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 05. [Cleveland, OH] Lost and Found

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Jamie Ainsworth
Jamie Ainsworth
MODO ► And now he's so devoid of color, he don't know what it means
Age : 21 ans
Occupation : Assistant Manager au Gîte Preston, pigiste et barista au Lima Bean à temps partiel.
Humeur : Rasséréné
Statut : En couple avec Harper Pritchard.
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MessageSujet: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyLun 30 Juin - 0:39


Jamie était assis au sommet d’une dune de sable, un plaid en laine sur les épaules, à attendre que le ciel termine de s’éclaircir, de savoir ce qu’il pourrait faire ensuite. Il avait fonctionné à l’impulsivité au cours des quatre derniers jours, et jusqu’à présent ça lui avait réussi. Mais maintenant, il se retrouvait sur une plage qu’il ne connaissait pas, dans une ville qui ne le connaissait pas, et s’il devait être complètement honnête avec lui-même, il devrait admettre qu’il sentait le manque s’élargir, qu’il pressentait le besoin de rentrer. Jamie était l’un de ces garçons qui avaient besoin de prendre des décisions radicales, de rencontrer les deux extrêmes pour trouver son milieu. Il était un de ces adolescents comme le 21ème siècle en fabrique à la chaîne: à cultiver secrètement un besoin d’attention, à vouloir qu’on comprenne que c’est lorsqu’il est silencieux qu’il faut l’entendre, qu’on le rattrape à mi-chemin dans son absurde poursuite du bonheur. C’était le processus le plus vicieux du monde que de s’apercevoir qu’on allait bien, au moment même où l’on se sent tomber en chute libre.

Jamie poussa un profond soupir, parce qu’il était fatigué et parce qu’il ne savait pas comment il pourrait affronter Anna, Lexie, JJ et Madeleine en rentrant à Lima. Il avait prétendu rester quelques jours chez Basile le temps qu’il passerait à Cleveland. Il avait utilisé la connexion capricieuse du Lima Bean pendant l’une de ses pauses pour trouver l’itinéraire d’une compagnie de bus qui pourrait l’emmener le plus loin possible, à un prix abordable. C’est en songeant qu’il n’avait jamais visité la région des Grands Lacs, et qu’il profiterait volontiers d’une vue pareille, qu’il s’était décidé pour Cleveland. Il avait donc payé 20 dollars pour rejoindre Columbus à huit heures du matin et avait ensuite attendu quatre heures dans le froid pour monter à bord du prochain bus qui irait jusqu’à Cleveland. Il avait payé son ticket 50 dollars en regrettant de ne pas avoir fraudé, puis avait erré dans la ville en se laissant errer distraitement. Il s’était acheté un sac de couchage dans une petite boutique de randonnée dans le centre-ville, s’était installé deux nuits sur la plage, et s’était principalement nourri de barres de chocolats qu’il avait réussi à arracher à des distributeurs automatiques. Tous les matins, il s’était réveillé tôt pour profiter des douches de plages et se rendre un peu présentable. Il n’allumait son téléphone qu’une fois toutes les douze heures pour économiser sa batterie. C’est comme ça qu’il avait loupé une demi-douzaine de coup de fil de la part de Lexie, et trois de la part de Basile. Ce dernier lui avait laissé un message cet après-midi là pour lui annoncer qu’il avait vendu la mèche à Harper. C’est à ce moment là qu’il avait remarqué la petite notification lui indiquant qu’elle aussi avait tenté de le joindre, sans succès. En dépit du fait qu’il ne se sente pas l'envie de parler au téléphone, Jamie s’était mis en quête d’une cabine téléphonique aux environs de quatre heures du matin.

Les rues n’étaient que faiblement actives à cette heure-là. Mais elles n’étaient pas mortes. Jamie pouvait entendre quelques fêtards s’exprimer à haute voix un peu plus bas sur l’avenue, dans une mêlée de rires et de commentaires déformés par l’euphorie de l’alcool qu’ils avaient ingurgité. Ça l’avait fait sourire un peu tristement, et puis ils avaient disparu à l’angle d’une rue étroite et il s’était retrouvé seul sur son bout de trottoir à marcher sur sa bordure comme un funambule.  Quelques voitures l’avaient dépassé, et il avait senti le regard curieux de certains conducteurs (« Mais que font les parents ? Laisser sortir seuls leurs gosses à des heures pareilles ! »), comme il avait senti l’indifférence des plus pressés, ceux qui n’aspiraient plus qu’à rejoindre leurs lits, à se serrer contre leurs compagnes chaudes, à retrouver leurs draps, leurs chez-soi.
Il avait enfin mis la main sur une cabine téléphonique. Il avait glissé deux pièces de 20 cents dans la fente métallique, avant de se racler la gorge en composant le numéro sur le clavier numérique, sans trop savoir quoi dire. Il avait entendu les tonalités s’étirer—probablement qu’Harper dormait, ou qu’elle avait laissé son téléphone de côté le temps d’autre chose—et un GFY. BEEP ! L’avait redirigé vers son répondeur. À ce moment, il avait éprouvé une petite pointe de déception sans trop savoir pourquoi (après tout, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle décroche immédiatement; mais il ne s’était pas rendu compte combien il aurait souhaité qu’elle le fasse). Jamie avait commencé à parler pour ne rien dire comme seul lui est capable de le faire. Il lui avait raconté comment il avait dû extorqué de la monnaie à un SDF pour pouvoir passer son coup de fil parce que son portable n’avait presque plus de batterie, que c’était tout de même ridicule que personne ne se trimballe des pièces de leurs jours. (Là, il avait marqué un court silence ponctué d’une expiration de rire nerveux avant de reprendre). Il avait ajouté qu’il était désolé de s’être éclipsé sans rien dire à personne, qu’il ne savait pas trop ce qui lui passait par la tête ces derniers temps, et qu’elle lui rendrait service si elle pouvait rassurer les sœurs Preston sur son sort, si elles étaient au courant de la chose—ce dont Jamie ne doutait malheureusement pas. Il avait continué à parler un peu en lui disant qu’il dormirait encore une nuit à Huntington Beach, qu’il petit-déjeunerait à Mitchell’s Ice Cream, et qu’il tenterait le lendemain de voir quels bus repartiraient en direction de Columbus. Laters, Jamie. Pendant quelques secondes, il avait semblé sur le point d’ajouter quelque chose, mais l’appel s’était interrompu avant qu’il ne puisse formuler quoique ce soit et morose, il s’était redirigé vers la plage en trainant les pieds.


Jamie était donc présentement assis au sommet d’une dune de sable, un plaid en laine sur les épaules, à attendre que le ciel termine de s’éclaircir. Il était presque sept heures et demie du matin, et le soleil terminait d’étendre ses rayons sur cette surface du monde. Il avait calé un gobelet grand taille de chocolat chaud entre ses chevilles, les yeux un peu groggy par sa nuit blanche, une cigarette inentamée sur l’ourlet de l’oreille, par habitude. Il s’était occupé en écrivant un poème à propos d’un petit garçon qui pourchassait un ballon à travers une ville pleine de monde, jusqu’à ce que le ballon éclate l’abandonnant sans but dans un endroit qu’il ne connaissait pas et où l’on avait à peine sursauté au POP qu’avait fait le ballon en disparaissant. Une portière avait claqué à une vingtaine de mètres derrière lui, troublant la mélodie inchangée des vagues qui s’avançaient et se reculaient inlassablement sur la nappe sablonneuse de la plage. Jamie posa son petit carnet à côté de lui, et n’y prêta attention que lorsqu’une ombre se dessina au-dessus de lui. Il jeta un coup d’œil curieux par-dessus son épaule pour découvrir la silhouette familière d’Harper. Pendant une fraction de seconde, son cerveau ne sembla pas capable d’ingérer le fait qu’elle se trouve ici, alors qu’elle était supposée être à Lima. C’était comme de croiser son prof de maths à 300 km de sa salle de cours. Il creusa un trou pour stabiliser son gobelet avant de se redresser en essuyant ses mains sur son jean. Sans un mot, il la prit brièvement dans ses bras avant de s’écarter : “T’es venue” constata-t-il, et dans sa voix on pouvait entendre s’emmêler l’étonnement au réconfort. “Basile?” ajouta-t-il en arquant un sourcil interrogateur, comme pour avoir confirmation du comment elle s’était débrouillée pour apprendre où il était.


Dernière édition par Jamie Ainsworth le Mer 26 Nov - 21:48, édité 3 fois
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
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Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyMar 1 Juil - 18:52

Un doute accompagna l’installation de Harper au volant de la jeep de son père, puis brusquement, elle démarra. Le véhicule dévala l’entrée de garage en marche arrière avant de s’enfoncer dans les derniers reflets opaques de la nuit. Il était tôt, mais c’était avec les yeux grands ouverts que Harper considérait la route. Malgré la brutalité avec laquelle elle s’était extirpée de son lit, elle était alerte. Son portable avait vibré trop tôt pour qu’elle le décroche, bien qu’elle fût lucide, emmaillotée dans ses draps après un mauvais rêve. Ce fut seulement quand elle avait vu que l’écran continuait à illuminer le plafond de sa chambre qu’elle avait mollement tendu le bras pour attraper l’engin posé sur la table de chevet. Le numéro qui était apparu l’avait interpellé, mais pas suffisamment pour qu’elle se décide à presser la touche lui permettant de répondre. Patraque, elle avait attendu que son interlocuteur abandonne. N'ayant pas le temps de se redresser pour s’asseoir, son répondeur lui avait renvoyé l’appel. L’écran l’avait éblouie, elle avait glissé le téléphone à son oreille. La voix qui s’était alors échappée du conduit lui avait fait fermer les yeux, et plusieurs sortes d’insultes lui avaient traversé l’esprit, mais elle avait écouté le message en entier.

Jamie avait disparu depuis quatre jours. Le premier jour, Harper n’avait pas cherché à s’en aviser. À la vue de la façon avec laquelle il errait avec une morosité inhabituelle depuis le mariage raté de son cousin, elle comprenait qu’il avait besoin de se retrouver avec lui-même. Elle avait songé qu’il voulait mettre un coup de frein dans leurs contacts quasi quotidiens, et sans se sentir offensée par son attitude, Harper avait verrouillé la fenêtre de sa chambre, son intuition lui soufflant qu’il dormirait à la pension ou ailleurs, mais pas chez les Pritchard. Le deuxième jour toutefois, les jumeaux l’avaient questionné sur les changements que le garçon avait apportés à son planning au Lima Bean. Se retrouvant sans réponses à leur fournir, Harper avait su qu’il n’était plus en ville. Elle s’était inquiétée, mais en réalité, le sentiment qui avait dominé fut la tristesse. Pourtant, elle ne l’avait pas appelé, elle ne lui avait pas envoyé de sms non plus.
En revanche, les appels de Lexie l’avaient mené à penser qu’il avait menti à ses colocataires. Elle lui avait parlé de Basile que Harper croisait chaque jour à WMHS sans que Jamie soit à ses côtés depuis le début de la semaine. Le troisième jour, Harper avait donc menti à Lexie en retour. Faisant mine d’être au courant pour la rassurer, elle lui avait dit de ne pas trop se faire de soucis. Le quatrième jour, elle avait questionné Basile qui était passé aux aveux. Pour autant, elle n’avait su quoi faire de ses confidences ; elle avait quand même tenté d’appeler Jamie, mais sans succès. Saisissant le message silencieux qu’il lui faisait passer, elle avait réellement commencé à s’inquiéter.

