6:22. Pourquoi se réveiller à cette heure ? Et pourquoi le jour se faisait il aussi insistant si tôt ? Seth détourna ses yeux du cadran et se tourna sur le dos pour soupirer bruyamment. Ce n'était pas dans ses habitudes du tout de se réveiller si tôt un samedi matin, ce n'était pas dans les habitudes des gens normalement constitués d'ailleurs ! Pourtant, impossible de retrouver le sommeil. Malgré le ciel gris et la température à l'extérieur, il se délectait de la chaleur et la blancheur de ses draps. Les conditions idéales pour un sommeil encore long et paisible. Il se tourna une nouvelle fois vers le cadran digital de son réveil les yeux un peu moins embrumé cette fois ci. 9:57. Un frisson lui parcourut le corps et en jeta les draps sans réfléchir il sauta du lit d'un bond ! "Merde, merde, merde !" Pourquoi un jean est toujours plus difficile à enfiler quand on a vraiment pas le temps de s'éterniser ! 9:59. Cat l'attendait maintenant dans le hall du centre commercial depuis une demie heure ! Il s'emparât de sa brosse à dent dans la salle de bain, fit son retour dans sa chambre pour chercher un t-shirt encore propre : rien. Tout en brossant mécaniquement ses molaires il poursuivit ses recherches dans le salon : trouvé. Après l'avoir enfilé une longue trace de dentifrice se ft remarquer sur toute la longueur du torse. "Merwe !" Il fila de nouveau dans sa chambre pour trouver cette fois des chaussettes en continuant de brosser frénétiquement. Les fouilles étant infructueuses il se releva de dessous son lit et retira cette fois la brosse à dent de sa bouche en voyant l'heure indiquée. 10:08."Mer-de !"Tant pis il enfila ses chaussures pied nu, ce qui lui tira une légère grimace, et sortit en trombe de son appartement, clés, veste et sac attrapés au passage. En descendant les escaliers il vit sur son téléphone les trois appels manqués de Cat. "Aow Kaw !" Sa brosse à dent toujours à la bouche, il la jeta précipitamment dans son sac puis s'essuya la bouche d'un revers de main. "Allo Cat ! Oui je suis en retard.... oui je sais... oui j'arrive désolé... J'arrive au centre commercial là...!" Il poussa la porte de son immeuble et se lança dans un sprint jusqu'à la place Bellefontaine.

Le sprint n'avait pas été la bonne option, le mode marathon aurait été préférable car en courant il avait réalisé qu'il ne se trouvait pas si près de la place, et que Lima n'était pas une si petite bourgade. Il entra donc éreinté dans l'enceinte du centre commercial. Il jeta un oeil sur son portable : 10:27. Tant pis. La blondinette faisait surement le piquet de grue depuis bientôt une heure mais cette fois il avait tout donné en terme de performance sportive. Elle allait certainement regretté d'avoir insisté pour qu'il l'accompagne à cette journée shopping. Seth avait en effet refusé au départ cette journée qui s'annonçait terrible : déambuler dans les magasins un samedi au centre commercial ? Très peu pour lui. La seule fois où sa mèe était venue lui rendre visite à Lima ils avaient expérimenté la mission achat le samedi dans ce même endroit et Seth avait tout de suite saisit que ce devait être le seul centre commercial à des miles à la ronde car la foule qui s'y pressait chaque week end était très loin de l'échelle humaine de Lima. C'est peut être pour cette raison que Cat avait insisté pour se retrouver en début de matinée. Maintenant c'était bientôt la fin de matinée et il faudrait faire avec. Seth se fraya un chemin à travers la marrée humaine qui s'excitait en flux incontrôlable devant le stand... du Père Noël... Bien sûr en plus d'être un samedi, c'était un samedi en période de fêtes ! Cat avait tout prémédité. Cette journée était donc consacrée à la recherche de la robe parfaite pour Ecaterina le soir du bal du nouvel an. Elle disait juste vouloir passer un moment avec Seth "entre copines" comme elle disait pour plaisanter maintenant qu'ils seraient deux amis dans les magasins, mais il était persuadé que c'est aussi pour s'assurer de son avis positif à lui sur la dite robe. Il n'allait pas se faire prier pour le lui donner si cela impliquait de devoir inspecter la jeune fille toute la journée et faire le garde devant les ridaeux des cabines d'essayage ! Depuis un certain temps il avait réussi à masquer totalement la gêne qu'elle pouvait encore lui trouver face à la situation, elle ne l'aurait jamais solliciter pour choisir une robe destinée à plaire à Gale sinon, mais ce n'était pas pour autant que ses sentiments étaient morts bien au contraire. Passer du temps entre amis les avait presque rendu encore plus complices qu'autrefois. Leur couple était déjà remarquable par sa sincérité et sa simplicité mais en tant qu'amis ils étaient géniaux l'un pour l'autre. Malgré tout ça, il avait préféré faire silence à propos de la jolie Lexie et de sa rencontre impromptue avec la jeune rouquine.

Il l'aperçut enfin. Elle attendait en effet et bien qu'il savait qu'elle serait furieuse peut être d'avoir attendu pas moins d'une heure il ne pu s'empêcher de s'approcher avec un grand sourire aux lèvres. Un sourire à la fois gêné et moqueur. Même boudeuse elle était belle, effrayante mais belle, alors pourquoi s'en faire ! "Désolé désolé Cat ! Mais tu sais c'est pas facile d'être une fille ponctuelle et aussi soigneuse que moi !" L'ironie était au comble en pensant à ses cheveux plus indisciplinés et désordonnés que jamais, ses pieds nus dans ses chaussures et sa petite marque de dentifrice encore au coin des lèvres.

Lâchant un soupir exaspéré, Cat vérifia l’heure pour la énième fois sur sa montre. Se sommant d’arrêter d’espérer, elle roula des yeux, un peu déçue par le zèle dont faisait preuve celui qu’elle considérait comme son meilleur ami. Dépitée, elle baissa furieusement la manche de sa veste chaude sur son poignet avant de fureter dans son sac accroché à son épaule et empoigna son téléphone portable, bien décidée à laisser un message incendiaire sur le répondeur de Seth. Le combiné à son oreille, elle lança quelques regards courroucés devant elle. La foule était déjà dense, progressant d’un même mouvement vers l’entrée du centre-commercial. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait demandé à Seth de la rejoindre dès l’ouverture : Ecaterina n’aimait pas la foule. Encore moins la foule surexcitée par les achats de Noël. Les enfants qui couraient partout, le décor en rouge et vert et les canes à sucre géantes disposées dans tous les coins, ce n’était pas son fort. Bouchant avec sa paume son autre oreille pour se protéger du boucan environnant, elle souffla bruyamment quand elle constata que même la pression qu’elle fournissait pour se protéger les tympans n’arrangeait pas les choses. De ce fait, elle virevolta sur ses pieds pour se retourner et se retrouva nez à nez avec le stand du père Noël. Ce dernier la regarda droit dans les yeux avant de la toiser en long, en large et en travers. Elle remarqua que ses petits yeux porcins s’arrêtèrent sur ses jambes puis sur sa poitrine bien couverte. Un grand sourire aux lèvres ne tarda pas à faire son apparition sur son visage rougit par le froid –par l’alcool serait plus juste– et il se mit à tapoter ses genoux imposants en s’humectant les lèvres, sa grosse langue baveuse dépassant ridiculement sur son menton barbu ; il lui fit signe de venir s’asseoir, un rire goguenard sortant de sa bouche tordue par ce rictus effrayant. Cette image donna des frissons à la blondinette qui offusquée entrouvrit la bouche. Elle regarda derrière elle et remarqua qu’une file d’attente longue comme le bras se dessinait déjà. Elle s’apprêta alors à dire aux parents des enfants impatients de rencontrer le gros bonhomme de ne pas les laisser s’approcher de ce pervers, cependant la voix grave de Seth résonna à ses oreilles et elle se détourna du spectacle affligeant qui s’offrait à elle. Le père Noël la gratifia d’un dernier clin d’œil écœurant et elle rejoint le hall à petits pas, attendant le bip sonore pour commencer sa tirade.

« Okay, Catalano. Il est 10h00 et quelques. Tu as exactement dix minutes pour arriver au centre-commercial avant que je ne décide de vendre tes bouclettes au marché noir après t’avoir tondu comme un mouton. Ne passe pas au magasin de bd avant ; je le saurais, je sais toujours tout. » Avançant toujours au rythme de la foule, elle se fit bousculer au passage. Pas rassurée, elle fit un pas de côté pour laisser passer des parents puis toute leur marmaille bruyante qui la gratifièrent de grimaces impolies. Son ton changea radicalement se faisant instantanément plus doux « Magne-toi Seth, s’il te plaît. » Et elle raccrocha expressément tout en se dirigeant d’un pas déterminé vers la boutique qu’elle convoitait. La soirée du nouvel an. Elle n’avait pas envie d’y aller. Elle ne voyait pas l’intérêt d’aller fanfaronner avec les baltringues de la ville. Qui plus est, dans une salle des fêtes trop petite, empestant la fumée et la transpiration alors qu’elle se fichait éperdument de la bonne moitié de ses habitants. Il y aurait certains de ces amis, c’est vrai, et c’est d’ailleurs Quinn qui l’avait convaincu de s’y rendre avec une argumentation à la mord-moi le nœud qu’elle avait fini par avaler, tout simplement soucieuse de ne pas faire de la peine à cette jeune maman surexcitée par tout les événements soi-disant mondains de la ville. Une soirée calme avec Gale, c’était tout ce à quoi elle aspirait. Au lieu de quoi, il faudrait qu’elle se mette sur son trente-et-un et qu’elle sourit à tout va pour la bon plaisir de Madame le Maire. Tu parles d’un bon moyen de commencer l’année, elle avait connu mieux. Elle espérait qu’ils ne s’éterniseraient pas trop longtemps. Néanmoins, elle avait décidé de jouer le jeu, histoire de ne pas passer encore une fois pour la rabat-joie de service. Alors, il lui fallait une nouvelle robe, c’était comme ça. Elle aurait pu demander à n’importe quelle de ses amies de l’accompagner, mais aucune d’entre elles ne lui fourniraient l’avis qu’elle espérait : Seth, si. Et puis, il lui manquait. Ils se voyaient souvent, mais la LPA et l’appartement du jeune homme n’était pas vraiment des endroits propices à la conversation. Ils avaient soit Madeleine Wild qui venait les titiller gentiment en pointant du doigt leur passé commun ou l’ombre de Gale qui planait au dessus de leur tête quand il s’avérait qu’elle venait sonner un peu trop tard chez son compère de toujours. De quoi les rendre parano. Un peu d’intimité –dans le sens le moins tendancieux du terme– ne leur ferait pas de mal. Vérifiant sa montre encore une fois, Cat expira bruyamment ; toujours pas de réponse de Seth et l’heure tournait. Rentrant dans la boutique, la jeune fille fit un rapide tour du propriétaire. Elle repéra quelques tenues et ressortit du magasin. Dix minutes, elle avait dit dix minutes. Miracle ! Son téléphone se mit à sonner et répondant, fulminant à l’intérieur, elle se boucha de nouveau les oreilles.

« J’avais dit dix minutes, Seth ! Le centre-commercial est plein à craquer… Seth, non ! Ne raccroche pas ! » Trop tard. Elle poussa un juron bien gratiné à son encontre avant de baisser sa main tenant toujours le téléphone et reprit son chemin dans le sens inverse. Elle aussi avait des problèmes de ponctualité, mais alors lui, il détenait le record. Fronçant les sourcils, elle se demanda s’il n’avait pas passé la nuit ailleurs que chez lui et avançant sans vraiment s’en rendre compte, elle se mit à penser. C’est vrai qu’elle ne voyait Seth avec personne d’autre… qu’elle. Mais il était jeune et pouvait rencontrer beaucoup de filles. Il était plutôt un bon parti si on occultait son obsession pour Spiderman et ses retards répétitifs ; elle devrait peut-être s’en mêler, elle connaissait beaucoup de filles après tout. Balayant tout ça d’un geste de la main, elle reprit l’escalator et descendit au rez-de-chaussée. Elle se hissa sur la pointe des pieds arrivée en bas pour vérifier s’il n’était pas arrivé, mais toujours rien. Gonflant ses joues, elle avança en plein milieu du hall et remontant son sac sur son épaule, elle passa une main dans ses longs cheveux lisses ce matin-là ; personne n’avait l’air aussi frais et pimpant qu’elle un samedi matin. Elle n’avait même pas fait beaucoup d’effort, elle était à peine maquillée. Glissant la mèche qu’elle tenait dans ses doigts derrière son oreille, elle fit volte-face quand elle entendit prononcer son nom derrière elle. Seth s’approcha. C’est la mine boudeuse que Cat l’accueillit, mais ne résistant pas longtemps à son sourire et à sa blague douteuse, elle le prit dans ses bras pour l’étreindre une seconde et déposa un baiser sur sa joue.

« J’étais à deux doigts de partir, idiot. Qu’est-ce… » Elle remarqua la trace de dentifrice au coin de sa bouche. Fronçant les sourcils, elle tendit la main pour la frotter du bout de son index en fronçant le nez jusqu’à ce qu’elle disparaisse enfin. Du Seth tout craché « Tu me fais honte –j’espère que c’est du dentifrice au moins. » Elle esquissa un mince sourire puis lui prit rapidement le poignet pour le traîner jusqu’à l’escalator afin de remonter jusqu’à la boutique qu’elle avait visité plus tôt. Elle glissa son bras sous le sien, posa très furtivement sa joue contre son épaule en souriant, serrant son bras contre elle et monta sur la première marche. Elle tenta de se tenir droite pour être à sa taille et ne pas paraître ridicule à ses côtés, sachant pertinemment que c’était peine perdue. Alors, éclatant soudain de rire, elle se tourna vers lui, la mine un chouïa suspicieuse –les paupières mi-closes, un sourire en coin étirant ses lèvres. Il avait l’air encore tout ensommeillé. Cela l’attendrit presque et ne pouvant retenir plus longtemps ses questions, elle demanda, l’air de rien « Alors, rude nuit ? »

"Qu'est ce que tu veux, je ne suis pas sortable !" Aussi souriante qu'avait été la plaisanterie il ne l'était assurément pas avec cette dégaine, mais ça c'était bien le cadet de ses soucis et celui d'Ecaterina aussi apparemment puisqu'elle l'emporta tout de même par le poignet vers les escalators avant de monter gaiement bras dessus bras dessous. "On la joue vraiment copine en fait !" Alors qu'il haussait les sourcils avec un sourire en coin Cat posa sa tête sur son épaule, enfin pas tout à fait, il lui manquait toujours quelques centimètres de hauteur pour être tout à fait confortable. Le contraste était frappant, d'un côté lui, tout droit sortit du lit les cheveux en bataille et la mine encore un peu dans le brouillard, de l'autre cette jolie blonde, pimpante et si fraîche de bon matin, bien maquillée, bien coiffée, juste comme il le fallait comme toujours. Elle n'avait pas fait tout ça pour lui, il savait bien qu'elle s'attachait toujours à rester présentable, même un samedi matin mais il se plaisait à y croire. Le sourire béat qu'il affichait alors qu'ils continuaient tout deux leurs lente ascension ne s'effaçât pas même après que Cat émit ce petit rire. Il baissa la tête vers elle et rit à son tour de sa mine suspicieuse. "Ouh les yeux de renard, je flippe quand tu fais ça !"

