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 03. Money in a bag

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MessageSujet: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyMar 20 Mar - 0:29

«Oui... Oui... Je suis désolée, je sais que... oui...» Ça faisait déjà dix bonnes minutes que Madeleine était pendue au téléphone accroupie dans un coin du bureau des surveillants. À l’autre bout du fil, le directeur de l’association Oh my movie, nom ridicule donné à la pourtant très prolixe association d’amateurs de cinéma de l’OSU à laquelle Mad avait adhéré en rentrant de ses années à l’étranger. D’ordinaire elle n’était pas du genre à s’écraser en enchaînant les vagues approbations, seulement cette fois elle était en tort, et pire encore. L’étudiante venait de se mettre dans un sacré pétrin. Rien que d’y repenser elle avait envie d’arracher ses vêtements et de courir dans tous les sens en hurlant. Mais le fil, fragile mais fil quand même, qui la reliait encore à la raison l’en empêchait et elle se contentait donc de rester prostrée. Depuis la veille, elle avait reproduit le même schéma encore et encore. Il n’y avait pas une salle où elle était entrée dont elle n’avait pas visité le coin le plus obscur et reculé, recroquevillée sur elle-même en tenant ses genoux contre sa poitrine. Elle était au bord du gouffre. Elle était ruinée, sa réputation était foutue, et elle avait perdu son sac à main préféré. Le nœud qui l’empêchait de parler au creux de sa gorge la faisait souffrir à chaque fois qu’elle déglutissait. Jamais elle n’avait été confrontée à un tel stress. Tous les examens du monde ne valaient pas cette séance de torture qu’elle était en train de s’imposer pour faire pénitence. Et voilà que monsieur le président élu par le conseil des étudiants repartait une nouvelle fois dans un monologue de reproches sans fin où il lui racontait à quel point elle était irresponsable, que c’était inadmissible, qu’elle aurait dû porter plainte immédiatement, qu’il n’aurait jamais dû lui confier une telle mission, que plus jamais il ne lui ferait confiance. Et bla, bla, bla. Baissant la tête pour poser son front contre ses genoux et enfoncer ses doigts dans ses cheveux encore roux, Madeleine poussa un profond soupir qui n’échappa pas à son interlocuteur qui se remit à pester contre elle. «Bon ! Quand tu me laisseras en placer une peut-être que j’aurai l’occasion de te dire que je suis au courant enflure ! Tu crois que c’est en criant qu’on va le payer ce type ? Non ! Alors maintenant tu me lâches, tu me laisses réfléchir et quand j’ai trouvé une solution je t’appelle moi. Ou je t’envoie un pigeon voyageur avec le chèque, connard !» Décollant le téléphone de son oreille la jeune femme raccrocha avec rage avant d’envoyer valser le téléphone à l’autre bout de la pièce. Poussant un grognement excédé en entendant le bruit du plastique heurter le sol, elle s’ébouriffa les cheveux avant de se laisser tomber complètement sur le sol pour étendre ses jambes endolories par cette position inconfortable qu’elle tenait depuis qu’elle était seule dans le bureau. Avec la batterie sous le meuble de rangement, personne ne pouvait plus l’appeler, c’était ça de gagné pour le moment. Un éclat de rire de l’autre côté de la porte close la fit tressauter mais personne n’entra. Elle détestait les lycéens. Elle détestait l’humanité toute entière. Elle détestait le téléphone de pacotille que son opérateur avait daigné lui prêter en attendant qu’elle ait les moyens d’en racheter un de la valeur de son ancien téléphone qu’elle commençait tout juste à maîtriser. Ce qui n'était pas près d'arriver.

Bien que Madeleine ait toujours eu des tendances excessives, ce comportement n’était pas le fruit d’un caprice et elle revivait chaque scène de son après-midi de la veille comme si elle y était. Encore et encore. C’était une belle journée de décembre. Un soleil froid qui s’était longtemps fait désirer. Elle avait pris un grand crème à la terrasse du café de la gare en attendant son invité. Ses lunettes de soleil démesurées sur le nez elle avait pu profiter du passage continu des voyageurs se rendant à Columbus ou ailleurs qui ne cessaient de se montrer tous plus ridicules les uns que les autres. Rien n’aurait pu l’atteindre tant elle était euphorique. Les clefs du pick-up spécialement emprunté à Anna pour l’occasion dans la poche, elle avait fini par migrer dans la salle d’attente pour surveiller l’heure d’arriver du train de ce charmant jeune homme qu’elle avait eu au téléphone. Non, il ne s’agissait pas d’un premier rendez-vous organisé par un site de rencontre louche. La personne qu’elle attendait était un réalisateur qui commençait à vraiment se faire une place dans le milieu et qu’elle avait réussi à inviter à une séance de projection de l’association. La jeune femme était au comble de l’excitation. C’était la première fois qu’elle avait la chance de rencontrer un vrai réalisateur actif. Pas un professeur qui avait choisi de laisser son activité artistique de côté pour donner douze heures de cours par semaine à l’université et se faire payer rubis sur l’ongle des conférences toutes plus ennuyantes les unes que les autres. Un vrai de vrai, qui venait avec des films dans ses sacoches, et des conseils par dizaines, elle n’en doutait pas. Consultant l’écran du téléphone qui venait de vibrer au fond de son sac, un sourire étendit ses lèvres en voyant le message de Lexie qui lui conseillait de faire bien attention à la voiture parce qu’elle risquait gros si jamais une rayure de plus venait à apparaître. La rouquine savait parfaitement que ce jour était important pour elle, parce que non seulement elle venait le chercher à la gare pour l’événement du week-end à Columbus, mais il venait aussi exposer quelques uns de ses courts-métrages à The Gallery pour son plus grand plaisir. En tant que trésorière de l’association elle avait fait de savants calculs pour savoir à combien devrait s’élever le montant des entrées pour pouvoir payer le billet de train ainsi que le logement et la conférence, en estimant le nombre de personnes intéressées, le nombre d’étrangers qui ne payeraient pas le tarif réduit, les aides du département de la fac, celles qu’elle pourrait grappiller à l’État... Et au bout d’un long et douloureux bilan, il lui était apparu que non seulement ses finances se portaient bien, mais qu’elle aurait même de la marge. Ni une ni deux, elle avait fait part de son projet à la fratrie Preston et l’affaire était dans le sac. Même si on l’avait cantonnée aux finances, elle était assez douée en relationnel et avait convaincu l’artiste de passer une après-midi à Lima et d’y laisser ses pellicules le temps de son séjour. Tout devait être si parfait... Seulement voilà, parfait n’est pas Wild.

Ramenant ses jambes à elle pour se hisser à quatre pattes, la surveillante entreprit de ramper jusqu’au point de chute du téléphone antique et explosé pour en rassembler les pièces. C’était certes vieux mais au moins c’était coriace pensa-t-elle en voyant l’écran intact de la bête gisant sur le sol. En fait, tout cela ne serait jamais arrivé si on ne lui avait pas confié ce maudit poste de trésorière. Elle qui n’avait jamais un rond en poche, elle se trouvait obligée de compter pour tout le monde et de se trimballer la cagnotte pour la déposer à la banque. Remettant la batterie dans son enclos, Madeleine fulminait de plus belle contre le président et le vice-président et le secrétaire et contre tous les autres. Elle était tellement excitée devant la perspective de ce long week-end... Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle avait laissé son sac derrière elle dans la salle d’attente pour aller accueillir son passager. Comment avait-elle pu oublier son sac... Avec son porte-feuille, son téléphone, ses cours, ses clefs de maison... Et l’intégralité des règlements des étudiants pour payer l’artiste. Rien que d’y repenser la jeune femme fut prise d’un haut le cœur qui la força à plaquer sa main devant sa bouche. C’était quasiment 500$ qui venaient de s’envoler dans la nature. Sans compter ses propres 20$ qui devaient traîner dans le fond de son porte-monnaie... Prise d’un violent vertige alors qu’elle était déjà aussi près que faire se pouvait de la terre ferme, Madeleine se redressa à grand peine en prenant appui sur le meuble à tiroir puis le bureau pour ouvrir la fenêtre et respirer une grande goulée d’air froid. Ce n’était qu’un mauvais rêve. Un très très mauvais rêve. Mais dans quelques secondes elle allait se réveiller et on serait à nouveau jeudi, et cette fois elle n’oublierait pas son sac, et elle n’attendrait pas d’être chez elle pour le réaliser. Se penchant dangereusement dans le vide pour prendre le plus d’air possible, la jeune femme n’entendit d’abord pas les bruits contre la porte. Ce n’est qu’à la deuxième série de discrets toc-tocs qu’elle réalisa que quelqu’un osait s’aventurer dans ce qui était devenu l’antre du désespoir pour la tirer de ses fantasmes de réalité parallèle. «Entrez !» rugit-elle en refermant la fenêtre avec fracas. Elle se laissa tomber dans le fauteuil sans ménagement et sans un regard pour le nouvel arrivant lâcha sèchement «Si c’est pour un retard à excuser, ce n’est pas le jour.»