D’ailleurs, en l’entendant marquer des pauses à l’autre bout du fil, elle avait compris encore une fois. Le message s’était terminé d’une façon trop frustrante pour que Harper ne grogne pas. Elle avait laissé tomber son portable sur son oreiller, puis s’était débarrassée rapidement de ses couvertures pour sortir de son lit. Elle s’était dirigée vers sa commode pour enfiler un vieux short en jean, un sweat trop large au-dessus son débardeur en coton blanc et avait chaussé ses converses usées. Cleveland, Harper connaissait bien. Son père aimait Cleveland, ils avaient passé du temps là-bas. Elle se souvenait de l’itinéraire, de la durée qu’elle mettrait à s’y rendre. Tout en frottant sa frange, elle avait ouvert la porte de son placard près de celle de sa chambre pour que la première poignée se cale sous la seconde et que par la force des choses, personne ne puisse entrer à cause du barrage. Elle était allée récupérer son téléphone sur son oreiller et ses clefs sur son bureau, ne regardant pas derrière elle. Harper avait emprunté le même chemin que Jamie, avait soulevé le battant de la fenêtre pour se faufiler à l’extérieur. Elle serait de retour en fin de matinée.

Harper avait sous-estimé la distance, car c’était plus long que dans ses souvenirs. L’autoradio n’avait jamais fonctionné, ainsi seul le bruit des roues de la jeep sur l’asphalte dérangeait le fil de ses pensées. Habituée à voir le jour se lever, Harper ne s’émerveilla pas des nuances du ciel qui s’éclaircissait à vue d’œil, concentrée sur la route et sur les paroles que Jamie avait laissées sur sa boîte vocale. Il ne savait pas ce qui lui passait par la tête ces derniers temps, est-ce qu’elle était censée le savoir à sa place ?
173 miles plus tard, Harper arriva. Jamie lui avait dit qu’il dormirait encore sur la plage, alors sans traîner, elle suivit les panneaux lui indiquant cette destination.
Elle gara sa voiture. Fébrile, Harper se fit des recommandations mentales avant de pousser la porte du véhicule et d’en descendre. Il était inutile d’accabler Jamie. Elle n’était pas venue pour ça de toute manière. Pourquoi était-elle venue, à ce propos ? La réponse, elle la laissa de côté pour étirer les bras au-dessus de sa tête, cherchant à se dégourdir le corps. L’air marin était affreusement frais, et par réflexe, Harper tira sur les manches trop larges de son sweat pour y cacher ses mains gelées. Elle cacha sa bouche avec l’une d’entre elles, ne supportant déjà pas le sel dans l’atmosphère qui se déposa sur ses lèvres guéries des gerçures de l’hiver. S’insufflant un peu de courage, elle laissa ses jambes la guider, se disant qu’elle finirait bien par trouver Jamie. Et elle le trouva.

« Pas eu le choix, tu m’as réveillé. » lui répondit-elle quand il s’écarta. C’était curieux comme retrouvailles, maladroit comme toujours, mais en même temps, Harper réalisa qu’elle était heureuse de le voir et dans l’action, elle lui rendit son accolade pour mieux s’écarter elle aussi. Elle arqua un sourcil à l’évocation de Basile, choisit de ne pas répondre, car elle était persuadée qu’il lui avait déjà reporté les faits. Remuant les bras, Harper évita plusieurs fois de croiser le regard de Jamie. Elle préféra s’asseoir sur le sable en étirant le bas de son pull pour recouvrir ses genoux et le silence s’installa.
Frottant ses chevilles en se recroquevillant pour que son menton touche ses genoux, elle laissa son regard opérer un voyage plus ou moins long par-delà l’horizon. Et après un soupir qui rompit la quiétude, elle tourna enfin la tête vers lui.

« Lexie a des soupçons. Alors, je lui ai raconté que la tante de Basile avait eu un accident, qu’il était vachement proche d’elle et tout. Du coup, tu l’avais emmené dans la forêt pour camper, histoire de lui changer les idées et que c’était pour ça que tu répondais pas au téléphone, à cause du réseau pourri qu’il y a là-bas. » Elle esquissa un sourire « Elle m’a pas cru, je crois. » Elle détourna la tête, raffermissant sa prise autour de ses chevilles pour se réchauffer en ajoutant « Si on part maintenant, elle acceptera sûrement de te cuisiner un truc. T’as besoin de manger, t’as un creux, là. » Se redressant, Harper planta son index dans la fossette qu’elle venait de lui inventer, en plein sur la joue gauche, signifiant qu’il avait perdu du poids alors qu’il semblait en forme. Elle fronça le nez en creusant plus fort dans ce creux factice et son sourire s’effaça tandis qu’elle reportait son attention sur la mer et qu’elle recouvrait de nouveau sa main avec sa manche épaisse.
Un nouveau silence s’imposa. Le regard dans le vague, Harper lui demanda tardivement « Parce que tu rentres, hum ? » Elle retourna la tête et son regard fit un trajet du bas du visage de Jamie jusqu’à ses yeux, qu’elle affronta sans vraiment les affronter avec une appréhension mal dissimulée. Elle venait de remarquer qu’il avait l’air fatigué, ses cernes n’étaient pas une invention. Elle suivit de nouveau le trajet invisible sur son visage, mais dans l’autre sens. S’humectant les lèvres en regardant les siennes, en attente d’une réponse, Harper reposa sa question d’une autre manière « Tu reviens à Lima ? »


Dernière édition par Harper E. Pritchard le Mar 5 Aoû - 21:14, édité 1 fois
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Jamie Ainsworth
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyMer 2 Juil - 6:15

Jamie l’étreignit maladroitement—sans doute parce qu’il n’avait pas été certain de savoir si elle comptait lui arracher les cheveux, ou lui ouvrir les bras jusqu’au moment où elle s’exécuta—encore troublé de ne pas sentir la cascade de ses cheveux lui couler entre les doigts. C’est quelque chose qu’il avait aimé faire par le passé; jouer avec ses boucles, les enrouler autour de son index lorsqu’ils dormaient ensemble et qu’il faisait trop noir pour qu’elle le remarque tout à fait. Elle les avait coupé depuis quelque temps déjà, et bien que ce coup de ciseaux inattendu lui ait imposé un air légèrement différent, Jamie s’habituait à penser que ça lui correspondait bien.
“Désolé” s’excusa-t-il en forçant un sourire fatigué lorsqu’elle lui répondit qu’il l’avait réveillée. À vrai dire, comme à beaucoup d’autres choses, Jamie n’avait pas pensé à l’heure à laquelle il serait approprié de lui téléphoner, ou non. Et bien qu’il n’ait guère eu les moyens de deviner qu’elle choisirait de se déplacer plutôt que de rouler sur la hanche inverse et se rendormir, il préféra ne pas mentionner ce détail dans ses excuses trisyllabiques. Il passa une main sur sa nuque où ses cheveux commençaient à s’épanouir et décida de ne pas pousser ses questions concernant Basile. Il avait déjà les réponses de toute manière, mais il s’était figuré que ce serait un bon moyen de faire la conversation, et d’éviter d’entrer tout de suite dans le propos qui avait poussé Harper à conduire 3 heures d’affilées en pleine nuit pour le retrouver, plutôt que d’attendre qu’il rentre par ses propres moyens. Jamie chercha à se représenter la scène, mais des zones de brouillards ne cessaient de venir perturber le fil conducteur de son imagination. Il connaissait pourtant la chambre de Harper sur le bout des doigts, de la bannière qu’il avait peinte pour son anniversaire, jusqu’à la fenêtre en guillotine dans laquelle il s’était maladroitement pris les pieds la première fois qu’il avait voulu se faire discret, en passant par la lame de parquet branlante qui le faisait tressaillir à chaque fois qu’il se levait pour aller aux toilettes au milieu de la nuit. Était-ce le message qu’il lui avait laissé alors? Avait-elle entendu quelque chose qu’il n’avait pas eu l’intention d’y mettre? Il essaya de se rappeler, mais encore une fois, ce fût comme tenter de piéger de l’eau dans ses mains nues.
S’apercevant de la position que Harper avait adoptée, Jamie lui céda silencieusement un morceau de couverture, et lui tendit son gobelet de chocolat chaud pour qu’elle puisse se réchauffer. “Ils n’avaient plus de café” commenta-t-il, comme s’il avait eu besoin de justifier le fait qu’un adolescent de 19 ans préfère une bonne tasse de chocolat savoureuse à un café noir serré—ou crème, à la rigueur. Il savait aussi qu’il ne la dupait pas—elle connaissait bien trop ses habitudes à présent—mais ça lui plaisait de faire comme si ce n’était pas le cas, parfois. “Je crois pas nan. Mais merci pour l’alibi, we’re partners in crime now”. Il n’eût d’autres choix que de réussir à sourire avec une sincérité grandissante lorsqu’elle enfonça son index dans sa joue pour lui dessiner une fossette qu’il n’avait pas habituellement. “Je crois pas non plus. J’ai pas très faim de toute façon” répondit-il à voix presque basse, avec un laconisme qui ne lui ressemblait décidément pas. En plus, c’était un mensonge: il était affamé. Il n’avait avalé que la moitié d’une barquette de frites trop grasses avant d’être écœuré depuis la veille. Comme pour faire écho à ses pensées, son estomac décida d’émettre une plainte aussi brève que sonore à laquelle il préféra faire la sourde oreille.

Le silence s’épaissit. Jamie se trouva un point à contempler à l’horizon. Ce n’était pas tant la plage qu’il appréciait dans ce décor un peu trop industriel à son goût—d’ailleurs, il détestait la sensation d’avoir constamment du sable entre les orteils; et enfant, il se souvenait de s’être souvent brûlé la plante des pieds à vouloir s’y promener les jours de grosses chaleurs. C’était la mer qui le séduisait encore et encore. Il avait conscience d’avoir affaire à un lac, mais il était si immense et l’air était si chargé de sel que la différence était à peine perceptible. Ça lui rappelait le temps où ils avaient emménagé à San Diego, et toutes ces fois où sa mère l’avait emmené se baigner un peu avant la tombée de la nuit pour éviter les foules de touristes. Il s’en souvenait un peu comme un film sur K7 que les parents prennent lorsqu’on est trop jeune pour se rappeler tous les détails. Ils appelaient ça “leurs petits rendez-vous de 20 heures” et elle l’emmenait parfois manger une glace à la vanille s’ils ne traînaient pas trop, à condition de ne pas le répéter à son père parce que celui-ci aurait sans doute commencé à cuisiner et détester cette manie qu’Isabelle avait de lui accorder des petits gourmandises avant le dîner. Il se rappelait qu’à ces heures-là l’air était un peu plus léger, et l’eau un peu plus fraîche. Il se rappelait aussi les pêcheurs qui l’engueulaient copieusement lorsqu’il nageait trop près de leurs lignes. Presque aussitôt, et pendant une brève seconde, il eût l’impression de sentir à nouveau l’odeur de peinture et de bois vernis qui embaumaient la maison dans laquelle ils avaient emménagé en Californie. Il tâcha de se remémorer la série de tableaux qu’Isabelle Ainsworth avait peinte cette année-là, car la mer était l’élément préféré de sa Muse, comme elle s’amusait à le lui répéter lorsqu’il s’intéressait à son travail. Il lui avait d’ailleurs souvent demandé où elle était cette muse, qu’il la lui rendrait sans mal si elle voulait bien le laisser jouer avec pendant cinq minutes avant le match de foot; ce à quoi elle répondait généralement par un sourire énigmatique qui avait continué de l’intriguer jusqu’à ce qu’il rencontre sa propre source d’inspiration et mette un nom identique dessus.