La question de Cat l'interloqua définitivement cependant. Ce regard à mis clos n'était assurément pas innocent et Cat n'attendait pas de lui qu'il lui raconte ses doux rêves de la nuit. Il n'avait jamais pensé qu'elle puisse l'imaginer la remplacer. Après tout, cela faisait bien six mois qu'ils n'étaient vraiment plus ensemble et rien n'aurait été plus normal que d'être passé à autre chose. Oui mais voilà, Seth n'avait pas tourné la page. Il ne la harcelait pas de messages ou ne la suivait pas dans ses moindres déplacement, il vivait cet amour qu'il avait gardé pour eux deux secrètement caché au fond de lui, conscient qu'il n'avait plus lieux d'être éxprimé et que confier ses sentiments à Cat n'allait pas faire avancer les choses bien au contraire. Ignorait-elle donc totalement qu'il l'aimait encore autant que lors de leur dernier baiser, toujours autant que lors de leur départ de Cincinnati, le planétarium, leur premier baiser...? La première rencontre n'était pas valable, ce n'était certainement pas le coup de foudre qui les avaient amenés l'un vers l'autre. C'était bien mieux finalement si elle n'en savait rien. De toute évidence son lit n'avait pas reçu d'invitée cette nuit mais il y avait bien eut Lexie qui y fit un tour quelques semaines plus tôt. Lui parler de Lexie ? Jamais il ne le pourrait, s'il n'avait pas assumé la belle rousse entre ses draps au petit matin c'etait bien parce qu'il avait le sentiment d'avoir trompé Cat. Seth secoua la tête et cligna des yeux pour se débarrasser de cet air surpris et coupable. "Si on compte Tornade qui ne m'a pas lâché les cheveux, Kitty qui m'a juste arraché le dos euuh Elektra qui m'en a fait voir de toute les couleurs aussi et puis Catwoman, l'éternelle insatisfaite impossible à rassasier on peut considérer que la nuit a été mouvementée ouai ! Qu'est ce que tu veux elles en veulent toutes ! Mais je vous trouve bien curieuse mademoiselle Robertson deuxième du nom ! hein" Alors qu'il faisait le décompte sur ses doigts en regardant en l'air, feintant un réfléxion intense, Seth pinça ensuite le nez de son amie avant de laisser échapper un petit rire interrompu par l'escalator qui arrivait en fin de course.

En effet il y avait du monde et il n'était pas aisé de se frayer un chemin parmi cette foule en délire les yeux pleins de boulettes de noël en "cristal". Il ne pu s'empêcher de laisser s'échapper un rire cynique quand une grosse dame s'étala de tout son long devant eux, des sacs pleins les mains qui devaient au moins faire la moitié de son poids. s'ils ne s'étaient pas reculés in extremis les deux jeunes gens n'en seraient pas sortit indemnes pour sûr. Seth l'aurait pardonnée car elle avait tout de même eut le mérite d'éclipser le sujet dangereux qu'avait abordé Cat. Ça, cette pauvre femme qu'ils contournaient maintenant l'ignorait douloureusement mais intérieurement Seth lui adressa toute sa gratitude. Ni Lexie ni personne d'autre au programme, Cat devrait s'en tenir aux pimbêches de Marvel. Les lutins du gros barbu que devenaient les clients de chaque boutique n'avaient pas retenus la leçon cependant continuant de batifoler dans tout les sens et Seth avait même l'impression que les allées du centre commercial ne désengorgeaient pas bien au contraire, elles ne faisaient que s'emplir de monde à vue d'oeil. Cat prit l'initiative de foncer dans le tas et l'attirât dans une boutique qu'elle avait déjà repérée et c'est alors qu'ils pénétrèrent tout deux au royaume de la femme. Seth pouvait bien les compter sur les doigts de la main les fois où il avait daigné accompagner un femme dans un magasin pour du shopping, et c'était presque à chaque fois avec Cat, et à présent il comprenait pourquoi il avait été si retissant ! Mais il était un garçon de bonne volonté et en aucun cas il ne se serait plaint, du moins pas dès le début ! "On y est ? Bon bah c'est partit ! Remontes tes manches Cat c'est la guerre !" Et la métaphore n'était pas inappropriée, la boutique avait décidément prit des airs de champ de bataille en ces temps de soldes de Noël !

Si Seth lui posait la question –à savoir si son interrogation était purement innocente ou pas– Cat lui répondrait avec son plus beau sourire qu’elle tentait tout simplement de faire la conversation. Mais, au fond, elle savait très bien que sa question n’était pas naïve pour un sou. En observant la mine fatiguée de son ami, ses petits yeux plissés analysèrent le moindre de ses traits tirés par un réveil trop brutal, et silencieuse, elle le fixa dans une expression de réflexion intense, s’imaginant brièvement comment il avait bien pu passer sa soirée de la veille. Lui trainant dans un bar, les cheveux en bataille, harassé par sa journée. Accoudé au comptoir, il croisa le regard d’une fille de petite nature (ou pas, d’ailleurs) qu’il ramena chez lui –ce scenario lui semblait plausible. La suite, Cat préférait ne pas s’en soucier. Mais elle n’était pas stupide au point de croire qu’une partie improvisée de scrabble découlerait de cette rencontre fortuite. Seth restait un mâle. Ecaterina ne le savait pas fêtard, seulement être loin de chez soi, dans une ville quasi inconnue pouvait vous changer un homme. La solitude aussi et les instincts d’un jeune homme de son acabit encore plus. Il avait des besoins, elle ne se faisait pas d’illusions. Pinçant délicatement les lèvres, elle attendit sa réponse, presque suspendue à ses lèvres et élargit son sourire quand il qualifia sa mine suspicieuse d’une façon peu conventionnelle. Se sentant tout à coup stupide, elle fit mine de détourner le regard en secouant la tête quand il frôla son nez avec ses doigts et ses pommettes se teintèrent d’un rose soutenu qui raviva davantage son teint déjà parfait : un blush naturel, il n’y a que ça de vrai, lui aurait dit sa mère. Cat n’était pas jalouse. Des défauts, elle en avait –elle était rancunière, compliquée et arrogante–, mais elle n’avait jamais cédé à la jalousie, ce n’était pas un sentiment qui lui ressemblait. Elle mettait tout en œuvre pour ne jamais ressentir ce dépit pour quiconque. En ce qui concernait les relations supposées de Seth, elle n’avait donc aucune raison de ressentir ce sentiment à leur égard, c’était ridicule. Ils étaient amis, n’est-ce pas ? Elle serait heureuse pour lui s’il rencontrait quelqu’un à Lima et serait même la première à se réjouir pour la chanceuse qui mettrait le grappin sur son professeur préféré. Mais quand même. Elle n’avait jamais pensé à la façon dont elle accueillerait cette nouvelle potentielle. Se montrerait-elle ouvertement agressive envers cette jeune-fille ? Sans doute un peu, au début, pour tout simplement s’assurer qu’elle mérite vraiment de faire partie de la vie du jeune homme. Entortillant ses cheveux autour de ses doigts, elle reporta de nouveau son attention sur Seth et croisa ensuite les bras sur sa poitrine, s’assurant que son sac ne tombe pas avant toute chose. Elle aurait voulu qu’il se hâte de lui répondre. Cependant, il mit trop de temps avant de le faire. En plaisantant, bien sûr, qu'attendait-elle ? Quelque chose de douloureux s’insinua au niveau de son estomac, comme des fourmillements d’anxiété remontant peu à peu dans sa poitrine et s’installant graduellement dans sa gorge qui lui picota soudain. Pourtant, elle ne montra rien et se contenta d'incliner le visage quand il lui énuméra la liste de ses conquêtes de la nuit. Elle grossit son regard bleu clair, ouvrant grand ses paupières pour souffler sur le ton de la confidence :

« C’est que ça me rendrait presque jalouse. Tu me montreras les marques dans ton dos, hein ? » Elle esquissa un sourire alors que les clients devant eux leur lancèrent des regards curieux. Ecaterina fixa la jeune femme postée devant elle. Une fausse blonde aux racines noires apparentes, parfumée à l'eau de Cologne bon marché qui devait faire plus de vingt-cinq kilos et au moins quinze centimètres de plus qu’elle et qui la toisait avec impolitesse. De la racine de ses longs cheveux dorés à la pointe de ses ballerines rouge foncé en passant par la boutonnière de sa veste élégante : aucun détail n'échappa par à son regard perçant. Agacée, Cat la gratifia d’une petite secousse de tête, et tout en faisant un geste de la main pour qu’elle se retourne et cesse de la regarder avec autant d'impolitesse, elle lui dit d’une grosse voix « Chacun ses mœurs, c’est devant que ça se passe. » La fausse blonde s’exécuta, non sans lancer un regard vers Seth qui termina son récit de sa folle nuit en compagnie des plus belles héroïnes de comics, par une boutade qui piqua son amie au vif. Elle était trop curieuse, c’était un fait. Haussant les épaules avec une feinte désinvolture, elle fit mine de regarder ailleurs et dans une moue boudeuse, retroussa ses lèvres cerises « Je m’en fiche, c’était juste pour savoir. Tu as une mine affreuse. » Et tiens. Prends-toi ça dans les dents, Catalano.

Les chants de Noël joués en fond sonore résonnèrent dans sa tête et sans trop sans apercevoir, elle se mit à fredonner. Que ferait Seth le soir du nouvel an ? Il lui avait fait savoir qu’il ne rentrerait ni à Cincinnati pour revoir leurs anciens amis, ni à Huntinghton Beach pour profiter de sa famille pendant les fêtes. Serait-il tout seul ? Cette idée ne plaisait pas à la jeune fille. Elle n’aimait peut-être pas toute cette ferveur autour du grand barbu, mais elle savait que les fêtes étaient importantes pour une bonne majorité des gens et Seth en faisait partie. Elle ne pouvait pas le laisser seul, c’était inenvisageable. Elle s’apprêta alors à lui poser la question quand l’escalator termina sa montée. Sautant la première marche, Ecaterina attrapa la main de Seth plus par réflexe que par réelle envie et remit sa question à plus tard. Elle n’avait pas à avoir peur de la foule avec lui dans les parages. Aussi, elle fut instantanément rassurée dès lors que ses doigts glacés se refermèrent autour de ceux très tièdes du jeune homme et sans attendre, elle le tira –encore une fois– derrière elle. Immédiatement, elle s’apaisa. C’est la grosse dame qui tomba sur le sol qui la fit sursauter. D’ordinaire, elle l’aurait aidée à se relever, mais elle voulait quitter cet endroit au plus vite et après avoir lancé un regard de reproche en direction du grand brun qui se moqua aussitôt que les sacs de la femme se répandirent sur le sol, elle l’emmena dans l’allée vers la boutique à quelques pas à peine. Ils entrèrent et Cat lâcha Seth, cette fois. Une vendeuse les gratifia d’un sourire commercial. La petite blonde le lui rendit naturellement –il était dix fois plus convainquant que le sien. C’était le fruit de nombreuses années à sourire bêtement sur commande. La voix de son accompagnateur lui fit tourner la tête vers lui et le contournant pour rejoindre un rayon, elle se hissa brièvement sur la pointe de ses ballerines pour toucher le bout de son nez avec son index tout froid.

« Du calme, Rambo. J’ai déjà fait une sélection, c’est par ici que ça se passe. » D’un signe de tête, elle lui montra une allée et s’y engouffra sans patienter davantage. Cat n’avait pas oublié la façon dont il avait pris du temps pour lui répondre quant à sa soirée d’hier et se mordant la lèvre inférieure, estompant fatalement le baume fruité dont elle avait enduit sa bouche ce matin, elle attrapa un cintre en méditant un moment sur la façon dont elle pouvait revenir sur le sujet qui lui brûlait tant la langue. Elle avouait être titillée par la curiosité : elle ne lui en voudrait pas s’il voyait quelqu’un, c’était normal, et aux vues de la façon dont s’était terminée leur relation, elle ne se permettrait jamais de le lui reprocher. Frôlant du bout des doigts le tissu noir brillant d’une robe bustier assez courte, cela fit tilt dans son esprit : la soirée du nouvel an, c’était comme ça qu’elle devait s’y prendre, évidemment. Relevant les yeux vers le jeune homme, Cat pencha la tête. Coinçant une mèche derrière son oreille, elle marmotta à son attention « Tu devrais venir à la soirée. » Elle attrapa un autre cintre avant de le reposer aussi vite –trop blanc à son goût. Plantant furtivement son regard dans celui de Seth, elle pencha davantage la tête « Tu pourrais faire des rencontres. Je peux te trouver une cavalière, si tu veux. Tu te souviens de Charlie, ma collègue à la librairie ? Elle est un peu tarée, mais elle est cool quand elle veut. Je suis sûre que vous vous entendriez bien. » S’il devait s’acoquiner avec une jeune fille, autant être sûre qu’il soit entre de bonnes mains. Charlie lui semblait être un bon choix, elle l’aimait beaucoup malgré leurs disputes incessantes. Empoignant un autre cintre au bout duquel une robe rouge vif pendait, elle passa derrière Seth tout en joignant sa dernière trouvaille à la robe noire qu’elle tenait déjà. Du coin de l’œil, elle remarqua que les vendeuses de la boutique les regardaient avec curiosité, chuchotant de plus en plus bas chaque fois que Cat s’approchait de lui. Cela la fit sourire puis se penchant lentement sur le garçon, elle murmura « Je crois que je fais des envieuses. Tu devrais te lancer, joli cœur. » Ecaterina lança une autre œillade aux jeunes femmes en se redressant, les étudiants d’un rapide coup d’œil et concentrant derechef son attention sur le rayon, elle chercha une autre robe à ajouter à son trousseau ; elle continua sur le ton de la conversation « La brune est vraiment très jolie. » Marquant une pause, elle attrapa une robe mauve foncé, reprenant comme si de rien n'était « Mais c’est vrai que tu préfères les blondes… » Remontant lentement la tête, elle fit progressivement glisser son regard de la robe mauve qu’elle venait de choisir au visage de Seth. Elle le regarda avec insistance, inspectant ses pupilles sombres avant de hausser les sourcils en même temps qu’elle reprit ses esprits. Sur une note aigue, elle déclara en montrant ses trois robes posées sur son avant-bras droit « Je vais essayer celles-ci ! Tu m’attends ici ou… » Elle désigna les cabines derrière du doigt et chassant aussitôt sa question d’un geste de la main, elle l’attrapa par la manche pour se diriger vers les cabines « Viens avec moi, c’est pour ça que tu es venu, après tout ! »