Dernière édition par Madeleine Wild le Mer 28 Mar - 22:06, édité 1 fois
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
Age : 20 ans
Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
Humeur : Déstabilisée
Statut : En couple avec Jamie Ainsworth
Etoiles : 5836

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Chanson préférée du moment : BEYONCE – XO
Glee club favori : Je me fiche totalement des chorales
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyMar 20 Mar - 14:08

Ce ronronnement imperceptible…

Installée en tailleur devant le hublot du lave-linge qui tournoyait sans s'arrêter, Harper ferma les paupières, un sourire tranquille illuminant ses traits tirés par la fatigue accumulée. Bercée par l’écho de la vague savonneuse qui dévala dans l’arrivée d’eau, elle laissa même un long soupir de contentement s’échapper de ses poumons si légers qu’elle cru flotter au dessus du sol pendant une poignée de secondes. Et alors qu’elle savourait pleinement son bonheur, son allégresse fut multipliée par trois lorsque l’essorage se mit en route, provoquant un frisson agréable qui aussitôt lui parcourut l’échine. Un pur moment de délice, cette musique résonnait à ses oreilles comme une douce symphonie. Même les plus beaux albums qu’elle avait dans sa collection ne lui avait jamais procuré ce plaisir. Harper ne s’était jamais sentie aussi bien de toute sa vie. Ce lave-linge, elle en rêvait depuis des mois. Les maigres finances de la famille Pritchard ne lui permettant pas un achat aussi conséquent, elle avait mis en place une cagnotte spéciale qui dormait dans une vieille boîte à lunch qu’elle remplumait avec l’aide précieuse des jumeaux. Les temps étaient encore plus durs que d’ordinaire et cette fameuse cagnotte fut décimée à la vitesse de la lumière quand les frais médicaux de sa mère augmentèrent du jour au lendemain : adieux, lave-linge de mon cœur. Dieu sait qu’elle avait besoin de ce gros cube, pourtant. C’était risible, les jeunes filles de son âge n’étaient pas censées convoiter ce genre d’appareils. Elle aurait plutôt dû vouloir cette paire de chaussures de course qu’elle avait repérées dans le centre-ville, la semaine dernière. Ça aussi, elle en avait besoin pour ses compétitions, après tout. Oui, mais non. La nourriture, les factures à payer et, surtout, le bien-être de sa famille passaient avant tout le reste. Il n’y avait pas de place pour les extras dans leur budget. C’était difficile, mais c’était ainsi et, à moins qu’elle ne gagne à la loterie, ça le serait toujours autant. Aucune paire de chaussures ne nourrissait ses pensées. Ce qui peuplait ses rêves ? Du gros ménagers et des produits d’entretien tellement puissants, qu’ils lui permettrait de ne pas repasser dix fois derrière le petit dernier suite à ses délires d’artiste peintre ou qui viendraient à bout des taches suspectes qu’elle devait frotter à s’en faire saigner les jointures et qu’elle trouvait très (trop) régulièrement sur les draps des jumeaux. Un lave-linge, c’était un gain de temps considérable dans son emploi du temps de petite maman. Malheureusement, elle avait abandonné cette idée dès lors qu’elle avait fait sa visite mensuelle à la pharmacie. Lilibeth avait eu tort de songer à un peu de répit.

Mais pourquoi Diable fixait-elle ce hublot débordant d’écume de lessive, dans ce cas ? De l’extérieur, ce lave-linge semblait neuf et fonctionnel. Il l’était. Il s’agissait d’une longue histoire. Plutôt d’un coup de chance monumental. Harper avait trouvé une grosse somme d’argent dans un sac délaissé à la station. C’était monnaie courante. Des tas de gens laissaient traîner leurs affaires, là-bas. Jamais Harper n’avait eu le cran de fouiller outre mesure dans les affaires d’autrui. Cependant, en tenant ce sac (de très bon goût) entre ses mains, elle avait ressenti de bonnes ondes qui la poussèrent à passer à la loupe les moindres recoins et à défaire chaque fermeture éclaire jusqu’à tomber sur le gros lot : cette liasse de billets verts entourée d’un petit nœud rose fuchsia ridicule. C’est vrai qu’elle avait longuement hésité lorsqu’elle s’était rendue compte que le sac en question appartenait à l’une des surveillantes de son lycée : Madeleine Wild. Harper était rentrée à la maison, et après s’être débarrassée de ses taches ménagères quotidiennes, s’était installée dans son lit, frétillant anormalement d’impatience. Pendant des heures, elle avait fixé sa carte d’identité, cherchant dans son regard figé sur la photo datant de Mathusalem une lueur d’approbation de sa part. Elle n’avait réussi à rien déceler, ne remarquant que, malgré ce qu’elle pensait auparavant, elle n’était pas si âgée que ça, la surveillante. Lasse de tant de tergiversions, elle avait pris le droit de lui subtiliser ses 500$ qui dormaient dans une enveloppe grand ouverte. Même les malheureux 20$ qu’elle avait trouvés dans son porte feuille avaient failli y passer. Après mûre réflexion, Harper décida de lui laisser les 20$ et ajouta même une boîte de tic-tacs périmés trouvée dans sa table de chevet. 500$ : le coût exact du lave-linge de ses rêves. Son père ne lui avait pas appris à être une voleuse, jamais. Il n’était plus là. Il était mort à la guerre, l’obligeant, elle, sa fille chérie, à être à la tête d’une famille de trois enfants alors qu’elle n’était encore qu'au lycée. Elle n’avait pas la science infuse –pas totalement–, mais elle savait reconnaître un coup de pouce du destin quand il pointait le bout de son joli nez doré. Force était de constater que ce trésor qu’elle avait débusqué était sa récompense pour être une fille et une sœur quasi parfaite, elle ne voyait que ça ! Harper ne devait pas laisser filer cette opportunité. En soit, ce n’était pas du vol. Elle n’y pouvait rien si la rousse (ou la blonde, elle changeait tellement de couleurs de cheveux qu’elle-même, tête d’ampoule notoire, ne s’y retrouvait plus) était assez inconsciente pour laisser traîner un pactole pareil ! Elle n’était pas une voleuse. Du moins, c’est ce don elle essayait de se convaincre parce que la définition qu’elle avait trouvée dans le dictionnaire –elle avait vérifié histoire de dormir sur ses deux oreilles– prouvait le contraire.

Les cris au rez-de-chaussée la firent sortir de sa contemplation et se lever d’un bon. Parfois, il lui arrivait de détester ses frères. Pas le temps pour la rancœur, elle chassa très vite ses pensées meurtrières pour jeter un coup d’œil à sa montre. L’heure était venue d’aller au lycée, il fallait qu’elle se dépêche pour ne pas être en retard, cette fois. Ce matin, les jumeaux emmenaient leur petit frère à l’école, elle aurait donc le temps de passer au bureau des surveillants pour rendre son sac à Madeleine avant son premier cours de la journée. Bien sûr qu’elle s’en voulait d’avoir pris cet argent. Seulement, elle était persuadée que la jeune femme ne s’en apercevrait pas. Harper ne faisait pas preuve de mauvaise foi, elle tentait juste de dédramatiser les choses. Pourquoi une boule d’angoisse commencer à se former au creux de son estomac ? Elle n'avait pas le temps de s’en inquiéter et, enfilant son manteau en lançant les dernières recommandations à ses frères sur les vieilles dames qui traînaient près des passages piétons, elle salua sa mère qui, comme à son habitude, ne lui répondit pas, puis s’échappa de la maison. Direction : le lycée. Lorsqu’elle arriva sur le parking de WMHS et qu’elle gara sa voiture tout près d’une benne à ordure, Harper serra le volant entre ses doigts jusqu’à faire blanchir ses articulations. Elle savait garder la tête froide en toute circonstance : Madeleine ne se rendrait compte de rien, point. Glissant une œillade absente à un groupe d’élèves qui en balançaient un autre dans la benne fumante, elle se mordit l’intérieur de la joue et se résigna à prendre ses affaires de cours, son sac de sport et le sac de la surveillante. Sa traversée du couloir fut rapide. Elle ne passa même pas à son casier et se dirigea d’un pas déterminé jusqu’au bureau tant convoité. Devant la porte, Harper prit une grande inspiration, remontant la hanse de ses sacs sur son épaule. Madeleine était souvent de bonne humeur, elle n’avait rien à craindre. Elle était persuadée qu’elle serait ravie de récupérer son sac, l’histoire s’arrêterait là. Comptant mentalement jusqu’à trois, la blondinette se décida à frapper, enfin. Collant son oreille à la porte, elle n’entendit rien sur le coup. Promptement, une invitation étouffée par le bois de la porte résonna à son tympan et la fit sursauter. Ne se posant pas de questions, elle entra. Comme elle s’y était attendue étant donné ses antécédents de retardataires abonnés aux billets d’excuses, la surveillante l’envoya presque balader. Harper haussa les sourcils, surprise par sa mauvaise humeur, mais ne s’en retourna pas. Au contraire, elle s’approcha à pas de loup du bureau où elle déposa le Saint-Graal. « Ta-dah ! » eut-elle envie de chantonner. Aussi, elle s’abstint, préférant déclarer plus solennellement :

« On s’est levée du pied gauche, on dirait. » Harper fit remuer ses doigts autour de la hanse du sac qu’elle venait de poser tout en gratifiant la mal lunée de son plus beau sourire. La mine réjouie, elle pointa le contenant de l’index « Ça va vous paraître dingue, mais je ne viens pas pour un billet d’excuse. J’ai retrouvé votre sac à la station. » Elle haussa les épaules pour tenter de se donner une allure décontractée « L'employée modèle que je suis a pensé que ça vous ferez plaisir si je vous le rapportais. » Un petit rire s’échappa de ses lèvres. Nerveuse, Harper commença à se balancer d’avant en arrière alors que ses pieds restèrent profondément ancrés dans le sol. La boule au creux de son estomac grossit au fur et à mesure que les secondes s’écoulèrent et, étudiant la réaction de Madeleine d’un œil faussement distrait, elle rompit le silence en claquant des doigts puis tapant la paume de sa main droite contre sa cuisse « Au fait, j’adore votre coiffure sur votre carte d’identité. Très Joan Jett, c’est rock. Vous deviez être cool quand vous étiez jeune. » Un autre rire –plus gras– résonna dans la pièce. Immédiatement, elle le stoppa tout en tournant lentement la tête de l’autre côté, grossissant les yeux. Elle est toujours jeune, abrutie, pensa-t-elle. Opinant inlassablement en battant le mesure sur sa cuisse, elle pivota brusquement sur ses pieds, et avant de se diriger vers la porte, elle ajouta en désignant celle-ci d'un geste qui se voulait nonchalant « Bon, je crois que je devrais en profiter pour ne pas être en retard en cours pour une fois. » Elle se retourna pour de bon et marcha jusqu’à la porte. Elle se mordit très fort la lèvre quand elle fut totalement sûre de ne pas être vue par Madeleine. Il fallait qu’elle file au plus vite, Harper ne voulait pas être témoin de la scène.


