère quant à la considération inexistante dont sa famille avait injustement hérité au cours de ces dix dernières années. Andie faisait partie des gens qui faisait naître en elle un sentiment d’intérêt, toutefois, et ce pour une raison toute simple : Harper l’aimait bien. Elle aimait bien cette petite dose d’innocence, cette frivolité rafraîchissante pas malsaine pour un sou tant elle était pure et naïve, qu’elle apportait à son quotidien. C’est pour cela que, rongée par des interrogations fondées sur le comportement — pas si étrange que ça pourtant — de sa camarade de classe, elle s’arrêta graduellement dans le but de la questionner, visiblement inquiète. Dès lors que la blonde tourna son joli visage dans sa direction, Harper sut qu’il y avait un os. Même à cette distance elle voyait que la lueur d’enthousiasme exacerbé qui habituellement illuminait son regard n’était plus. Pour la première fois, Harper distingua quelque chose ressemblant étrangement à de la tristesse au fond des iris d’Andie Lloyd.
Elle rentrait chez elle. Lilibeth s’apprêtait à accepter mollement cette réponse, pensant tout d’abord que la Texane rentrait chez ses parents, mais son ajout précis lui fit entrouvrir la bouche de stupeur. Elle rentrait au Texas. Harper rabattit brusquement les pans de son gilet sur sa poitrine, chassant avec mauvaise humeur les gouttes d’eau rebondissant sur son crâne blond. Elle suivit Andie d’un regard étourdi pendant qu’elle reprenait sa marche. Dans une tentative touchante de comprendre toute seule, elle chercha à mettre des mots sur la tristesse qu’elle avait entraperçue dans les yeux de la blonde mais ce fut un échec. Harper resta un instant sur place, hébétée, avant de s’agiter vivement et de s’élancer immédiatement à sa poursuite, s’essuyant le visage avec ses manches.

La pluie s’intensifiait, le bruit aussi. A contre-sens des bourrasques qui reprirent de plus belle, Harper avait des difficultés à entendre la voix d’Andie. Elle avait froid aux pieds, pataugeant en chaussons dans les flaques froides à crever, mais ça ne l’empêcha pas d’accélérer la cadence pour mieux discerner les propos de son amie. D’ailleurs, ces derniers lui provoquèrent un sourire goguenard. Tout en toisant la tenue d’Andie qui lui faisait dos, Harper constata que la longueur de la robe qu’elle portait n’était pas appropriée pour une soirée d’automne comme celle-ci. Elle s’empressa donc de partager ses pensées avec elle « Bah, on n’a pas idée de s’habiller aussi court en novembre… » lui répondit-elle d’un ton railleur.
Aussi, Andie lui dit à bientôt. Harper n’hésita pas une seule seconde. Prise de panique, elle perdit le sourire et fonça tête baissée pour se jeter devant elle, les bras écartés « Wow, tout doux, Jolly Jumper ! » Elle tendit les mains pour la stopper. Harper plissa fort les yeux dans un effort de concentration peu coutumier « Tu comptes rentrer au Texas à pied ? T’as une idée de la distance que tu vas devoir parcourir ? T’as de l’argent au moins pour te payer une chambre d’hôtel ? Et la nourriture, t’y as pensé ? Ils sont au courant tes parents ? » l’assomma-t-elle délibérément de questions. De plus en plus perplexe, Harper marqua un temps. Ses yeux firent la navette entre le visage d’Andie et sa valise. En coulant un regard discret à ses traits brouillés par la pluie battante, elle remarqua les traces qu’avait laissées le sel sur ses joues. Son mascara avait coulé, le bout de son nez était tout rouge. Ces détails lui firent pincer la bouche, peinée, et baissant très lentement les bras, elle reprit avec une certaine douceur mais en haussant sensiblement la voix pour couvrir le vacarme « Tu veux pas m’expliquer ce qui s’est vraiment passé ? » Elle arbora soudainement un air dégoûté. Comme si on agitait une bouse de vache sous ses narines, elle fronça le nez « C’est de la faute de Gabriel ? » Un frisson lui parcourut l’échine. Pour cacher ce sursaut fugace dû à la répulsion que lui inspiraient les histoires d’amour de ses comparses, pris-t-elle comme excuse mentale, elle contourna la blonde « Il t’a fait du mal ? » lui demanda-t-elle, déjà prête à aller piétiner gaiement les bijoux de famille du scélérat. Souviens-toi de la dernière fois, lui intima une petite voix, tandis que le visage tordu de Larry Faithorn, les mâchoires claquantes et les yeux exorbités, apparut brutalement devant ses pupilles.
Exerçant une pression bourrue sur l’épaule d’Andie, Harper se remit aussitôt devant elle. Elle étira de nouveau son gilet au-dessus de sa tête, tentant d’élargir au maximum son substitut de parapluie « Viens dessous ! » Elle attendit quelques secondes « T’aimes le chocolat chaud, Andrea ? Rentre avec moi, je vais te faire goûter à ma recette secrète… » susurra-t-elle après un instant tout en remuant facétieusement les sourcils et agrandissant davantage l’espace au-dessus d’elle.
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyVen 25 Oct - 22:44

Andie savait pertinemment que fuir était la seule solution. C'était le seul moyen de ne pas devenir l'ombre d'elle-même : une fille qu'elle n'avait jamais entraperçue, pas même lorsqu'elle subissait les remontrances de ses parents à cause des trous dans ses vêtements. Malheureusement elle laisserait à Lima une innocence qu'elle n'était pas certaine de pouvoir récupérer. A peine un an plus tôt elle était encore une enfant, loin de se figurer que la vie réservait aussi son lot de mauvaises surprises et de déceptions. Lima lui avait pris son âme, l'avait souillée puis lui avait rendue comme un vulgaire mouchoir tâché d'amertume. Plus jamais elle ne pourrait se réveiller le matin sans penser à ce qui l'attendait, sans se soucier de ne pas se coucher dans le même état d'esprit le soir. Ses parents ne lui en voudraient pas d'avoir plié bagages. Ils la soutiendraient sans doute, parce qu'ils ne supportaient pas de la voir être une adolescente comme les autres, complexée et consciente de la cruauté du monde qui l'entourait. Elle s'installerait de nouveau au Texas, demanderait l'asile à un vieux fermier mal en point en échange de quelques services et finirait par reprendre son affaire, une fois qu'il réaliserait quelle fille adorable elle pouvait être. Du moins c'était l'impression qu'elle faisait sur les gens en général mais de toute évidence par sur ceux qui voyaient en elle plus que ce qu'elle ne pourrait jamais être. Andie n'était une menace pour personne, Cissy l'avait bien compris et avait joué les bonnes cartes. Regina en revanche n'avait pas cette même lucidité et cette compétence. Mais elle avait gagné. Andie capitulait et elle n'avait pas honte de dire que, pour une fois dans sa vie, elle avait décidé de se plier face à la défaite. Elle ne regretterait rien de toute manière. Si ce n'était Harper, qui lui enverrait une carte postale de toute façon et qu'elle pourrait ajouter sur Facebook, le jour où elle saurait s'en servir. A Lima on la méprisait parce qu'elle refusait de rentrer dans les rangs. Ou parce que c'était inhérent à leur personnalité, ce mépris pour la campagne et ses gens. Elle qui avait toujours mis sur un piédestal la ville comprenait pourquoi on l'avait mise en garde et pourquoi cette rivalité ne fonctionnait pas à sens unique. Elle avait été bête de croire qu'elle pouvait être l'exception à cette règle.