Rambo ? Non décidément il allait falloir faire plus que ça. Il allait carrément falloir se la jouer Gi-Joe version cobra pour se sortir de là ! Mais bon, apparemment Cat avait fait des repérages, il n'y avait qu'à espérer qu'elle ait correctement balisé le terrein. De toute façon avec Cat il n'avait rien à craindre. Oui, peut être que c'était lui le plus impressionnant mais c'était elle la plus hargneuse. Déjà à la fac, elle faisait fuir le premier qui osait s'en prendre à Seth avec une petite pique bien acerbe dont elle avait le secret. Sa mère lui avait dit, il s'en rappelai, "il faut toujours se méfier des petits cocker dans son genre, c'est les plus tenace !". Même si la comparaison était peu flatteuse, elle n'était pas si inappropriée. Filant dans les rayons sans plus attendre Seth, Cat lui lâcha finalement la main, et déjà elle était perdue au milieu du brouillard de couleur et de texture. Il n'y avait que des femmes, et bien que ce soit loin d'être l'Enfer au contraire, ça n'en restait pas moins déroutant. Il trottina à la suite de Cat et fouilla l'air de rien dans les rayons une fois arrivé à sa hauteur. À peine fut il arrivé que Cat lui parla de la soirée du nouvel an. S'il comptait y aller ? Pas tout seul en tout cas. "Mmh mmh je sais pas encore..." D'un pas aussi lancinant que sa réponse il tenta de se faufiler de l'autre côté du rayon. Cat n'avait pas décidé de lâcher l'affaire et de l'autre côté elle éviterait peut être les questions si jamais elle était trop petite pour l'apercevoir. Il la regardait fouiller tranquillement tout en s'éloignant l'air de rien quand elle reprit l'assaut ! "Charlie hein ? Mais je croyais que tu t'engueulait souvent avec elle. Bah oui, oui pourquoi pas si elle est libre. Mais si tu veux je peux babysitter ta petite Emily aussi si tu veux. On s'éclaterai bien devant les derniers épisodes la ligue des Justicier. On se déguiserait, on ferait des gateaux, et puis une crise de foie pour finir en beauté !" Cat semblait na pas avoir été très attentive jusqu'au bout puisque sans ciller elle enchaînât sur les deux vendeuses du fond. Décidément ce n'était pas les plaisanteries qui le sortiraient de là, Blondie ne semblait pas en démordre au grand damne de Seth. La situation lui était très inconfortable, il ne voulait pas parler de tout ça avec elle et il faudrait trouver une parade au plus vite avant que le silence pudique qu'il gardait sur toute cette affaire ne devienne suspect. "Hein, ah oui oui, très jolie, charmante..." Levant les yeux pour avoir l'air intéressé, sans aucune crédibilité, il se retourna mécaniquement vers les rayons pour poursuivre ses fouilles sans but, se contentant de frapper frénétiquement les cintres les uns contre les autres. Cat pouvait elle se rendre compte de l'embarras dans lequel il se trouvait à présent ? C'était pourtant une conversation des plus banale entre deux amis de leur âge. Ils échangent habituellement des détails sur leur vie sentimentale et aborde un tas d'autres sujets totalement légitimes d'aborder. D'une part, la vie sentimentale et Seth ce n'était pas une longue histoire. Mis à part un premier amour moyennement passionnée, quelques histoires d'adolescent et un nombre réduit de filles anonymes et inconnues dès le petit matin, Cat avait été sa seule véritable histoire d'amour et digne d'être racontée. C'était parfaitement normal de bavarder de leur vie sentimentale oui, mais ça c'était entre deux amis. Seth n'avait pas envie de lui faire croire qu'il était passé à autre chose, même si cela était préférable, il ne voulait pas tuer la pointe d'espoir qui lui restait secrètement à propos d'eux deux. Oui la brune était jolie, oui il préférait les blondes, mais celle qu'il voulait c'était Cat et aucune autre blonde, ni aucune autre femme. Mais ça, elle ne devait pas le savoir et au lieu de tenter de se manifester et d'ouvrir la bouche pour rompre son silence étrange, il préféra se taire au risque de ne pouvoir s'empêcher de la supplier à genoux de cesser cette torture. Il fut heureusement interrompu dans ses fausses prospections qui n'en finissait pas de marteler les cintres par Cat qui s'était décidée à se rendre aux cabines d'essayages.

Est ce qu'il était venu pour ça ? Seth ne comprit pas très bien. Pour jouer les videurs, les voyeurs ? Peut être un peu de tout. Quoiqu'il en soit il finit par reprendre son rôle de boute-entrain alors qu'ils avançaient en silence. "J'y penserai pour la brunette ! À la sortie je lui demanderai son numéro, elle me le donnera et on babysittera Emily ensemble chez Schuester !" Voilà qui redonnerait le ton initial pensât il ! Arrivé devant quelques cabines vides Seth balaya les environs du regard et repéra enfin la gent masculine qui se cachait depuis le début ! Soit ils étaient les maris soit la copine comme lui. À en juger par les tête glissée de l'autre côté des rideaux il était le seul à jouer dans sa catégorie. Quand il se retourna, Cat s'était éclipsée dans une cabine sans qu'il ait pu identifier laquelle. "Cat..? Il n'était pas question de crier plus fort et ce n'était bien évidemment pas assez fort pour qu'elle l'entende. Il pensa un instant regarder sous les rideaux pour identifier les pieds de la demoiselle mais c'était encore moins discret et vraiment peu fiable. Il se décida finalement à imiter ses voisins et glisser un regard entre le mince espace entrouvert du rideau des trois cabines occupées devant lui. Le filet de lumière qui se laissait voir lui laissa croire qu'il pourrait glisser un oeil de l'autre côté sans être montré de doigt. Seth observa à droite et à gauche comme pour s'assurer que personne ne le suspectait déjà et se lançât à la recherche de la blonde disparue. Première cabine : échec !

Il eut un peu plus de chance avec la deuxième, ce n'était toujours pas Cat mais le spectacle n'était pas désagréable. Il ne resta pas plus longtemps que nécéssaire cependant se répétant qu'il n'était pas un voyeur pervers en secouant la tête en signe de désaprobation. La troisième cabine. C'était elle, Ecaterina se changeait en toute insouciance sous le regard maintenant captivé de son ami dont elle ignorait encore la présence. Elle était à demi nue et retirait maintenant le haut. Ce corps, il ne l'avait pas oublié et qu'il soit là exposé en toute impudeur lui rappela le ravissement que sa vision pouvait provoquer. Les héroïnes siliconnées de Marvel n'avaient qu'a bien se tenir car son corps à elle était délicat, fragile et beau. Comment avait il pu se résigner à la perdre. Des jambes minces et pâle, l'une fléchie, l'autre tendue, le creux délicat de ses reins qu'il connaissait bien, le courbe sensuelle de son dos qui terminait sur ses fesses parfaites, sa poitrine exquise et ferme et ses cheveux qui retombaient maintenant délicatement sur sa nuque, libérés du col de son haut dont elle se libérait enfin. Ses lèvres, son visage, ses yeux. Ses yeux ? Seth ne put s'empêcher d'ouvir la bouche et d'essayer de balbutier quelque chose quand son regard croisa celui de Cat à travers le miroir. "Hum, désolé... désolé je. Je me retourne hein !" Il ferma le rideau correctement et se contenta de mettre la main devant ses yeux. Il était trop tard ! L'avait elle remarquer depuis longtemps ? Il n'aurait pu le dire lui même il était bien trop occupé à scruter son corps dans les moindres détails. Son corps. Malgré ses pommettes rouges et la honte qui l'envahissait il ne pu s'empêcher d'afficher un sourire béat qu'il effaça aussitôt en joignant les deux mains devant lui.

Quand elle commença son court chemin jusqu’aux cabines d’essayage, la jeune femme s’en voulu de manquer autant de subtilité dans ses propos. C’est vrai qu’elle voulait savoir si son ami fréquentait quelqu’un ces temps-ci. Cependant, ce n’était pas une raison pour le mettre dans l’embarras et l’assommer de questions. Elle aurait pu lui demander directement. Seulement, elle ne souhaitait pas s’engager sur ce terrain miné. Seth finirait par lui demander pourquoi elle s’en inquiétait autant et Cat se sentirait mal à l’aise parce que les raisons qu’elles invoqueraient, elle n’était pas prête à les assumer. Pas encore. Elle se demandait d'ailleurs si elle serait prête à les assumer un jour. Alors autant passer tout ça sous silence et utiliser des chemins compliqués pour arriver à ses fins. Il s’agissait de sa tactique préférée, Seth était bien placé pour le savoir. Après coup, elle se rendit compte qu’elle avait mal interprété sa lenteur à lui répondre dans l’escalator. Il n’essayait pas de noyer le poisson quant à ses éventuelles relations (dans son esprit, elle mettait tout ça au pluriel pour une raison qu’elle n’arrivait pas à définir) de la veille, il voulait juste éviter le sujet. Mais pourquoi ça ? Il n’y avait aucune raison à ce qu’il se sente gêné de parler de ses conquêtes avec la jeune fille. Malgré ce sentiment hasardeux qui s’insinuait en elle, lui collant comme des frissons désagréables sur la moindre parcelle de sa peau douce, à chaque fois qu’elle l’imaginait en compagnie d’une fille plus brune et plus grande et plus jolie et plus intelligente –et plus tout– qu’elle, elle le pousserait quand même à rencontrer d’autres personnes si c’était ce qu’il voulait vraiment. Si c’était avec quelqu’un à ses côtés qu’il se sentirait le plus heureux. Son bonheur : voilà tout simplement ce qu'elle voulait. Il ne fallait pas qu’il la préserve. Elle ne le lui demandait d’ailleurs pas de le faire. Forte et indépendante, c’était sa nouvelle philosophie, elle devait s’y tenir et ce n’était pas les amourettes de son ex qui la mettrait en vrac. Après tout, elle, elle avait Gale. Elle estimait que c’était égoïste de ne pas espérer que celui avec lequel elle avait passé plusieurs mois merveilleux, rencontre lui aussi quelqu’un qu’il aimerait et qui lui rendrait son amour –pas comme elle qui n’était pas assez amoureuse de lui, à l'époque. Seth le méritait. En avançant jusqu’à une cabine au hasard, Cat mit soudain le doigt sur quelque chose : elle non plus ne parlait pas de sa vie sentimentale. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés au rez-de-chaussée, elle n’avait même pas prononcé le prénom de son petit-ami. Par respect pour Seth ? Sans doute aucun. Elle le faisait inconsciemment, pourtant elle avait déjà remarque que, quand il lui arrivait de glisser une ou deux allusions au grand blond, Seth se renfrognait aussitôt. Cat n’était pas idiote, elle savait ce que cela signifiait. Chassant tout ceci en secouant sa frange trop longue devant ses yeux clairs, elle entra enfin dans une cabine. Cette animosité entre Seth et Gale, elle n’aimait pas ça. Elle trouvait ça franchement idiot, même si elle pouvait le comprendre. Ils se ressemblaient bien plus qu’ils ne le pensaient et au lieu de se regarder en chien de faïence lorsqu’ils avaient le malheur de se croiser au détour d’un escalier, ils auraient dû être, si ce n’est des amis, au moins des voisins qui se saluaient cordialement sur le pas de leur porte respective ; c’était tout ce qu’elle leur demandait. Cat était un peu trop naïve parfois. Il lui arrivait d’espérer qu’ils cessent un peu cette rivalité latente parce que, oui, il s’agissait de rivalité. Ils avaient beau faire les marioles en la prenant pour la plus blonde des blondes en se gratifiant de sourires hypocrites quand elle faisait son apparition dans la pièce. Elle n’était pas dupe et savait qu’une fois qu’elle avait le dos tourné, ce n’était pas des mots d’amour qu’ils se susurraient à l’oreille, mais bel et bien des mises en garde bourrées de testostérones qui l’insupportaient.

Accrochant ses cintres puis son sac au porte-manteau fixé au mur, la blondinette ferma le rideau sommairement. Vérifiant en passant la tête par l’entrebâillure si Seth la suivait bien, elle esquissa un sourire en le voyant au milieu des cabines, ne sachant pas trop où se poser : toujours à l’ouest, Superman. C’est en roulant des yeux qu’elle se retourna pour se déshabiller. Elle ne glissa aucune œillade à son reflet. Elle jugea ça inutile puisque son regard trop critique passerait plus de temps à relever tout ses petits défauts, qu’elle était la seule à distinguer, plutôt qu’à se changer pour choisir cette foutue robe de soirée. Elle ne supportait pas son image, elle ne la supporterait jamais. Se voir dans la glace relevait du supplice pour elle ; elle n’aimait pas ses jambes. Elle se trouvait trop pâle et beaucoup trop petite. Son visage, n’en parlons pas. Elle avait des fossettes lorsqu’elle souriait, elle détestait ça. La seule chose qui méritait un peu d’attention, c’était ses yeux. Symétriques à souhait, d’un bleu très clair ; Cat aimait ses yeux. Voilà pourquoi elle avait fait appel à Seth, également : il la connaissait sous toutes les coutures. Seul son avis compterait dans le choix de sa tenue, elle lui faisait une confiance aveugle. Déboutonnant sa veste en se déchaussant d’un même chef (la mince semelle de ses ballerines lui faisant perdre encore quelques centimètres), elle la laissa tomber sur le sol puis défit la fermeture de son jean et enfin le bouton avant de le laisser glisser à ses chevilles, s’en débarrassant d’un coup de pied bien dosé. Cat n’avait jamais été pudique. Elle s’était déshabillée devant des tas de gens qu’elle ne connaissait pas quand elle était modèle. La nudité ne constituait pas quelque chose qui la gênait. Bien sûr, elle n’était pas exhibitionniste et ne se baladait pas en petite culotte à la moindre occasion, mais s’il se trouvait qu’on la voyait nue, elle n’en faisait pas toute une maladie. Attrapant le bas de son pull fin pour le retirer, elle prit appui sur sa jambe droite qu’elle fléchi, tendant la seconde en faisant glisser le tissu sur sa peau délicate pour s’en défaire. Son visage retrouvant l’air libre, ses yeux se posèrent dans le miroir face à elle et trouvant immédiatement le reflet de Seth qui, littéralement, la reluquait, elle se raidit, cambrant instinctivement les reins. N’osant trop rien dire, elle fit mine de toussoter pour le faire reprendre ses esprits. Ses prunelles se posèrent dans les siennes un moment. Brusquement, il s’excusa et referma le rideau. A l’abri de son regard, Ecaterina esquissa un bref sourire, peut-être un peu flattée.