Jamie passa une main distraite sur la marque rouge qu’avait laissée l’empreinte de Harper sur sa joue. “Évidemment” lui répondit-il, peut-être un peu trop rapidement pour son propre intérêt. Le mot sonna étrangement à ses oreilles, comme s’il avait été prononcé par quelqu’un d’autre, à un débit trop rapide, sur une note trop basse, comme s’il n’en était pas vraiment sûr en dépit du mot en lui-même qui clamait le contraire. Il redressa ses genoux contre son torse et appuya son menton dessus, imitant presque sans y penser la posture de Harper. Il se sentait un peu moins vulnérable à ses questions dans cette position d’une certaine manière aux explications informulables. Il planta son regard clair sur la pointe de ses Converses qu’il n’avait pas retiré, pour ne pas avoir de sable entre ses orteils, et ne pas se brûler la plante des pieds. Il se rendit compte qu’il n’avait aucune idée d’à quoi avait ressemblé ses plans avant que Harper n’arrive. Il savait que, malgré son message lui assurant qu’il rentrerait le lendemain, il aurait tout aussi bien pu monter à bord d’un bus sans s’inquiéter d’en connaître la destination. “Je sais pas” se corrigea-t-il en tournant la tête vers elle, sans la redresser du sommet de ses genoux. Ses traits étaient tirés par la fatigue, et il avait définitivement un air un peu pâlot sous cette lumière matinale. Il n’aurait pu être plus indécis qu’en ce moment même. Ça ne lui ressemblait pas de ne pas savoir prendre les choses en mains. Il se vantait de réussir à s’occuper de lui-même, d’être un génie de l’indépendance, d’être autonome à un âge où la plupart de ses camarades de classe commençaient tout juste à appréhender la vie sans les petites roulettes que sont les parents. Pourtant, s’il éprouvait quelque part l’envie de retrouver sa chambre à la Pension, de s’incruster dans celle de Lexie au milieu de la nuit pour qu’ils traitent leurs derniers débats existentiels, d’aider Anna à développer son idée de gîte, de continuer à apprendre à conduire avec JJ et de manigancer avec Madeleine contre l’installation de Matteo dans la Grange…
C’était différent de la fois où il était allé à New York en ayant le mal de Lima. Jamie avait même du mal à réaliser que deux mois se soient écoulés depuis le séjour scolaire—tout comme depuis le mariage raté. Cette fois-ci, dans la colonne des Contre, il y avait ce besoin de ne pas avoir à prétendre quotidiennement que tout allait bien dans le meilleur des mondes, que toute cette affaire n’avait pas été bancale dès le début, qu’il n’était ni contrarié ni déçu que les choses n’aient pas tourné comme il l’avait très sincèrement espéré. Alors oui, peut-être avait-il pris les choses trop à cœur. Mais c’est aussi pourquoi ça avait un peu balayé le reste. Ça lui avait rappelé tout ce qui n’allait pas depuis qu’il vivait à Lima, et tout ce qu’il avait prétendu avoir sous contrôle alors que, pas du tout.

“Je l’avais déjà fait avant, tu sais” lui confia-t-il en tournant à nouveau la tête vers elle. Mais cette fois, il choisit de fixer le gobelet qu’elle tenait encore entre ses mains, comme s’il s’adressait à lui plutôt qu’à elle. C’était une manière pour rendre les confidences un peu plus faciles, un peu plus fluides. Plus tard, il se dirait qu’il avait claqué à la porte au nez de sa peur d’être jugé à ce moment-là, mais ce n’était pas entièrement vrai. “Fuguer, je veux dire” précisa-t-il un instant plus tard. Il humecta sa lèvre supérieure du bout de sa langue, et s’agita légèrement. “La première, on habitait à New York et je m’étais dis que je continuerais à marcher jusqu’à la Grande Gare Centrale parce que je ne savais pas me repérer dans le métro de là-bas. Mais il a commencé à faire noir, je ne reconnaissais pas du tout le quartier alors j’ai pris un taxi pour rentrer à la maison et mes parents dormaient alors je suis allé me coucher.” Il avait raconté son histoire d’un ton neutre; il ne se confiait pas aussi entièrement pour faire ‘pleurer dans les chaumières’. C’était juste pour qu’elle comprenne qu’il n’avait pas seulement pris un sac à dos en se disant “Je pars à l’aventure”, même si c’est un peu ce qui s’était passé dans la forme. “La deuxième fois j’ai décidé de faire de l’autostop sur l’autoroute et de marcher jusqu’à Lima. Avec succès.” Un pli apparu momentanément entre ses sourcils, comme s’il réfléchissait intensément. “Ça t’embête si on ne rentre pas tout de suite-tout de suite? On pourrait… Je sais pas, te prendre quelque chose à déjeuner” suggéra-t-il en redressant les yeux vers elle.



Dernière édition par Jamie Ainsworth le Lun 11 Aoû - 7:00, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyJeu 3 Juil - 0:43

Il y avait rarement de pauses silencieuses entre Jamie et Harper. Chacun à leur manière, ils trouvaient toujours le moyen de combler les moments feutrés qui s’instauraient inévitablement au cours de toutes conversations dignes de ce nom. Jusqu’à présent, Harper n’avait jamais très bien compris pourquoi elle se sentait obligée de renchérir chaque fois que la voix de Jamie s’amenuisait pour laisser la tranquillité s’installer, le temps d’assimiler tout ce qui s’était dit. Depuis qu’elle avait écouté le message qu’il avait laissé sur sa boîte vocale, message durant lequel il s’était répandu en pauses qu’elle aurait certainement jugées dramatiques, et donc inutiles, sous une toute autre conjoncture, elle réalisait que c’était à cause de l’impact que le silence pouvait avoir en vérité. Des paroles informulées étaient plus redoutables qu’un discours bien préparé, puisqu'on pouvait lui donner sa propre interprétation, qu’elle soit juste ou erronée. Dans toutes les langues du monde, de vieux dictons relataient l’inestimable valeur du silence, et d’une façon qu’elle n’avait jamais soupçonnée auparavant, Lilibeth s’aperçut que c’était une chose qui la terrifiait. Interdite, elle s’enfonça dans l’une de ses intenses réflexions tandis que le silence reprit ironiquement sa place par-dessus la plage. Elle aurait bien aimé trouver un truc à dire pour détendre l’atmosphère mais cette fois, le cœur qu’elle avait mis à trouver de fausses cicatrices sur le visage flapi de Jamie quelques secondes plus tôt n’y était plus. Harper était troublée et angoissée désormais.
Pendant ce qui lui sembla durer une éternité, attendant sur le qui-vive que Jamie fasse remuer ses lèvres qu’elle ne quitta pas des yeux pour être sûre de ne rien manquer de sa réponse, Harper se demanda si finalement elle n’avait tout simplement pas mal traduit son mutisme. L’appréhension ternissant l'expression de son visage prit de l’ampleur, au point qu’elle bloqua sa respiration dans sa poitrine, bien heureusement dissimulée sous l’épaisseur de son sweat dont elle baissa les manches pour la énième fois. Il confirma ses doutes en lui faisant part des siens : il ne savait pas s’il revenait. Harper cligna des paupières en laissant échapper un soupir mécanique pendant que ses pupilles trouvèrent celles d’un bleu transparent de Jamie. Aussitôt, elle dévia son attention pour la concentrer sur la barrière formée par l’horizon trouble qu’elle distinguait à travers la clarté aveuglante du matin, et souhaitant se donner bonne contenance, elle but une longue gorgée de chocolat chaud. L’incertitude de Jamie la touchait. Comme son départ pour le voyage scolaire à New York l’avait touché et Harper n’aimait pas ça. Elle n’aimait pas se souvenir de l’état dans lequel elle s’était mise pour supporter la semaine de solitude à laquelle elle avait été contrainte ; elle n’aimait pas non plus être confrontée aux zones d’ombres qui planaient toujours sur la soirée qu’ils avaient passée, même si c’était devenu une source intarissable de privates jokes entre eux. Le goût abominable du sel enduisant ses lèvres rendit la boisson infecte et c’est en carrant puissamment les mâchoires qu’elle avala tout de même, comme si rien ne pouvait l'atteindre davantage.

Dans toute son asthénie, Harper fut néanmoins ravie que Jamie soit le premier à reprendre la parole. Elle s’était mise à mordiller les bords durs du gobelet en plastique sans véritablement s’en apercevoir, sonnée par la réponse du jeune homme. Lorsque la voix de ce dernier résonna de nouveau, elle s’agita soudain et s’arrêta de mâchouiller pour pivoter sur elle-même, se retrouvant face à son profil. Elle s’assit en tailleur – c’était plus confortable – et posa le gobelet dans le triangle formé par ses jambes. Après un temps d'hésitation, elle le regarda. Harper adopta une attitude civilisée durant son discours. Elle ne l’interrompit sous aucun prétexte car elle savait qu’une seule parole de travers pourrait dissuader Jamie de se confier. Ne pas l’accabler, ne pas l’accabler, ne pas l’accabler… se répéta-t-elle mentalement alors que ses doigts venaient replacer une mèche de cheveux blonds derrière son oreille.
Ça non plus, ce n’était pas un fait courant entre eux, les confidences. Bien des fois Harper avait espéré en savoir davantage sur le mystère entourant le phénomène James Ainsworth. Pourtant, c'était toute seule qu'elle avait assemblé les paragraphes qu’il daignait lui céder pour qu'elle puisse saisir son histoire, et même si elle savait qu’elle n’avait aucun jugement à y apporter, elle appréciait ce qu'elle avait su deviner tel que c'était. Harper savait que Jamie était un baroudeur, même si elle n'avait jamais connu la fréquence exacte de ses escales. Aussi, quand elle comprit à ce moment que sa présence à Lima était le fruit d’une fugue qui durait depuis un certain maintenant, elle se raidit visiblement. Elle n’émit aucun commentaire toutefois, malgré sa surprise et les questions qui surgirent dans sa tête car elle constata, en laissant son regard se promener une nouvelle fois sur les traits de Jamie, que son récit lui coûtait cher et qu’il attendait d’elle qu’une seule chose : qu’elle se montre chaleureuse et magnanime. Harper s'engagea silencieusement à tenter de l'être.
Il changea de sujet. Harper comprit qu’elle avait le droit de reprendre la parole. De ce fait, elle lui répondit.

« Nan, j’ai pas très faim non plus. On a qu’à rester ici, OK ? » proposa-t-elle d’une voix posée. Elle attrapa le gobelet qu’elle avait mordillé et en retira le couvercle pour le lui tendre avant de poursuivre, la tête penchée sur le côté « Pour être honnête, je suis pas surprise. En fait, j’ai toujours cru que tu t’étais échappé d’une secte ou une connerie de ce genre. Tu vois, t’as pas besoin de froncer les sourcils, c’est cool. » Elle se pencha imperceptiblement sur lui pour venir toucher son front et lisser les plis disgracieux qu’elle distinguait entre ses sourcils épais. Après plusieurs passages malhabiles pour essayer de détendre le haut de son visage avec ses doigts, elle décroisa les jambes pour en relever une de façon à ce qu’elle puisse poser ses mains et son menton dessus. Elle avait bien sûr des questions à poser au jeune homme qu’elle observa avec une toute nouvelle lueur de curiosité dans les iris. Une lueur qu'elle aurait voulu cacher pour ne pas lui donner l'impression de le condamner – ce qu'elle ne ferait jamais, malgré l'incompréhension dans laquelle ses échappées la plongeait. Est-ce que ses parents avaient cherché à le joindre ? Est-ce que les Preston étaient au courant ? Est-ce qu’il avait conscience qu’un jour où l’autre on le retrouverait et qu’il devrait partir pour de bon ?