Dernière édition par Harper E. Pritchard le Jeu 22 Mar - 17:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyMer 21 Mar - 21:00

Contrairement aux deux autres surveillants du lycée, Madeleine n’était en général pas réfractaire au fait de s’occuper des élèves qu’elle accueillait la plupart du temps avec bienveillance. Elle ne s’intéressait bien sûr pas à chacun d’entre eux, mais elle avait tout de même fini par retenir les noms des plus intéressants. Et de ceux qui l’ennuyaient. Il était en général assez facile d’obtenir un mot d’excuse lorsque son nom était situé sur la première liste, celle des chouchous et autres distractions, l’anonymat vous laissait le bénéfice du doute une fois sur deux et si vous étiez chanceux ou inventif vous aviez le droit d’entrer sur la première liste, mais lorsqu’on était blacklisté alors rien n’allait plus, et Madeleine attendait secrètement le jour où Crystal Clark pointerait son nez à la porte pour avoir le billet qu’elle seule aurait l’autorité de lui donner. Son humeur devait vraiment être exécrable pour qu’elle soit rendue à s’imaginer torturer cette pauvre fille... Relevant les yeux, le minois blond qui se tenait devant elle n’était pas inconnu, au contraire. Harper Pritchard, la retardataire la plus en vogue du moment. Figgins lui-même avait fini par débusquer quelque chose et la surveillante se souvenait vaguement d’avoir tapé une circulaire à son sujet. Quelque chose à propos d’une absence ou d’un retard de trop. Bref, là n’était pas la question. Quoi qu’en dise l’indien, Mad appréciait cette petite qui ne manquait pas de mordant et brillait par son intelligence si l’on en croyait ses bulletins. Elle retrouvait un peu la lycéenne qu’elle avait été un jour dans ce brin de fille déterminée à ne pas se laisser marcher dessus par qui que ce soit, et laissait en général couler les retards peu ou pas justifiés sans commentaire. Ce n’était pas comme si ça entravait ses études... La jeune femme regretta un peu de lui avoir crié dessus alors qu’elle ignorait encore que c’était d’elle qu’il s’agissait, mais ce qui était fait n’était plus à faire et même si elle préférait de loin sa compagnie à celle d’une Cheerio lambda, ses nerfs étaient bien trop à vif pour s’apaiser à l’instant. «Oh ! Mademoiselle Pritchard...» Mais alors que son regard se posait plus en détail sur l’énorme sac qu’elle venait de déposer sur le bureau, ses yeux s’arrondirent jusqu’à atteindre la taille de deux soucoupes du service de la Granny Preston. Bouche bée face au gros sac en cuir clair qui trônait à présent sur le bureau, elle était tout simplement incapable d’articuler le moindre mot. Choquée. Abasourdie. Anéantie. Elle venait de toucher le fond de l’enfer et la voilà transportée en un battement de cil tout droit au septième ciel. C’était trop pour son cœur et elle était figée par la surprise. Pas un mot qui ne sorte de sa bouche. Son esprit était vide, complètement blanc. Oubliés le président, le vice-président, l’artiste et le voleur qu’elle s’était imaginé. Les deux mains encore sur le clavier de l’ordinateur où elle s’apprêtait à entrer le motif d’un retard potentiel, elle n’osait pas toucher l’objet de peur de rompre la magie de l’instant.

Elle n’avait réalisé que son sac était aux abonnés absent qu’une fois dans la voiture, sur le chemin du retour, quand elle avait voulu envoyer un message à Anna et Lexie pour les remercier de l’accueil à la galerie et leur signaler qu’elle arrivait bientôt. Perdue entre Columbus et Lima, elle avait immédiatement paniqué, s’était arrêtée sur le bas-côté de la route pour retourner la voiture toute entière et devant la constatation accablante, la blonde était rentrée à Lima vitesse grand V. Jamais elle n’avait été aussi vite de toute sa vie, et pourtant, elle n’était pas exactement reconnue comme étant un modèle pour ce qui concernait le respect du Code de la Route. Sur les longs kilomètres qu'il lui restait à parcourir, elle avait échappé de justesse à trois accidents au moins, manqué d’écraser trois piétons en ville où elle n’avait pas décéléré le moins du monde, mais au final, elle était arrivée trop tard et son sac n’était plus là... Rien de moins étonnant. Un sac de créateur, acheté avec de longs mois d’économies, contenant qui plus est la modique somme de 500$, il aurait fallu être idiot ou particulièrement honnête pour le rapporter à la consigne, et particulièrement professionnel pour ne pas y toucher. Du moment où elle s’était éloignée de ce maudit sac elle n’avait plus eu la moindre chance de le revoir. Pendant tout le repas du soir à la Pension elle n’avait pas desserré les dents et c’est seulement devant le DVD qu’elle avait mis avec Santana que la jeune femme avait fini par exploser et cracher le morceau en se lamentant en long en large et en travers sur son inconséquence et tous les malheurs qui n’allaient pas attendre pour lui tomber dessus. Et pourtant... Le voilà. Le voilà ! Détachant enfin ses mains de leur point d’ancrage, la jeune femme agrippa fermement chaque côté du sac, serrant la bandoulière qui complétait les deux anses dans le creux de ses mains comme s’il risquait de s’envoler. Ses yeux brouillés par tant de bonheur à l’état pur se reposèrent sur la jeune fille minaudant face à elle. Elle était si transportée qu’elle ne releva même pas la remarque sur sa jeunesse embaumée. Si le bureau ne s’était pas tenu entre elles, Madeleine aurait sûrement fini pendue au cou de sa sauveuse. Une chance pour cette dernière, ses jambes rendues flageolantes par l’émotion n’étaient pas capables de la soutenir pour qu’elle ne fasse ne serait-ce que deux pas pour contourner la table. «Euh... Je... Le...» balbutia-t-elle sans réussir à trouver ses mots, toujours accrochée à son sac comme si sa vie en dépendait. Elle l’avait perdu une fois, mais elle n’était pas près de recommencer ! Elle allait dormir avec, manger avec, il l’attendrait au pied de la baignoire quand elle se doucherait, plus jamais elle ne le quitterait des yeux plus d’une seconde ! Et elle irait immédiatement démissionner de son poste à l’association, tant pis pour le CV. De toute façon, ses relations avec le président s’étaient sûrement détériorées jusqu’à atteindre le point de non-retour. Reprenant ses esprits elle eut à peine le temps de laisser échapper un «Merci !» tout à fait insuffisant avant que la jeune fille ne disparaisse à nouveau derrière la porte.

Son cœur s’était remis à battre à tout rompre et le sang circulait tellement vite que sa vision était entachée de traînées blanches qui lui donnaient le tournis. Relâchant enfin l’anse du sac, ses doigts tremblants vinrent trouver la fermeture éclair et doucement, elle l’ouvrit. Fermant les yeux très fort, elle écarta les pans d’un coup sec pour mettre à la lumière le précieux contenu. Son porte-monnaie trônait au-dessus de la pile des choses qu’elle trimbalait partout avec elle. Logique : Harper avait vérifié ses papiers pour savoir à qui appartenait l’objet, elle lui avait dit après tout. Le posant à côté d’elle, elle poursuivit sa fouille en règle, ses cours, son téléphone, ses clefs, son maquillage, une facture qu’elle était censée poster plusieurs jours auparavant... Tout y était. Sauf l’enveloppe. Prise d’une bouffée d’angoisse, la surveillante se dressa sur ses pieds pour avoir une vision dominante de l’intérieur du sac. Fouillant un moment le contenu avec ses mains qui se faufilaient dans chaque recoin possible, elle finit par craquer et retourner le tout sur son bureau, recouvrant les quelques papiers non triés de la masse de son bazar personnel. Poussant les objets çà et là avec anxiété, elle n’arrivait pas à se convaincre qu’elle n’y était pas. Elle ramassa le sac qu’elle avait lâché à ses pieds pour le secouer encore de manière désespérée, elle recommença à promener sa main à l’intérieur comme s’il existait une poche secrète ou un passage magique qui l’aurait amenée tout droit à un coffre-fort où l’argent serait en sécurité. Rien à faire. Elle n’y était pas. Tout y était. Mais pas l’enveloppe. Tout. Mais pas l’enveloppe. Gelée par la terreur qui avait remplacé l’apaisement momentané, elle ne mit pas plus d’une seconde à se précipiter dans les couloirs à la poursuite de la lycéenne. «Harper !» cria-t-elle en jetant des regards perdus à droite puis à gauche pour savoir dans quelle direction elle était partie. La sonnerie n’avait pas encore retenti et plusieurs groupes erraient encore devant le couloir de l’administration, mais elle distingua au loin une silhouette blonde élancée qui correspondait à ce qu’elle cherchait. «Harper Pritchard ! Pritchard attends une seconde !» Courant à sa poursuite, Madeleine posa sa main sur son épaule en arrivant à son niveau et la maintint fermement. À bout de souffle à cause de l’angoisse qui serrait à nouveau sa gorge et lui coupait les jambes plus qu’à cause de ses malheureux dix mètres de grandes enjambées, la surveillante ne relâcha pas son étreinte sur la blondinette de peur de s’effondrer maintenant que l’adrénaline était retombée. «Le... Le sac !» parvint-elle à articuler à grand peine. «Est-ce que... est-ce que tu l’as trouvé toi-même ? Est-ce que quelqu’un te l’a rapporté ? Est-ce que tu as vu quelque chose ?» Sa voix était tremblante et sa main libre semblait vibrer tant elle était fébrile. «Il y avait quelque chose de vraiment très important dedans, quelque chose de...» sa voix se perdit dans un sanglot qu’elle n’avait pas senti venir. Hoquetant pour étouffer les larmes qui mouillaient à présent ses yeux, la surveillante fut avalée toute entière par l’impuissance.
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Harper E. Pritchard
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyJeu 22 Mar - 16:11