« Je… » commença-t-elle, haussant le ton pour qu’il l’entende à travers le rideau. Elle voulait dissiper le léger malaise que la contemplation secrète du jeune homme avait installée. Souvent, on la gratifiait de regards. Mais face à l’œillade inquisitrice de Seth, Ecaterina devait admettre qu’elle se sentait un tantinet troublée. Ils se connaissaient, elle n’aurait pas dû être gênée. Si une personne l’avait vu nue plus d’une fois, c’était bien lui. Pourtant, elle eu du mal à reprendre son calme et tout en attrapant la robe rouge pour l’enfiler, elle replaça ses sous-vêtements noirs convenablement et continua « Tu y réfléchiras pour la soirée. On pourrait y aller ensemble. » Elle se mordit soudain la lèvre, passant la robe étroite par les pieds et se reprit à temps pour rectifier et ne pas lui donner de faux espoirs « Je veux dire, se rendre là-bas ensemble avec… » Elle remonta les fines bretelles rouges sur ses épaules, hésitant un moment avec de prononcer son prénom « Avec Gale et ta cavalière potentielle, bien entendu. » Un furtif coup d’œil rivé sur la fermeture de la robe l’aida à la remonter dans un zip bruyant. Moulée dans cette robe, elle ne sentait pas très à l’aise et se retournant, elle tira ensuite le rideau pour s’exposer au regard du jeune homme. Les pieds à plat, elle écarta légèrement les bras et fit un tour gracieux sur elle-même avant de poser une main sur sa hanche bien dessinée « Affreuse, j’en suis persuadée. Le rouge ne me va pas et vu ta tête, je dois ressembler à l’une de ces paumées du Quartier Rouge d’Amsterdam. Next. » concéda-t-elle sans attendre son avis, refermant le rideau à la volée. Derechef, elle retira cette robe hideuse pour passer la noire qu’elle aimait déjà d’emblée. Tout en l’enfilant, elle reprit à l’attention du garçon « Je te promets même une danse si tu décides de venir. Tu me marcheras sur les pieds, ça rendra les choses plus fun. » Remontant le bustier de la robe sur sa poitrine, elle eut du mal à la faire rentrer dans ce décolleté minuscule. S’obstinant, elle fini par y arriver. Cat baissa la tête pour remonter la fermeture et tira dessus, mais rien. Elle réitéra plusieurs fois sa manœuvre par des petits coups précipités, seulement rien ne se passa ; elle n’avait pas assez de force pour la faire glisser. Son premier reflexe fut de se retourner pour demander de l’aide à Seth, mais la façon dont il l’avait regardé plus tôt la dissuada de le faire sur le coup. Si elle pouvait leur éviter de se retrouver dans une position délicate comme celle-ci, elle ne s’en priverait pas. Néanmoins, craindre le pire n’était-il pas une preuve tangible de la tension qui persistait entre eux ? Sentant son cœur s’affoler dans sa poitrine comprimée, la petite blonde ne voulait pas donner raisons à ses tergiversions et sans y réfléchir davantage, elle lança plus fort « Seth ? Tu… » Elle tira une fois de plus sur la fermeture en sachant que ça ne viendrait pas, et enfin, elle se résigna « Tu peux venir m’aider, s’il te plaît ? »

Ravi, honteux, stressé, totalement satisfait, Seth tentait de garder pourtant le peu de prestance qui pouvait lui rester sans parvenir pour autant à effacer ce sourire béat qu'il affichait tout en se mordant les lèvres. Les mains jointes devant lui il devait maintenant s'appliquer à remplir le seul rôle qu'il se réservait à présent dans cette histoire, pas plus : éloigner tous les voyeurs dans son genre aux alentours. Les yeux dans le vide la scène lui repassa furtivement en tête, apportant quelques couleurs à ses joues. Tout ce qu'il pouvait garder à l'esprit dans l'immédiat était ce corps délicieux qu'il était bon de redécouvrir, les yeux surpris de Cat et sa propre mine contrite placardée au miroir. Ses pommettes ne pâlirent pas et s'obstinaient à arborer ces rougeurs d'enfant prit la main dans le sac. Cat voudrait elle encore de lui pour l'inspecter sous toute les coutures ? Oserait elle même ressortir de sa cachette ? Après tout, quel était l'intérêt de contempler le paquet emballé et enrubanné de milles façon quand on avait surprit le contenu ? Mais Seth le savait, Cat n'était pas du genre à se formaliser pour un peu de chair dénudée surprise à la dérobée. Elle n'était pas de ces pimbêches prudes et pudiques qui aurait poussé un cri à la seconde et elle finirait bien par sortir. C'est bien Seth d'ailleurs qui aurait voulu s'éclipser dans la seconde. Le silence régnait toujours en effet et au plus il durait au plus il serait difficile à rompre, laissant le malaise s'installer et clouer les clapets définitivement ! Pourtant Seth fut incapable de balbutier ne serait ce que trois mots et heureusement, Cat prit l'initiative de briser le silence et de prendre la parole, d'une voix encore hésitante certes, mais l'intention y était.
Qu'avait elle dit ? Seth se rapprochât du rideau qui les séparait pour tendre l'oreille mais il était trop tard. Il avait pourtant bien compris et se trouva aussi surpris que perplexe si bien qu'il haussa les sourcils pour questionner du regard celle qui ne pouvait définitivement pas le voir. Ses yeux avait il été assez étincelant à la vue du spectacle que lui avait offert les coulisses pour que son amie adopte ce retournement de situation. « Je... ». Bien sûr qu'il était d'accord ! Seulement, le nom de Gale le rappela doucement à la réalité et le fit atterrir bien vite. Au moins la descente n'avait pas été trop raide, il n'avait même pas eut le temps de croire et de se réjouir de ce qu'il avait prit pour une invitation. Oh c'était toujours une invitation bien sûr, mais avec Gale... « Oh !... Oui bien sûr... Avec Gale et la petite brunette du fond ! » Il feinta un petit rire et se dit à haute voix pour lui même, « J'en trépigne d'impatience... » Il mit les mains dans ses poches et mis des coups de pied dans les cailloux invisibles qui parsemaient la moquette avec une mine boudeuse et fixée au sol.

Le rideau qui s'ouvrit bruyamment en glissant d'un coup sur la tringle lui fit faire un tour sur lui même. Cat venait d'enfiler une robe d'un rouge qui ne lui allait vraiment pas au teint et aux cheveux. Il n'était pas expert en question mode, loin de là, mais il était expert en Cat, et cela lui suffit pour tirer une grimace bien loquace sur ce qu'il pensait de cette tenue. Elle lui épargnât d'ouvrir la bouche puisqu'elle repartit aussitôt après avoir donné elle même un avis sans appel. « Si tu le dis ! On te mettra en vitrine pour en savoir plus sur ton destin de travailleuse hollandaise, histoire de voir ce que ça donne ! Ok ?! » Cat avant déjà fermé violemment le rideau et cette frontière de tissu qui les séparait de nouveau, il ne pouvait que l'interpréter comme un signal qui se voulait un peu plus clair que le précédent, comme pour signifier que le terrain devait dorénavant rester privé ! C'était idiot évidemment mais il ne put s'empêcher de se sentir vraiment con devant le rideau qui lui faisait face. Il continuait de fixer le sol jusqu'à ce que Cat se manifeste une nouvelle fois. « Est ce que t'insinues que je suis mauvais danseur ? Je suis très bon danseur, c'est les autres qui sont mauvais, il faut savoir s'adapter à son partenaires, c'est un truc à deux après tout et mes partenaires n'arrivent jamais à se mettre à mon niveau ! Oui en fait je suis TRÈS bon danseur ! J'espère que t'es à la hauteur Robertson parce que si tes pieds en prennent un coup c'est qu'ils n'auront pas compris la danse Catalano style ! Alors compte sur moi pour mettre l'ambiance, je me pointerait avec mon costume de Daredevil de l'an dernier et j'aurais trop la classe tu verras ! Avec ça aucune chance que je te marche sur les pieds je pourrait les détecter sans effort et tu n'auras même pas besoin de t'entraîner pour... » Ecaterina le coupa dans son élan, en plein plaidoyer délirant pour ses talents de danseur pire que médiocre. « Oui ? T'es pas d'accord c'est ça, je sais que... » Elle l'interrompit une deuxième fois, mais cette fois l'affaire avait l'air urgente et délicate. Cat voulait de Seth qu'il s'infiltre dans la cabine interdite pour lui venir en aide. « Heu, j'a... j'arrive ! »

Il entrouvrit le rideau et entra à pas feutré comme s'il n'était pas entièrement sûr d'avoir été convié. Mais la jeune femme en détresse avait définitivement besoin d'aide et se tourna en lui faisant signe de lui donner un coup de main avec la fermeture éclair de sa robe. Seth acquiesçât, hésitant, mais incapable de ne pas se réjouir à nouveau. Pour sûr cette robe noire lui allait beaucoup mieux, Cat était éblouissante. « T'es superbe là dedans, c'était mieux sans mais... t'es superbe quand même ! » Souriant, il avait préféré désamorcer la tension avec une blague plutôt que de seulement remonter cette fermeture et de sortir sans un mot. Pourtant la tension était bien palpable de son côté, l'ouverture de la robe qui descendait jusqu'en bas du dos, très bas dans son dos, lui laissait presque entrevoir en dessous du creux de celui ci. Un peu gêné avant de la toucher il écarta délicatement les quelques mèches qui restait dans sa nuque et glissa sa main gauche le long de la fermeture celle ci effleurant à peine sa peau fraîche et lisse. Après un premier essai, il s'étonna de la résistance d'un si petit élément. « Wow, c'est de l'exercice les essayages ! J'avais sous estimé le shopping comme activité sportive décidément. » Il força encore un peu plus mais décidément cette robe s'obstinait à rester ouverte.
Seth était partagé entre l'urgence d'en finir pour éviter d'avoir l'air d'en profiter et l'idée d'en profiter vraiment. Entre deux essais il pouvait sentir l'odeur de ses cheveux et de son corps qui lui emplissait les sens, il s'était vanté d'être Daredevil juste avant et bien il n'aurait pas survécu à un peu plus respirer cette odeur de l'interdit. Quelle ironie, il se trouvait dans cet endroit intime et étroit à l'abri derrière ce rideau, à quelques centimètres derrière celle qu'il désirait le plus et qu'il devait désirer le moins, celle ci à deux doigts de pouvoir être mise à demi nue en une secondes. Son souffle sur sa nuque qui s'intensifiant, il en avait oublier de remonter la fermeture éclair en se laissant perdre dans ses méditations sur sa triste situation. « Oh... heu excuse moi, c'est qu'elle est coriace cette fermeture éclair, un peu têtue je dirais ! » Il émit un rire nerveux et, plein d'hésitation et moins assuré que jamais il reprit la parole. « Cat tu... » Après une seconde il s'approcha doucement pour lui murmurer au creux de l'oreille en souriant « Tu te rappelle de ce jeu, cinq minutes dans un placard ?... » Les cheveux blonds de la jeune fille lui caressant le visage son cœur battait à mille à l'heure tandis qu'il plongeait ses yeux dans ceux de Cat à travers le reflet du miroir.

Cat avait hésité. Une seconde, tout au plus. Peu importe : elle avait attendu avant d’enfin demander de l’aide à Seth, laissant son petit cœur –si calme et si léger– s’emballer aussitôt. Et cet instant de flottement pénible s’installer un peu partout dans son esprit puis dans ses membres raidis par cette crainte irrationnelle dont elle ne parvenait toujours pas à déterminer la provenance. Elle avait croisé son regard dans le miroir, elle le connaissait assez bien pour savoir qu’il ne s’agissait pas juste d’une œillade hasardeuse dans sa direction. Ce n’était pas la première fois qu’il la regardait de cette manière, elle lui avait donné des centaines, des milliers d’opportunités par le passé sans jamais ressentir autre chose qu’un désir profond à son égard. A cette seconde précise, elle ne pouvait pas en dire autant ; elle était très embarrassée. Elle comprenait maintenant ce que le sentiment de pudeur pouvait bien procurer, et bizarrement, elle se mit soudain à plaindre celles qu’elles considéraient comme des vierges effarouchées, promettant de ne jamais plus se gausser de leur retenue. Autrefois pourtant, Cat n’aurait pas hésité une seconde avant de le faire entrer dans cette satanée cabine d’essayage, au contraire. Elle aurait trouvé une excuse exprès pour qu’il vienne l’aider, quitte à casser elle-même la fermeture éclair pour assurer ses arrières auprès d’une vendeuse trop à cheval sur le règlement du magasin. Ou pas. Elle s’en fichait pas mal de ce qu’on pouvait penser d’elle, en réalité. Mais maintenant, les choses étaient différentes. Elle n’avait pas oublié cette soirée qu’ils avaient passée quelques mois plus tôt dans l'appartement du jeune homme. Ils s’étaient embrassés. Poussée par tout un tas de sentiments qu’elle n’avait pas su gérer sur le coup, la blondinette lui avait même tendu une perche pour qu’ils aillent plus loin, mais sa tentative minable était tombée à plat et Seth avait mis du temps avant de saisir sa proposition déguisée. Pour le plus grand malheur de la jeune fille qui ne cherchait qu’une échappatoire à son désespoir. Au final, rien ne s’était passé, elle avait retrouvé la raison bien avant. Elle était rentrée seule à la maison avec ses larmes, sa frustration grandissante et l’idée que, quand ils se reverraient le jour d’après, ils ne reparleraient pas de cette soirée. Et effectivement, ils n’en avaient plus jamais reparlé. Tout semblait clair entre eux depuis. Aussi, Ecaterina se rappelait que, lorsqu’ils avaient rompu à Cincinnati sur une espèce de commun accord, les choses semblaient être très claires également et après des mois à agir comme de bons potes, il avait fallu qu’ils se retrouvent dans la ville de son adolescence pour se gratifier d’autre chose que de petites tapes amicales sur l’épaule. Ce revirement de situation, elle ne pouvait plus se le permettre, plus aujourd’hui. Peut-être était-ce pour cette raison qu’elle était si nerveuse à la perspective que Seth rentre dans la cabine avec elle : elle avait beau être très amoureuse et en couple, elle continuait à ressentir des sentiments indéterminés à l’égard de son ami. Mais ça, elle se garderait bien de le dire à quiconque. Elle avait confiance en elle. Elle se savait assez douée pour cacher ce qu’elle ressentait vraiment. Il fallait juste que Seth se taise et surtout, surtout, qu’il évite de la toucher.