Lilibeth pinça les lèvres de contrition tant l'idée était difficile à accepter. Bientôt, elle estima qu’elle devait mettre quelque chose au clair avant de se lancer dans un éventuel interrogatoire. Elle eut un frisson qu’elle ignora cependant et commença avec perplexité :
« T’as le droit d’avoir envie de t’échapper, je cherche pas à te faire la morale en te disant que ce que t’as fait c’est mal et tout le tintouin. C’est pas mon rôle et tu fais ce que tu veux au final, je suis pas ta mère. » Ne pas l’accabler, ne pas l’accabler, ne pas l’accabler. Harper sentit pourtant une pointe de colère percer la réelle bonne volonté qu'elle mettait à ne pas se mécontenter. Elle s'octroya un instant pour être sûre de bien choisir ses mots dans le but de ne pas faire tourner les choses d’une façon qu’elle regretterait vraiment. Son impulsivité était peut-être sa pire ennemie, elle n'avait pas peur de la défier ici « Mais tu peux pas débarquer dans la vie des gens et décider du jour au lendemain que c’est le moment pour toi de te barrer sans dire au revoir, Jamie. Moi je m’en fous… » À peine honteuse du témoignage évident de mauvaise foi dont elle le gratifiait avec une générosité made in Lilibeth, elle leva les mains comme un malfrat pris sur les lieux de son crime en continuant «  Lexie, Anna, JJ, Basile et même Tim ! À eux, je suis pas certaine que ça leur fasse ni chaud ni froid que tu disparaisses sans laisser de traces. » La minute de léger emportement qui venait de lui prendre se répercuta sur sa respiration qui s’accéléra à cause de la retenue qu'elle se jura d'utiliser pour faire passer son message. Passant les deux mains dans ses cheveux courts, elle tergiversa un instant avec elle-même. Harper hésita. La bouche entrouverte, elle resta deux longues secondes à ne pas savoir quoi faire ou dire de plus. Jusqu’au moment où, avec une maladresse tangible dans le son de sa voix, elle lança de but en blanc « Tu me manques, et ça craint. » Le silence refit son apparition. Prise de panique, Harper, qui avait baissé la tête pour triturer ses lacets à moitié défaits, releva à peine les yeux vers Jamie. S’opposant de justesse à cet intervalle sournois, elle compléta pour la forme « Il a grave mauvais goût ce chocolat chaud, je serais pas étonnée si t’avais craché dedans. »


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Jamie Ainsworth
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyLun 4 Aoû - 1:56

En s’installant à Lima—comme à Nashville, à Denver, et toutes les villes où ses parents avaient décidé d’emménager année après année, à sa plus grande frustration—Jamie s’était rendu compte d’une chose: temps qu’il continuerait à déménager, il pourrait recommencer à zéro aussi simplement qu’on troquerait un brouillon noirci contre une feuille blanche pleine de promesses. Il aurait pu être tout le monde, et il aurait pu être n’importe qui dans l’œil de toutes ces personnes dont il ne ferait que temporairement croiser la route. À une époque, il avait eu besoin de donner un peu de sens à cette existence nomade, dénuée de points fixes. Il s’était persuadé qu’il résidait un pouvoir dans ces occasions ponctuelles de se découvrir à tâtons, sans en subir les conséquences. C’est ainsi qu’il avait écopé du surnom de Grande Gueule de la Robert Gray Middle School à Portland, après avoir été suspendu quatre jours pour insolence envers le corps enseignant. A contrario, une fois installé à Albuquerque, il avait opté pour une attitude plus tranquille et s’inscrire au club de natation après les cours avait été sa seule extravagance. S’il devait choisir une expression pour illustrer son ancien mode de vie, il aurait dit qu’il n’avait cessé de faire peau neuve depuis qu’ils avaient quitté l’Angleterre. Un jour, la question de savoir combien de temps il lui restait avant de finir écorché vif l’avait emprisonné dans un étau angoissant; c’est à peu près cette année-là qu’il avait décidé de prendre la tangente.
L’absence de Simon et Isabelle à ses côtés lorsqu’il était arrivé à Lima l’avait allégé d’un poids démesuré. Évidemment, les choses ne s’étaient pas déroulées comme il l’avait prémédité—il avait certes rencontré sa tante, et son cousin; mais ce dernier s’était révélé si peu enclin à le laisser s’attarder dans les environs, qu’il avait dû trouver une solution alternative. À vrai dire, si Anna ne lui avait pas tendu la main, il aurait probablement terminé à la LPA et Dieu sait encore. Finalement, c’était triste à dire, mais il s’était mieux compris lui-même l’année passée, au contact des Pensionnaires, de ses nouveaux amis; qu’au cours des huit années qui l’avait précédée. Il était reconnaissant pour ça.

Dans sa hâte d’échapper aux souvenirs peu glorieux de son récit d’adolescent en fuite, il ne se rendit même pas compte d’avoir instinctivement sommé le retour à Lima—même s’il avait préféré une retraite tardive, plutôt qu’immédiate. Il n’était pas psychologue, et ce détail ne s’imprimerait pas dans son souvenir des faits ; mais un professionnel même peu attentif aurait souligné le sens qui leur échappait à ce moment précis. On dit souvent que le cœur a ses raisons, que la raison ignore. Alors, peut-être aurait-il pu en conclure que sa tête ignorait quelque chose que son cœur cernait déjà depuis un moment. À savoir que Lima, la Pension Preston, c’était chez lui maintenant.

“OK” répondit-il d’une voix où le soulagement se mêlait à une gratitude modérée, lorsqu’elle lui proposa de s’attarder davantage sur la couverture sablonneuse du lac. Il appréciait qu’elle produise un effort d’humour pour le détendre et ne pas le brusquer. Les circonstances avaient presque l’air normales sous cet angle. Pourtant, il avait l’impression d’avoir provoqué une rupture dans leurs règles tacites. Harper et lui ne faisaient pas plus dans les confidences de ce genre, que Madeleine Wild dans l’eau pétillante à 18 heures. Ils ne trempaient pas davantage dans les discussions où les silences étaient plus longs que leurs réponses. Est-ce que ça voulait dire que leurs rapports se modifiaient, se creusaient? Qu’ils pouvaient parler de choses sans tourner l’affaire à la dérision? Cette idée creusa un léger mal aise dans sa poitrine; il n’en avait aucune idée. C’est en songeant aux silences qui s’étendaient désormais autour d’eux—et non entre, comme il le craignait depuis qu’elle s’était assise à côté de lui—que les paroles d’une chanson populaire résonnèrent entre ses tempes. (“But if the silence takes you, then I hope it takes me too. So brown eyes I hold you near, ‘cause you’re the only song I want to hear; A melody softly soaring through my atmosphere”). Il mit quelques secondes à se rappeler qu’il l’avait entendu passer à la radio lorsqu’il était allé chercher ses affaires de couchage, quelques jours plus tôt.
Jamie tourna légèrement la tête vers elle, la joue toujours appuyée sur ses genoux. Il pouvait voir qu’elle repoussait les limites de sa patience; et Dieu sait combien ce n’était pas l’une des qualités prédominantes d'Harper Pritchard. Dans son état, il aurait été incapable d’encaisser une approche trop brutale; peut-être s’en était-elle rendu compte, qu’en savait-il. Jamie rejeta les épaules en arrière lorsqu’elle se pencha vers lui pour le dérider à l’aide de ses deux mains. Entre celles-ci, il lui offrit non pas l’ombre, mais l’un de ses authentiques sourires un peu gauches. Ce n’était pas encore le rictus goguenard classique qu’il lui réservait lorsqu’elle s’embrouillait au milieu d’une punchline, mais c’était mieux que la petite mine qu’il portait depuis qu’elle était arrivée. “Une secte? Je crois que t’as mal cerné mon côté sale gosse solitaire, tu me déçois” répliqua-t-il d’un ton si pompeux qu’une expiration hilare lui échappa en guise de ponctuation.

Sa remarque le frappa en traître lorsqu’elle reprit la parole quelques instants plus tard—il ne s’attendait plus à ce qu’elle aborde cette part du problème—sur ton bien différent, presque cassant estima-t-il. Jamie lui adressa une œillade pleine de reproches, tandis qu’une expression mortifiée se dessinait sur son visage. Il aurait préféré qu’elle ne le pose pas devant les conséquences de ses actions, parce qu’effectivement elle n’était pas sa mère. Cette formulation lui déplaisait si profondément qu’il lui aurait probablement coupé la parole s’il n’avait pas été interpelé par la seconde partie de sa réplique. Non, il ne la croyait pas lorsqu’elle prétendait se soucier autant de son cas que de l’an quarante. Elle n’aurait pas roulé jusqu’ici si ça avait été le cas. Sans doute se rendit-elle compte du manque de tangibilité de son argument, car elle enchaîna immédiatement sans lui laisser le temps de la contredire.
Pendant un bref instant, Jamie lui en voulut de s’acharner à vouloir lui remettre les pieds sur terre. “Et pourquoi pas, hein?” souhaitèrent former ses lèvres, dans un élan d’égoïsme. Pourquoi pas? Il s’était longtemps appliqué à ne dépendre de personne, et de ne laisser personne dépendre de lui. L’affaire avait parfaitement fonctionné pour lui et pour les autres jusqu’à présent, pourquoi est-ce qu’elle ne fonctionnerait pas avec Harper? Il serait parti, et peut-être lui aurait-il manqué durant quelques semaines, quelques mois. Mais tôt ou tard, elle se serait accoutumée à son absence, comme elle s’était habituée à le voir surgir au beau milieu de la nuit, et la vie aurait bêtement poursuivi son cours. Cette dernière réflexion le perturba plus qu’il ne l’aurait cru, car s’il pouvait très bien se figurer une Harper en paix avec son départ, Jamie peinait à dépeindre comment lui pourrait continuer sans elle, sans Anna et Lexie, sans JJ, sans Tim, Sunny et Addison… Peut-être se posait-il les mauvaises questions. Peut-être était-il plus intéressant de comprendre pourquoi il cherchait à tout remettre en question cette fois-ci.
Sans un mot, Jamie s’empara de son carnet à spirales, en arracha proprement une feuille blanche et commença à en plier les coins avec application pour former progressivement un voilier en papier, et surtout s’occuper les mains. L’égoïsme de ses questions ne franchit jamais ses lèvres, car aussitôt eût-il croisé le regard d’Harper—au fond duquel se tapissait une étincelle de colère, prête à déclencher un incendie—il comprit qu’il n’existait rien de telle que l’indépendance totale qu’il s’était naïvement, sinon bêtement, souhaitée. Il avait dépendu d’elle, comme il l’avait incité à dépendre de lui. Il lui avait demandé de lui faire confiance, de s’appuyer sur son épaule, de le laisser entrer dans sa bulle. Prétendre aujourd’hui que ça n’avait eu aucune importance à ses yeux, ça aurait été sortir une aiguille et faire exploser cette confiance dans laquelle ils vivaient si confortablement aussi sûrement que le ballon d’un gosse.