Son parcours jusqu’à la porte fut court. Tout comme les remerciements de la surveillante qui paraissait plutôt sonnée par le retour inopiné du fameux sac égaré. Lilibeth avait essayé de se représenter mentalement la façon dont Madeleine pouvait ressentir les choses au moment où sa –presque– sauveuse avait déposé son bien sur son bureau tout en vrac. Dressée face à elle, Harper chercha son regard, comme suspendue à ses lèvres tremblantes ou à tout autre geste désorganisé qui trahirait son état d’esprit actuel et qui lui permettrait de se détendre ne serait-ce qu’un peu. Harper était douée pour ne rien faire transparaître dans son regard couleur acier. Elle connaissait les signes annonciateurs d’un mensonge ; même d’une culpabilité latente, c’était facile à déterminer. Tous les petits gestes qui trahissaient n’échappaient jamais à sa vigilance décuplée par des années d’entraînement made in colonel Pritchard, c’était l’un de ses nombreux talents. Tout naturellement, elle avait tout mis en œuvre pour bluffer, sans culpabilité aucune. Au poker, elle aurait sans doute fait des miracles. Tiens, peut-être qu’elle aurait dû s’y mettre, ça lui ferait une rentrée d’argent en plus. Plantant ses yeux tout droits dans ceux de la pionne pantoise, Harper décela enfin une infime part de reconnaissance dans ses pupilles brillantes. Ça lui suffisait, elle n’avait pas besoin de plus et pressentant une vague de tension faire dresser le duvet sur sa nuque brûlante, c’est presque aussitôt qu’elle décida de quitter les lieux avant le levé de rideaux ; combien de temps Madeleine mettrait-elle avant de regarder dans son sac ? Harper avait beau tenter de se convaincre qu’elle ne remarquerait pas l’absence des 500$ dans son enveloppe spéciale, au plus profond d’elle-même, elle était consciente qu’il s’agirait de la première chose dont elle remarquerait l’absence. Si elle s’était trouvée à sa place, c’est sans doute ce qu’elle aurait vérifié en premier. Sa boîte de tic-tacs minable ne soulagerait pas sa peine. Au mieux, ils lui donneraient une allergie alimentaire accompagnée de grosses pustules purulentes sur tout son visage de poupée, ce qui pourrait rendre un peu moins pénible la perte d’une telle somme –et lui laisser des cicatrices ignobles sur ses joues en plus de la contraindre à penser qu’il y avait bien pire dans la vie. 500$, ce n’était pas une bagatelle. Harper connaissait que trop bien la valeur de l’argent. Lorsqu’elle avait vidé le contenu du sac de Madeleine sur son lit défait, elle s’était très vite demandé à quoi il aurait bien pu servir s’il n’était pas tombé entre ses mains. Les billets dans celles-ci, elle avait senti le papier lui brûler les doigts, répandant la chaleur dans tout son corps et portant ses mains pleines à son nez, elle avait reniflé les petites coupures comme s’il s’agissait d’une fleur au parfum exquis alors qu’elle ne reconnu que l’odeur de l’encre âcre et de la rouille de la machine dans laquelle ils avaient été imprimés. La tête dans les nuages, elle s’était mise à penser : était-ce son loyer, une caution quelconque ou juste le dû d’une transaction douteuse ? Etait-ce vraiment important de le savoir ? Harper ne savait pas. Elle devait bien admettre qu’elle n’en avait que faire, au fond. De toute façon, c’était trop tard pour s’en inquiéter, maintenant ; les 500$ n’étaient plus.

Harper n’attendait pas d’explosion de joie de la part de Madeleine. Elle n’avait pas les épaules assez larges pour endosser des étreintes affectueuses venant de parfaits inconnus. Marchant tranquillement jusqu’à la porte, elle se surprit à prier silencieusement pour que la jeune femme ne la rattrape pas et ne lui tombe pas dans les bras. Elle se connaissait par cœur : elle aurait été capable de la calmer avec une clef de bras, ce qui n’aurait pas été raisonnable. Elle n’avait pas oublié qui elle avait en face d’elle. Madeleine avait du pouvoir, une influence dans ce lycée et la jeune fille n’avait encore jamais été collée. Elle ne tenait pas à s’en faire une ennemie, elle avait bien trop à perdre alors, elle préférait partir, essayant de se convaincre qu’elle voulait juste tempérer ses pulsions agressives, plutôt que d’admettre que la culpabilité s’emparait d’elle à chacune de ses inspirations. Harper n’attendit pas une seconde de plus puis actionna la poignée de la porte pour retrouver la fraîcheur rassurante des couloirs. Des élèves se retournèrent quand elle sortit de la pièce, plus par reflexe que par curiosité et, étonnamment, elle baissa les yeux sur leur passage. Son cœur se mit à battre trop fort, au point de la forcer à retenir sa respiration pour le calmer, lentement, mais surement. Elle pouvait encore faire marche-arrière, rien n’est jamais trop tard. Pousser la porte, avouer à Madeleine qu’elle avait dépensé l’argent qui dormait dans son sac et lui promettre de la rembourser aussi vite que possible : c’était ce qu’elle devait faire. La main posée sur la poignée, elle hésita, longtemps. Madeleine, Harper ne la connaissait pas personnellement. Elles côtoyaient le même environnement, entretenaient des relations sommes toutes cordiales, mais la jeune fille savait reconnaître les gens bien et malgré sa folie perceptible à des kilomètres à la ronde, Madeleine était une personne qu’elle appréciait. Ce vol, ça ne lui ressemblait pas. Combien de fois s’était-elle autoproclamée d’une honnêteté sans vergogne ? De nombreuses fois, elle l’admettait. Son père n’aurait pas été fier de son comportement, et à cette pensée, sa gorge se noua douloureusement, asséchant sa langue soudain pâteuse. Empreinte d’un énorme doute, Harper resta devant la porte, les doigts crispés sur la clinche en ferraille grossière. Ses dents s’enfonçant dans sa lèvre inférieure, Harper savait qu’elle risquait gros. Si elle disait à Madeleine qu’elle avait volé son argent, elle serait obligée de lui parler de ses problèmes. Et ça, même sous la torture, jamais elle ne le ferait. Dans quoi s’était-elle embarquée ? Combien de temps la grenade mettrait-elle avait de lui exploser à la figure ? Baissant le regard sur ses doigts stoïques, Harper s’obligea à faire un choix, les badauds dans son dos commençant à la fixer avec un peu trop d’insistance. Elle remonta la hanse de ses sacs sur son épaule, redressa le menton avec détermination et tira sur le bas de sa veste chaude, recouvrant la ceinture de son vieux jean et essuyant sa lèvre douloureuse d’un ferme revers de main, elle reprit son chemin dans le sens inverse couloir. Elle avait cours.

Cette fois encore, son chemin fut rapide, et n’ayant même pas le temps de tourner à l’angle du couloir, elle entendit Madeleine crier son nom à l’autre bout. Elle était cuite. Dans sa tête, tout se mit en place à une vitesse ahurissante. Le regard de ses camarades s’arrêtant sur elle, l’oppression qu’elle ressentit au niveau de sa poitrine la contraignit à inspirer une grande goulée d’air. Elle se récita à elle-même le discours qu’elle avait mis le weekend à préparer, ses lèvres remuant furieusement au rythme de son débit de parole silencieux et se retournant graduellement, elle enfonça ses ongles dans les hanses qu’elle tenait fermement. Tout son corps était tendu, sa colonne vertébrale était si raide qu’elle la fit souffrir. Madeleine vint rajouter sa main à la sienne, et Harper se raidit davantage en sentant la moiteur de sa paume. Tentant de garder une attitude sereine, elle se pencha néanmoins pour aider la jeune femme à ne pas s’effondrer et, à son tour, elle posa une main sur son épaule.

« Hey, ça va aller ! » dit-elle sans se départir de son calme. Craignant que la surveillante ne défaille, la blondinette la contourna pour lui prendre la main en disant « Il faut inspirer » Elle prit une grande inspiration théâtrale, terminant par gonfler très fort ses joues déjà bien rondes à la base « et expirer » puis relâcha la pression avec la même intention, soufflant son haleine chargée de dentifrice à la chlorophylle dans l’atmosphère glacial du couloir. Autour, les élèves leur lancèrent des regards curieux. Harper leva la tête en en fusillant quelques-uns du regard. Aucun d’entre eux ne bougea le petit doigt pour venir s’assurer que tout allait bien ; bienvenue à McKinley High, se dit-elle avec amertume. Soudain, elle lâcha la main de Madeleine. Ce n’était pas lui rendre service que de la laisser en plein milieu de ce couloir dans cette posture peu flatteuse, elle ne voulait pas que les élèves la voit dans cet état. De ce fait, elle lui prit le bras à la place. La soutenant tout en la forçant à reprendre chemin vers son bureau, Madeleine se mit à pleurer. Sentant son cœur se serrer dans une pulsation manquée, Harper accéléra le pas alors qu’un éclat de rire non loin d’elles retentit à ses oreilles. Tournant derechef son minois agressif vers la source du rire goguenard, elle le fit taire d’un regard et arrivées devant le bureau, poussa la porte d’un coup d’arrière train pour y rentrer de nouveau « Voilà, là. » murmura-t-elle en asseyant Madeleine sur un tabouret près de la porte. Elle posa ses sacs sur le sol et fit volte-face pour chercher de l’eau. Elle vit une bouteille esseulée sur le coin du bureau et s’approchant d’un pas parfaitement serein, l’empoigna avec de la déboucher, rejoignant la surveillante en larmes. Elle s’accroupit face à elle et lui tendit la bouteille « Arrêtez de pleurer. Pleurer, c’est pour les faibles. Je suis sûre que la fille sur la photo de la carte d’identité n’était pas du genre à pleurnicher pour rien. Reprenez-vous, Wild. » Un peu bourru, mais elle s’en tendit compte trop tard –et quand bien même, elle ne savait pas faire dans la douceur. Tirant sur les manches de son pull sous sa veste, elle recouvra sa paume droite de l’une d’elle et essuya les larmes de Madeleine avec celle-ci « Buvez, ça vous fera du bien. Ensuite vous m’expliquerez. » Tapotant doucement les joues de la conseillère pour les sécher, elle savait qu’elle n’avait pas besoin de lui expliquer, elle avait déjà compris, mais forcée de continuer sur la piste du mensonge qu’elle avait tracée, elle mit en place sa petite comédie. A l’extérieur, la cloche qui indiquait le début des cours sonna, et dans un sourire en coin, Harper murmura « Vous allez finalement me devoir un billet d’excuse, mademoiselle. »
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyJeu 22 Mar - 20:22