Quand le rideau de la cabine s’ouvrit sur elle, Cat s’astreint à sourire, gênée et naturellement, se retourna pour qu’il l’aide à remonter sa fermeture, dégageant son dos nu de ses longs cheveux dorés e, même temps. Elle avait peut-être été trop téméraire. C’est vrai, elle ne voyait pas comment est-ce qu’il pourrait ne pas la toucher. C’était presque mission impossible, l’occasion était trop bonne pour que Seth n’en profite pas ne serait-ce qu’un peu et l’effleure du bout des doigts. Elle ne le blâmait pas, en toute franchise, elle aurait fait la même chose. Tant pis, la petite blonde comptait au moins sur son silence pour la garder ancrée sur Terre et ne pas amplifier ce malaise qui montait en elle comme une coulée de lave en fusion. Mais évidemment, c’était trop demander au moulin à paroles que le grand brun était et sa voix résonna aussitôt dans le minuscule endroit qu’il venait de rejoindre. La ferme, Seth. La ferme, pensa-t-elle. Se mordant les lèvres, elle fit mine de ne pas avoir entendu sa remarque sur la robe et le reste, mais une bouffée de chaleur vicieuse l’enveloppa toute entière, faisant brûler ses joues déjà bien roses, et chauffer le lobe de ses oreilles presque instantanément. Se calmer, c’était tout ce qu’elle devait faire. Ça ne lui demanderait pas beaucoup d’effort ; elle n’avait qu’à penser au père Noël du stand. Sa grosse langue, sa fausse barbe dégoutante et ses sales pattes poisseuses. Elle parvenait presque à sentir son haleine d’alcoolique sur son visage. En deux trois mouvements, l’affaire serait dans le sac ! Certes, Seth n’avait pas la carrure du grand barbu et son sourire –radieux et contagieux, ce sourire qu’elle adorait– n’avait rien du rictus pervers et effrayant dont l’avait gratifié le bonhomme plus tôt, mais il se trouvait que la blondinette avait une imagination débordante ; elle aspirait à être écrivain, après tout. Retroussant ses lèvres fruitées, Cat plissa donc les paupières en se concentrant dans le but d’imaginer que les pas qu’elle entendait derrière elle n’étaient que ceux d’un obsédé sexuel déguisé en gros bonhomme rouge. Elle y parvint, une fraction de seconde à peine, calmant derechef le feu de ses joues quand elle sentit les doigts de Seth lui frôler délicatement la nuque. Dégageant le reste des cheveux qui s’y étaient logé, il posa son autre main, massive, mais précautionneuse sur sa hanche pour remonter sa fermeture. Fermant graduellement les paupières, la seule chose qui lui vint à l’esprit fut de se demander si un défibrillateur ne traînait pas quelque part dans le coin parce qu’elle était prête à parier que son cœur venait de s’arrêter. Les longs doigts de Seth enveloppant sa hanche parfaite, Cat évita de bouger. Elle resta plantée droite sur ses pieds, les paupières closes dans un effort considérable pour ne pas littéralement mourir sur place. Elle se souvint de respirer quand un étourdissement inquiétant la prit par surprise alors que Seth forçait un peu sur la fermeture, la tirant légèrement en arrière sous le petit coup. Elle regretta d’être aussi silencieuse, mais elle craignait d’ouvrir la bouche. Dans ce genre de situation, sa voix rauque et naturellement brisée ne ressemblait qu’à un filet aiguë et il était hors de question que Seth se rende compte de l’effet qu’il était en train de lui faire. En même temps, être aussi silencieuse ne lui ressemblait pas et se contraignant à ouvrir les yeux, elle s’éclaircit la voix en toussant brusquement alors qu’elle eut l’impression que les doigts de Seth se resserraient de plus en plus sur son côté.

« Je croyais que tu étais un super héros, Catalano. » parvint-elle à marmotter, sa voix ayant gardée, contre toute attente, son timbre grave naturel. Satisfaite de son petit effet, elle esquissa un sourire timide en inclinant la tête en arrière pour pouvoir le regarder. Son nez frôlant la joue du jeune homme, elle murmura tout doucement « C’est le moment de le prouver, non ? » Son visage tout près du sien, Cat le caressa avec ses longs cils quand elle battit des paupières. Son souffle se fit plus incertain, et s’en rendant vite compte, elle se redressa pour se retourner face au miroir. Un frisson lui parcourut l’échine, mais elle fit mine de rien pour ne pas se trahir. Se mordant la lèvre dans un sourire, elle ajouta « Parce que je n’ai jamais eu la preuve que tu en étais réellement un. Lire des comics ça ne fait pas de toi un X-men. Mais c’est vrai que j’ai toujours trouvé que tu avais un petit air de euh… comment c’est son nom, déjà ? » Elle remonta le bustier de sa robe qui glissait sur sa poitrine tout en faisant mine de réfléchir alors que son cœur, lui, repartait dans un marathon de folie. Son visage s’illumina quand elle trouva enfin la réponse, ne calmant pas ses pulsations pour autant « Cyclope, je crois. Je me suis toujours demandé s’il voyait à travers les vêtements sous ses super lunettes. » Très lentement, Cat jeta un regard au miroir pour fixer Seth avant de subitement détourner les prunelles, les concentrant sur sa veste au sol. Qu’est-ce qu’elle était en train de faire? Elle eut à peine le temps de se poser la question que la voix de Seth résonna encore une fois. Elle sentit son corps se rapprocher d’elle, augmentant la chaleur du sien et son menton frôler sa nuque, ses lèvres remuer tout près de son oreille et ses doigts se resserrant pour de bon sur sa fine taille. Elle releva la tête, plantant directement son regard bleu clair dans ceux de Seth qu’elle distinguait dans le miroir. Retenant sa respiration, elle eu le reflexe de poser une main sur celle de Seth. Si elle se souvenait ? Elle espérait que la question n’était que rhétorique parce qu’elle décelait la réponse dans son regard ; il cherchait à la troubler et il avait réussi. Le bougre était en train de s’aventurer sur une pente glissante, et l’idiote qu’elle était, tombait en plein dans le panneau. Mais elle ne s’avouait pas vaincue, elle n’avait pas le droit de tomber aussi facilement. Sa paume appuyant fermement sur le dos de la main de Seth, elle passa sa langue sur ses propres lèvres, des fourmillements agréables emplissant son ventre. Elle ne baissa pas le regard, maintenant celui du jeune homme avec intensité et concéda « Sauf qu’on est dans une cabine d’essayage et que la lumière est allumée. Dans le placard, la lumière était éteinte, c’était plus facile à assumer. » Et elle rompit le contact de leurs yeux, de leurs mains, de son dos nu contre sa poitrine, de ses cheveux contre sa joue, de ses lèvres tout près de son oreille… et de son odeur l’entêtant à moitié. Elle fit un pas en avant, son cœur explosant quand elle se contraignit à ne pas se laisser déborder. Pour la première fois, elle se regarda elle dans le miroir. Comme prévu, son reflet ne lui plu pas et elle lui tourna le dos pour se retrouver face à Seth. La tête baissée, elle dit « Elle doit sûrement être trop petite, je vais… » Elle posa furtivement sa main sur son front, son esprit s’embrouillant, ses mots se bousculant dans sa tête. Elle se demanda si elle devait le prier de sortir ou de rester pendant qu’elle se changerait. La réponse, elle la connaissait elle aussi : elle n’avait pas envie qu’il parte. Laissant sa phrase en suspens, elle fronça les sourcils avant de reprendre sur un ton plein d’amertume « Tu viens de rater l’examen de la meilleure copine de l’année, Seth. »

Il y a parfois des paroles qui à peine se sont elles échappées des lèvres, on les regretterait presque. C'est un peu ce que ressentait Seth après avoir ouvert la bouche sans réfléchir assez encore une fois, sa joue toujours caressée par la chevelure dorée de Cat. Mais comment regretter ça, comment regretter d'être si près d'elle, son corps presque contre le sien et de tenter une dernière fois de raviver la passion de la jeune fille pour lui ? Ce n'était pas seulement des regrets en effet qu'il ressentait, c'était également l'adrénaline qui surchargeait sûrement son sang en cet instant et qui lui rendait toutes réflexions impossibles. Si vraiment il avait éprouvé des remords à pousser Cat un peu plus vers le bord du gouffre dans lequel il désirait sombrer avec elle, il n'aurait pu soutenir son regard aussi longtemps à travers le miroir. Car après tout pourquoi faire semblant ? Pourquoi nier l'évidence de ses sentiments qui ne daignaient pas le laisser en paix manifestement ? Oh il en avait trouver des raisons, et même une liste interminable comme le soucis de simplifier les choses, de rendre la situation vivable pour Cat, de pouvoir continuer à se voir entre amis et de profiter encore de leur complicité, entre autres. Mais pouvait il vraiment jouir pleinement de ses rires, de ses regards et de la tendresse que lui adressait son amie quand le défaut d'amour prenait le pas sur la joie de partager son quotidien, quand l'hypothétique et l'espoir de construire quelque chose ensemble à nouveau dans le futur prenait le pas sur les instants présent ? Des instants de pur bonheur certes, mais ils gardaient l'amertume de l'impossible pour le jeune homme. Il n'avait pas réfléchis aussi profondément à tout cela mais elle était bien présente, dans son corps et dans son cœur cette frustration qui manifestement se faisait plus tenace à mesure qu'il touchait du doigts les hanches de Cat et la possibilité d'unir leurs êtres à nouveau.
S'il ne tentait rien il se rendrai fou, voilà tout, malgré tout les risques encouru pour eux deux. Car évidemment, Seth misait gros sur cette dernière approche, Cat n'était pas dupe et ne pouvait être que parfaitement consciente de ce que Seth insinuait, et si jamais elle décidait de ne pas le suivre et de le laisser se perdre dans son trou seul et affligé, c'est totalement seul et affligé qu'il terminerait, car aucune amitié ne pourrait survivre à cet instant, quelle qu'en soit l'issue. C'est toujours le problème de monter toujours plus haut jusqu'au point culminant le plus intense, celui où Seth pouvait caresser la peau d'Ecaterina et lui susurrer cette invitation à l'oreille, on risquait toujours de tomber autant plus bas, et gare à la chute.

Et comme il le redoutait, la chute fut vertigineuse. Même si Cat semblait troublée par la manœuvre du jeune homme elle ne résistait pas moins pour autant. La lumière ? Peut importait la lumière, ce qui comptait était ce qu'on y faisait dessous ! Le problème était donc d'assumer ? Certes Cat était en couple mais c'est justement ce que Seth voulait lui faire oublier, lui faire oublier Gale et cette romance rallumée de quelques bûches vieilles de l'adolescence. Ne pouvait elle pas passer à autre chose ? Les deux amis qu'ils n'allaient bientôt plus être ne se parlait pas de tout ça. Tout comme Seth, Cat passait sous silence sa relation avec ce blond nuisible comme un voisin et il n'avait aucun moyen de savoir comment la jeune fille vivait cet amour. A priori plutôt bien puisqu'elle paraissait heureuse. Ignorait elle que Seth lui promettait de l'aimer pour deux, qu'il lui assurerait lui aussi un bonheur sans faille de sorte que plus jamais elle ne pourrait prononcer le nom d'un autre au moment le plus inapproprié ? Il fallait qu'elle sache tout ça et quitte à la perdre pour de bon autant tout essayer à présent. « Cat je... » Elle retira sa main de ses hanches et détourna les yeux en s'avançant un peu plus vers le miroir. Il lui faudrait des tripes pour parvenir à ses fins car Ecaterina, dans son trouble flagrant n'avait pas l'intention pour autant de faiblir et de le laisser prononcer un mot de plus, comme si elle risquait à chaque syllabe de faillir un peu plus.
Elle commenta alors son allure dans cette robe magnifique et porta sa main au front après s'être tournée face à Seth. « Cat ! » Sans rompre le contact visuel pour captiver son attention qu'elle ne voulait pas lui donner manifestement ce dernier appel l'obligea néanmoins à affronter la vérité en face. Il venait de mettre les pieds dans le plat et ils se trouvaient tous les deux dans une cabine d'essayage.

D'un ton amer, Cat lui annonça son échec en tant que meilleure copine de l'année. Plus d'amertume, plus de remord, cette fois Seth ne voulut même pas prendre le temps de la réflexion, peut être parce qu'il n'y avait rien à réfléchir. Il lâcha un soupir excédé et s'empara du poignet de son amie. Il retira la main de son front et la poussa légèrement contre le miroir en posant sa paume sur son ventre. Plaquant son bras chaud contre la glace, il lui adressa un dernier regard furtif avant de l'embrasser pour de bon. Alors que ses lèvres bouillonnaient sous la chaleur des siennes il glissa ses doigts entre ceux de Cat, sa main toujours contre le miroir, et caressa sa joue de sa main droite. Il redécouvrait le goût de sa bouche qu'il pressait un peu plus fort à présent avec cette vague de chaleur qui l'emplissait. Comment avait il pu vivre sans jusque là, il n'en avait aucune idée, mais ses lèvres avait le goût délicat du fruit défendu, qui ne les rendaient que plus parfumées. Et son souffle, ses soupirs, sa peau, son odeur et ses muscles qui faiblissaient indiquant qu'elle baissait la garde quelques secondes, appela en lui ce désir virulent qu'il n'avait pas éprouvé depuis des mois à cette intensité. Il écarta de quelques centimètres son visage en passant une mèche blonde derrière son oreille et mit un terme à ce baiser, certes délicieux mais loin d'être insignifiant et sans douleur pour Cat. Et dans un soupir il lui annonçât « Je n'ai jamais concouru pour le trophée de la meilleure amie, tu le sais bien... ». Lâchant la pression qu'il exerçait sur sa main plaquée contre la glace il lui donna un léger coup de front pour doucement lui montrer une marque d'affection, sans sourire cette fois ci.
Après ça il se retourna pour de bon et prit la décision de sortir, sa main s'étant déjà emparé du rideau. « Si mon avis compte encore, garde cette robe. Pour moi, s'il te plaît, ce serait du gâchis... » Cette journée avait été un gâchis et Cat aurait mieux fait de partir quand elle en avait eu l'intention alors qu'il avait accumulé une heure de retard.