Jamie se mordit le coin de la lèvre en déposant son œuvre de papier à ses pieds, avant de tendre la main pour toucher la sienne. Il aurait préféré être épaule à épaule avec elle; il aurait pu la prendre dans ses bras, et peut-être qu’ils se seraient sentis un peu mieux. “Je sais. Tu me manques aussi.” Lui avoua-t-il, contrit. Il savait qu’il portait le blâme pour leur manque de rendez-vous depuis le mariage raté d’Anna et Tim. Il avait eu besoin de temps pour lui, de s’aérer la tête et n’avait pas songé un instant à comment Harper pourrait le ressentir de son côté. Il baissa légèrement les yeux en songeant que cette sensation de manque n’était pas inédite. Il se rappelait avoir compté les jours qui le séparait de son retour à Lima lorsqu’il était parti en excursion à New York avec l’école. En partie parce qu’il avait craint de la laisser avec le moral dans les chaussettes, et aurait préféré ne pas avoir à l’abandonner à sa tante, sa mère et ses frères qui ignoraient tout de ce qui s’était passé après l’anniversaire d'Henry. En partie aussi, parce qu’ils s’étaient embrassés sous les mauvaises circonstances. Ils n’en avaient jamais vraiment rediscuté par la suite. Jamie aurait été incapable de dire s’ils avaient tacitement conclu un accord consistant à ne plus évoquer cette soirée en public; ou si chacun avait attendu que l’autre se décide à aborder le sujet. Quoi qu’il en soit, ils n’avaient réussi qu’à tourner l’affaire en dérision à de brèves occasions. Jamie avait prévu de la taquiner davantage sur le sujet après la réception d’Anna et Tim, mais les choses n’avaient pas vraiment tournée comme prévu alors…
“Ça donne du goût” répondit-il au tac-au-tac. Ses lèvres roulèrent l’une contre l’autre pendant quelques instants, puis il reprit la parole: “Harper? T’y penses à quand on s’est embrassés?” La question tomba soudainement, sur le ton le plus inadéquat du monde—il aurait pu être entrain de l’interroger sur la météo que ça n’aurait pas fait grande différence—il haussa les sourcils, interrogateur. “C’était plutôt cool”.


Dernière édition par Jamie Ainsworth le Mar 26 Aoû - 22:50, édité 3 fois
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Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyMar 5 Aoû - 21:00

Le ton qu'elle employa pour bassiner Jamie avec son petit speech imprévu s’était avéré plus cassant qu'elle ne l'avait souhaité, et Harper le regretta franchement, sans pour autant l'exprimer à voix haute. À la place, elle détourna la tête pour inspirer une grande rasade d'oxygène. En emmagasinant énormément dans ses poumons, elle soupira aussitôt, laissant ses lèvres trembler sous le coup de ce trop-plein d'air vivement expulsé. Le menton suspendu près de son genou, elle resserra subitement les bras autour d'elle, sentant la fraîcheur matinale faire son effet sur sa peau, et de nouveau, elle couvrit ses jambes nues avec le plaid que Jamie lui avait tendu en arrivant.
Harper se sentait entre deux états. Entre l'hébétude due à la révélation du jeune homme, et la lucidité qui était sienne dans ce genre de situation. Ses yeux s'attardèrent un très long moment sur le rivage, espérant de fait adoucir ce trouble désagréable. Sans qu'elle les voie véritablement, préoccupée par trop de choses en même temps, Lilibeth distinguait une partie des rochers qui barrait tout un côté de la plage. Petite, elle s'y était cassé le bras ; c'était la fameuse fois où ils avaient pris la route avec ses parents pour assister à une séance de dédicace au centre commercial de Cleveland. La veille, son père avait voulu lui prouver à quel point ce serait amusant de sauter d'une plateforme naturelle. Lilibeth avait glissé, et à deux doigts de se fracasser le crâne contre le bloc de pierre, elle avait de justesse amorti sa chute en se retenant par la seule chose assez costaude pour supporter son poids d'enfant : son bras gauche. Ses os n'avaient pas supporté le choc, sa mère encore moins et Harper avait écopé d'un joli plâtre jaune et d'une écharpe phosphorescente en forme de grenouille. C'était avant son entrée à l'école primaire et toute la confusion apportée par les résultats des tests de QI qu'on lui avait fait passer. Il s'agissait en fait des derniers instants où on l'avait considérée comme une enfant. Tout ça lui paraissait bien loin maintenant.
Avec un temps de retard, elle se demanda pourquoi elle y pensait dans ces circonstances. Probablement parce qu'elle avait l'impression que sa première rencontre avec Jamie remontait à des années, elle aussi, alors qu'ils ne se connaissaient que depuis un an et demi, à tout casser. À une époque pas si lointaine, donc, leur présente conversation se serait terminée par une tape vigoureuse de la part de la blonde sur la tête de James, mais ce matin, elle n'en avait pas la force, et elle s'enfonça dans un autre silence coupable, craignant ce qui allait arriver et les effets de ces silences répétés sur leurs retrouvailles.

Les choses changeaient si vite, si radicalement, que la sensation d'avoir la tête qui tourne la força à reprendre un peu d'air pour soulager les picotements incessants qui endolorissaient toute une partie de son corps. Elle se souvint de la fois où Jamie était venu à la maison pour lui rendre les clichés qu'il avait pris d'elle à l'OSU. Elle se rappelait lui avoir précisément dit qu'elle n'avait pas besoin de lui ; seulement, elle savait désormais que ce n'était qu'un mensonge. Tout avait changé beaucoup trop vite, en effet. Il était net que Harper avait plus besoin de Jamie que Jamie n'avait besoin de Harper, elle le ressentait d'une manière dérangeante. C'était comme un secret honteux qu'elle aurait voulu partager, sans pouvoir mettre le doigt sur la meilleure façon de s'épancher ; elle se surprit à vouloir le lui dire maintenant, entre l'annonce du fait qu'il lui manquait, et sa tentative de faire passer ce genre de propos comme quelque chose de naturel entre eux. Il lui toucha la main, ce fut un geste qui la contraignit à oublier toute la bonne volonté qu'elle aurait mise à lui dire tout ce qu'elle voulait lui dire. Harper secoua la tête en se forçant à ne pas éclater de rire. Cette attitude était grotesque, mais pas autant que ça au fond, et une espèce de sensation de déjà-vu s'imposa à elle, trop tard pour qu'elle ne s'y soumette complètement toutefois, et elle garda son regard planté sur la côte sans le repousser mais sans en profiter non plus.

C'était sans compter sur la délicatesse de Jamie qui était tout aussi, si ce n'était moins encore, inexistante que celle de Harper. Cette dernière fronça abruptement les sourcils en l'entendant lui poser une question à laquelle elle ne s'attendait définitivement pas dans les conditions actuelles, et elle resta de longues secondes à faire des allers-retours oculaires entre sa large main recouvrant la sienne et le ciel percé de toute part par les rayons du soleil. Il n'y avait pas de bonne réponse à la question du jeune homme, mais Harper ne put s'empêcher d'établir un plan de synthèse dans son esprit pour être sûre de ne rien omettre ; si elle y pensait ?

« Non. » s'empressa-t-elle de répondre. C'était d'ailleurs trop incisif pour être honnête. S'en apercevant, c'est en retirant sa main de dessous celle de James que Harper rectifia tout aussi rapidement « Oui. Enfin, peut-être. Je sais pas... parfois ? T'y penses, toi ? » Se raclant bruyamment la gorge, Harper pivota sur une fesse puis sur l'autre pour se caler confortablement dans le sable. Elle marqua une pause en plissant les yeux, en pleine réflexion, tandis que ses pupilles retrouvèrent le panaché de couleurs vives qui apparaissaient dans le ciel du matin. Cette soirée à Columbus restait floue sur certains aspects, elle se demandait même souvent comment elle avait fait pour rentrer à Lima. Opérant un semblant de caresse avec son doigt autour du bracelet fluo qu'elle continuait de porter à son poignet depuis, alors que la solution chimique à l'intérieur n'avait plus aucun effet, elle se mordit les lèvres dans un effort de concentration. Le baiser dont parlait Jamie restait une énigme à laquelle elle n'avait pas vraiment songé, et pour cause « Je sais que c'est arrivé, mais je m'en souviens pas. » Elle pinça les lèvres « Ce qui est assez triste au fond, parce que c'était un truc comme mon premier vrai baiser. Barry compte pas, y avait pas de langues impliquées dans celui-là. » avoua-t-elle en grimaçant, passant outre l'embarras qu'elle aurait pu ressentir concernant tout ça. Pendant qu'elle estimait elle-même que ses propos étaient contradictoires, elle tourna son regard vers Jamie, et les sourcils haussés loin sur son front, elle ajouta dans une expression de fausse indifférence « T'es pas du genre à faire les choses à moitié, Jamie. Pas besoin de me souvenir de quoi que ce soit pour savoir que t'y es allé à fond. » Aussi se mit-elle soudainement à rire à cause de la suite de la phrase de Jamie - c'était plutôt cool, lui assura-t-il.

La bouche s'ouvrant graduellement, elle lui donna, avec le dos de la main, une petite tape sur la poitrine « J'y crois pas. » Plus grand encore, elle élargit l'ouverture de sa bouche et elle le pointa sournoisement du doigt, tentant de garder son sérieux pour ne pas se remettre à rire « T'as aimé ça ! Mais ouais, je le vois ! T'as aimé, ça se lit sur ton visage ! » Elle voulut se pencher sur lui pour approcher son nez du sien, histoire de lire sur ses traits des indices supplémentaires, sauf que la distance était trop importante pour qu'elle ne finisse pas par s'étaler sur lui. Lilibeth estima qu'ils avaient dépassé leur quota d'awkward moments pour ce matin, et elle laissa tomber l'idée. Au lieu de quoi, elle enchaîna dans un ton des plus narquois, qu'une pointe de sérieux réussit quand même à transpercer « C'est pour ça que t'as arrêté de venir à la maison après New York ? T'avais peur que ça change quelque chose entre nous ? » Elle plissa davantage les yeux en penchant la tête sur le côté, et son regard se verrouilla à celui de Jamie « Ca a changé quelque chose entre nous ? »
Si c'était le cas, il fallait qu'il le lui dise, parce comme elle le lui avait indiqué, elle ne se souvenait de pas grand-chose. Elle avait préféré ne pas se poser de questions après ça, à l'exception de celle qu'elle venait de lui attribuer, et elle nourrit brutalement l'envie de savoir ce qu'il pensait de cette histoire, si elle avait vu juste. Harper sonda les yeux de Jamie un moment, avant de vriller les siens de l'autre côté en laissant échapper un autre, et tout petit, rire. Toutefois, si elle devait être honnête avec elle-même, elle parvenait à se rappeler d'un sentiment inédit de réconfort, d'une impression de ridicule et de sincérité combinée, et pendant qu'elle baissait les yeux, elle s'aperçut que c'était ce qu'elle avait ressenti lorsqu'il avait touché sa main.