Tête baissée, Andie traina sa valise sur quelques centimètres avant qu'un obstacle ne lui barre le chemin. Ce n'était pas Margaret en tout cas, pas déjà. C'était Harper qui, les bras écartés, l'empêchait de s'aventurer plus loin. Décidément ce n'était pas la première fois qu'Andie lui rentrait littéralement dedans, mais elle avait l'intuition que cette fois elle ne la blâmerait pas pour son manque d'attention. "Oui j'ai regardé une carte mais c'est pas grave. Il me faudra moins de temps pour y arriver que pour avoir la moyenne en biologie." se défendit-elle en haussant les épaules. "Et t'inquiète pas, j'ai tout prévu. Je deviendrai fille de ferme comme ça je serai nourrie et logée. Sinon il reste M. Carr. Ou je me cacherai dans notre ancienne grange et piquerai des morceaux de tarte sur le rebord de la fenêtre. Un raton laveur a vécu vachement longtemps comme ça chez nous." dit-elle en opinant du chef. Il était tellement mignon ce raton laveur, mais une sale teigne. Il avait failli mordre son père lorsqu'il avait décidé de le chasser à coup de pelles. Il avait eu du mal à s'enfuir avec son gros bide plein de tarte, mais finalement il avait cédé. "Mes parents je les appellerai." conclut-elle. "Tu crois qu'ils m'auraient laissé m'enfuir au Texas à pieds avec ma valise ? Un indice : non." Puis elle reprit sa course en contournant Harper, comme les voitures le faisaient chaque fois lorsque Margaret s'échappait de son pré. Même si Harper n'avait rien de comparable avec elle.

L'intérêt qu'elle percevait dans la voix de son amie la força à s'immobiliser. Pour une fois que la blonde, d'ordinaire si impassible à toute émotion humaine, semblait ressentir une certaine empathie, elle n’allait pas lui tourner le dos. Le nom de Gabriel éveilla encore quelque chose en elle. Ce pauvre Gabriel, elle l'aurait presque oublié. Il fallait dire qu'il se faisait discret dernièrement. Il semblait si peu intéressé par leur marché qu'elle n'avait pas osé l'inviter au bal d'Halloween. C'était la preuve même qu'elle avait définitivement changé : elle se souciait bien trop des conséquences de ses actes. Elle ne voulait plus avoir à réfléchir avant d'agir. C'était beaucoup trop lourd à supporter. "Oh non, pas Gabriel." répondit-elle en hochant la tête. "On fait juste semblant, c'est..." Elle s'interrompit soudain, une main plaquée devant la bouche. La voix accusatrice de Cissy résonnait dans sa tête. Quelle idiote tu fais, disait-elle. Harper avait eu raison de la traiter de débile ce jour là à la gare. Elle méritait ce titre. Mais Harper n'était pas de ce genre de fille à la réprimander parce qu'elle n'agissait pas comme on voulait qu'elle le fasse. A la place elle étira son gilet pour l'abriter de la pluie et lui proposa même du chocolat chaud. Comment refuser ? Andie n'avait même pas noté qu'elle l'avait appelée par son véritable prénom, comme si elle avait voulu rendre ce moment plus solennel qu'il ne l'était déjà. La texane se contenta de hocher la tête en guise d'approbation. Après tout elle n’était pas à une halte près.
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptySam 26 Oct - 21:24

Harper aurait dû être rassurée. Entendre Andie répondre à ses questions avec autant d’aisance lui prouvait qu’elle avait tout calculé, à la retenue près, et qu’elle ne courrait pas tout droit dans les filets du danger. Sauf qu’au contraire, percevoir si clairement les intentions de la jeune fille qui lui avait apporté une réponse à chaque tracas énuméré perfidement pour la déstabiliser, au moins assez pour la faire changer d’avis, fit naître en Harper un sentiment très étrange, presque désagréable, d’anxiété. Elle s’imagina déambuler dans les couloirs de WMHS dès le lundi suivant et ne pas croiser la Texane à l’angle de la rangée de casiers, et elle comprit soudain qu’elle lui manquerait beaucoup si elle partait. Andie hors de la ville, c’était l’assurance de retrouver définitivement ce monde qui devenait de plus en plus hostile aux yeux de Lilibeth. Il lui restait Jamie, mais ce n’était pas la même chose, car Andie venait d’un monde différent du leur, totalement à part, et c’était ça qui était rafraîchissant. De savoir qu’il y avait des gens qui ne partageaient pas son fardeau et qui vivaient une vie dénuée de problèmes aussi lourds à porter que les siens. Cette preuve d’un monde sans souci, presque parfait, Harper en avait vraiment besoin et il semblait qu’elle n’était pas prête à laisser filer sa meilleure ambassadrice.
Pourtant, elles ne passaient pas de temps ensemble, Andie préférant de loin la compagnie des reines du lycée. Harper la comprenait fort bien. Elle était parfaitement consciente de son caractère de cochon et savait en plus qu’elle n’était pas la fille la plus fun de l’univers. Si elle était douée pour les études, pour ce qui était des activités extrascolaires, elle avait des tas de choses à apprendre. Elle se complaisait dans le confort de la maison de famille entourée par sa mère et par ses frères, parfois de la voisine qui venait apporter des restes de ses mets épicés, ou des rares personnes qui avaient le droit de passer le seuil de la porte. Même si, à son grand étonnement, elle aurait aimé copiner davantage avec Andie, elle n’était pas pour autant jalouse de la voir évoluer dans une case à part, une case qui n’était définitivement pas la sienne. Ça lui faisait plaisir de la voir aussi bien intégrée, car elle n’était pas sans savoir que pour gagner son ticket auprès de la clique des populaires, il fallait au moins vendre son âme au Diable, ce qu’Andie n’avait visiblement pas fait, toujours aussi pimpante et enthousiaste que lors de son premier jour au lycée. Le seul bémol à ses liens étroits avec la relève de Cissy, aurait pu être le fait que Harper avait l’impression que la nouvelle recrue n’était pas traitée à sa juste valeur. Bien des fois, elle avait voulu lui ouvrir les yeux, mais elle avait baissé les bras se rappelant qu’elles n’étaient pas vraiment amies finalement. Aussi, elle gardait un œil discret sur tout ça, conservant ses opinions pour elle, comme plus souvent qu’on pouvait le penser. Si Andrea souhaitait évoluer de cette façon, qui était-elle exactement pour la juger ?

