C’était un lundi après-midi ensoleillé mais venteux, les gens se pressaient dans la rue, cheveux et manteaux au vent. Brittany, sa crinière soigneusement remontée en un chignon, serra sac, paquet et les pans de sa veste autour d’elle jusqu’au porche d’un immeuble familier, sur le côté d’un restaurant chinois soigné. Une fois à l’intérieur, elle laissa échapper une expiration soulagée avant d’entamer la montée de l’escalier. Elle n’avait pas eu cours de la journée, ne s’était rendu au studio que pour planifier des chorégraphies à venir et s’y entrainer, elle n’eut donc aucun mal à arriver à destination sans une once de fatigue.

Pimpante mais nerveuse : les sectionals ne tarderaient plus et elle avait un mauvais pressentiment. Finn ne l’avait pas vraiment aidé à aborder l’évènement de manière sereine. Elle était censée représenter l’optimisme des Urban Hymns, mais elle avait un peu de mal à remplir ce rôle ces derniers temps, même si elle faisait toujours bonne figure aux répétitions. Ils étaient bons, de cela elle n’avait pas de doute (ils avaient gagné l’année précédente, quand même !), mais peut-être que, cette fois-ci, la concurrence seraient plus forte encore. Elle se mordilla les lèvres avant de secouer vivement la tête, manquant déloger quelques mèches de son chignon. Hors de question de se laisser aller au doute, il fallait garder le cap du positivisme !

Elle frappa fermement à la porte et attendit impatiemment qu’on vienne lui ouvrir : elle était toujours bien plus tranquille en bonne compagnie. Le sourire de Quinn éloigna effectivement toute ombre du tableau. « Bonjouuuur ! » salua-t-elle joyeusement avant d’enserrer son amie d’un bras pour un câlin de rigueur et une bise furtive. « J’ai amené les gâteaux préférés de toute la famille ! … et Ingrid, aussi, je ne l’ai pas oublié – enfin je crois, j’ai eu un doute sur le caramel… » Elle souleva le généreux paquet, fière d’avoir bien calculé son coup : c’était l’heure du goûter (ou du thé, pour les plus snobs) !

« Et je t’ai aussi amené le CD pour les Sectionals, comme promis. C’est la version finale, ça y est, j’ai fait promettre à Finn d’arrêter les modifs ! » Elle accompagna sa déclaration d’un clin d’œil tandis qu’elle enlevait sa veste : leur leader avait longuement pinaillé sur les détails mais il avait bien fallu dire ‘stop’ et fixer les choses. En tant que chorégraphe, Brittany était bien placée pour comprendre ses doutes et ce besoin de modifier tout un petit détail qui se présente l’un après l’autre et vous rend maniaque, mais elle avait dû apprendre à se maîtriser. Elle avait tapé du pied sur le parquet lorsque Finn avait essayé de changer des choses bousculant la chorégraphie : pas toucher ou dragon cracheur de feu pas content !  Non, désormais, il ne leur restait plus à tous qu’à répéter encore et encore, pour donner le meilleur d’eux-mêmes au moment clé.

L’un des avantages de la richesse de Brittany était l’absence de limites matérielles à sa générosité naturelle. Seuls le bon sens et la fierté de ses proches l’empêchaient de les couvrir de cadeaux de qualité en quantité. Si elle avait pensé une seule seconde que Quinn le permettrait, elle lui aurait déjà acheté une maison avec un minimum de quatre chambres. Par défaut, elle se contenterait probablement de lui acheter un nouveau canapé-lit bien plus confortable pour son anniversaire en juillet, si elle n’en avait pas changé d’ici là (dans le cas contraire, elle trouverait bien une autre idée toute aussi raisonnable – relativement parlant). Pour résumer, apporter des gâteaux ou friandises quand elle allait où que ce soit, c’était bien le minimum réglementaire.