La tension dans cette minuscule cabine d’essayage était à son paroxysme. L’atmosphère était pesante. Bien qu’elle percevait des murmures indéchiffrables à l’extérieur de la pièce, Ecaterina eut comme l’impression étrange que tout s’arrêta d’un coup. Le temps était suspendu, comme les battements de son cœur dans sa poitrine qui se soulevait au rythme effréné de sa respiration fragile. Elle qui avait eu froid plus tôt dans le hall du centre-commercial ne ressentait même plus la fraîcheur agréable de ses mains lorsqu’elle glissa ses doigts tremblotants sur son front étrangement moite. Elle était presque fiévreuse. La chaleur foudroyante qu’elle éprouvait au creux de ses reins raides se propagea à une vitesse folle dans tous ses membres jusque dans sa gorge trop sèche et elle se mit à déglutir à grand peine. Ses lèvres étaient si chaudes, sa tête était si lourde. Ses muscles furent assaillis par des fourmillements d’excitation qu’elle peinait encore plus à refouler : elle n’était pas dans un état propice à la discussion. Ni à quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Elle ne parvenait même plus à réfléchir convenablement. Ecaterina venait de violemment perdre pied, elle ne s’y était pas préparée. Elle était tellement sûre d’elle sur ce coup ! Elle avait eu tort de faire preuve d’autant d’arrogance en sous-estimant le pouvoir que Seth avait sur elle. Elle s’était mentie à elle-même, chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant ; il lui arrivait de tricher sur ce qu’elle ressentait face aux autres par fierté, mais piper les dès pour se préserver d’une vérité douloureuse à avaler, elle n’avait encore jamais osé, car elle savait qu’elle s’en voudrait –pas manqué. Et encore, c’était peu dire. Si elle pouvait se gifler elle-même, elle n’hésiterait pas une seule seconde avant de le faire. Il était urgent qu’elle se maîtrise parce qu’elle restait humaine avant tout et que toute la frustration accumulée par des semaines de baisers quasiment innocents de la part de son petit ami ne l’aiderait surement pas à retrouver le chemin de la raison, comme la dernière fois où elle avait réussi à faire un choix malgré tout. La tête baissée, la blondinette cherchait à tout prix à éviter le regard de Seth, trop troublée et indécise quant à la suite des événements. C’est lui qui la ramena sur Terre en prononçant son prénom. Une fois très calmement, ce qui n’arrangea pas son état ; elle était très sensible à la douceur, il le savait. Elle refusa tout bonnement de lever les yeux, cherchant dans la moquette rouge bordeaux une alternative à cette situation dans laquelle elle venait de s’embourber. Tout était de sa faute, elle n’aurait jamais dû l’inviter à entrer dans cet espace si étroit qui réveillait encore des souvenirs qu’ils avaient en commun. Alors, qu’elle était la solution à adopter ? Ne plus se souvenir, occulter leur relation ? Ecaterina ne pourrait jamais s’y contraindre. Seth avait été bénéfique pour elle, il l’avait fait changer. Il représentait bien plus qu’elle n’avait osé l’admettre, même si elle était déjà sûre qu’elle ne pourrait jamais vivre sans l’avoir à proximité. Elle ne voulait pas oublier ; ni lui, ni le passé qu’ils avaient construit ensemble. Tant pis pour les conséquences, tant pis pour les reproches : tant pis, tout court. Les lèvres pincées à l’extrême, le bout de ses doigts s’enfonçant dans son front brûlant, elle ne répondit pas quand alors il l’interpella une seconde fois avec plus de virulence, ce qui la surprit, la faisant presque tressauter sous son ton déterminé. Se forçant à enfin redresser le visage, elle affronta son regard qu’il planta instantanément dans le sien. Rien de mieux pour la précipiter encore davantage dans ce puits de désir qu’elle avait creusé de ses petites mains.

Face à face, il se passa une longue seconde sans qu’aucun d’eux ne disent ou ne fassent quoi que ce soit. Ecaterina retint son souffle, sûre que chacune de ses inspirations était perceptible jusque derrière le rideau, jusque dans la boutique –même jusque dans la galerie commerciale !– tant elle paraissait pénibles, saccadées. Elle avait pourtant tenté de rompre le malaise, mais la phrase qu’elle prononça ne fit apparemment qu’accélérer les choses. Le ton amer qu’elle employa réveilla quelque chose en Seth. Lorsqu’elle sentit ses doigts se refermer sur son poignet délicat et sa paume la pousser contre le miroir derrière elle, elle n’eut plus de doute sur ce qu’elle avait déclenché en lui. Sa robe ouverte glissa le long de son buste, s’arrêtant tout juste à sa taille et elle ferma les yeux quand la bouche de Seth se posa intensément sur la sienne. Elle ne savait pas si elle devait bouger. Si elle devait répondre à ce baiser ou si elle devait tout simplement le laisser mener la danse. Danse qu’il maîtrisait à la perfection. Il avait eu raison tout à l’heure : il était vraiment très doué. Si elle y répondait, la jeune fille serait aussi coupable que lui. Elle ne voulait pas vivre de nouveau la culpabilité, elle avait eu trop de mal à s’en défaire la dernière fois qu’elle s’était emparée d’elle. Elle avait juré de tout faire pour ne jamais plus avoir à vivre avec ça. Ecaterina resta fixe, se battant avec son envie. A demi-nue, elle aurait pu se trouver dans le pays le plus froid du monde qu’elle n’aurait même pas senti l’air glacial lui mordre la peau. Alors que la main du jeune homme lui caressait la joue et que les doigts de sa main gauche se joignirent aux siens plaqués tout contre la glace, Cat resserra l’étreinte de leurs doigts, allant jusqu’à enfoncer ses ongles courts dans le dos de la main de Seth pour ne pas craquer. Pour ne pas répondre à ses lèvres et pour ne pas avoir à baisser les yeux quand Gale la regarderait tout à l’heure. Mais c’était trop pour elle, personne ne pouvait prétendre être assez fort pour résister à toute cette convoitise. Oui, elle était faible. Elle n’avait jamais prétendu être forte comme Seth le disait, comme Gale le disait, comme tout le monde semblait le penser en pointant du doigt à quel point elle avait été courageuse pour s’éloigner pendant toutes ces années ; la preuve qu’elle ne l’était pas. Elle ne pouvait pas le repousser, elle n’en avait même pas envie alors… lâchement, elle capitula. Elle daigna enfin reprendre possession de son corps et rendit son baiser à Seth, posant sa main libre sur son flanc pour le contraindre à s’approcher d’elle encore un peu plus, jusqu’à ce que sa poitrine presse la sienne, l’obligeant à cambrer la taille en réagissant au furtif coup de froid que la glace dans son dos lui procura ; le puits qu’elle avait creusé était en train de se transformer en tombe : il ne lui restait plus qu’à s’y enterrer vivante.

C’est Seth qui rompit le baiser. Cat mit un temps avant de définitivement battre en retraite, ses lèvres touchant toujours les siennes et son souffle chaud caressant le visage du jeune homme. Sa main maintenant toujours la pression contre sa hanche, elle crispa ses doigts pour sentir sa peau en dessous, mais le tissu de son t-shirt l’en empêchait et ça ne fit qu’accroître la tentation. Elle ouvrit les yeux, battant des cils et convoitant une dernière fois du regard ses lèvres qui remuèrent, formant des mots qu’elle n’entendit même pas. Le détachement de ses doigts autour des siens lui fit relever la tête et le fixer droit dans les yeux quand il la gratifia d’une marque d’affection attendrissante. Il venait d’ouvrir les vannes et il allait la laisser là, le cœur battant à tout rompre au point d’en devenir extrêmement douloureux et son désir lui criant de ne pas le laisser partir ? Une fois encore, il lui laissait prendre la décision. Il savait qu’elle n’avait pas le droit de le retenir et elle le détesta de ne pas avoir assez de courage pour mener les choses plus loin, comme ils en avaient envie tous les deux, pour ainsi la départir de ce lourd poids qu’il venait de lui laisser sur les épaules. Le dos contre le miroir, Cat le suivit avidement du regard jusqu’à ce qu’il s’approche du rideau et s’apprêta à faire un pas en avant pour ne pas le laisser sortir. Elle attendit qu’il revienne sur sa décision –une, deux, trois secondes– et voyant qu’il était vraiment décidé à sortir, la jeune fille prit les choses en mains : elle fit ce satané pas en avant et le ramena dans la cabine par le coude. Mais au lieu de l’embrasser comme elle avait prévu de le faire, elle lui attrapa le visage à deux mains et planta son regard droit dans le sien, ne cillant même pas.

« Si tu ne m’avais pas laissée partir le soir de notre dernier baiser, » Elle resserra ses doigts autour de son visage, ne le lâchant pas des yeux « tu n’aurais même pas eu à parler de ce satané placard parce que j’étais prête à renoncer, Seth. » Et c’était vrai. Elle avait été à deux doigts de se faire à l’idée qu’elle avait tout fait foirer avec Gale, qu’elle n’avait plus aucune raison de s’accrocher avec autant d’obstination. Malheureusement, Seth avait hésité et il l’avait laissée se souvenir pourquoi elle avait accepté de revenir à Lima, en réalité. Elle ne rejetait pas la faute sur lui, mais elle voulait qu’il comprenne qu’elle n’était peut-être pas la seule responsable de cette situation qui deviendrait vite invivable s’ils ne mettaient pas tout de suite les choses à plat. Se mordant la lèvre inférieure encore imprégnée du goût de celles de Seth, Cat lui lâcha le visage pour se retrouver à plat sur ses deux pieds. Elle remonta sa robe sur sa poitrine en soufflant, résignée. La bouche légèrement ouverte, son soupir vibra dangereusement et elle enfonça une main dans ses longs cheveux blonds, faisant passer une mèche en arrière. Elle savait ce qui leur pendait au nez, elle ne voulait pas l’envisager : après ce baiser, après ce désir tellement perceptible entre eux et cette tension concrète impossible à taire, ils ne pourraient plus se comporter comme de simples bons amis. Oui, mais… ils ne pourraient pas se comporter non plus comme des amoureux. Ecaterina était perdue et cette fois, elle passa ses deux mains dans ses cheveux, enfonçant ses doigts dans son crâne en maintenant les mèches un moment avant de relever le regard vers Seth, cherchant dans ses pupilles une issue à cette situation. Au lieu de ça, elle s’approcha de nouveau de lui et se hissant sur la pointe des pieds, elle caressa son visage, de son front jusqu’à la mâchoire, suivant son propre trajet du regard et elle lui attrapa doucement le menton. Elle ne ferma pas les yeux, elle se pencha pour déposer un petit baiser sur ses lèvres. Un baiser tendre, dénué de toute fioriture ; un baiser de couple. Elle aurait aussi bien pu lui dire qu’elle l’aimait, l’effet aurait été le même. Cependant, elle ne dit rien et après ce court baiser, elle murmura à quelques centimètres de son visage « Je crois… » Les mots restèrent bloquer dans sa gorge, et descendant d’un cran pour ne pas avoir à le regarder, elle continua tout bas « Je crois qu’on devrait arrêter de se voir. »

Partir et fuir ce lieux oppressant et propice à la moindre tension, la moindre tentation, c'était sûrement le mieux à faire, même si ce n'était pas le plus facile. Cat avait répondu à son baiser, il pouvait sentir sa faiblesse à son égard, son attraction encore palpable et tout ça l'avait rassuré. Le désir qu'elle éprouvait pour lui n'était pas mort bien au contraire, et peut être qu'un peu d'amour subsistait même encore, caché quelque part au fond d'elle. Il ne savait plus trop pourquoi il avait détaché ses lèvres des siennes, pourquoi il voulait la laissée là, cruellement, certainement bientôt rongée par la confusion et la culpabilité. C'était sûrement pour l'abandonner à ce choix justement, la laisser à ses réflexions qui ne seraient certes pas agréables mais manifestement un choix s'imposait, il en était persuadé, elle ne pouvait plus se voiler la face ainsi. En consumant ce désir retrouvé n'aurait il pas tout simplement tout gâche, tout clos, sans avenir possible ? Tout aurait été dit et rien n'aurait été fait, rien n'aurait changé. Alors qu'au contraire, à l'instant où il aurait traversé le rideau, mettre des mots sur leur baiser, s'expliquer cette fougue soudaine, réfléchir à l'avenir de leur amitié aurait été inévitable. Tout ça était pourtant bien confus dans son esprit et s'il ne parvenait pas à se résoudre à tirer ce rideau alors même qu'il s'était retourné, faisant dos à Cat à présent, c'était peut être qu'au fond il espérait qu'elle le retienne, abandonnant ainsi toutes les résolutions trop raisonnables pour lui qu'il avait prise. Qu'elle le retienne serait bien plus simple en effet, il n'aurait plus le choix, il ne pourrait pas résister, ce serait plus fort que lui et ce serait beaucoup plus confortable ainsi.
Sans aucun geste de sa part pendant une seconde à peine, il empoigna plus fermement le tissu et se résigna à l'ouvrir, une boule terrible lui lacérant l'estomac. Cette sensation fut chamboulée par la main de Cat qui l'agrippa enfin par le coude, il se tourna et elle lui prit le visage de ses deux mains. Comment résister maintenant ? C'était fini, dans l'esprit de Seth, Ecaterina aurait réalisé en sortant de cette cabine que l'évidence était de mise entre eux, qu'une attraction bien plus forte que toutes ses résolutions les plus tenaces les gardait l'un prêt de l'autre, avec passion, sans aucune amitié, mais avec amour. Lorsque Cat lui révéla son erreur de l'avoir laissée filer le soir de leur dernier baiser, de n'avoir su tenter la chance qui l'aurait entièrement ramenée à lui, sa respiration se fit plus haletante, sa poitrine se soulevant au rythme du regard de la jeune fille qui passait d'un œil à l'autre de son ami. Son regard était intense, perçant, pénétrant, et comment ne pouvait on pas y lire le regret et l'appel à le réparer sur le champs. Le bleu de ses yeux était triste et flamboyant à la fois. Seth le savait, elle était à présent plus fragile que jamais, prête à renoncer à tout, à ne penser à rien d'autre qu'à eux. « Cat il n'est pas trop tard... » Le ton presque plaintif qu'il prit l'énerva lui même. Il avait déjà fait cette erreur et il était hors de question de réitérer. Il ne voulait pas se montrer implorant et hésitant, ce n'est pas elle qui craquerait, c'est lui qui devrait la faire fléchir pour qu'elle s'abandonne à lui.