C’est sur cette pensée qu'elle ne releva pas lorsqu’elle lui avoua faire semblant avec Gabriel. Harper était soulagée de ne pas être obligée d’écouter les lamentations d’une fille au cœur brisé en mille morceaux, elle ne le niait pas. Ça les regardait s’ils vivaient une relation biscornue après tout. Au lieu de la gratifier d’un jugement malvenu, elle lui proposa plutôt de la rejoindre sous son gilet tendu au-dessus de sa tête et de venir boire un chocolat à la maison pour se réchauffer.
Se serrant un peu sous l’étoffe humide, Harper aida Andie à faire avancer sa valise, réfléchissant aux raisons qui auraient pu la pousser à vouloir rentrer au Texas. Seulement, son cerveau endolori ne l’aidait pas à y voir plus clair… Ou alors était-ce son manque d’expérience ? Elle ne savait pas, et ne chercha pas à défaire le nœud du problème, traînant toujours cette apathie exceptionnelle ce jour précis. Une fois arrivée près de l’escalier du perron de chez elle, la silhouette massive de Julian apparu à l’encadrement de la porte qu’elle n’avait pas fermée en sortant précipitamment  et sans attendre, il se dépêcha pour venir leur prêter main-forte, empoignant la valise pour la poser à l’intérieur. Harper attrapa la main d’Andie et grimpa la montée, sauta sur le tapis et poussa la porte qui se referma d’un coup sec. Elle enleva ses chaussons humides, secoua ses longs cheveux blond cendré humides eux aussi, et dit à son frère :

« J’ai récupéré une naufragée. » D’un simple regard, Harper indiqua à Julian qu’il ne devait pas poser de questions. Il opina du chef et sans plus de cérémonie, tourna les talons pour rejoindre le salon. Sa sœur l’entendit rassurer le plus petit qui s’inquiétait de sa longue absence et quand ce dernier jeta un œil dans le hall d’entrée, elle croisa son regard déçu. Mais aussi vite, elle tira doucement sur le bras d’Andie, s’avançant vers le grand escalier et elle lui murmura en l’invitant à la suivre « Viens, on va se sécher avant le chocolat. Laisse ta valise ici, je dois avoir un truc qui va t’aller dans mon armoire. » Elle lâcha la main de la blonde et elles s’engagèrent sur la première marche pour monter au premier.

Le trajet fut silencieux. Poussant la porte de sa chambre, Harper alluma l’éclairage, puis s’écarta pour libérer le passage à sa camarade de classe « Fais comme chez toi. » la convia-t-elle naturellement en se dirigeant vers une porte qui menait directement à la salle de bain. Assez grande, sa chambre avait gardé la même couleur jaune coquille d’œuf de son enfance. Une étagère et un mur entier était destiné à ses trophées et ses médailles obtenues au cours de son parcours dans l’équipe d’athlétisme, depuis ses tout débuts jusqu’à l’année dernière, et quelques photos étaient déposées sur sa commode, dont une mise bien en avant et qui montrait son père tenant sa fille dans ses bras quelque temps seulement avant son départ pour l’Irak. Une chambre banale d’adolescente, sans artifices, avec son lit, son bureau en désordre où un vieil ordinateur portable à l’écran dépouillé trônait en plein milieu et ses livres de cours encore ouverts, ses copies éparpillées… Et tous les petits secrets qu’elle préservait sous une lame défoncée du plancher. Revenant de sa courte excursion dans la salle d’eau, elle lança à la volée une serviette éponge à Andie, tout en se séchant les cheveux avec une autre qu’elle avait pris pour elle, et eut un petit sourire compatissant à son attention. Puis, ayant terminé de se frictionner le crâne, Harper se tourna en déposant sa serviette sur sa chaise de bureau et ouvrit la porte de son placard. Farfouillant en plissant les paupières pour trouver une tenue, elle consentit une seconde plus tard à ouvrir la bouche :

« Tu peux me parler, tu sais. Je m’en fiche. » L’histoire de désamour entre le tact et Harper n’avait pas fini de faire des dégâts. Elle regretta pour la première fois de sa vie peut-être d’être aussi peu diplomate, car elle ne voulait pas blesser Andie. Se redressant pour faire bonne figure, elle fureta du bout des doigts dans sa penderie et détacha, d'un cintre en bois, une chemise à carreau bleu claire. Calmement, elle reprit « Enfin, je ne m’en fiche pas. Je veux dire que s’il t’est arrivé quelque chose de grave ou quelque chose dont tu as honte, t’as rien à craindre. Tu peux me le dire, parce que… parce que je m’en fiche. » Elle tira abruptement sur un jean brut usé, troué aux genoux, pour le libérer des autres vêtements et soupira encore plus fort. Ce n’était toujours pas clair, même pour elle. Refermant les portes de son placard, elle s’approcha d’Andie, lui tendit ses vêtements, et tout en s’asseyant en tailleur au bord de son lit, elle chercha un moyen habile pour se sortir de la gêne qui commençait peu à peu à s’emparer d’elle. C’était dans ces moments-là qu’elle était convaincue de ne pas être taillée pour avoir beaucoup d’amies filles : elle était tellement peu douée pour leur parler. Et d’un coup, faisant craquer nerveusement les jointures de ses doigts, elle lança « Je peux t’aider à avoir la moyenne en biologie. J’aime bien la biologie. » Harper haussa timidement les épaules en se mordant l’intérieur de la joue et détourna le regard, peu convaincue que passer du coq à l’âne soit très bien vu dans le monde mystérieux des vraies filles.
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptySam 9 Nov - 1:40