Hébétée par ses propres larmes, Madeleine ne tenait debout que par un miracle certain ou une intervention divine, et peut-être la prise ferme de sa main moite sur celle de la lycéenne. Qu’est-ce qui se passait ? Qu’est-ce qu’elle était en train de faire au juste ? Elle n’avait pas pleuré depuis... Une éternité. Elle ne se souvenait même pas de ses dernières vraies larmes. Pas celles qu’on verse devant un film ou sur un livre émouvant, pour ce genre d’épanchements elle était assez prolixe et jamais elle n’entamait de marathon bollywoodien sans s’assurer que sa boîte de mouchoir était pleine et à portée de mains. Mais des larmes de chagrin, ou dans ce cas précis de peur et de fatigue, ce genre de larmes ne coulait jamais sur les joues de Madeleine Wild. Elle ne s’apitoyait pas sur son sort, jamais. Elle pouvait se plaindre, maugréer, trépigner, râler à l’excès, mais pleurer sur ce qu’elle avait fait, plutôt mourir. Ça lui avait été formellement interdit, et elle n’avait jamais transgressé cet interdit. Se voyant elle-même chancelante alors que les élèves qui se pressaient en cours lui jetaient des œillades amusées, en train se noyer dans ce torrent d’eau salée, elle ne pouvait s’empêcher de voir l’image de sa mère furieuse prête à la gifler. “Au moins maintenant tu as une raison de pleurer, idiote !” Combien de fois la petite Maddie avait-elle eu droit à ce genre de discours de la part de sa chère et tendre génitrice ? En public comme en privé, la moindre crise de larmes avait été sanctionnée immédiatement jusqu’à ce que les vannes soient coupées, ou asséchées. Elle n’avait pas été élevée comme une faible, c’était le moins qu’on puisse dire. On ne l’avait jamais chouchoutée, jamais protégée des agressions du monde extérieur. Au contraire, sa mère avait pris un malin plaisir à la jeter dans toute sorte d’embûches sous la forme de castings, d’auditions, de présentations diverses et variées. Pour briller de mille feux il faut d’abord se salir, telle était la philosophie de vie de Catherine Wild. Et comme ses intentions à l’égard de sa fille avaient toujours été de faire d’elle la star qu’elle n’avait jamais pu être aux États-Unis, quel que soit le domaine et quel qu’en soit le prix, elle s’était assurée de la rouler dans le cambouis autant que faire se pouvait. Et quand elle s’en sortait un peu trop facilement, il fallait redoubler d’effort jusqu’à en avoir des courbatures. Malgré le plaisir que la blonde avait pu ressentir lors de ses moments de gloire, quand elle obtenait un rôle, ou un solo au Glee Club, ou la place de capitaine des Cheerios, les résultats ne semblaient jamais valoir toutes ses peines. Et sa mère n’était de toute façon jamais satisfaite. Il en fallait toujours plus, toujours plus vite. En réalité, cette course permanente aux cours particuliers et aux petites annonces pour des spectacles en tous genres n’avait fait qu’agrandir le fossé entre la petite tête blonde et sa française de mère. Ça et affirmer son caractère déjà bien trempé. Manque de chance pour Cathy, la petite Madeleine se trouvait bien mieux dans le cambouis plutôt qu’à revêtir des robes brillantes de princesse sur scène. Agir dans l’ombre, ou derrière une caméra, c’était là qu’elle se sentait le mieux. Attirer l’attention d’accord, mais les responsabilités très peu pour elle. Tout cela l’avait rendue forte, incisive et indépendante. Elle n’avait besoin de personne, et ses amis imaginaires suffisaient largement à son bonheur s’il fallait trouver du réconfort ailleurs que dans une foule anonyme de vagues connaissances. Encore une myriade de raisons d’abandonner ce poste de trésorière officielle de l’association pour se retirer et monter son projet de fin d’année loin des projecteurs.

Trébuchant en emboîtant tant bien que mal le pas de Harper qui essayait visiblement de la soustraire aux regards, elle n’aurait pas pu se moquer davantage du public. Cissy Clark pouvait bien venir la contempler du haut de ses baskets compensées et se moquer de son état pathétique, rien ne pouvait plus l’atteindre. Elle était une femme morte de toute façon. Jamais elle ne pourrait rembourser une telle somme... Elle allait devoir faire un nouvel emprunt. Ou revendre sa nouvelle caméra. Ou même se prostituer, et cette hypothèse était presque plus tentante que la précédente. Se redressant tant bien que mal elle suivait les conseils de la blondinette en inspirant profondément dans un reniflement qui la dégoûtait elle-même, mais au moment d’expirer les sanglots qui continuaient d’étrangler sa voix bloquaient tout l’air aspiré et sa poitrine s’affaissait sans qu’elle ait l’impression du moindre soulagement. Rien n’arrivait à la calmer. Elle était en train de paniquer. Elle n’avait plus le moindre contrôle sur son propre corps et cette sensation d’étrangeté face à sa chair ne faisait qu’aggraver son état de crise de nerfs. Les rires sur son passage ne la firent même pas réagir. Elle entendait les murmures, elle devinait les silhouettes brouillées de ses yeux humides quand elle réussissait à lever son regard du sol, mais elle ne pensait plus à rien d’autre qu’à l’enveloppe disparue. Pas de remarque cinglante, pas de sentiment de honte, elle pourrait toujours se venger plus tard si elle survivait, pour le moment rien n’avait d’importance et ses mains qui avaient été pétrifiées par l’attaque de larmes se remirent à trembler violemment. Le cliquetis de la porte sonna la fin de ses efforts pour traîner son corps ankylosé par la fatigue de sa nuit blanche de la veille et quand Harper la fit asseoir sur le tabouret où elle faisait d’ordinaire patienter la file des retardataires, ses articulations se détendirent d’un coup et la jeune femme se redressa de justesse pour prendre appui sur le mur et ne pas tomber. Penchant la tête en arrière, elle plaqua ses mains crispées par la peur sur ses yeux d’où s’échappaient encore et toujours des larmes dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. À ce point, ce devait être toutes celles qu’elle avait retenues depuis son adolescence, celles pour ses moments de solitudes, celles Ashton, celles pour Dorian, toutes celles auxquelles elle n’avait jamais pensées. Poussant de toutes ses forces sur ses pieds pour se tenir droite contre la paroi blanche, la surveillante baissa les yeux vers la bouteille d’eau que lui tendait la lycéenne qu’elle saisit d’une main hésitante. Elle n’arrivait pas à lire ce que pouvait penser la jeune fille de cette situation dans ses yeux gris. À coup sûr elle devait trouver cette situation ridicule et se mordre les doigts d’être venue lui rapporter l’objet ce matin-là. Et pourtant elle était restée, et elle s’occupait d’elle... Sa main venue tamponner sa joue humide lui serra le cœur. Si seulement son sac avait été trouvé par une personne aussi attentionnée...

Portant la bouteille en plastique à ses lèvres, elle avala une gorgée d’eau qui ne servirait sans doute qu’à alimenter d’autres larmes avant de la reposer à ses pieds. Pouffant de rire entre deux sanglots, elle leva les yeux au plafond en plaquant ses propres manches sur son visage pour essuyer sans ménagement les traces de mascara et les traînées de sel amères. Cette fois-ci elle avait réussi à expirer comme il fallait, et si sa poitrine semblait toujours sur le point d’exploser, ses forces lui revenaient petit à petit. «Ah... tu as raison... Mais c’est un comble quand même, pour une fois que...» Laissant sa phrase en suspens, elle n’avait pas la force de finir la plaisanterie. De toute façon le sens y était. Se hissant sur ses jambes en coton, elle s’approcha du bureau d’où elle fit tomber le sac vide pour attraper un stylo. Un petit bruit de plastique attira son attention et en baissant les yeux elle trouva une boîte de bonbons à moitié vidée qui avait été emportée par le sac. Est-ce qu’elle avait jamais eu ces bonbons... La surveillante étendit le bras en se courbant pour la ramasser et l’examina de plus près dans le creux de sa main. Ce n’était pas le genre de chose qu’elle achetait... Quand la gourmandise s’emparait d’elle il fallait bien plus qu’un bonbon mentholé pour apaiser son envie de sucre. Inclinant la tête en fronçant les sourcils, elle secoua un peu les bonbons qui firent un doux cliquetis contre les parois de plastique. C’était bien sa veine alors ! On lui prenait 500$ et on lui laissait des pastilles pour l’haleine. Son voleur avait un drôle d’humour. Dans un nouvel accès de rage, elle envoya la boîte s’exploser contre la vitre fermée en se remettant à pleurer. La visualisation hein ? Si elle avait eu l’occasion de l’avoir en face d’elle ce lâche, elle lui aurait crevé les yeux, elle lui aurait fait manger ses Tic-tac par les narines avant de cribler son corps d’agrafes et de jeter son corps en pâture aux cannibales refoulés de ce maudit lycée. Mais tout ce qu’elle avait c’était cette maudite boîte qu’elle venait de réduire en poussière. Alors que ses forces menaçaient de l’abandonner à nouveau elle s’assit en toute hâte sur le fauteuil qui roula jusqu’au mur sous l’impulsion de son poids. «Des bonbons... Des bonbons... Il vole 500$ et il ne trouve rien de mieux que de me laisser ses bonbons ?» Sa voix rendue rauque par les sanglots était teintée de désespoir mais c’était surtout sa colère qu’elle voulait faire sortir. «J’ai besoin de savoir comment tu as eu ce sac Harper. J’ai vraiment, vraiment besoin de le savoir.» Essuyant ses larmes qui semblaient s’être taries aussi vites qu’elles étaient venues, Madeleine fixa son regard bleu inquisiteur sur la lycéenne. «J’avais beaucoup d’argent ce jour-là, mais cet argent il n’était pas à moi, et j’en ai absolument besoin. Alors si jamais tu as vu ou entendu quoi que ce soit, il faut me le dire. Tu comprends ? C’est une question de vie ou de mort.» Et pour une fois, elle exagérait à peine.
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Harper E. Pritchard
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Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
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Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptySam 24 Mar - 17:33