Elle lâcha son visage et plongeât la main dans ses cheveux en relevant sa robe alors qu'elle revenait sur la plante de ses pieds. Elle paraissait en proie à une douce folie, celle d'un choix tragédien. Si elle perdait l'équilibre, il la déstabiliserait encore plus, sans hésiter. Il n'y avait plus rien à perdre à présent. Tant pis pour cette histoire consumée trop vite si ce serait le cas, tant pis pour la laisser faire son choix, au diable la raison, maintenant qu'il voyait tout ce flots d'émotions dans chacun de ses gestes, de ses tremblements, au creux de ses pupilles paniquées, il ne pouvait plus faire marche arrière. Il leva son menton et la regarda droit dans les yeux, son visage tout proche du sien. « Regarde moi et dis moi qu'il n'y a plus rien qui en vaille la peine entre toi et moi ! » Depuis le début c'était un duel de regards déloyal, à mesure que celui de Seth se faisait plus insistant et déterminé, celui de Cat s'empourprait de panique et de désir. Elle se dégagea de sa main et lui posa un baiser particulier sur les lèvres, un baiser qu'il connaissait mais qui n'avait jamais eu cette lucidité de sens. Pourtant, d'une voix fébrile elle lui fit part de son envie de ne plus se revoir, ces mots paraissant lui arraché la gorge dans un murmure tout près de son visage.

Ces paroles n'eurent pas l'impact qu'elles auraient pu avoir. Cat les avait dites si faiblement, avec si peu de conviction, comme si elle n'y croyait pas elle même une seule seconde que Seth ne pouvait pas les croire lui même. Il savait à présent qu'Ecaterina était toute à lui, prête à s'abandonner à lui, volontairement elle l'avait appeler des yeux tout en contredisant son regard de ses mots. Tout cela Seth voulait y croire en tout cas, il y croyait même aussi fort qu'en son propre amour pour elle et il n'hésita plus une seule seconde à s'emparer d'elle.
Il posa son front contre le sien en portant ses mains à ses joues à son tour, et tout en cheminant derrière ses oreilles, puis de son coups jusqu'à ses épaules il s'arrêta au tissu de sa robe. « Alors cette fois, laissons nous nous quitter comme on se l'est toujours promit... » Après lui avoir susurrer ces mots à l'oreille, il l'embrassa tendrement dans le cou, couvrant le chemin qui menait jusqu'à sa nuque tout en faisant glisser sa robe qui s'échoua sans effort à ses pieds. Il lui leva le menton délicatement pour joindre ses lèvres au siennes tout en la rapprochant de lui de son autre main sur son dos nu. La précipitant par petit pas une nouvelle fois contre le miroir, il caressa son dos pour enfin dégrafer son soutien gorge qu'elle fit glisser à leurs pieds. D'un geste il retira à son tour son tee shirt qu'il jeta juste à côté de la robe de Cat un peu plus en retrait et joignit son torse nu contre sa poitrine en l'étreignant un peu plus fort. Le corps chaud de la jeune fille contre le miroir glacé aurait pu l'entourer d'une buée délicate mais ce fut les soupirs de leurs baisers qui s'en chargèrent. Ils étaient animés tout deux de convulsions frénétiques, de gestes tendres et précis, d'une chaleur lumineuse et tout deux savouraient la redécouverte du corps de l'autre, comme un mythe déjà connu qu'on effeuille avec maîtrise sans en connaître les règles. Elle retira sa ceinture tout en continuant de l'embrasser en soupirant bruyamment et il finit de retirer son jean pour qu'ils finissent enfin presque nu tout les deux l'un contre l'autre. Seth se retira un instant de ses lèvres qui ne faisaient alors plus que se caresser, que s'effleurer, baignées par la chaleur de leur souffle, se cherchant malicieusement comme s'ils hésitaient à s'embrasser à nouveau. Seth finit par rejoindre sa bouche à présent pulpeuse et rose et descendit lentement, la couvrant de baiser sur le chemin qui menait au creux de ses reins.

Elle n’avait pas su quoi répondre. Lorsque Seth lui demanda si entre eux, il n’y avait plus rien qui en valait la peine, elle était restée muette bien trop longtemps pour prétendre ensuite lui cracher à la figure que tout était fini entre eux ; elle n’était pas une bonne menteuse. Depuis sa rencontre avec le jeune homme, Ecaterina avait voulu se persuader qu’elle s’était attachée à lui tout simplement parce qu’elle cherchait une compensation à sa relation avortée avec Gale. Elle l’avait tellement détesté au tout début ! Lui et ses grands airs de sarcastique trop sûr de lui l’avait fait regretter de s’être inscrite dans cette université de malades mentaux. Mais ne se laissant pas abattre par ses piques cinglantes, elle avait repris du poil de la bête. Elle avait pris tant de plaisir à le contredire pour le mettre en rogne ! Au fur et à mesure des semaines, elle s’était amusée à installer ce faux conflit entre eux et ça l’avait vraiment aidé à se sortir de la torpeur dans laquelle elle s’était enfermée pendant toutes ces années. En rencontrant Seth, Cat avait enfin cessé de se morfondre sur son triste sort. Jamais elle n’aurait pu imaginer en croisant son regard sur le campus de l’université qu’elle en viendrait des mois plus tard à se demander si elle n’était pas en train de tout simplement se tromper de garçon, à remettre en cause les sentiments qu’elle éprouvait pour lui, mais aussi pour Gale. Il n’imaginait pas à quel point il la mettait dans une posture délicate parce qu’elle les aimaient autant tous les deux pour des raisons totalement différentes. Avec Seth tout paraissait tellement naturel. Il ne réfléchissait qu’après coup et agissait sous l’impulsion la plupart du temps. Un peu comme elle, sans les conséquences désastreuses que cela engendrait. C’est ce qu’elle aimait le plus chez lui avec son humour débile. Il se fichait pas mal des conventions et profitait du moment présent sans s’encombrer de questions. Il l’avait, certes poussée à se confier à un moment donné, mais lorsqu’il avait senti que tout était bien trop difficile à aborder pour elle, il avait lâché prise en continuant à la voir comme la fille qui l’avait séduit en lui rabattant le caquet devant toute une assemblée d’étudiants surexcités. Il n’avait jamais émis de jugement négatif à son égard, il ne l’avait même jamais fait souffrir. Il ne lui avait jamais reproché d’être aussi mystérieuse, car il semblait que c’était ce qu’il préférait chez elle. Ils se disputaient rarement et quand ils le faisaient, c’était toujours pour des broutilles. Cat finissait toujours par revenir vers lui la première. Avec Gale, les choses n’étaient pas les mêmes. Elle était restée sur l’image qu’elle avait toujours eue de lui au lycée. Elle était tombée folle amoureuse du jeune homme dès leur première discussion et ce sentiment n’avait cessé de s’accroître pendant leur éloignement et ne désemplissait pas. Elle aimait tout en lui. Elle ne pouvait même pas dire ce qu’elle préférait le plus dans sa façon d’être. Elle l’aimait, point. Il était un garçon gentil, bien trop gentil, qui se posait des tas de questions, ce qui le poussait à agir maladroitement la plupart du temps. On n’agissait pas maladroitement avec Cat sans faire naître en elle un sentiment d’impatience. Il voulait tellement bien faire qu’il faisait tout de travers, au final. Elle faisait des efforts pour lui, tant d’efforts. Il ne se rendait même pas compte à quel point elle l’aimait pour se battre autant contre son propre tempérament. Elle tentait de calmer son impulsivité, faisait tout pour être plus douce et parvenait même à se faire violence pour ne pas lui sauter dessus en permanence et combler ce manque de lui qu’elle avait ressenti pendant cinq longues années. Il ne cessait de dire qu’ils avaient du temps à rattraper, mais les belles paroles ne fonctionnaient plus sur la jeune fille. Elle était de bonne foi, elle savait qu’une relation ne se cantonnait pas qu’à des relations physiques, mais ils n’étaient plus des enfants. Il fallait arrêter de se voiler la face quelques secondes : c’était tout aussi important que des longues nuits à raconter son passé et à apprendre à se connaître à travers de longs discours bien préparés. S’ils s’aimaient autant pourquoi ne pas sauter le pas ? Gale avait beau lui dire qu’il l’aimait, elle ne se sentait pas désirée alors qu’elle mettait tout en œuvre pour lui faire plaisir. Mais non. Elle avait même la sensation désagréable d’être continuellement repoussée.

Jusqu’à aujourd’hui, Ecaterina n’avait jamais compris comment on pouvait se laisser influencer au point de tromper quelqu’un qu’on aime profondément. Plus Seth posait ses mains expertes sur elle, plus il la regardait avec cette lueur indéchiffrable brillant dans ses prunelles et plus elle avait l’impression de littéralement s’embraser sous ses caresses. C’était le résultat de mois à calmer le jeu quand les choses semblaient aller trop loin pour Gale. C’était comme si elle se retrouvait plantée devant la vitrine appétissante d’une boulangerie alors qu’elle était en plein régime draconien. Elle devait résister si elle ne voulait pas faillir à l’objectif qu’elle s’était fixée, mais elle parvenait déjà à sentir toutes les saveurs et le plaisir que lui procurerait ne serait-ce qu’une minuscule bouchée de ce fondant au chocolat qu’elle convoitait de son regard bleu azur. Elle y avait déjà goûté, elle savait parfaitement qu’elle aimerait chacune de ces bouchées au point de lui donner l'envie d’en vouloir encore un peu plus à chaque coup de dents. Elle ne devait pas entrer dans cette boulangerie, elle ne pouvait pas y entrer… Mais elle ne pouvait pas non plus continuer à vivre de cette manière. Elle n’en avait plus la force, elle était épuisée. Etre autant contrainte à ne jamais laisser son appétit dévorant prendre le dessus sur sa raison, ce n’était vraiment pas sain. Elle savait que ce n’était pas raisonnable, elle savait qu’elle le regretterait. Qu’elle se détesterait d’avoir cédé à cet appel qui se faisait de plus en plus insistant au fil que les secondes s’écoulaient dans cette rue bordée de monde. Entrer dans la boulangerie ou ne pas y entrer ? Cat fixait ce gâteau, les lèvres scellées et le cœur battant à tout rompre en ayant la sensation enivrante que le chocolat lui coulait dans les veines comme une dose énergisante qui la réveillerait instantanément. Elle en avait envie, vraiment envie. Son corps lui criait d’arrêter de se poser des questions. Lui non plus n’en pouvait plus d’être mis autant à rude épreuve, il avait besoin de ce gâteau pour continuer. Elle n’avait pas beaucoup d’effort à faire : il ne lui suffisait qu’à faire un pas pour pousser la porte et se laisser envelopper par l’odeur sucrée de la boulangerie. Elle savait que le reste se ferait tout seul. Son estomac se contracta, ses muscles se raidirent davantage et son cœur s’arrêta net quand la décision s’imposa enfin à elle. Elle ignora les regrets, elle ignora les murmures perceptibles au dehors et prête à affronter son destin, elle entra dans cette boulangerie.

Plaquée contre le miroir, Cat resserra l’étreinte de ses cuisses autour du bassin de Seth tout en pressant très fort sa bouche gonflée contre la sienne pour étouffer leurs soupirs bruyants. Ses doigts enfoncés dans ses épaules, elle se contraint à les faire glisser dans ses cheveux bruns pour ne pas le blesser avec ses ongles puis s’y cramponna dans un dernier souffle profond qui mit un terme à cette danse improvisée. Elle avait succombé, il l’avait menée jusqu’à la limite. Tout était terminé, pour de bon. Leurs lèvres encore scellées, Ecaterina rompit ce dernier baiser passionné pour regarder Seth droit dans les yeux alors que leur cadence régulière s’arrêta graduellement. Elle le fixa avec intensité, caressant l’ovale de visage avec le bout de son petit nez, presque apaisée. Elle chercha une nouvelle fois à l’approcher encore plus, ce qui lui fit cambrer les reins. Vulnérables tout les deux, elle jugea nécessaire de ne pas parler. De toute façon, ils n’en avaient pas besoin : ils venaient de mettre fin à leur amitié, succombant au désir qui les avaient terrassé tout les deux en même temps. Ils ne pourraient pas se revoir après ça. Ils ne pourraient pas prétendre être amis alors qu’ils venaient de vivre le moment le plus intense de toute leur relation. Seth le savait, elle n’avait même pas besoin de remettre les pendules à l’heure. Ils s’étaient enfin dit au revoir. Sauf qu’elle n’avait pas prévu que cet au revoir aurait le goût amer des adieux. Plaquant ses paumes moites sur la nuque de Seth, la jeune fille déposa son front brûlant contre le sien avant de se contraindre à reprendre pieds. Elle laissa le silence s’installer dans la cabine alors qu’elle se rhabilla lentement. Encore sous le coup de l’adrénaline et du désir, elle eu l’impression de progresser au ralenti et au fur et à mesure, elle reprit conscience de la situation. Elle avait beau se sentir libérée, sereine et soulagée, elle savait qu’elle ne mettrait pas longtemps à se souvenir que tout ça ne serait pas sans conséquences, surtout pour elle. Dans sa gorge, une boule se forma alors qu’elle enfila son pull tout fin sur sa peau encore frissonnante. Lançant un regard en biais à Seth, elle enfila son jean puis attrapa son écharpe sur le porte-manteaux. Il lui manquerait, elle en était tellement persuadée qu’elle avait l’envie irrémédiable de pleurer à cet instant. S’arrêtant dans sa manœuvre, elle s’approcha de nouveau de lui et attendit qu’il lève la tête pour passer cette fameuse écharpe imbibée de son parfum autour de son cou. Se hissant sur la pointe des pieds, Cat tira un peu sur celle-ci pour créer un mouvement de bascule et le faire ainsi se pencher vers elle. Elle l’embrassa une fois furtivement, les yeux ouverts. Puis une seconde fois plus longtemps en tirant davantage sur le tissu pour sentir une nouvelle fois toute la chaleur de sa bouche contre la sienne. Après ce baiser, elle recula sensiblement son visage pour le regarder. Le contemplant avec tristesse, elle fini par chuchoter :

« Ne m’oublie pas, d’accord ? » Cat fixa ses lèvres encore un temps puis le gratifia d’un sourire sans joie, frôlant son front tout contre pour qu’il y dépose un baiser. Lui donnant une tendre caresse dans ses cheveux, elle récupéra son écharpe d'une main pour la passer autour de son propre cou et attraper son manteau accroché derrière elle. En se retournant, elle réprima un sanglot coincé dans sa gorge. Des larmes bordèrent ses yeux bleus, alors pour ne pas craquer, elle posa sa main contre ses lèvres. Au moins les choses étaient claires entre eux maintenant. Elle aurait pu lui promettre de quitter Gale après ça. Elle aurait même pu lui demander d’attendre encore un peu de voir si sa relation avec lui fonctionnerait vraiment avant de se résoudre à l’abandonner pour de bon. Mais elle voulait donner une chance à son couple. Elle souhaitait plus que tout que ça fonctionne. Et en lui faisant part d’une telle requête, Ecaterina savait qu’elle serait tentée de ne plus y mettre tout son cœur. Elle continuerait de s’en convaincre, il le fallait : ce n’était pas Seth qu’elle aimait.