« Ben, j'imagine que j'ai dû aimer aussi. » conclut-elle finalement. Elle secoua la tête en la retournant et après un court silence durant lequel elle l'observa d'un œil attentif, passant en revue chaque parcelle de son visage en s'arrêtant plus de temps qu'il n'aurait fallu sur sa bouche, elle balaya sa rangée de dents du haut avec sa langue, puis termina par affronter fixement ses yeux. Harper lui lança sans crier gare « T'as envie de réessayer ? » Elle haussa les épaules avec nonchalance, une moue désinvolte rehaussant ses lèvres « C'est si jamais t'as douté... tu vois, pour que ce soit cool. » Elle fit une sorte de vague avec sa main qu'elle laissa s'échouer très loin devant elle, faisant dans l'excès de zèle comme à son habitude lorsqu'elle qu'elle se sentait prise dans un piège tendu par elle-même. Fronçant tous ses traits à la fois, Harper déploya brusquement ses membres. Elle se leva sans l'annoncer au préalable, pour mieux réduire le temps qu'aurait Jamie pour assimiler ce qu'elle venait de dire « Tu veux marcher un peu ? Je veux marcher un peu ! »
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyLun 11 Aoû - 6:56

Jamie était encore un peu ébranlé par la tournure de leur conversation. En dressant un tableau mental, il parvenait presque à discerner son évolution depuis qu’il était arrivé à Lima—et surtout, celle de sa relation avec Harper. “J’ai pas besoin de toi, Jamie” lui avait-elle rétorqué, une fois. Ça l’avait blessé à l’époque, parce qu’il nourrissait ce besoin désespéré d’avoir un rôle dans le quotidien de quelqu’un d’autre; qu’une personne ait sincèrement besoin de lui et que sa présence compte quelque part, avant qu’il ne s’enfonce bêtement dans l’oblivion. “Moi, je m’en fous.” Il savait qu’elle ne le pensait pas—elle s’exprimait impulsivement, et souvent de travers—mais parfois les mots avaient le fil aiguisé d’un couteau de cuisine, et une fois qu’on s’était coupé dessus, il ne restait plus qu’à attendre que ça cicatrise, aussi superficielle la plaie soit-elle. De temps à autres, dans ces moments brefs où la certitude de connaître l’autre cède place à l’absurdité des insécurités, il avait peur qu’elle le pense sérieusement.
“Eh…ouais” répondit-il en fronçant légèrement les sourcils, comme si son expérience de la chose avait été plus normale que la sienne, et un silence gênant accompagna ses propos. Jamie comprit soudainement pourquoi ni lui, ni Harper n’avaient initié cette conversation auparavant—même inconsciemment. C’est parce que, s’ils pouvaient être maladroits et awkward au possible sur à peu près n’importe quel sujet, celui-ci risquaient d’obtenir un record historique. “Un peu” clarifia-t-il précipitamment, parce qu’il n’y avait concrètement pensé qu’occasionnellement. Quand elle reprit la parole pour éclaircir ses propres impressions, la gêne ne s’était toujours pas dissipée. “Oh” lâcha-t-il, interdit. Il connaissait très bien les effets secondaires qu’occasionnaient la consommation d’ecstasy, mais l’idée qu’Harper puisse en avoir été victime ne lui avait pas traversé l’esprit—et pour cause, il n’avait pas été là pour y assister. Lui se souvenait partiellement de leur soirée à l’OSU. Il se rappelait très bien leur arrivée et la déception qu’il avait éprouvé à l’idée de rentrer à Lima sans avoir profité de leur dernière nuit comme ils l’avaient prévu—à savoir, devant un bon Tarantino en se gavant de cochonneries qu’ils auraient achetées à la machine de self-service. Puis, l’enthousiasme de réussir à improviser avec ce qu’ils avaient à proximité. Il avait même conservé cette photo qu’ils avaient pris à l’intérieur, et avait profité du matériel d’Anna pour l’imprimer et l’afficher au-dessus de son bureau, à côté d’un cliché de Sunny et lui au Parc Lincoln, et un autre d’Addison et Kara sur Main Street. Il y avait eu l’amertume de New York, Mariella. La suite était un peu confuse, même pour lui, parce qu’ils avaient dansé, bu et consommé. Il n’était même plus certain de la chronologique des évènements. À un moment donné, il se souvenait d’avoir éprouvé une très grande joie, mêlée à une profonde appréhension, sans comprendre comment une telle chose était possible. C’était le genre d’émoi qui pesait sur l’arrière du crâne en attendant d’être élucidé. En creusant davantage, c’est l’expression du visage d’Harper sur la piste de danse qui s’imposa à lui. Il mit l’image de côté en tournant la tête vers la jeune femme qui, aujourd’hui, ne portait plus aucune trace de cette angoisse virulente.
“Well, if you wanna know; I thought you were givin’ me CPR at some point” l’asticota-t-il dans un jeu de sourcils involontaire—il ne commenta pas son ‘baiser sans langue’ avec Henry, bien que l’idée le brrrr-ait, ni le fait que ç’ait été son premier vrai baiser-avec-la-langue. C’était tellement mesquin qu’après une seconde de silence durant laquelle il s’appliqua à ne pas rencontrer son regard, il manqua d’éclater de rire; il savait qu’elle savait qu’il plaisantait. C’était un procédé très simple, qu’ils connaissaient très bien à force de l’utiliser: faire preuve d’humour quand un sujet ou quelqu’un menaçait d’apparaître plus sérieux que nécessaire. Ça fonctionnait toujours.

“Oh, ne soit pas si surprise” protesta-t-il après qu’elle se soit brièvement approchée pour lui donner une tape contre la poitrine, entre les deux avant-bras qu’il avait inutilement relevés devant lui. Il n’avait pas honte d’admettre que ça lui avait plût—même si c’était potentiellement awkward de le faire, dans la mesure où il n’était pas sûr à 100% qu’elle ait apprécié. Il haussa les épaules avec éloquence, un sourire communicatif accroché aux lèvres—sourire qui s’élargit encore un peu lorsqu’elle ajouta qu’elle avait dû apprécier la chose, elle aussi.
Il tendit les jambes devant lui, et inclina son dos en arrière en enfonçant ses coudes dans le sable. Ses traits se plissèrent face aux questions d’Harper, et il inclina la tête sur le côté. “Non” répondit-il, aussi catégoriquement qu’elle l’avait fait lorsqu’il lui avait demandé si elle y pensait. “J’avais pas peur” précisa-t-il lentement, pour mieux l’éclairer sur ce qu’il voulait dire. Le problème, c’est que la question de savoir si cette appréhension existait chez lui ne lui avait pas effleuré l’esprit avant qu’elle ne la soulève. Ses lèvres s’écartèrent légèrement, comme si elles retenaient un souffle tandis qu’il cherchait les mots adéquats sans pouvoir détourner le regard. Ce n’était pas entièrement vrai, objecta-t-il mentalement. À New York, il s’était glissé dans la chambre de Sunny et lui avait confié ses doutes sur les circonstances. “C’est que—comme on était défoncé, j’étais pas sûr que ça soit, tu sais, bien de l’avoir fait” ajouta-t-il en haussant une épaule. Comme si cette réponse avait sonné son droit de rompre leur contact visuel, Jamie détourna le regard en se frottant machinalement les avant-bras. Son abdomen se contracta sous son t-shirt quand il choisit de reprendre une position assise. Il n’était pas doué pour l’introspection, et déterminer de but en blanc si oui ou non ça avait changé quelque chose entre eux, le dépassait. Il était rentré de New York, avait travaillé sur le cadeau d’anniversaire d’Harper, avait embrigadé Jules pour qu’elle ne soit pas à la maison lorsqu’il l’installerait; ; à partir de là, leur routine se serait probablement rétablie. Mais il avait été embauché à la dernière minute par Lexie et Madeleine pour préparer la réception d’Anna et Tim, et le temps qu’il accordait habituellement à Harper s’était retrouvé redistribué ailleurs. Il avait passé la majorité de son temps libre à nettoyer la Grange, puis trouver de quoi la rendre accueillante le temps d’une soirée. À la fin de ces journées, il avait été trop épuisé pour pédaler jusqu’au centre-ville et dormir chez Harper comme il le faisait en période scolaire—d’ordinaire. Les évènements s’étaient talonnés à la mauvaise période. “OK, peut-être que ça a changé quelque chose; mais c’est pas pour ça que je ne suis pas venu. J’étais occupé avec, tu sais, la réception et tout ça” compléta-t-il, et finalement satisfait par cette réponse, il s’ébouriffa les cheveux en étouffant un bâillement.

“Mais c’est qu’elle en redemande” commenta-t-il un instant plus tard en lui empruntant l’expression qu’elle avait afiché une minute plus tôt lorsqu’il avait admis avoir apprécié leur baiser. Il claqua des lèvres dans les airs, avant d’étouffer un rire communicatif, se sentant nettement plus léger qu’il ne l’avait été depuis le début de la conversation. Bizarrement, c’était beaucoup plus facile de s’épancher sur ce qui s’était passé dans cette piscine, que d’avoir à tergiverser sur les raisons qui l’avaient mené à monter dans un bus, un matin, sans réfléchir aux conséquences. Là, au moins, il savait de quoi il parlait. Jamie réprima difficilement un sourire démesuré lorsqu’elle se redressa en exprimant l’envie de marcher. “Yeah” répondit-il en posant une main dans le sable pour se soulever à son tour. Il se courba en avant pour récupérer son carnet qu’il froissa dans la poche arrière de son pantalon, et frotta ses paumes contre les poches de son jean. “Attends” lança-t-il en réduisant la distance qui les séparait en deux enjambées. Il tira sur son pull, prit son visage entre ses mains et écrasa ses lèvres sur les siennes avant qu’elle n’ait le temps de comprendre ce qu’il comptait faire. Il recula son visage après un court instant, et scruta doucement le sien. “Cool?” lâcha-t-il, avec un naturel désarmant. Il inclina davantage la tête, désireux de réunir leurs lèvres encore une fois.
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
Age : 20 ans
Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyMar 12 Aoû - 20:41

Même s'il lui paraissait nerveux, le rire de Jamie tranquillisait Harper quant à la suite des événements. Délestée d'un poids qu'elle avait jusqu'alors ignoré, elle se joignit à l'hilarité du jeune homme pour célébrer le retour de leur bonne vieille routine. Cependant, elle opéra un léger froncement de sourcils lorsqu'il répondit à ses questions, et elle entreprit de faire couler du sable entre ses doigts pour s'occuper les mains. Elle choisit de river ses yeux gris sur le flux poudreux qui retombait en toute légèreté dans le triangle de tissu formé par ses jambes qu'elle avait recroisées sous le plaid douillet, pendant qu'il continuait à s'exprimer. D'une oreille intéressée, Harper l'écouta parler. Jamie avait raison sur un point ; il y avait de quoi craindre le pire quand on savait qu'ils s'étaient embrassés sous substance, et elle saisissait qu'étant le plus habitué d'eux deux à entretenir des rapports réguliers avec les stupéfiants, il fut celui qui hérita des incertitudes liées à un tel comportement, domptant aisément les effets secondaires d'une consommation festive. Il s'agissait d'un comportement plus qu'inhabituel que Harper ne regrettait pas après coup, car du peu qu'elle se souvenait, elle avait adoré la soirée qu'ils avaient passée. Mais maintenant, une certaine frustration engrangée par le trou noir dans lequel elle avait sauté à pieds joints si tôt qu'elle avait gobé le comprimé s'insinuait en elle, et ce depuis le moment où Jamie avait mis le sujet sur le tapis.
Elle ne regrettait absolument pas, jusqu'à ce qu'il lui glisse que, effectivement, ç'avait peut-être changé quelque chose entre eux. Harper releva hâtivement le menton, la bouche entrouverte. Elle dévia aussi vite les pupilles pour observer attentivement l'amas de sable se déposant entre ses cuisses dissimulées sous la couverture, faisant fi de l'explication du garçon impliquant les préparatifs de la réception pour Timothy et Anna. Méditant pendant un temps, elle se demanda si elle était prête à lui demander ce qui avait changé d'après lui, mais elle fit marche arrière à l'instant où les mots se bousculaient à la barrière de ses lèvres qu'elle pinça très fort pour qu'aucun son ne puisse s'en échapper.