Elle entra et se laissa volontiers guider vers le salon tandis qu’elle retirait sa veste épaisse. En apercevant le bout de chou qui l’attendait, elle déposa son blouson sur le dossier de la première chaise venue, ouvrit les bras bien grands et sautilla jusqu’à son parc. Ravie de l’accueil qu’il lui fit, elle revêtit un sourire extatique. « Moi aussi tu m’as manqué mon Prince chéri ! » s’écria-t-elle en le soulevant par les aisselles. Elle lui fit faire un tour dans les airs avant de le serrer dans ses bras et de déposer un baiser sur son front. Comme souvent, il se cala dans son cou et elle colla sa joue à son petit crâne duveteux pour une séance de câlins paisible.

Brittany vint s’asseoir sur le canapé au côté de Quinn et lui sourit. « Oh, quelque chose de sucré. Un chocolat ? Ou un jus de fruit ? Je n’ai pas très froid en fait, mais il y avait un de ces vents ! On est bien mieux à l’intérieur, n’est-ce pas mon cœur ? » Elle déposa un nouveau baiser sur la peau de son nounours humain avant de prendre le temps d’observer un peu plus attentivement son amie tandis qu’elles les servait. « Tu as l’air en forme Quinn, ça fait plaisir à voir ! » Bien que la jeune mère célibataire ait toujours fait bonne figure,  Brittany savait faire la différence entre ses sourires de façade et la réalité. Quelque chose d’autre que sa visite (aussi plaisante soit-elle) avait eu un effet positif sur Quinn, elle était moins… tendue. Et ce n’est certainement pas l’approche des Sectionals qui lui avaient fait cet effet !  « De bonnes nouvelles ? »

Elle s’enfonça dans le canapé et réajusta Prince pour qu’il puisse s’appuyer contre elle et décider de lui-même s’il voulait rester debout ou s’installer sur ses genoux. Il referma sa main autour de l’un de ses doigts et elle sourit béatement. Elle était définitivement conquise par Liam et Prince, ces petites terreurs pourraient lui demander n’importe quoi quand ils seraient plus grands, elle serait incapable de leur dire non (au grand dam de leurs mères, sans aucun doute). Son esprit (traitre) divagua brièvement en se remémorant Peter et la photo de sa fille qu’il lui avait montré. Peut-être s’ajouterait-elle à la liste de ses petits trésors ?  

Brittany observait Prince frotter sa joue contre sa peau et sa main contre son pull en cachemire, tandis qu’il babillait ce qu’elle identifia comme un équivalent de « Doux, tout doux », avec un sourire attendri. Tactile comme elle l’était, Brittany appréciait le contact avec les bébés pour ce rapport particulier créé par le toucher qu’ils affectionnaient tous deux. Les adultes pouvaient être si froids et distants… à cet âge, c’était rarement un problème et c’est ce qu’il lui plaisait.

La jeune femme reporta finalement son attention sur son amie et la remercia en acceptant son verre de jus d’orange. Elle en sirota brièvement une gorgée avant de le reposer sur la table pour ajuster sa prise sur Prince. Elle releva brusquement en entendant la nouvelle. « C’est vrai ? Oh, mais c’est génial ! Tu vas avoir plus de temps pour toi et les enfants ! Je sais combien ces deux jobs pouvaient être fatigants ! » s’enthousiasma-t-elle, ravie. Et puis, soyons francs, Quinn pouvait être tout à fait charmante et mercantile, mais la vente ce n’était pas vraiment pour elle. Cela avait toujours été un moyen de mettre autre chose que du pain sur la table, voilà tout. Quinn était faite pour diriger, de l’humble opinion de Brittany. Si elle devait revenir dans la vente un jour, c’était en tant que propriétaire d’un magasin et rien de moins !

« Oh, » fit-elle lorsque Quinn la remercia de sa collaboration. Elle balaya le sujet d’un signe de la main. « Ce n’est rien, tu sais que ça me fait plaisir, j’aime travailler avec toi, surtout sur du cheerleading. Ça me rappelle de bons souvenirs ! » Elle lui offrit un sourire et un clin d’œil. L’époque où Quinn était la cheerleader-en-chef et Brittany sa ‘conseillère technique’ leur était chère à toutes deux, malgré les difficultés que la jeune maman avait traversé à l’époque.