Si Andie n'était pas si candide elle aurait sans doute réalisé l'honneur que lui faisait Harper en la conviant chez elle. Sauf que pour la texane cette invitation n'était qu'un luxe qu'elle se payait avant de reprendre sa route, une fois réchauffée et requinquée. Son esprit déjà innocent à la base se voyait davantage engourdi par le froid qui lui mordait les tempes. Impossible pour elle d'accueillir le geste de Harper - le parapluie de fortune sous lequel elle l'abritait aurait pu symboliser tant de choses - comme un véritable gage d'amitié. Andie aurait même dû s'en vouloir. Elle avait bien plus de choses en commun avec Harper qu'elle n'en avait avec Regina, et au fond elle était loin de se demander si elle était véritablement digne de cette soudaine attention. Peut-être bien, finalement. Andie avait la fâcheuse tendance à considérer tout le monde comme s'il existait qu'une seule catégorie de personne : celle qui l'appréciait telle qu'elle était. Lorsqu'elle était confrontée à des rocs comme Harper elle ne vacillait pas, bien trop ingénue pour se rendre compte de l'effet qu'elle produisait véritablement sur les gens. Difficile alors de se rendre compte de l'hypocrisie avec laquelle on lui tendait la main, pour elle qui croyait faire mouche à tous les coups. Dans le monde fabuleux d'Andie Lloyd elle était donc bel et bien digne de la moindre marque de sympathie.

Sous son abri de fortune, Andie peinait à échapper aux quelques gouttes vicieuses qui, légères, se laissaient emporter par les bourrasques. Avec sa discrétion légendaire elle entreprit de laisser glisser la valise sur les escaliers du perron lorsqu'on l'en empêcha. Surprise elle leva les yeux, découvrant alors celui qui devait être le petit frère de son amie et qui avait déjà posé son bagage dans l'entrée. Parvenue dans le vestibule, Andie s'ébouriffa les cheveux tout en faisant vibrer sa bouche dans un bruit ridicule. Elle remarqua alors toute la petite famille réunie dans le salon et pour une fois, eut presque honte d'être dans la situation dans laquelle elle était. Ce sentiment aussi inhabituel que troublant ne tarda pas à être éclipsé par toute cette chaleur qui émanait de ce tableau d'intérieur. Andie avait toujours rêvé d'avoir un frère... ou une sœur. Elle s'en fichait bien, du moment qu'elle pouvait partager tous ses exploits et ses expériences avec. C'était peut-être pour cette raison qu'elle avait tendance à accorder une confiance aveugle à des gens qu'elle connaissait à peine. Elle ressentait foncièrement ce besoin presque impérieux d'entrer dans la vie des autres et de s'y faire une place, comme un membre de la famille. Elle trouvait le vacarme qu'elle produisait seule bien peu stimulant, ni pour elle ni pour ses parents. Mais elle se gardait bien de leur dire que malgré tout l'amour qu'on lui portait et qu'elle portait aux autres en retour, elle avait la désagréable impression qu'il manquait toujours quelque chose à son bonheur.
Elle leur adressa un signe timide de la main, un sourire à la fois gêné et sincère dessiné sur les lèvres. Elle se sentait déjà beaucoup mieux.

Un instant plus tard elle s'engageait dans les escaliers, à la suite d'Harper. Elle entra dans la chambre de cette dernière et se figea dans un coin, comme la fillette réservée qu'elle n'était absolument pas. Harper, quant à elle, avait déserté la chambre pour chercher quelque chose sans doute. Si Andie était si silencieuse, c'était avant tout parce qu'elle détaillait avec une attention rare les moindres recoins de la pièce. Ce n'était pas la première fois qu'elle était conviée dans la chambre d'une amie, elle avait passé la nuit chez Cissy une fois, mais contrairement à celle de Cissy la chambre d'Harper lui ressemblait véritablement. Il n'y avait pas d'artifice, pas de détail disposé exprès pour évoquer un trait de caractère. C'était tout le contraire. Sa chambre semblait façonnée à son image, mais d'une façon totalement intuitive. Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas le retour d'Harper et parut se réveiller instinctivement lorsqu'une serviette fonça sur elle. Elle l'attrapa à la volée et se sécha les cheveux à son tour, sans se soucier de savoir si elle allait finir avec une tignasse abominable.
La voix d'Harper la tira instantanément de ses rêveries. Andie se déconnectait souvent de la réalité et elle avait eu l'impression d'imaginer cette scène d'un point de vue totalement objectif. Elle réalisa alors que son amie avait raison et qu'elle faisait bien de souligner son silence. Pourtant Andie aurait juré que Harper chérissait les instants où elle ne l'accablait pas de ses théories bancales sur les animaux ou sur ses anecdotes de campagnarde. En vérité, Harper l'intimidait. Malgré elle une barrière s'était érigée entre elles depuis l'incident de la gare, et ce même si la fin avait été heureuse. Andie était crédule mais elle voyait bien qu'elle ennuyait les gens parfois et elle avait du mal à comprendre pourquoi Harper était si prévenante avec elle alors qu'elle semblait parfois si distante. Toutes ces relations humaines c'était bien trop compliqué pour elle, et c'était bien la raison pour laquelle elle tendait à considérer pareillement toutes les personnes de son entourage. Elle n'était pas un caméléon, elle était juste elle-même en toutes circonstances.