Harper n'avait jamais considéré Jamie autrement que comme son ami, et l'idée que ce baiser puisse modifier leur dynamique la plongeait dans une certaine perplexité. Elle l'avait laissé partager son intimité sans rien attendre en retour, elle lui faisait suffisamment confiance pour le laisser entrer dans son lit sans craindre le moindre dérapage, même si elle admettait mieux dormir quand il se trouvait à proximité. En vérité, elle n'était pas convaincue de ressentir pour lui autre chose que de l'amitié, mais comment en être certaine sans avoir une vue d'ensemble sur ce que ce baiser avait provoqué chez elle ? Est-ce que ses hormones avaient réagi d'une certaine façon parce que c'était juste normal, ou parce que c'était Jamie ? Lilibeth n'était pas experte en la matière : elle croyait en la chimie, pas au coup de foudre au premier regard. Quand elle avait rencontré Jamie, elle n'avait ressenti rien d'autre que l'envie irrémédiable de lui fourrer son poing dans la figure, et d'après ce qu'elle connaissait, ça ne rentrait dans aucune notion scientifique qu'elle avait étudiée. Elle savait toutefois qu'il suffisait d'un déclic, d'une étreinte ou d'une caresse, pour faire prendre conscience aux principaux intéressés que, sous l'agacement profond des débuts, à l'impression de manque de ces derniers jours, se cachait probablement autre chose qu'une affection purement platonique. N'ayant pas eu ce déclic, Harper était en droit de se demander si Jamie l'avait eu puisque visiblement, sa perception de leur relation avait changé, alors que la sienne restait intacte. Non, elle n'avait pas eu ce déclic, mais il y avait bien eu quelque chose ; seulement, ça n'avait pas été assez fort pour la mettre devant le fait accompli et la contraindre à admettre que les colocataires de Jamie avaient raison quand il la gratifiait de remarques à double sens sur sa relation avec le jeune homme. Il fallait qu'elle se départisse de cette énigme. Se jetant sur les éventuelles incertitudes de James, elle lui proposa donc, le plus maladroitement du monde, de retenter l'expérience.

Après s'être levée, Harper frotta les paumes de ses mains recouvertes de sable sur l'arrière de son short en jean, ressentant une toute petite pointe d'embarras qu'elle tenta de faire passer en s'éparpillant en propos inutiles. Avec un peu de chance, Jamie serait trop épuisé pour s'attarder sur ce qu'elle disait et prendrait sa proposition comme une simple boutade, comme d'habitude. Replaçant l'épaule de son pull trop large sur sa clavicule, elle jeta un regard distrait au paysage derrière elle avant d'agiter ses jambes pour faire passer les fourmillements qu'elle ressentait au niveau de ses chevilles, tandis que Jamie se levait à son tour. Harper n'avait pas envie de marcher, elle avait envie de courir à des centaines de mètres d'ici pour éviter d'être confrontée à l'humour de Jamie qu'elle ne saurait pas apprécier à sa juste valeur cette fois-ci. Elle avait toujours cru qu'ils pouvaient rire de tout, mais en l'occurrence, se fendre la poire au détriment de sa confusion ne la faisait pas tellement rire. Une certaine appréhension s'ajouta à la frustration. Elle roula ses lèvres l'une sur l'autre, laissant le temps à Jamie de s'épousseter, et pendant qu'elle constatait avec soulagement qu'il ne faisait pas cas de sa suggestion, elle pointa le sentier avec son doigt et lui demanda :

« On peut y aller ? » En retour, il lui demanda d'attendre. Harper, qui s'apprêtait déjà à pivoter sur ses deux pieds, roula des yeux en soupirant pour faire bonne figure, quand elle le vit se rapprocher d'elle avec une détermination remarquable. Le fait qu'il la tire par son pull lui fit perdre très légèrement l'équilibre, et elle se raccrocha à deux mains aux poignets du jeune homme ; poignets qui se retrouvèrent à hauteur de sa mâchoire au moment où ses lèvres s'écrasèrent contre les siennes, sans qu'elle n'ait le temps de remplir ses poumons d'air.
Ce manque soudain d'oxygène déclencha chez Harper une série de flashs qui l'obligèrent à rompre leur baiser. Elle avait ressenti la même chose dans la piscine de l'OSU, c'était net maintenant, autant que la tiédeur de la bouche de Jamie contre la sienne, et cette insuffisance à reprendre le contrôle la fit fermer les yeux avec un temps de retard, car les lèvres de Jamie se détachaient pour de bon. Elles restaient proches cependant, Harper sentait son souffle effleurer sa joue, et quelque chose se mit en place dans son esprit. C'était très bizarre, mais pas contrefait, et n'osant pas bouger, Harper s’imprégna de sa nouvelle conscience. Comme s'il lui laissait le temps de le faire, Jamie mit un instant à reprendre la parole. Oubliant de reprendre sa respiration, alors qu'elle manquait de souffle, Harper lui répondit d'une voix lointaine :

« Pas cool du tout. » Elle rouvrit lentement les yeux pour le regarder et osa prendre une inspiration. Raffermissant sensiblement sa prise autour de ses poignets, elle entrava l'inclinaison de son visage vers le sien en barrant la bouche du jeune homme avec sa main gauche « Attends. » Chacun son tour. Harper se souvint qu'elle avait fait la même chose avant leur premier baiser, et elle sourit en s'apercevant que ses souvenirs devenaient de plus en plus précis, lui donnant l'impression qu'elle avait simplement eu besoin d'une piqûre de rappel pour raviver tous ses sens.
Aussi, continua-t-elle sur sa lancée, parlant tout bas sans savoir pourquoi « Si tu veux rester ici encore quelque temps, je comprendrais. Mais dis-le-moi maintenant parce que... » Coulant une œillade à sa main qui cachait les lèvres de Jamie, Harper ne la baissa pas dans l'immédiat. En revanche, elle posa brièvement sa bouche dessus, à l'endroit où elle aurait normalement dû retrouver celle du garçon. Enfin, elle le laissa reprendre toute sa mobilité en se décalant après une courte pause « Je veux pas que ça devienne compliqué, OK ? » Harper ne savait toujours pas si elle avait eu ce fameux déclic, elle sentait simplement que quelque chose était différent. En comparant sa fugace - et factice - expérience avec Henry, elle pouvait décemment dire que ce baiser-ci lui avait donné autre chose que l'envie de rendre le petit-déjeuner qu'elle n'avait pas pris. En fait, elle en avait envie d'un autre, et c'est sur cette pensée qu'elle se rapprocha de nouveau de lui. Agrippant la veste du jeune homme, Harper lui lança un regard fixe. Une seconde à peine, elle hésita, puis secouant la tête de droite à gauche, elle lui affirma, avant que ses lèvres n'adhèrent à celles de Jamie « J'ai besoin d'être sûre d'un truc. » Amorçant leur baiser suivant, Harper ferma les yeux au bon moment ce coup-ci. C'était un baiser plus impulsif, moins modéré, durant lequel elle posa les mains sur ses épaules et empoigna doucement sa nuque. Pendant qu'elle y mettait tout son cœur, une petite voix dans sa tête la nargua en fredonnant : dude, you're screwed.
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Jamie Ainsworth
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyDim 24 Aoû - 4:20

En réfléchissant davantage à ses propos, et en observant les réactions qu’ils suscitaient chez Harper, Jamie inclina doucement la tête sur sa propre épaule en maudissant mentalement son manque d’éloquence. S’il peinait souvent à traduire ce qu’il pensait à l’oral, c’était d’autant plus difficile lorsqu’il n’était pas certain de savoir ce qu’il voulait dire, ou véhiculer. Généralement, il s’exprimait mieux sur le papier—parce qu’il avait plus de temps pour réfléchir aux circonstances, pour corriger une mauvaise formule, pour renforcer une idée. À haute voix, personne ne pouvait se permettre de couper une réplique pour repartir de zéro et améliorer sa performance—c’était un privilège exclusivement réservé au cinéma et ses acteurs. Jamie était incapable d’observer concrètement sa relation avec Harper en songeant avec conviction que quelque chose avait été modifié, ou pire, remplacé. L’image ne lui plaisait pas—le mettait même mal à l’aise. C’était difficile à traduire en mots. Jamais il n’avait partagé son lit en s’imaginait qu’il aurait toute la nuit pour tenter une approche quelconque—et l’idée qu’elle puisse observer tous ces moments en rétrospective et en tirer les mauvaises conclusions, lui comprimait désagréablement l’estomac. Il n’avait jamais pensé à Harper de cette manière jusqu’à récemment; et il était on ne peut plus certain qu’Harper elle-même ne l’avait jamais considéré autrement non plus. Avant cette soirée à l’OSU néanmoins, beaucoup leur avait prêté ce genre de connexion. Madeleine et Lexie s’en donnaient à cœur joie dès qu’Harper franchissait le seuil de la Pension; et il s’était accroché avec Sunny à ce propos à la soirée d’Halloween. “Je ne tomberais pas amoureux d’Harper Pritchard !” s’entendait-il encore rétorqué; évidemment à l’époque, la perspective d’éprouver ce genre de sentiments bizarres à l’encontre d’Harper n’aurait su lui apparaître plus insensée. Aujourd’hui, c’était un peu différent. Ne serait-ce que parce qu’il n’était pas fermé à l’idée de ressentir ces choses-là vis-à-vis d’elle. Et puis, ils s’étaient embrassés et des “Et si?” accompagnés de “Pourquoi pas?” s’étaient invités dans la mêlée. Comme Harper, Jamie n’accordait aucun crédit aux coups de foudre promu par Hollywood—s’il pouvait les tolérer sur grand écran pendant deux heures et demie, l’idée qu’ils puissent se produire dans la vraie vie avait quelque chose de profondément absurde à ses yeux. Jamie coula un regard en direction d’Harper, observant distraitement la cascade de sable qui s’échappait lentement de ses mains. Il ne pouvait pas réfléchir à leur situation comme il réfléchirait à un problème de mathématiques; ça n’avait rien de cérébral. La seule chose dont il était certain, c’est qu’il se sentait bien avec Harper; qu’elle savait le réconforter même lorsqu’elle ne trouvait pas les mots justes pour le faire; qu’elle lui suffisait exactement comme elle était, et c’était peut-être là le plus important. En arrêtant de chercher à étiqueter ce qu’ils étaient l’un pour l’autre pendant cinq minutes, Jamie parvenait à se dire qu’un changement—aussi infime soit-il—dans leur relation n’était pas aussi effrayant qu’il ne le semblait à première vue.