Prince s’agita sur ses genoux et Brittany le souleva pour le repositionner dans le sens inverse, afin qu’il puisse voir sa mère, à qui il offrit un sourire édenté. La jeune femme en profita pour saisir un gâteau. Lorsque le sujet de sa vie amoureuse fut abordé, elle rougit et utilisa comme excuse sa bouche pleine pour retarder sa réponse. « Mh… je suis avec Peter… Peter Grayson. Il fait parti des Awesome Voices… on évite d’en parler en règle générale : je ne peux pas lui en vouloir d’avoir choisi la mauvaise chorale après tout, sur tout le reste il est absolument parfait. » Elle émit un petit soupir attendri et un sourire extatique.

« Ça fait tellement longtemps que je n’avais pas rencontré quelqu’un d’aussi gentil et mignon et… il a une fille, Summer, qui doit avoir à peu près le même âge que Beth. Elle est adorable. » Elle se perdit dans sa contemplation un court instant, les yeux dans le vide, avant d’être rappelée sur Terre par une photo exposée sur un meuble de Quinn, Beth et Puck… « Mais, dis donc, tu tournes la conversation sur moi, mais… et Puck ? » demanda-t-elle en haussant un sourcil inquisiteur.

S’il y avait bien une raison pour laquelle Brittany dépensait sans compter, c’était ses proches. On pourrait dire tout ce qu’on voudrait de sa naïveté et de son incapacité à gérer son argent par elle-même (Dieu merci pour l’existence des comptables), mais elle n’était pas pour autant du genre à jeter l’argent par les fenêtres… tant qu’un de ses amis ne le lui demandaient pas ou n’en avaient pas besoin. Cet horrible canapé-lit de Quinn l’avait toujours démangé. Il aurait été si simple qu’elle s’en débarrasse… mais ce n’était pas acceptable. Alors, à la place, elle passait du temps en compagnie de Quinn à se pencher sur les chorégraphies idéales pour les cheerios. Vraiment, c’était loin d’être une corvée et Brittany ne manqua pas de balayer le sujet de toute contrepartie d’un signe de tête et d’une assurance :  « Entre nous, tu sais bien qu'on ne compte pas. »  Elles s’entraidaient sans rien attendre en retour, c’était ainsi et ça le resterait. Quinn trouverait un moyen de lui rendre la pareille en temps voulu et à sa façon, elle n’en doutait pas.

Brittany savoura un instant son gâteau tout en observant Prince mâchouiller le sien, un petit sourire amusé aux lèvres. Elle s’hydrata ensuite avec son jus de fruits et une expression rêveuse l’occupa le temps qu’elle rêvasse en pensant à Peter. Elle se reprit et avoua :  « Oui, je m’entends super bien avec Summer, elle m’a même promis de m’aider à préparer l’anniversaire de son papa… Franchement, c’est un trésor. »  Elle hocha la tête en réfléchissant à l’idée d’une rencontre entre Peter et ses meilleures amies. Ils n’avaient pas encore rencontrés leurs parents respectifs (c’était loin d’être la priorité, surtout pour Brittany : déjà que sa grand-mère était sa patiente et que la première impression n’avait pas été glorieuse…), mais Peter avait néanmoins croisé Whitney (méfiante Winnie, soupçonneuse de tous ses prétendants). D’ici quelques mois, peut-être… ils se sentiraient assez à l’aise pour rencontrer leurs amis respectifs.

Une fois la conversation redirigée sur Puck et Quinn, Brittany afficha un sourire malicieux et franchement pas repentant lorsqu’il fut question des regards entendus de Santana et elle-même. Elles n’avaient pas vraiment cherchés à se cacher, il faut dire.  « Nous sommes toutes les deux ravies pour vous, »  annonça-t-elle d’une voix chantante bien trop fière d’elle-même.  « Je suis sûre que ça ravira Beth et vous êtes tellement plus souriants depuis, toi et Puck… » Qu'ils se remettent ensemble, ce serait l'idéal, ils formeraient une si belle famille... Enfin, Brittany ne voulait pas non plus s'emporter, c'est également ce qu'elle avait pensé de Sam après tout.