C'était un moment exceptionnel qui méritait sa commémoration : Andie ne savait pas quoi dire. Elle écoutait passivement Harper s'expliquer et empoignait les vêtements qu'elle lui tendait comme si elle venait de perdre sa langue. Sans la moindre pudeur elle ôta sa robe, non sans mal, et enfila d'abord le jean que lui avait prêté Harper, manquant à plusieurs reprises de se prendre les jambes l'une dans l'autre. "Ah oui ?!" s'exclama-t-elle lorsque Harper lui confia pouvoir l'aider en biologie. Elle boutonna sa chemise et reprit. "Mais c'est pas que la biologie en fait. Je suis défaillante presque partout. Tu ferais mieux d'apprendre à un coq comment aboyer." dit-elle le nez froncé. Une fois dans ses vêtements secs elle prit ses aises sur le lit d'Harper, couchée sur le ventre. "C'est Regina." lança-t-elle comme si Harper était censée savoir de quoi elle voulait parler. "Cette fille pourrait commencer une bagarre dans une maison vide. Elle a tout dans le chapeau, rien dans le bétail." La country girl était de retour. "Tu dois te dire que j'le mérite, j'ai bien choisi d'intégrer les Cheerios après tout. Sauf que c'est pas ça. Il se trouve que je suis douée là dedans. Et ça ça compte, contrairement au lasso ou au rodéo." conclut-elle en se redressant et prenant une pose plus décente. Harper comprendrait sans doute. Après tout l'athlétisme c'était sa danse à elle. Et elle en était privée.
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Harper E. Pritchard
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Age : 20 ans
Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
Humeur : Déstabilisée
Statut : En couple avec Jamie Ainsworth
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptySam 9 Nov - 17:08

Andie s’installa sur le lit de Harper, s’étendant sur le ventre, parfaitement à son aise et sèche. Sa crinière blonde était aussi ébouriffée que celle d’un lion après qu’elle ait vigoureusement frotté son crâne avec la serviette qu’elle lui avait lancée plus tôt. Harper laissa échapper un sourire, un peu tordu tant il était rare qu’elle se laisse aller à le faire aussi spontanément, amusée de la voir dans un état qui reflétait plus sa vraie nature que quand elle portait ses belles robes et son maquillage. Cherchant dans sa mémoire un moment au cours de sa vie où elle avait pu prétendre à une discussion entre filles comme celle-ci, Harper se leva brusquement de sa place, dépliant ses jambes de sous elle, en pointant que cela ne lui était jamais arrivé auparavant ce qui fit naître en elle un soupçon de morosité inhabituel concernant ce sujet.
Elle se dirigea vers une étagère pleine à craquer de livres. Plissant exagérément les paupières en étudiant la tranche des bouquins s’entassant les uns à côté des autres, elle nourrit l’illusion de trouver parmi ses vieux exemplaires de Chair de Poule le guide de la bonne copine. Jusqu’à présent, on la voyait surtout comme un bon copain et c’était quelque chose qu’elle aimait beaucoup, pas vraiment du genre à s’offusquer qu’on la gratifie de tape dans le dos ou de sobriquets peu flatteurs, loin de là ! Pas besoin de faire dans la délicatesse quand on côtoyait Jamie Ainsworth qui n’avait définitivement rien d’une princesse, bien qu’il fût un peu douillet lorsqu’elle se vengeait de ses piques toujours très bien ciblées. Élevée avec des garçons, par un homme plus viril tu meurs, Harper n’avait pas en sa possession la diplomatie et l’affabilité qui convenait à la gent féminine dans toute l’image que l’on s’en faisait ordinairement. Elle était brute de décoffrage et pas très distinguée ; si elle pouvait remporter de l’argent en participant à des concours de faux rots, il avait fort à parier qu’elle était la première à s’inscrire ! Elle ne s’étonnait donc pas de ne pas recevoir de candidatures spontanées de la part de jeunes filles fraîches et maniérées pour devenir son amie. En fait, elle vivait très bien le fait d’être une fille à part. Le genre de filles qui n’aurait jamais à se plaindre de ne rien comprendre au fonctionnement mystérieux des garçons, parce que quelque part, elle fonctionnait pareil qu’eux. Elle devait avoir des qualités insoupçonnées de vraie fille, néanmoins, car elle avait fait preuve de beaucoup de gentillesse en évitant à sa camarade de classe de mourir noyée sous une pluie glaciale. Il suffisait qu’elle y mette du sien et qu’elle soit capable de retenir ses sarcasmes le temps d’une simple conversation.

Le prénom de Regina, prononcé par Andie, s’immisça au milieu des pensées profondes de la blonde. Cette dernière se lassa d’espérer que ce fichu guide n’apparaisse comme par magie, et fit glisser de l'étagère le manuscrit écorné du Parc de l’horreur. Elle vint s’asseoir à côté d’Andie tout en feuilletant le bouquin, perdue dans les lignes du récit qu'elle n'avait pas lu depuis longtemps. Harper avait une opinion toute tranchée sur la nouvelle reine du lycée qui n’était pas différente de celle qu’elle avait de Cissy Clark à l’époque où elle régentait encore les tendances au lycée McKinley. Pour Lilibeth, ces filles se ressemblaient toutes ; de vraies succubes. Elles savaient comment s’y prendre pour attirer n’importe qui dans leur filet, et de son avis, c’était dangereux. Elles se jouaient souvent de la sensibilité des gens qu’elles prenaient pour cibles, mais personne ne trouvait leur comportement malsain parce qu’elles étaient jolies et que le rang qu’elles occupaient au sein du lycée faisait partie du bon vieux cliché américain. De quoi laisser perplexe Harper qui avait cessé de se battre contre ces bonnes vieilles traditions depuis longtemps.

« Je l’aime pas vraiment, Regina. » avoua-t-elle à Andie. Elle se réinstalla en tailleur au bout de son lit, posa son livre ouvert dans le creux que formaient ses jambes et l’aplatit pour qu’il tienne bien. Elle ajouta « Je suis désolée. Je sais qu’elle est ton amie mais je la trouve… méchante. » Un comble pour celle qu’on surnommait Harpie dans les couloirs. Elle pinça les lèvres en tentant un autre sourire et rebondit sur les dernières paroles de la Texane « Je pense pas que tu mérites ce qu’elle t’a fait – elle t’a fait quoi, d’ailleurs ? » demanda-t-elle, un sourcil en accent circonflexe. Elle remua la tête, chassant brièvement sa question du tableau, pour reprendre « Je crois juste que si t’aimes vraiment faire partie des Cheerios et tout ces trucs, tu devrais pas attendre que quelqu’un comme Regina t’ouvres la voie. Elle n’acceptera jamais que quelqu’un d’autre qu’elle finisse au sommet de la pyramide. » Elle faillit ajouter qu’Andie était beaucoup trop naïve, qu’elle s’était laissé embobiner par Queen Regina, mais l’épisode de la gare lui revint en mémoire. C’était typiquement le genre de choses qu’elle devait éviter de dire, pensa-t-elle. Elle posa une main sur l’épaule de la jeune fille à la place « Si t’es vraiment douée, tu peux y arriver seule. À part de ton coach et de ton ambition, t’as besoin de rien d’autre pour réussir. » Et elle parlait en connaissance de cause. Son ascension au sein de l’équipe d’athlétisme s’était faite grâce à elle, pas grâce aux autres. Marquant une pause, Harper tourna la tête pour poser son regard sur ses coupes et ses médailles. C’était toujours aussi douloureux. Puis reposant son attention sur Andie, elle secoua gentiment son épaule avec un enthousiasme mi-feint mi-sincère « Tu sais faire du lasso ? Genre, » elle tendit la main en l’air pour mimer l'envol du lasso au-dessus de sa tête et ponctua d’une voix forte et très aiguë « yiiiiiha ! »
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptySam 16 Nov - 0:23