Accroupie devant la pleureuse, le destin semblait s’époumoner en plein dans ses tympans fragiles, lui criant qu’elle devait se résoudre à cesser son petit jeu ridicule. C’est qu’il était drôle le destin, ce n’était pas lui qui avait comme la désagréable sensation que sa cage thoracique se rétrécissait à chaque fois que Madeleine reniflait pour ravaler ses larmes. Celles-ci coulèrent quand même, comme impossible à contenir tant le choc paraissait rude. Entre deux flots d’eau salée, son cœur se serra davantage, l’obligeant à accueillir cet élan de culpabilité qui n’attendait qu’une chose depuis le début : qu’elle lui ouvre sa porte. Ses yeux froids se posèrent sur les joues de Madeleine qui étaient souillées par des traînées de sel blanchâtres ; ses larmes avaient ruiné tout son maquillage et à l’aide de sa manche, Lilibeth tenta maladroitement de rectifier ce désastre, elle estimait qu’elle lui devait au moins ça. Harper n’avait aucune idée de comment elle pourrait assumer la suite des évènements. Les aveux, ce n’était pas l’étape la plus difficile, c’était l’après-coup qui la terrifiait. Elle savait qu’elle avait eu tort, elle savait qu’elle avait mal agi et elle savait, oui, elle savait que même si elle y mettait toute sa bonne volonté, ce vol –elle osait utiliser ce qualificatif. Dans son esprit, mais il s’agissait d’une avancée non-négligeable– aurait des répercussions sur sa relation avec la surveillante et pire, sur sa réputation au sein de l’école, car oui, tout finissait pas ce savoir, ici. Elle finirait peut-être même au poste de police, elle le mériterait. Des bruits couraient déjà dans les couloirs à son sujet, elle n’avait pas besoin qu’on lui colle une étiquette de kleptomane en plus. Ce n’était pas tant sa réputation qui l’inquiétait. Elle s’en fichait et ne cherchait pas à ce qu’on la couvre de louanges comme toutes ces pimbêches maquillées comme des voitures volées. Seulement, elle avait déjà eu affaire à Sunny Palmer, journaliste en herbe de son état, et Harper n’était pas sans savoir qu’il grouillait à McKinley High des sangsues bien moins conciliantes que cette jument au poil soyeux. Elle ne voulait pas que l’attention se concentre sur elle, elle n’avait pas le temps pour ça. Elle admettait même ne pas en avoir la carrure. Harper ne voulait pas devenir la cible privilégiée de railleries en tout genre, c’était trop douloureux, humiliant. Elle ne se sentait pas capable d’affronter les regards et encore moins les moqueries. Son petit frère en était victime depuis des mois, elle lui disait tous les jours d’être fort et de les ignorer pour avancer dans sa propre direction, elle l’en savait capable… mais elle, elle ne savait pas comment elle réagirait si elle-même devenait la bête noire de toute une foule assoiffée d’un peu de spectacle. Les gens disaient qu’elle était forte, qu’elle avait du tempérament, Harper en doutait quelques fois. Ils ne semblaient pas se rendre compte qu’elle était forcée d’agir comme une adulte parce qu’elle n’avait pas le choix. Qu’elle devait survivre pour permettre à ses cadets de grandir dans de bonnes conditions, elle était leur seul point de repère, ils ne pouvaient pas compter sur leur mère. Ah, ce satané destin. Elle le détestait, en réalité. Elle avait entendu dire qu’il était écrit quelque part, elle trouvait ça triste : pourquoi rendre les choses si pénibles à vivre alors que, d’après les rumeurs, une force subliminale régentait la planète toute entière ? Elle avait cessé de croire au destin quand il s’en était impunément pris à sa famille et que l’histoire qu’il avait tracée pour son père se changea en une douce tragédie en plein milieu d’un chapitre heureux. Si elle avouait, personne ne lui viendrait l’aider à se dépatouiller de la mascarade dans laquelle elle s’était empêtrée. Au contraire, on viendrait l’enfoncer. Elle avait assez de caractère pour qu’on lui fiche la paix, mais penser à des joutes verbales pour déstabiliser un assaillant était beaucoup plus aisé que d’être confrontée à la situation en temps réel ; probablement qu’Harper n’était pas aussi forte qu’elle en donnait l’impression.

Pour détendre l’atmosphère, la lycéenne s’amusa de la cloche qui annonçait le début des cours qui sonna, rendant moins silencieux les couloirs à l’extérieur du bureau. Madeleine attrapa la perche qu’elle lui tendait et prenant sur elle, se leva pour aller lui chercher le fameux billet d’excuse qu’elle quémandait. L’encourageant d’un signe de tête, Harper se leva à sa suite. Frottant ses paumes sur son jean délavé, elle la suivit du regard ; anxieuse à l’intérieur, mais parfaitement calme en apparence. Peut-être que Madeleine comprendrait, au final. Après tout, Harper avait des arguments bétons. Elle savait qu’elle se mettrait à pleurer si elle prenait son courage à deux mains, ça jouerait sans doutes en sa faveur. Le goût des mots qui trépignaient à sortir de sa gorge rendit sa bouche pâteuse et elle coula un regard vers la bouteille de Madeleine posée sur le sol, mais ne fit rien et attendit, laissant un silence palpable s’installer. Elle n’avait jamais eu aussi peur d’être honnête, c’était un comble. Retroussant les lèvres, elle bloqua sa respiration dans sa poitrine. Les mots au seuil de ses lèvres tremblantes se bousculaient. Harper ferma les yeux, puis dans un effort considérable, tourna la tête vers Madeleine qui jeta contre la vitre face à elle, la boîte de bonbons qu’elle avait laissée dans son sac. Le courage d’Harper se dégonfla tel un ballon de baudruche, et sursautant à cause du choc de la petite boîte en plastique cotre la surface en verre, elle ne pipa mot. Finalement, il valait mieux qu’elle se taise. Les paroles de la surveillante lui firent pincer les lèvres à l’extrême. L’entendre parler de la sorte du voleur de ses biens la força à se redresser et pour reprendre contenance, elle fit un pas en avant. C’est vrai qu’en y réfléchissant, laisser une boîte de bonbons était tout à fait stupide, mais sur le moment, Harper n’y avait pas songé. Baissant la tête, elle sentit tout le poids de la rancœur dans la voix de la jeune femme peser sur ses épaules solides. Cependant, elle leva aussitôt le menton lorsque, directement, Madeleine s’adressa à elle. Prise par surprise, l’adolescente ne dit rien sur le coup et, graduellement, déclina le regard.

« Je… » commença Harper. Sa voix se brisa, sa gorge étant atrocement sèche. De nouveau, elle pinça les lèvres, et portant son poing à sa bouche, elle se racla la gorge en toussant abruptement. Son explication sur la trouvaille du sac n’exigeait pas qu’elle mente. Cependant, ses yeux trouvèrent instinctivement refuge sur un mug à l’inscription tendancieuse posé sur le bureau puis elle reprit « Je l’ai trouvé après mon service à côté d’un banc, à la station. Il devait être hum… environ 18h00. C’est tout ce dont je me souviens. » Marquant une pause, elle passa sa langue sur ses lèvres, continuant « J’ai vu le sac de loin. Je me suis approchée, il n’y avait plus personne alors, je l’ai emporté avec moi. Je l’ai ouvert une fois que je suis rentrée chez moi et… » Son cœur se mit à battre très fort, faisant battre furieusement le sang à ses oreilles qui bourdonnèrent en conséquence ; elle laissa sa phrase en suspens. Elle n’était pas obligée d’ajouter quoi que ce soit, mais il était trop tard. Elle avait l’impression que les trois petits points qu’elle avait laissés se dessiner par un court silence, dansaient devant ses pupilles brouillées par la crainte. Se mordant l’intérieur de la joue, elle leva pourtant la tête. Lentement, elle posa ses yeux sur Madeleine et en affrontant le regard de la jeune femme, elle ne cilla pas même une fois. Elle ne pouvait plus faire marche-arrière alors, elle déclara sur un ton monocorde « Et il n’y avait pas d’argent à l’intérieur. » Soutenant le regard de Madeleine pendant un temps, Harper fut la première à lâcher prise. Dans un geste précipité de la main, elle enchaîna « Lima Heights est à quelques pas à peine de la station. Je sais que ça fait monstrueusement cliché, mais on sait tous que c’est un petit Bronx là-bas. Il y a tout un groupe qui squatte souvent en attendant la sortie des écoles… c’est une explication plausible ! » Fronçant subitement les sourcils, Harper posa ses doigts sur son front dans un effort de réflexion intense, furetant des yeux le sol à ses pieds. Ce n’était pas du pipeau, elle réfléchissant vraiment. Elle songeait à la façon dont elle se débrouillerait quand Madeleine apprendrait la vérité et si le jumeau numéro un lui rendrait plus souvent visite que le jumeau numéro deux à la prison. Si sa mère parviendrait à reprendre les rennes de la maison avec elle en taule. Bon sang, avec son physique et sa bouche à la Angelina Jolie, on lui assignerait une petite-copine avant même qu’elle ne soit en cellule, c’était bien sa veine. Se sentant mal pour Madeleine, assimilant avec un temps de retard tout le désarroi dans lequel cette situation la plongeait, Harper la regarda fixement et sans qu’elle n’y pense au préalable, elle lâcha avec douceur « Je suis vraiment désolée, mademoiselle. »
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyLun 26 Mar - 18:50

Le bruit de la petite boîte en plastique contre le verre de la vitre avait été une maigre satisfaction, et la vision des quelques dragées restantes étalées sur le sol qu’elle devrait elle-même ramasser par respect pour l’agent d’entretien la laissa vidée de toute énergie une fois encore. Et pourquoi est-ce qu’elle était en train de penser à l’agent d’entretien alors que rien n’allait plus dans sa vie depuis la veille ? Depuis qu’elle avait perdu un peu moins de la moitié de son salaire et plus que son loyer en un claquement de doigts. Depuis qu’elle avait signé l’arrêt de mort de sa réputation à l’université et de la recommandation du professeur qui s’occupait une fois tous les trente-six du mois de son association mai qui ne manquerait pas de lui faire un scandale si jamais il devait débourser ne serait-ce qu’un centime. Il fallait qu’elle rembourse. Tout, et vite. Jamais elle n’accepterait la charité d’Anna. Elle savait qu’elle lui dirait que le loyer attendrait, et qu’il n’y avait pas à s’en faire. Mais elle refusait de vivre dans la pitié. Son orgueil n’y survivrait pas. Elle était la plus vieille à la pension et même si job de surveillante suffisait à payer le loyer défiant déjà toute concurrence tout en se permettant quelques à côtés, elle n’était pas celle qui gagnait le plus. Pourquoi fallait-il que le monde soit si bêtement lié à l’argent ? L’aspect matériel de la réalité auquel elle essayait de ne pas penser venait cruellement de la rattraper pour lui renvoyer en pleine figure son insouciance et l’absence de compte épargne. C’était son banquier qui serait heureux de la revoir si vite... Elle était déjà venue le trouver pour tenter d’allonger la durée de son prêt étudiant pour étaler un peu plus les dépenses et s’était faite envoyer sur les roses avec fermeté et sans délicatesse. Si elle venait maintenant lui dire qu’il lui faudrait plus d’argent, il lui jetterait des trombones au visage. Même l’image de ce petit bonhomme aigri et dégarni qui était plus caricatural que les pires bandes dessinées satiriques en train de lui jeter du matériel de bureau comme on jette des cacahuètes à un singe ne parvenait pas à distraire son attention de la somme manquante. Outre son orgueil, la pension avait besoin d’un petit coup de neuf, et la galerie était encore à ses débuts et n’était pas exactement rentable. Elle ne pouvait pas laisser sa propre inconséquence empiéter sur la vie des autres... Dieu qu’elle aurait aimé être à la place de Brittany à cette seconde. Peut-être que si elle suppliait Santana et Dorian ils intercéderaient en sa faveur pour que la blonde la plus riche de la ville lui accorde un prêt. Et si ça ne marchait pas, il lui restait encore la possibilité de prendre un deuxième travail de nuit. Quelque chose comme serveuse au cabaret ou ailleurs, hôtesse à l’hôtel, vigile au centre commercial, n’importe quoi pourvu que ce soit rémunéré.