Prince s’agita une fois son gâteau fini et elle le laissa glisser à terre tout en continuant de le tenir par les mains. Debout sur ses petites jambes, il babilla joyeusement. Brittany releva brusquement la tête lorsqu’une idée lui vient.  « Oh, tu sais ce qui serait génial ? Un rendez-vous de couple ! Puck, toi, Peter et moi… Oh, et même Santana et Alec ! Ça pourrait être bien. Pas tout de suite, bien entendu, mais il faudrait qu’on se fasse ça un jour ! »

La façon dont Prince se dandinait rappela à Brittany des pas de danse et, amusée, elle siffla une mélodie pour lui permettre de bouger en rythme. Rapidement, elle se mit à chanter (une de ces vieilles chansons qui vous rentrent dans la tête, un truc nommé Live while we're young) en bougeant avec Prince :  

Yeah, we'll be doing what we do
Just pretending that we're cool
And we know it too
Yeah, we'll keep doing what we do
Just pretending that we're cool
So tonight

Let's go crazy, crazy, crazy till we see the sun
I know we only met but let's pretend it's love
And never, never, never stop for anyone
Tonight let's get some
And live while we're young
Woahhh oh oh oh
Woahhhh oh oh oh
And live while we're young
Woahhh oh oh oh

Brittany tenta d’afficher le sourire le plus innocent possible tout en clignant des yeux si rapidement que son expression était clairement factice. Elle faisait cela de manière humoristique, bien entendu, car il ne servait à rien de prétendre contredire Quinn : elle avait une véritable aversion pour ce canapé et elle n’avait jamais vraiment cherché à le cacher.  Elle répondit donc au clin d’œil de son amie en lui tirant brièvement la langue (elle n’avait jamais non plus prétendu être une adulte, non, jamais, quelqu’un avait décidé pour elle de ce fait et c’était une bien drôle d’idée).

Enfin, elle n’était peut-être pas très mature, mais elle était quand même assez adulte pour avoir des envies d’adulte (non, pas ceux-là, quoi que, si, ceux-là aussi). A force de parler d’enfants et de famille, de les côtoyer, l’idée d’avoir tout cela pour elle-même commençait à lui traverser l’esprit. Lors de sa mariage, l’idée d’avoir des enfants ne lui avaient pas traversé l’esprit entre son jeune âge, celui bien plus avancé de son époux et surtout la maladie de ce dernier, le sujet n’avait jamais été envisagé. A son veuvage, tous ces détails étaient bien loin de son esprit. Maintenant, avec Peter et les familles de ses deux meilleures amies… cela commençait à la travailler. Néanmoins, elle restait réservée : Quinn et Santana avaient toutes deux des enfants, certes, mais leurs situations familiales n’étaient pas forcément enviables pour autant. Brittany voulait vraiment quelque chose de stable et solide. Elle serait totalement incapable d’élever un enfant seule de toute manière, elle était très admirative de ses amies pour avoir réussi.

Mais, forcément, cela faisait d’elles des femmes très occupées. Brittany hocha la tête à la remarque de Quinn sur l’absence de Santana : « Je la vois surtout lorsque je babysitte Liam. Entre son emploi d’infirmière et son retour dans le mannequinat, elle est toujours en cabale. Je m’estime heureuse qu’elle continue à s’amuser avec les UH, cela lui fait du bien je pense… à nous tous, d’ailleurs. » Elles devaient tant aux glee clubs : sans les New Directions au lycée, les choses auraient été tellement différentes et aujourd’hui encore les Urban Hymns leur apportaient beaucoup, à commencer par des amis…

… Une famille.
Les yeux remplis de tendresse, Brittany décoiffa gentiment les courtes mèches de Prince, heureuse de l’amuser et de lui faire plaisir avec une simple chanson.  Ce fut à son tour de rire à la déclaration de Quinn. Elle avait tout à fait raison et Brittany s’en réjouit d’avance. Elle attrapa Prince par les aisselles et le souleva en l’air, le faisant crier une nouvelle fois de bonheur. « Lima sera à tes pieds, mon Prince ! » déclara-t-elle cérémonieusement.
Entre rires et sourires, le temps passait vite chez les Fabray, mais les bonnes choses n’ont pas de fin.