Allongée dans cette position, les pieds battant le vide comme une balançoire en pleine tempête, Andie avait oublié la raison initiale de sa présence. C'était récurrent chez elle, il lui suffisait d'un rien, d'une simple lueur d'enthousiasme, pour tourner une page dans sa vie. La faute à son hyperactivité, mais qui aurait cru que cette maladie comme la considéraient certains pourrait s'avérer si utile dans les moments les plus désagréables ? La pluie avait terminé de battre sur les carreaux de la fenêtre, comme si sa perfidie n'avait plus lieu d'être maintenant qu'elles étaient à l'abri, elle et Harper. Son corps n'avait pas tardé à se réchauffer et, drapée dans les vêtements de son amie, Andie se sentait délestée du poids de sa déception. C'était typiquement ce qu'elle aurait porté si on ne lui imposait pas l'uniforme de Cheerios. C'était le prix à payer pour faire ce qu'elle avait envie de faire ; ce qui lui semblait bon de faire. Elle avait dû renoncer à une partie de son individualité, celle qui se voyait et qui trahissait immédiatement le genre de personne qu'elle était. Troquer sa boucle de ceinture des Dallas Cowboys contre un élastique n'avait pas été si facile, mais elle se rassurait en portant, lorsque le temps s'y prêtait, un chapeau sorti tout droit de sa collection. Elle rêvait aussi d'accorder à son uniforme ses santiags rouges, mais on lui avait formellement interdit de pénétrer dans l'enceinte du gymnase avec, pour des raisons de propreté, avait-on allégué. Elle soupçonnait simplement qu'on essayait de lui soustraire toujours un peu plus de ses origines, mais s'il y avait quelque chose que ces gens ignoraient, c'était qu'on pouvait éloigner tant qu'on voulait une fille du Texas, on ne pourrait jamais éloigner le Texas de la fille.

A son aise, Andie suivait attentivement Harper du regard, son esprit se figeant de temps à autre sur un détail nouveau qu'elle remarquait : un papier de friandise, un livre qui n'était pas à sa place, une prise débranchée. Andie ignorait si c'était ce à quoi devait ressembler une chambre présentable, mais de son avis elle lui paraissait parfaitement ordonnée. Dans la sienne il n'était pas rare de trouver quelques vêtements trainer sur le sol, avant que la main inspectrice de sa mère ne vienne les réunir avec leurs amis dans la corbeille à linge. Elle n'avait jamais sermonné Andie pour sa négligence, peut-être parce qu'elle considérait que c'était le prix à payer pour nier le fait que sa fille avait un problème. L'aimait-elle trop pour la préserver de cette réalité ou au contraire pas assez ? Une chose était sûre, même si le diagnostic devait se faire dans dix ans, Andie n'en voudrait jamais à ses parents d'avoir toujours refusé de la faire suivre. Lorsqu'ils habitaient au Texas elle n'en avait jamais eu besoin, parce que l'énergie qu'elle avait à revendre elle la dépensait à courir sans arrêt ou à vivre Dieu savait quelles aventures.
Lorsque Harper reprit place, Andie se redressa, plus parce qu'elle en avait assez de cette position que parce qu'une voix bienveillante lui avait susurré que c'était une question de politesse. Ce genre de distinction n'avait pas véritablement été une priorité dans son éducation. Elle n'était pas mal polie, juste un peu indisciplinée. Tandis que Harper lui confiait ne pas apprécier Regina et lui prodiguait ses bons conseils, Andie hochait la tête. Elle n'avait rien à redire aux propos de son amie, aussi pouvait-on sérieusement se demander si elle acquiesçait parce qu'elle disait amen à tout ou simplement parce qu'une connexion nerveuse s'était rompue. Elle s'arrêta cependant à la fin de la tirade de son interlocutrice, preuve qu'elle n'était pas si absente que ça. "C'est pas mon amie." lâcha-t-elle sans la moindre once d'animosité dans la voix. Et c'était vrai. Malgré sa crédulité elle n'avait jamais considéré Regina comme une amie. Elle n'était qu'une camarade Cheerios, rien de plus qu'une connaissance avec laquelle elle entretenait une relation tout à fait insignifiante.

"Elle m'a envoyé dans une ferme abandonnée en me faisant croire qu'il y avait une fête. J'ai pas trouvé ça louche en arrivant, je me suis dis qu'on avait voulu faire un clin d'œil aux origines de la nouvelle recrue. Mais y'avait personne." confia-t-elle sans pour autant retrouver cette mélancolie qu'elle avait ressentie en découvrant le pot aux roses. C'était plus que de la mélancolie. Elle s'était sentie humiliée, comme lorsqu'on avait rempli son casier d'épis de maïs. Mais il n'était pas question de s'attarder sur ce mauvais quart d'heure qu'elle avait passé. Lorsque Harper évoqua le lasso comme si elle s'y intéressait véritablement, le cerveau d'Andie s'était retourné, écrasant les mauvais souvenirs de ces dernières heures. Harper savait de toute évidence bien s'y prendre avec elle. C'était soit de l'hypocrisie soit de la pure empathie mais la question ne se posait même pas pour Andie. Elle s'assit au bout du lit et tourna la tête vers Harper. "Ouep, ça fait partie de l'initiation aux cowgirls. Mais j'ai pas tenu longtemps dans la troupe, c'était pourri. Je connaissais déjà tout ça, j'ai appris à monter et à capturer au lasso à cinq ans. J'étais trop petite pour monter un cheval, alors je montais sur un mouton. Tu savais qu'il existe même des rodéos de singes ? C'est trop drôle. J'y suis allée une fois et j'ai pissé de rire dans mon pantalon." Les cowgirls, les animaux, le lasso... tant de choses qui lui manquaient mais qu'elle ne se lasserait jamais d'évoquer aux gens d'ici comme si, pour une fois dans sa vie, c'était elle qui avait la science infuse. "En fait les cowgirls c'est comme des Cheerios du rodéo. Elles font le show entre deux concurrents. Elles sont fortes, mais moi je préférais être dans les gradins. J'ai même un autographe d'une Seahorse de Houston. Je te montrerai si tu veux." Elle parlait trop. Elle était de retour. Et Harper le regretterait sans doute très bientôt.
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Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptySam 16 Nov - 20:09