Perdue dans ses pensées, Madeleine en avait presque oublié la présence de la jeune fille qui se tenait devant elle, visiblement terrifiée par sa réaction. Le spectacle ne devait pas être beau à voir, mais elle était la seule qui puisse l’aider. La seule à pouvoir savoir. L’anxiété de ses questions n’eurent pour réponse qu’une bafouillage hésitant. La surveillante s’en voulait d’avoir laissé la colère l’emporter quelques secondes auparavant et fronça la bouche d’un air ennuyé. Elle avait beau avoir quelques ennuis, ce n’était pas une raison pour se laisser aller de la sorte devant cette pauvre petite. Elle ne lui avait rien fait. Au contraire, elle avait été assez courageuse pour l’aider à rester debout dans les couloirs, elle avait essuyé ses larmes, elle lui avait donné de l’eau, et ce avant-même de savoir ce qui s’était passé. En y réfléchissant, c’était presque trop pour être honnête. Refusant de sombrer dans la paranoïa, Madeleine chassa ces pensées en se concentrant sur les mots qui semblaient être revenus à la sportive en herbe. Sept heures à côté d’un banc et personne pour ramasser son sac ? Il était clair que l’Ohio n’était pas de ces états paranoïaques où le moindre colis isolé déclenche l’hystérie et les alarmes incendie. Soupirant en entendant ce récit affligeant, elle ne trouvait même pas quoi répondre à ce discours. Tout semblait si facile dit comme ça... Elle l’avait oublié, personne n’y avait touché jusqu’à ce qu’une petite frappe en voie de rater sa vie en traînant à la gare pour racketter les gosses de riche plutôt que de chercher un travail ne regarde de plus près, trouve l’enveloppe et laisse le reste... Pas très dégourdi le petit. Son téléphone aurait aussi valu une petite fortune une fois remis sur le marché. Pas 500$ certes, mais pourquoi s’arrêter en si bonne voie ? Pourquoi ne pas prendre sa carte bleue ? Et sa carte d’identité pour entrer en boîte avec sa petite copine ? Rien ne faisant sens... Est-ce qu’il avait été interrompu ? Pas par un vigile ou un employé à en croire Harper Pritchard. Est-ce qu’il avait estimé que c’était être magnanime que de lui laisser le reste et de laisser une boîte de bonbons en échange ? Madeleine essayait de se figurer les traits de son voleur pour pouvoir haïr une personne plus qu’un concept mais rien ne lui venait. Les images trop clichés des latinos en bande la répugnait. Et si ça n’avait été qu’un gamin ? Et si cet argent avait servi à offrir à une famille encore plus juste qu’elle quelque chose dont elle avait vraiment besoin ? Son cœur se serrait alors que les images d’Inde lui revenait en flash. Lima Heights n’avait rien des bidonvilles de Bombay certes, mais la misère y est parfois plus cruelle qu’on ne le pense. L’angoisse de Madeleine s’apaisait progressivement en laissant place à une profonde tristesse. Peut-être que la petite boîte en plastique avait été une sorte de mot d’excuse anonyme, un moyen de lui faire comprendre que le voleur n’avait pas fait ça de bon gré... Détournant le regard de celui de la jeune fille aux yeux d’acier, elle le reposa sur les dragées éparpillées avec regrets.

Après un temps, elle trouva enfin la force d’ouvrir la bouche à nouveau, mais cette fois toute forme de colère ou d’anxiété avait disparu. Elle était juste triste, et elle devait garder son calme pour trouver une solution à tout ceci avant d’être engloutie par la montagne de problèmes qui se profilaient. «Désolée de quoi ? Ce n’est pas de ta faute Harper. Tu n’as rien fait de mal. Au contraire.» Retrouvant son visage contrit, elle lui adressa un sourire forcé mais encourageant. «C’est plutôt moi qui te doit des excuses. Je suis désolée que tu aies eu à voir... ça. Je n’aurais jamais dû perdre le contrôle en ta présence. Ce n’était pas exactement professionnel...» Se traînant à nouveau avec le fauteuil jusqu’à la table du bureau où elle attrapa à nouveau un mot d’excuse, elle traça les premières lettres de son nom. «On ne sait jamais après tout... Tu as peut-être raison... Peut-être que ce sont des gamins de Lima Heights. Je ne traîne pas souvent dans le quartier, mais notre lycée a vraiment l’air princier à côté du leur alors forcément... Il y a bien un “t” pas vrai ? J’ai un trou.» Achevant de griffonner une excuse banale mais imparable, elle se saisit du tampon d’encre rouge qu’elle abattit d’une main ferme en bas du rectangle blanc. «Voilà, avec ça tu ne devrais pas avoir de problème pour rentrer en cours. Et ça restera entre nous pour cette fois, notre petit secret.» Elle lui tendit le billet avec une moue attendrie par l’expression troublée de la jeune fille. «Merci... De me l’avoir rapporté, et puis... pour le reste. C’était vraiment gentil de ta part et je ne connais pas beaucoup d’élèves qui aurait fait la même chose que toi. S’ils étaient tous comme toi à Lima Heights j’aurais eu des bonbons et une enveloppe.» Acheva-t-elle en pouffant de rire pour atténuer son sarcasme. «En tout cas, je te dois une fière chandelle. Donc si tu as besoin de quoi que ce soit, surtout n’hésite pas. À condition que ce ne soit pas d’argent haha. La prochaine fois je n’aurai qu’à faire attention ! Et si jamais il y a un autre travail à mi-temps à la gare je vais peut-être être intéressée.»
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Harper E. Pritchard
Harper E. Pritchard
Not everybody just gets to blurt out how they fuckin’ feel every minute
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Occupation : Employée à mi-temps à la Lima Station, étudiante au Lima Health Sciences Program de l'Ohio State University
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyMer 28 Mar - 16:49

« Tu n’as rien fait de mal. » Les paroles de Madeleine eurent pour effet de violemment se faire contracter l’estomac vide de l’adolescente qui, instinctivement, posa une main fébrile sur son abdomen douloureux. Justement si. Et il s’agissait de quelque chose qu’elle regrettait amèrement maintenant. Qui lui vaudrait à coup sûr d’être cataloguée comme une voleuse si les choses finissaient par se savoir en ville et ailleurs. Les Pritchard n’étaient déjà pas une famille à qui l’on accordait une confiance sans bornes. Principalement à cause des jumeaux qui avaient plus de méfaits à leur actif qu’une bonne partie de l’équipe de foot toute entière. Harper ne voulait pas qu’on la mette dans le même panier, elle méritait mieux –sans pour autant dénigrer ses frères. Puis elle ne pouvait pas se le permettre, elle était censée agir en pilier, elle ne pouvait définitivement pas précipiter encore plus la chute de sa tribu. Ici, debout en plein milieu de ce grand bureau, face à une jeune femme qu’elle côtoyait tous les jours et qu’elle appréciait en partie, Harper était confrontée à la détresse. Elle connaissait ce sentiment, elle avait l’impression d’être perpétuellement en détresse. Seulement, personne n’était là pour la sauver. Elle ne pouvait compter que sur elle-même et sur la chance qui par miracle se souvenait parfois qu’elle existait. Ce sac perdu, ce n’était qu’un coup de chance. Lilibeth avait peut-être des défauts à la pelle, mais elle ne volerait jamais impunément. Elle avait saisi la main qu’on lui avait tendue pour une fois. L’histoire aurait dû s’arrêter là. Pourquoi avait-il fallu qu’elle vérifie cette foutue carte d’identité et qu’elle joue à la citoyenne modèle ! Peut-être était-elle la seule à voir les choses de cette manière, mais lorsqu’elle avait ouvert l’enveloppe et qu’elle avait éparpillé tous ces billets sur son lit, une vague d’espoir s’était profilée dans son petit cœur, ce qui était rare en ces périodes difficiles. Bien sûr, elle ne pouvait pas remercier de vive voix Madeleine sans lui mettre la puce à l’oreille, mais au plus profond de son être, elle la remerciait d’avoir été assez distraite pour en oublier son sac.

La détresse de Madeleine l’avait contrainte à ressentir enfin un peu de culpabilité à son égard. Seigneur, si elle savait ! Madeleine donnait l’impression de lui accorder toute sa confiance. C’était douloureux de savoir qu’elle ne la méritait vraiment pas, qu’elle l’avait tout simplement trahie pour se laisser berner par l’appel d’une liasse de billets verts qu’elle avait claqué en un quart de seconde, si ce n’est moins. Elle pouvait encore faire marche-arrière. S’asseoir calmement et lui expliquer avec ses mots à elle qu’elle avait pris ce sac et que, trop tentée par cette somme d’argent inespérée, elle n’avait pas cherché à comprendre et qu’elle s’en était servie. Pas pour s’acheter des chaussures, ni même pour organiser une fête démentielle ; mais pour acheter un lave-linge dont elle avait besoin pour assurer que ses petits frères se présentent sous leur meilleur jour à l’école. Dans sa bouche, sa langue devint trop pâteuse, si bien qu’elle dû s’y prendre à plusieurs reprises avant de déglutir en toute facilité. La culpabilité n’était pas un sentiment agréable. Harper avait eu l’habitude d’évoluer avec des sentiments difficiles à assumer ; la honte, la rancœur et d’autres… mais la culpabilité jamais encore. Droite sur ses pieds, elle eu la sensation que ses épaules s’affaissèrent au fur et à mesure que Madeleine débitait des paroles qui rentraient par une oreille pour en ressortir par l’autre. Harper réfléchissait. Comment pourrait-elle se faire pardonner ? Cette question n’était que rhétorique, elle connaissait déjà la réponse : en remboursant l’intégralité de la somme qu’elle avait empruntée. Cependant, cela prendrait des semaines voir des mois avant qu’elle ne réussisse à réunir la somme suffisante. Elle pourrait prendre un travail en plus. Booster son business en allant gratter chez les élèves du cours élémentaire d’à côté ou vendre de l’herbe, elle avait entendu dire que ça payait plutôt bien. Ses joues chauffant instantanément, Harper tourna la tête sur la vitrine trônant à ses côtés. Elle croisa son reflet à travers. Ne supportant pas très longtemps cette inspection fortuite, elle avait trop honte et n’osait même pas se regarder dans le miroir, c’était pathétique.