C’est sans doute pourquoi Jamie ne s’accorda pas l’occasion d’hésiter un seul instant. Il avait toujours vécu ainsi, à saisir le moment quand il se présentait à lui, à s’élancer les deux pieds en avant sans un regard en arrière. À défaut de pouvoir se projeter dans l’avenir, il avait toujours su profité de l’instant présent, à prendre des risques aussi inconsidérés soient-ils ; et il n’allait pas laisser ce moment-là lui glisser entre les doigts—et qu’importe s’il se trompait, s’ils avaient tort de se lancer là-dedans. La seule chose qu’il était capable de regretter, c’est de ne pas avoir eu le cran d’agir. C’est pourquoi il se rengorgeait d’audace, autant que possible. Ses lèvres s’écrasèrent contre celles d’Harper, et pendant une brève poignée de secondes, Jamie ne pensa à rien d’autre qu’à ce contact si simplement humain. Il eût conscience des mains d’Harper autour de ses poignets et de sa proximité. Jamie s’écarta très légèrement pour lui laisser le temps et l’espace de réagir d’une manière ou d’une autre. Sa réponse lui arracha un sourire. “Sûre ?” répondit-il d’une intonation plus basse, comme si le fait qu’ils se trouvent si proches l’un de l’autre impliquait qu’ils doivent échanger des messes basses. Il passa délicatement son pouce sur l’ourlet de sa lèvre inférieure, tenant toujours son visage dans la coupe de ses mains, et hochant la tête d’un air entendu tout en scrutant ses traits avec attention. Désireux de renouveler l’expérience, Jamie s’approcha à nouveau. Sans doute aurait-il dû s’y attendre, mais il eut de nouveau la surprise de rencontrer la main d’Harper contre sa bouche. L’effet de déjà-vu lui fit hausser un sourcil ; le sourire d’Harper en dessina sur ses propres lèvres.
« Si tu veux rester ici encore quelque temps, je comprendrais. Mais dis-le-moi maintenant parce que… ». Sa pomme d’Adam monta d’un cran, pour mieux redescendre l’instant d’après tandis qu’il déglutissait face à la réalité de ces propos. Elle approcha son visage, et appuya ses lèvres sur le dos de sa main et Jamie vrilla ses pupilles dans les siennes. Il savait qu’elle référait à « ici » pour ne pas avoir à dire « si tu ne veux pas rentrer à Lima ». Il avait conscience d’avoir une attitude contradictoire ; à lui dire qu’il n’était pas sûr de revenir, pour l’embrasser ensuite. C’est parce qu’il avait l’habitude de fonctionner à l’instinct qui l’envahissait sur le moment. C’est pourquoi il ne se faisait pas toujours confiance. Il savait néanmoins qu’il était temps de rentrer à Lima—chez lui. Parce qu’un endroit qui manque autant, qu’on retrouve quand on est seul et qui n’est pas seulement composé d’une chambre où faire son lit, mais de visages familiers et d’affections, ne pouvait qu’être la maison, non ? Il était temps de rentrer oui ; non seulement parce qu’il avait pleinement conscience que quelque chose—quoi que cette chose fût—se produisait entre eux ; mais aussi pour tous les points qu’elle avait relevé un peu plus tôt et qu’il avait été trop bête, et égocentrique, pour prendre en considération tout seul. Il avait eu besoin que quelqu’un le lui dise. Il glissa sa main sur la sienne pour accompagner son retrait, en hochant lentement la tête de gauche à droite. Il l’embrassa sur le front : “Promis”. Les grands discours n’étaient pas de circonstances ; ils n’avaient jamais scellé de promesses auparavant—ils n’en avaient jamais eu l’occasion, à vrai dire. Mais une petite voix à l’arrière de son cerveau lui soufflait qu’il n’avait pas le droit de l’embrasser maintenant, s’il n’affirmait pas vouloir rester le lendemain. Il savait qu’il n’avait pas été la personne la plus fiable au cours des dernières semaines, mais il voulait qu’elle sache qu’il n’avait pas l’intention de l’abandonner du jour au lendemain ; ou du moins, qu’il ne le ferait plus. Parce qu’elle avait raison lorsqu’elle indiquait qu’il ne pouvait pas entrer dans la vie des gens, pour en ressortir aussi simplement qu’une lettre à la poste. Il n’en avait pas envie.

“OK” acquiesça-t-il sobrement, et ses mains glissèrent de son cou, de ses épaules, jusqu’à ses côtes pour mieux l’enlacer—tandis que ses mains à elle, se refermaient sur les bords de sa veste en jean. “C’est marrant; t’as peur que ça se complique, et j’ai l’impression que ça devient un peu plus simple” ajouta-t-il après un court moment de silence; il lui adressa un sourire gauche, parce qu’il savait que la constatation sortait de nulle part; il avait été incapable de la garder pour lui. Elle l’embrassa à son tour, et Jamie remarqua immédiatement la différence. C’était un baiser plus naturel, plus spontané, plus brut. Ses lèvres s’entrouvrirent pour mieux adhérer aux siennes, et il appuya sa poitrine contre elle. Il n’était pas sûr de savoir ce qu’elle cherchait à éclaircir de son côté; il espérait seulement que l’issue ne soit pas négative.  Jamie sentit l’adrénaline s’écouler dans son organisme—il aurait pu courir à en perdre haleine qu’il n’en serait probablement pas venu à bout. “Slower” lui souffla-t-il contre sa bouche tiède, en la sentant précipité la chose inutilement; c’était peut-être bête mais il n’avait pas envie de hâter quoi que ce soit à ce moment précis. “Sûre, maintenant? Parce que si tu continues comme ça, je crois pas que je pourrais te laisser partir” déclara-t-il, leurs deux visages encore très proches. “Sérieusement”.
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Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 05. [Cleveland, OH] Lost and Found   05. [Cleveland, OH] Lost and Found EmptyDim 24 Aoû - 23:42

Lilibeth s'apercevait qu'elle était faite comme un rat. Ses hormones d'adolescente devaient bien sûr jouer un rôle primordial dans la saynète d'intenses émotions qui se jouait dans son petit théâtre intérieur et qui l'amenait à consolider ses doigts à la nuque de Jamie, à l'étreindre au point d'en avoir le souffle coupé, il ne fallait pas sortir d'une grande école pour l'évaluer. Mais ce simple geste faisait surtout naître en elle la confirmation de l'évolution progressive - et pas d'un changement drastique comme elle l'avait cru au premier abord - d'une relation qu'elle avait toujours considérée comme étant dysfonctionnelle à souhait. Car leurs rapports n'avaient pas toujours été simples à gérer, et certainement qu'ils ne le deviendraient pas miraculeusement du jour au lendemain. Comme en témoignaient les quelques cheveux que Jamie avait perdus au cours de ces derniers mois et la foulure que Harper avait traînée à son poignet gauche pendant des semaines entières, ils étaient parfois rudes l'un envers l'autre, bien que ça ne durait jamais plus d'une heure ou deux. La jeune fille n'avait pas honte d'admettre qu'elle détestait James Ainsworth autant pour ses qualités que pour ses défauts. En fait, une nuance méritait d'être apportée ; elle adorait prétendre qu'elle le détestait. C'était sans doute ceci qui aurait dû lui mettre la puce à l'oreille, et lui aurait ainsi évité de chercher à tout prix à se remémorer ce qui s'était passé exactement entre eux lors de leur virée imprévue à l'OSU. Quoique désormais, elle ne regretterait son amnésie partielle pour rien au monde.

En effet, de vrais ennemis, Harper en avait et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'éprouvait pour eux même pas un quart de l'affection profonde qu'elle réservait exclusivement au jeune homme. Au fil du temps, ça aurait pu devenir problématique. Sauf qu'au plus elle le percevait comme son meilleur ami, au plus elle avait la sensation agréable que tout était évident. Si au début elle l'avait tanné pour qu'il arrête de fumer, si elle lui avait récité des paragraphes entiers des pamphlets qu'elle avait débusqués à l'infirmerie du bahut et qui traitaient de la consommation abusive de drogues et d'alcool, elle avait fini par accepter ce qui le rendait si agaçant et attachant à la fois. Harper avait besoin de quelqu'un comme lui pour la confronter à des notions qu'elle n'avait pas en sa possession et au fond, c'était à cause de ça qu'elle l'appréciait autant ; parce qu'ils étaient différents, que Jamie ne prenait pas le temps de réfléchir au lendemain alors qu'elle avait au contraire un plan précis qui se dessinait dans son esprit à la seconde même où les rayons du soleil disparaissaient dans le ciel pour laisser place à l'opacité de la nuit. C'était en ça qu'elle jugeait que, peut-être, les choses deviendraient compliquées.
Il n'y avait pas de place pour l'improvisation chez Harper Elizabeth Pritchard, à l'exception des rares moments où elle prenait le temps de s'occuper d'elle et pas de sa famille ; exactement comme maintenant. Et étant donné que sa vie n'était pas mise en danger, qu'elle ne courrait pas vers autre chose que la suffocation imminente due au manque d'air qu'elle s'entêtait à vouloir emmagasiner dans ses poumons au lieu de doucement expirer chaque fois que leurs lèvres se repoussaient pour se retrouver une seconde plus tard, elle estima qu'elle n'avait absolument pas besoin d'établir le moindre programme. Il fallait juste qu'elle lui fasse confiance, qu'elle se laisse guider, et advienne que pourra.

C'est pourquoi quand Jamie lui souffla de ralentir, Harper s'y plia sans opposer de résistance et pendant qu'elle relâchait la pression de ses doigts sur sa nuque, elle fit glisser la main posée sur l'épaule du jeune homme pour la placer sur son visage. Elle rompit doucement leur baiser - plus doucement qu'il n'avait commencé. Finalement, le manque d'oxygène ne lui posa pas autant de problèmes qu'elle l'avait cru et c'est bien avant de reprendre une profonde inspiration qu'elle laissa échapper un petit rire en lui répondant.

« Je comptais pas partir de toute façon. » Elle recula son visage pour scruter le sien et par habitude, elle voulut glisser une mèche blonde derrière sa propre oreille. Harper ne trouva rien d'autre qu'une mèche dégradée qui retomba aussi vite devant ses yeux gris « C'est qu'une idée, mais je pourrais... rester ? » Elle devrait prévenir ses frères, bricoler une excuse pour l'école et éviter que Violet ne vienne se mêler de ses affaires. En définitive, rien qu'elle n'avait pas l'habitude de faire au quotidien et puis ce n'était pas comme si elle allait encore apprendre quelque chose en cours. De toute façon, le temps de refaire la route vers Lima, elle ne réussirait pas à arriver à l'heure pour la deuxième période. Comme à chaque fois dans ce genre de circonstances, Harper s'écouta et ferma la porte aux voix dans sa tête qui lui disaient de faire attention.
Son pouce vint effleurer l'espace sous la lèvre inférieure du jeune homme et tandis qu'elle se mordait les lèvres en repassant plusieurs fois son doigt sur le duvet épars recouvrant le menton de Jamie, elle reprit « Juste pour la journée, le temps que tu mettes tes idées au clair et que tu sois certain de vouloir rentrer. » Son moment de relâchement ne dura pas longtemps. Déjà elle donnait l'impression d'insister, souhaitant inconsciemment une réponse limpide pour envisager la suite. Lilibeth se mordit plus fort la lèvre en se détachant délicatement de Jamie, se maudissant de ne pas être capable de lâcher un peu de leste même quand elle se promettait à elle-même d'être moins pointilleuse sur ce qu'il se passerait.

Osant à peine déglutir, ses lèvres se retrouvant un peu engourdies après cette gymnastique inhabituelle, elle se retourna pour marcher quelques pas. A la bordure de l'entendue de sable, Harper fit volte-face. Recouvrant ses mains avec les manches de son pull, elle resta un moment à observer Jamie en se demandant s'ils allaient devenir ce genre de personne dont elle prenait plaisir à se moquer ; est-ce qu'ils commenceraient bientôt à se regarder dans le blanc des yeux en se disant des choses profondes, ou est-ce qu'ils préféreraient se morfondre devant la fin de Titanic en cherchant des hypothèses saugrenues concernant le sauvetage du héros principal, se basant sur la force de leurs sentiments inexploités pour conclure que la naufragée la plus célèbre du cinéma américain n'était qu'une flemmarde congelée et que l'amour qu'elle portait à son amant aurait dû la contraindre à se bouger un peu les fesses pour lui laisser de la place sur son radeau de fortune ? Harper se mit brusquement à rire : ça lui paraissait impossible, et comme pour asseoir son refus de devenir un stéréotype, elle secoua la tête de droite à gauche. D'un ton on ne peut plus sérieux, elle lança à Jamie :
« Souris pas trop fort, Ainsworth. Ça change rien, t'es toujours une tête de gland. » Elle sourit en coin et fit jouer ses lèvres jointes de droite à gauche en fronçant le nez pour ne pas se trahir, mais elle finit par laisser son sourire illuminer irrémédiablement tout son visage. Tendant enfin les deux mains vers lui, elle lui demanda « On peut aller marcher, maintenant ? »

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