« Quelle grosse salo – atchoum ! » Harper renifla très (très) fort après avoir éternué. Ah, à traîner sur les parkings, pieds nus et en robe de soirée, on n’en sortait pas indemne. Cet interlude sonore eut le don de projeter son Chair de Poule à ses pieds. Il se referma sur ses pages racornies, perdant le chapitre qu’elle s’était réservé pour plus tard dans la soirée. Frissonnant violemment, Harper retira son gilet mouillé d’un coup d’épaule, puis le posa derrière elle pour finalement se laisser tomber sur le dos. Savourant le contact de sa couette douillette sur ses omoplates tout juste couvertes d’un débardeur à fines bretelles, elle alla s’adosser à sa tête de lit, remontant ses oreillers pour les placer de la façon qu’elle aimait. Et les mains posées sur son ventre, montant et redescendant au rythme de sa respiration entrecoupée par d’autres reniflements très classieux, elle écouta Andie. En définitive, elle avait raison de se méfier de ce genre de filles, se congratula-t-elle. Ce que venait de lui confier la blonde ranima toute l’animosité qu’elle éprouvait pour les populaires de son lycée, ceux qui profitaient ostensiblement de leur statut de star. Harper aurait tellement voulu être celle qui les ferait redescendre de leur piédestal en leur rappelant que toute gloire est éphémère… Elle-même savait de quoi elle parlait. Un goût amer se déposa sur sa langue, et ça n’avait rien à avoir avec tout ce qu’elle avait ravalé après avoir reniflé.
Étendue de tout son long, Harper croisa les chevilles en tapotant la place à côté d’elle pour qu’Andie s’y installe elle aussi, tandis que de son côté, cette dernière lui parlait du pays de Chuck Norris. Elle ne s’était pas attendue à ce que sa camarade de classe parte dans des réflexions poussées sur sa façon d’atteindre les sommets au nez et à la barbe (cette image la fit sourire narquoisement) de Regina Hemingway, car elle était du genre à passer du coq à l’âne sans se soucier du chemin qu’empruntait les conversations. Elle s’y était faite. Parfois, Lilibeth faisait semblant d’être agacée par cette manie déstabilisante, mais elle aimait bien ça. Ça lui donnait une occasion supplémentaire d’être moins sérieuse sans se soucier qu’on se moque d’elle tant c’était exceptionnel de la voir sortir de son carcan habituel – à savoir, son attitude de gardienne de prison constamment de mauvaise humeur. Comment pouvait-elle garder son sérieux en entendant la Texane lui raconter ce genre d’anecdotes de toute façon ? Éclatant d’un rire spontané, Harper bascula la tête en arrière et lança à Andie, rebondissant sur le rodéo de singes « Tu te moques de moi ! Ça doit être illégal ! »

Le sentiment d’oppression qu’Harper avait ressenti en regardant ce film avec sa famille avait momentanément disparu. Oh, elle ne se sentait toujours pas aussi bien que d’ordinaire, il y avait un nœud dans son estomac qui ne demandait qu’à être défait, mais à bout de forces, épuisée par les derniers jours qu’elle venait de passer, par les mauvaises nouvelles et les péripéties qui s’étaient empilées comme la vaisselle sale dans l’évier, Harper ne parvenait pas à tirer assez fort pour s’en débarrasser. La présence d’Andie avait au moins la capacité de canaliser cette angoisse si peu coutumière. Et la jeune fille le savait : si Andie partait, définitivement ou pas, elle finirait par ressentir ce même mal sans jamais parvenir à s’apaiser. Regarder un autre film, écouter de la musique, ou appeler Jamie, ne résoudrait rien, ça ne ferait qu’empirer les choses. Cette constatation douloureuse accentua le goût amer qui emplissait totalement sa bouche désormais.
C’était égoïste de penser de cette manière, se dit-elle. Du moins, d’un point de vue extérieur, car à côté de ce soulagement dont elle se délectait grâce à Andie et ses récits distrayants, Harper s’intéressait vraiment à elle. Il n’y avait aucune tactique, aucune hypocrisie, aucune arrière-pensée dictant la gentillesse avec laquelle elle avait laissé Andie pénétrer dans cette intimité qui était si importante à ses yeux. Simplement, personne ne le saurait jamais, même pas la principale intéressée. Harper garderait pour elle tout le bien qu’elle pensait d’elle et ça pour un moment encore.

« Tu devrais rester. » déclara-t-elle après une pause silencieuse. Elle tourna légèrement la tête vers son amie « On n’est pas tous comme Regina dans le coin. Moi, ça m’intéresse ce que tu racontes sur le rodéo. Je crois même que ça pourrait me plaire d’essayer… » Elle lui fit un petit sourire, timide tentative de lui montrer toute son affection, et après un instant de réflexion lui provoquant un sourcillement, elle ajouta « Tu le regretteras si tu pars. T’es une cowgirl, non ? Et t’as dit que les cowgirls étaient fortes, alors montre-le ! Reste. » Harper se redressa pour se rasseoir en tailleur, faisant craquer les jointures de ses doigts une nouvelle fois. Elle balança ses longs cheveux un peu humides dans son dos, cherchant d’autres arguments, plus parlants encore, pour convaincre la jeune fille de ne pas emporter sa valise à roulettes et de partir retrouver sa terre natale. Elle reprit, pointant Andie d’une main enthousiaste, ayant trouvé un maigre raisonnement « En plus, t’oublies Gabriel ! Même si vous êtes ensembles pour de faux, ça lui fera quelque chose de savoir que t’es partie. Tu lui as dit au revoir, au moins ? » Ew, pensa-t-elle, depuis quand faisait-elle dans le sentimentalisme ? Toutefois, Harper opina du chef, tentant de se convaincre elle-même et ajouta « McKinley, c’est pas si pire quand tu sais avec qui traîner. Je m’en suis bien sortie, pourquoi pas toi ? »
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MessageSujet: Re: 02. A place in this world   02. A place in this world EmptyDim 1 Déc - 0:34