Silencieuse, Lilibeth revint sur terre quand Madeleine s’excusa à son tour. Elle n’avait pas à s’excuser, pas du tout. Elle n’aimait pas les larmes, mais elle comprenait. De toute façon, ce n’était pas comme si elle n’avait pas l’habitude de s’occuper de ce genre de petit incident ; sa mère fondait en larmes bien trop souvent. Harper réussissait toujours à la calmer, mais la maligne patientait sagement, attendant qu’elle aille se coucher pour s’enfuir de la maison, obligeant son aînée à passer les rues de la ville au peigne fin pour la retrouver. Souvent, elle restait assise sur un vieux banc, près du kiosque à musique du parc Lincoln. Elle disait qu’il lui rappelait son père. Harper n’avait jamais compris, elle ne se souvenait pas que son père avait une tendresse particulière pour ce lieu. Elle avait fini par savoir de la bouche de sa propre mère que c’était sous le kiosque qu’il avait fait sa demande. La jeune fille s’en voulait de la contraindre à ne pas s’y rendre pour se souvenir, mais il y avait des heures pour sortir. Alors, quelques fois, elle l’emmenait pour lui faire la surprise et la voir sourire de bon cœur, rien qu’une heure ou deux. Aussi, la nuit, elle avait pris l’habitude de fermer la porte de sa chambre à double-tour ; elle n’était peut-être plus elle-même, mais Harper avait peur de la perdre, elle aussi. Pinçant tout doucement les lèvres, Harper gratifia la jeune femme d’un sourire bienveillant, son regard affrontant le sien une seconde fois « Ne vous en faites pas pour ça, je sais garder les secrets. Vous vous en êtes vraiment bien sortie, croyez-moi. » dit-elle, vague puis elle détourna le regard, souhaitant ne pas laisser percevoir la tristesse dans ses pupilles. Madeleine lui demanda alors si elle écrivait son nom de famille correctement. D’un hochement de tête, elle lui assura que oui et s’avançant d’un pas, elle attrapa son billet « Merci. A croire que je suis destinée à ne jamais arriver à l’heure. » glissa-t-elle, émettant un petit rire entre l’amertume et l’amusement. Elle pivota sur ses pieds pour reprendre le chemin vers la porte quand les propos de la jeune femme la firent s’arrêter nette ; elle n’était donc pas mieux qu’une de ces petites racailles de Lima Heights. Honteuse, Harper ne pipa mot et s’approcha du tabouret pour récupérer ses sacs qu’elle passa sur son épaule. Face à la porte, Harper regarda le billet qu’elle tenait dans ses doigts, patientant un instant. Madeleine lui proposait son aide –aide qu’elle ne méritait pas et sans y penser au préalable, elle se retourna vers elle et lança « Je suis sûre que vous retrouverez votre argent, mademoiselle. Je ne sais pas où, je ne sais pas quand… mais je suis persuadée que le voleur doit s’en mordre les doigts à l’heure actuelle et que vous finirez par revoir vos 500$. » Son ton abrupt habituel avait laissé place à la quiétude. Pendant tout son petit discours, elle ne leva pas la tête. Madeleine ne le savait pas, mais Harper était en train de s’engager à lui rendre son argent. Fronçant graduellement les sourcils, elle leva la tête d’un même chef et plongeant furtivement ses yeux dans ceux de la surveillant doucement la tête pour appuyer ses prochains mots « Je vous le promet. » Elle montra le billet dans sa main, le tendant devant elle « Merci encore. » Et dans un dernier signe de tête, elle se retourna et ouvrit la porte pour sortir du bureau.
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MessageSujet: Re: 03. Money in a bag   03. Money in a bag EmptyMer 28 Mar - 22:06

Profondément apaisée par ces nouvelles hypothèses, Madeleine n’en était pas moins amère. Elle avait beau se dire que son argent avait peut-être servi une bonne cause quelque part dans les quartiers mal famés, elle n’en était pas moins ruinée et n’avait toujours pas de solution. Demander une avance sur salaire faisait aussi partie des choses envisageables. Figgins n’avait pas pour habitude de lui refuser un service avec toutes les gardes supplémentaires qu’elle faisait depuis toutes ces années. Et puis ce n’était un secret pour personne, la seule raison pour laquelle elle avait le droit de porter des vêtements aussi courts sans se faire réprimander par le conseil de discipline c’était parce qu’il se rinçait l’œil sans la culpabilité de regarder une mineure. Un bref instant, l’esprit de Madeleine dériva dangereusement. Elle s’imaginait déjà dans le bureau du principal, le suppliant de lui accorder les 500$ en faisant ses grands yeux de chaton malheureux, séquence suivante elle était assise sur ses genoux vêtue d’un costume qui ressemblait étrangement à celui de Laura Ingalls, longues tresses brunes en moins. Paniquée par cette vision d’horreur qui aurait pu sortir d’un très mauvais film pour adulte, la surveillante souffla en tapotant la liasse de papier entre ses mains pour chasser la vision terrifiante. Non, finalement l’avance sur salaire n’était pas une bonne idée, elle préférait encore taper dans la caisse Preston plutôt que de s’exposer à un scénario pareil. Elle ferait les réceptacles à monnaie de la machine à café et du distributeur, arrêterait de se payer des latte macchiato plus gros qu’elle en rentrant, limiterait les achats de DVD et de matériel pour le cinéma, bref, elle se serrerait la ceinture comme jamais. Ce n’était pas comme si elle n’avait pas l’habitude. Elle avait passé autant de temps dans le rouge qu’avec un solde positif ce qui lui avait valu la haine de bon nombre de banquiers qui n’avaient pas arrêté de l’envoyer d’un conseiller à l’autre sans jamais oser affronter seuls l’épreuve des finances Wild. Et puis ça tombait merveilleusement bien, Glenn lui avait fait remarquer qu’elle avait pris un peu de poids au niveau des hanches. Un mois ou deux sans déjeuner et sans goûter et ce problème serait régler. Adieu scooter aussi, l’essence était un met rare et cher très prisé par le réservoir de son engin du démon avec lequel elle avait frôlé la mort plus de fois qu’il était possible de le dire. Tâchant de faire mentalement la liste de toutes les choses dont elle n’avait pas besoin et dont elle pourrait se passer sans effort, la surveillante avait une seconde oublié la présence de la lycéenne qui attendait toujours le mot qu’elle avait laissé en plan. Quoiqu’elle en dise, ça allait être douloureux, mais elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.

Ses lèvres pressées dans une moue boudeuse qui étouffait l’envie de se remettre à pleurer doucement, Madeleine planta son regard fatigués dans celui de la petite Pritchard. En une seconde ses délires étaient retombés et son sang se glaça en découvrant ce petit air mélancolique sur le joli visage de la jeune fille. Comment une gamine de son âge pouvait déjà avoir un regard si adulte ? Elle avait l’air si mature, c’en était presque terrifiant. C’était comme si tout le poids de l’existence avait déjà eu le temps de tomber sur ses épaules musclées mais étroites. Elle retrouvait un peu les visages qu’elle avait eu l’occasion de photographier en Inde. Ce menton haut et droit qui montre toute la fierté de l’aîné mais ces yeux ternis par les difficultés de la vie qui ne mentent pas sur la réalité d’un quotidien que des enfants ne devraient pas avoir à vivre. C’était étrange de retrouver ce genre d’expression en Ohio, dans le bureau où elle travaillait trois ou quatre fois par semaine. Clignant des yeux pour essayer de s’ôter cette superposition hasardeuse de l’un de ses clichés avec cette fille. Inclinant la tête avec tendresse, la surveillante lui rendit son sourire en essayant de ne pas paraître trop dramatique. Suffisamment troublée par cette image, elle ne voulait pas s’attarder sur les détails de son minois. Qui plus est, son comportement était déjà suffisamment pathétique comme ça, elle ne voulait pas s’attirer de la pitié. «Des années de pratique pour arriver pile à l’heure, on finit par y arriver, un jour. Demande à Samuel !» plaisanta Mad qui s’étonnait de trouver le nom du surveillant dans sa bouche à cet instant. Pourquoi fallait-il que cet idiot lui revienne sans cesse en tête depuis le mariage ? En tout cas une chose était sûre, même en revendant son squat miteux, ce ne serait certainement pas lui qui lui avancerait une telle somme... Elle n’avait pas à lui en parler de toute façon, ça ne regardait qu’elle, et la pension, et Harper. Ils n’étaient rien l’un pour l’autre. C’était juste pour faire la conversation. Absorbée par ses pensées une fois de plus, la surveillante releva les yeux pour regarder Harper devant l’encadrement de la porte, chargée de ses gros sacs, prête à s’en aller. Ses mots avaient l’air tellement vrai. La surveillante avait presque envie d’y croire. Mais pourquoi lui tenir ce genre de discours... Elle n’avait rien à voir avec cette histoire, elle avait été un simple intermédiaire d’après son témoignage. Lui rendant un sourire incertain, elle colla deux doigts à son front pour lui faire un salut digne d’un grand marin, le menton posé sur sa main, laissant sa tête peser de tout son poids sur son coude planté au milieu de la paperasse. Harper avait l’air bien sûre d’elle... Et elle avait été si gentille. Sans broncher elle s’était occupée d’elle. Elle avait été la seule à avoir le sac. Est-ce qu’elle en savait plus qu’elle ne voulait bien le dire ? Est-ce qu’elle couvrait un collègue ? Un ami ? Elle-même ? Restant un instant bouche bée face à cette idée étrangement cohérente, Madeleine se flanqua deux petites claques sur les joues. «Non, non, non. La parano c’est pas bon. Pour une fois que quelqu’un a l’air de bonne volonté...» Se dressant sur ses pieds, la surveillante fit le tour du bureau pour s’accroupir à côté de la fenêtre. Elle saisit les restes de la boîte de bonbons entre ses doigts fins et passant l’une des dragées colorées entre ses doigts, elle la porta à ses lèvres. «Pouaaaah mais c’est dégueulasse.» dit-elle en recrachant immédiatement le tic-tac. «Tu parles de remords, il a voulu me coller une intoxication alimentaire en plus du reste ce sale...» La jeune femme laissa sa voix se perdre dans le silence de la pièce en finissant de ramasser les morceaux de plastique qui avaient volé un peu partout. Elle jeta le tout dans la petite poubelle puis forçant le tiroir de Samuel, elle s'empara de son paquet de cigarette pour les grandes occasions. Il ne s'en rendrait pas compte de toute façon. Après un dernier coup d'œil en direction de son sac à main, elle prit le téléphone retrouvé et claqua la porte derrière elle. Elle avait des choses à raconter.

[Rp clos]
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