Si sauter du coq à l'âne était une image qu'Andie n'avait encore jamais mise à l'épreuve, il fallait au moins lui concéder qu'elle savait l'illustrer avec une virtuosité dont elle seule avait le secret. La curiosité d'Harper, qu'elle que soit son origine, avait ressuscité une fougue naturelle que les récents évènements avaient vite fait de taire. Sans le savoir elle était parvenue à la réconcilier avec la partie de sa personnalité qu'elle avait crue égarée, quelque part entre le Texas et l'Ohio. Si Andie avait décidé de faire ses valises c'était avant tout pour retrouver le goût d'une vie dont elle savait se délecter, même aux moments les plus inopportuns. Dernièrement elle ne se levait plus le matin avec le même enthousiasme qui la poussait malgré elle à rire des choses les plus futiles. Elle était rentrée dans la case triste et insipide de la routine sans savoir comment s'en défaire et, surtout, sans même en avoir conscience. Lorsque son réveil sonnait elle ne bondissait plus hors de son lit avec l'ambition débordante d'accomplir des rituels improvisés. Au contraire, elle savait exactement ce qu'elle devait faire, comment elle devait le faire et même l'heure à laquelle elle était censée le faire. Cette perspective d'un avenir sans imprévus l'avait rendue moins enjouée, comme si elle était une actrice forcée de s'en tenir à son script. Andie n'avait jamais voulu de cette vie monochrome et silencieuse et peut-être qu'après tout l'impulsivité avec laquelle elle avait pris sa décision n'avait pas été si irréfléchie que ça. Elle n'y avait certes pas pensé un seul instant, mais c'était la candeur avec laquelle elle entreprenait la moindre de ses actions qui rendait Andie si raisonnée.

La vigueur avec laquelle Harper éternua lui arracha un sursaut incontrôlé qui, au contraire de lui inspirer un quelconque embarras, la fit éclater d'un rire franc que Harper aurait pu, si elle ne la connaissait pas, interpréter comme un ricanement moqueur. Elle s'installa ensuite près d'elle, comme si c'était un de ces rituels atypiques dont elle s'accommodait si bien. Jamais elle n'aurait imaginé un jour être témoin d'une telle scène, et ce malgré toute l'ingénuité que lui suscitait sa vie, pourtant il y avait une certaine familiarité dans les gestes et les paroles qu'elles s'échangeaient qui lui faisait croire que, finalement, c'était tout à fait normal. Si Andie était une fille comme les autres elle aurait certainement frissonné à l'idée que tous ces microbes frétillant allègrement dans l'air se frayent un chemin jusqu'à elle mais elle n'était pas du genre à reprocher à son amie un manque de bienséance dont elle ne bénéficiait pas elle-même. Il lui sembla alors tout à fait insignifiant que Harper ne s'embête pas à se cacher le nez en courant jusqu'au rez-de-chaussée pour faire semblant de ne pas se moucher comme tout le monde. Il n'y avait rien de plus risible qu'une personne qui voulait feindre devant les autres de ne pas être exposé aux mêmes réflexes naturels et à leurs conséquences. Repliant ses jambes jusqu'à son postérieur, elle posa nonchalamment son menton sur ses genoux avant d'échapper un frémissement. Intérieurement elle remerciait Harper de s'être mise sur son chemin et de lui avoir évité de frissonner plus longtemps sur les routes désertes et moites du pays. L'explosion d'hilarité que suscita chez Harper ses récits rocambolesques s'apparentait beaucoup aux siennes : si spontanée et sans la moindre retenue. Andie avait l'impression de découvrir Harper pour la première fois. Elle avait toujours su qui elle était foncièrement mais jamais encore elle n'avait eu la chance de rencontrer cette part libérée de sa personnalité. Sa persévérance, qui était plutôt un innocent entêtement, avait finalement porté ses fruits.

"Peut-être." répondit-elle à propos des rodéos de singe. "Tu sais, le Texas fait un peu ses propres lois alors j'imagine que tant que les singes et les chiens diront rien ça posera problème à personne. Et si ça dérange les touristes, ils se feront chasser de l’État à coups de bottes au derrière. Et c'est pas que des paroles." ajouta-t-elle en opinant du chef pour glorifier ses propres propos. Et c'était vrai, ce qui se passait au Texas avait tendance à rester au Texas et les mœurs là-bas, si elles pouvaient heurter certains dragons de vertu, faisaient pourtant office de lois. Dans la confidence, Harper s'infiltra dans la brèche de sa proximité avec Andie pour la persuader de rester. Si le choix des mots n'avait pas véritablement d'importance pour la texane, la personne qui les formulait avait en revanche une incidence véritable sur ses états d'âme. Nul besoin d'une rhétorique à couper le souffle ou d'une prose à en faire pâlir les dramaturges du XXIIIème siècle, Andie avait tendance à se laisser attendrir par la simplicité et l'affabilité des dialogues dont on l'honorait. D'autant plus que l'invitation à Rosalita's Roadhouse, bien qu'implicite, n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Mais surtout, la bienveillance d'Harper lui inspira une détermination qui s'était dégradée à force de maltraitance. "Tu as raison et Gabriel serait peut-être triste finalement." se contenta-t-elle de dire en hochant les épaules, peu convaincue par cette éventualité mais pourtant résignée à ne pas la tenter. "Tu crois que je pourrais rester ici cette nuit ?" demanda-t-elle avec un léger embarras que Harper était la seule à lui inspirer. Même si elle n'avait pas de mal à s'inviter chez les gens elle avait tout de même l'impression d'avoir déjà épuisé l'amabilité de son amie pour une année entière. "J'ai pas envie de dire à mes parents que c'était une fête bidon, ils risqueraient de s'inquiéter encore plus et cette fois je pourrais partir pour de bon. Même si j'adorerais que ma mère fasse manger du foin à celle de Regina. Comme on dit si quelqu'un peut le faire une cowgirl peut le faire encore mieux !"
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