Après avoir rompu le contact de leur front, Ecaterina toujours cramponnée à son cou et son bassin, Seth laissa tombée sa tête contre le miroir en l'embrassant dans la nuque, plongé dans ses cheveux humidifié légèrement par la transpiration. Il respira cette odeur, celle de son corps mélangée à son parfum, celle d'un corps consumé entièrement par le plaisir jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que de la cendre, éreintée par la combustion, les muscles faibles et endormis. Il tentait de réprimer ses soupirs mais avec beaucoup de peine alors qu'ils haletaient tout deux au même rythme de leur respiration rapide et bruyante. Le nez sur son épaule, Seth embrassa la peau blanche et brillante de Cat et esquissa un sourire en murmurant un « Je t'aime » à l'abri du regard de son amie qui n'en était plus une désormais. Il aurait souhaité rester longtemps ainsi, nu contre elle, mais Cat lâcha prise et revint sur ses pieds. La descente commençait déjà et l'angoisse les guettait.
La cabine baignée par les gémissements étouffés de désir quelques secondes plus tôt se fit silencieuse celle d'après. Il était effrayant de voir à quel point tout pouvait basculer en un instant. Ils s'étaient salués en amis, ils se quitteraient en presque inconnus. Cat autrefois nues et affaiblie par les vagues de plaisir était maintenant presque habillée et paraissait anxieuse et paniquée. En fait elle paraissait triste, il pouvait le voir même si elle lui faisait dos, adossé au mur encore totalement nu de son côté. Il se décida finalement à quitter la jeune fille des yeux pour enfiler son jean et boucler sa ceinture et quand il releva la tête pour chercher son tee shirt, Cat était là tout prés de lui. Elle l'attira grâce à son écharpe qu'elle lui mit autour du coup et l'embrassa une première fois, puis uns seconde fois plus longuement alors que Seth posait sa main autour de sa taille hésitant. Étaient ce les baisers d'adieu, était ce maintenant ? Comment prendre conscience à cet instant que tout serait différent celui d'après, comment profiter pleinement de cette dernière intimité, de cette dernière chaleur, de ce dernier parfum avant d'en avoir ressenti le manque et l'absence qui lui ferait regretter de ne pas en avoir profiter plus.

Il voulu questionner son regard, lui demander des yeux encore une dernière fois un adieu à la hauteur de leur affection, mais les siens étaient déjà occupés par le chagrin quand elle se retira en faisant un pas en arrière. Il voulu en faire un en avant mais dans son visage il lisait « au revoir » et cette distance qu'elle venait de mettre entre eux était l'ultime barrière infranchissable qu'elle mettait entre lui et elle. Ce qu'il craignait était arrivé, leurs adieux une fois consommés, rien n'aura été dit, rien n'aura été fait, et pour ces quelques instants de pur plaisir il devrait payer cher de leur amitié. Elle lui manquait déjà terriblement et lui semblait si loin à présent. Ils se regardèrent pendant ce qui lui parut une éternité, une infinité de temps à contempler le désastre qui finit par avoir raison de lui jusqu'à ce que des larmes comme des lames tranchantes se bloquent dans sa gorge. Il les réprima et Cat prit enfin la parole.
Sa demande lui tira un sourire malgré tout, un sourire qui trahissait sa faiblesse devant l'évidence, une faiblesse qu'il ne voulait même pas dissimuler, il n'en avait pas l'habitude. Comment l'oublier ? Même s'il l'avait pu, il ne l'aurait jamais voulu. Certes la situation était triste, cruelle, douloureuse et terrifiante mais pour lui, il n'en restait pas moins d'espoir. Il avait foi en cet espoir en tout cas, une foi presque religieuse. Partant du principe qu'elle connaissait la vérité il refusa de lui répondre par l'affirmative. « Et toi ? » Il n'attendait pas de réponse à son tour car lui aussi connaissait l'évidence qui s'imposait à elle. Cette évidence qu'il lui faudrait un jour affronter.

Elle caressa ses cheveux et il lui offrit un baiser sur le front en plongeant sa main dans les siens au creux de sa nuque. Il retenait de toute ses forces les larmes qui soulignaient de plus en plus ses yeux. Elle fit glisser son écharpe autour du coup de Seth afin de la récupérer et lui fit dos pour attraper son manteau. C'était le dernier contact avant son départ de la cabine. Elle resta un moment comme cela alors que Seth finissait de se rhabiller. Il tentait de voir une nouvelle fois son visage dans le reflet du miroir mais il ne le pouvait pas, il ne voyait que son dos, muré dans le silence. Il aurait voulu lui dire tellement de chose pour qu'elle réagisse et qu'elle lui saute au coup encore une fois ! Lui dire de regarder la vérité en face, qu'elle ne pouvait plus ignorer ses sentiments ni les siens en évitant les remords et les regrets. Lui dire qu'elle serait heureuse avec lui, peut être même plus qu'avec Gale, qu'elle devait leur donner une seconde chance et que manifestement ils en méritaient une. Une larmes trop lourdes pour être retenue s'écoula finalement le long de sa joue, cheminant jusqu'à ses lèvres puis à son menton. Il était si dur de lui dire quelque chose maintenant, sans même être sûr qu'elle l'écouterait.
Il ne pouvait pas partir sans un mot pourtant et préféra reprendre ses propres paroles à elle pour qu'elle réalise qu'elle faisait peut être la même erreur que lui un peu plus tôt dans l'année. « Si tu me laisse partir aujourd'hui Cat, tu... » Sa gorge le serrait si fort que les mots peinaient à lui glisser des lèvres, même faiblement. Il ravala sa salive et tenta une deuxième fois. « Tu... tu le regretteras peut être, comme j'ai regretté de t'avoir laissée partir le soir de notre dernier baiser... »
En lui même il savait qu'elle ne le regretterait pas car il était sûr de l'aimer quoiqu'il arrive, quoiqu'elle fasse, quel que soit le temps que ça lui prendrait pour revenir. Fort de cette intime conviction, il reprit la parole une dernière fois un peu plus assuré. « Mais si tu ne te décides pas, je t'attendrais. Et si tu ne te décides toujours pas, alors je viendrais te chercher. Je t'aime Cat... Je t'aime et je sais aujourd'hui que toi aussi tu m'aimes toujours. » Il aurait voulu ajouter comme Marie Jane aime Spider Man et Comme Superman aime Lois Lane mais la blague et ses référence comics à la con n'étaient pas réellement les bienvenues alors qu'il devinait à présent ses pleurs. Il se retourna lui aussi et ouvrit enfin le rideau pour sortir définitivement de la cabine, refermant le tissu derrière lui, la laissant totalement seule.

Ecaterina n’avait plus rien à dire. En réalité, elle se forçait à ne plus laisser les mots dépasser sa pensée torturée parce qu’en tout premier lieu, elle avait envie de pleurer. Elle était consciente que ses larmes pèseraient très lourd sur la conscience de Seth alors elle voulait lui éviter de devoir traîner dans les parages encore un peu pour la consoler. En effet, c’était plutôt mal venu après leur échange passionné et même si cela la blessait profondément dans sa chair de le concevoir, elle préférait qu’il parte. Elle se taisait aussi et surtout parce qu’elle savait que repousser l’échéance de la séparation définitive en comptant sur les mots n’arrangeraient en rien la situation. Bien au contraire, elle la rendrait plus difficile encore. Il valait mieux une mort rapide et indolore, c’est ce qu’elle avait entendu dire. C’est pourquoi, elle s’astreint à garder un silence complet pour ne pas faire empirer sa lente agonie, ne laissant même pas les sanglots qui lui picotaient atrocement la gorge éclater dans la cabine d’essayage. Parler, pour quoi faire ? Tout avait été dit, tout avait été fait. Il n’y avait pas besoin d’explications, pas besoin d’enfoncer le clou pour raviver la douleur. Tout était terminé, point. Elle n’avait pas envie d’y réfléchir davantage. Elle ne voulait pas s’obliger à penser qu’elle avait cédé parce qu’elle l’aimait ; elle avait juste profité de l’occasion pour se départir de toute sa frustration. Peut-être que cette dernière supposition la faisait passer pour la pire des garces, mais elle préférait ça plutôt que de devoir admettre la vérité et affronter tout bonnement les choses comme elles étaient en faisant une croix sur les sentiments qu’elle avait pour Gale. Elle ne pouvait pas faire une croix sur Gale, elle préférait sacrifier Seth plutôt que de laisser Gale filer, c’était comme ça. Elle ne l’expliquait pas. Elle s’enfonçait dans ses contradictions, mais elle était perdue. Si la situation était difficile pour quelqu’un, c’était bien pour elle. Elle ne se posait pas en victime, elle avait choisi de céder. Elle le regretterait, elle avait su dés qu’elle avait laissé Seth entrer dans la cabine qu’elle le regretterait, mais rien n’y avait fait. Et maintenant elle devait vivre avec ça.

De toute façon, elle ne se sentait pas capable de parler. Elle qui était si douée pour trouver les mots, se retrouvait maintenant à court de belles phrases. A court de tout, comme vidée. Ce n’était pas seulement ses sentiments qu’elle mettait à la porte de son cœur, c’était aussi son ami. L’ami le plus fidèle qu’elle n’avait jamais eu. Celui qui lui avait appris tout un tas de choses, qui l’avait rendu meilleure. Qui l’avait poussé dans la bonne direction et qui continuait à l’encourager même quand elle faiblissait, sûre de n’être qu’une bonne à rien. Elle ne savait vraiment pas comment elle ferait pour vivre sans lui. Seth était son pilier, elle l’avait toujours pensé. Elle n’avait personne d’autre sur qui se reposer. Bien sûr qu’elle avait quelqu’un, elle avait Gale. Elle l’avait choisi, lui. Pour lui, elle venait de mettre un terme à une amitié extrêmement précieuse à ses yeux… c’était une preuve d’amour tangible, non ? Malheureusement, elle ne pourrait jamais lui en faire part parce que lui expliquer les raisons de son éloignement vis-à-vis de Seth, c’était aussi lui avouer la vérité toute crue. Elle lui dirait, bientôt. Elle n’avait pas le choix de toute manière, elle mentait tellement mal qu’elle était persuadée que la culpabilité se lirait sur son visage dès lors qu’il lui demanderait ce qu’elle avait fait au cours de sa matinée. Elle n’aurait même pas d’argument assez convainquant à utiliser pour sa défense. Encore une fois, elle risquait de le faire souffrir. Elle y avait pensé avant même de céder. En fait, elle y avait pensé tout le temps au cours des ces quelques minutes. Mais c’était aussi pour lui qu’elle l’avait fait, elle tachait de s’en convaincre.

Dos à Seth, Cat resta murée dans son mutisme. Elle l’entendit se rhabiller, enfilant sa veste et laçant ses chaussures et elle ne fit rien. Elle attendit tout simplement qu’il parte de la cabine, qu’il quitte la boutique et qu’il quitte le centre-commercial pour mettre le plus de distance possible entre eux. Oui, elle était dure. Elle l’avait toujours été, c’est ce qui lui permettait de tenir. Elle y repenserait après coup, elle ne pourrait pas l’occulter très longtemps, mais en attendant, elle préférait abréger leurs souffrances. C’était mieux, pour eux, pour elle, pour Gale. Ecaterina n’était pas croyante, pourtant elle se mit à prier tous les dieux pour que Seth n’émette aucunes paroles, encore une fois. Et pendant un temps, il se tut lui aussi. Jusqu’à que le silence soit trop lourd à supporter pour lui et qu’il brise tout les espoirs de la jeune fille de réussir à ne pas s’effondrer. Ses paroles lui firent serrer les dents et se mordre la langue si fort qu’elle sentit très vite le goût du sang s’insinuer dans sa bouche encore brûlante. Il n’était pas loyal, il jouait avec les propres termes qu’elle avait employés plus tôt et ça lui fit vraiment très mal qu’il utilise ses propres armes contre elle. Son visage se fit plus dur, mais ses yeux baignés de larmes ne s’asséchèrent pas. Elle ne regretterait pas de le laisser partir, jamais. Elle aurait même très bien pu le pousser hors de la cabine pour qu’il arrête de la battre alors qu’elle était déjà à terre. Elle ne pouvait pas assumer cette situation, elle devait vraiment y mettre un terme définitif et en l’entendant lui dire qu’il l’aimait, l’évidence la frappa en plein visage. Elle prit une profonde inspiration et pivota sur ses pieds pour se tourner vers lui. Son visage impassible contrastant avec ses yeux larmoyants, elle dit d’un ton sans appel :

« Tu te trompes. » Elle planta son regard dans le sien, s’obligeant à ne pas battre des cils pour que ses larmes ne coulent pas sur ses joues encore toutes roses. Elle esquissa un mince sourire, secouant la tête en haussant doucement les sourcils « Je ne t’aime plus, Seth. » Elle maintint son regard, ne lâchant pas prise, sûre de faire exactement ce qu’il fallait et dans une dernière et intense œillade, il sortit de la cabine. Le rideau derrière lui ondula sous le courant d’air et fixant l’endroit même où il se trouvait à peine une seconde plus tôt, elle éclata en sanglots. Elle se laissait deux minutes pour se reprendre, pas plus. Elle ferma très fort les yeux, laissant le flot de larmes déferler sur son visage si lisse et sans défauts, elle s’autorisa même à sangloter bruyamment sans chercher à étouffer ses complaintes. Debout, les bras ballants, elle se laissa aller. Elle se demandait comment il réagissait de son côté, s’il s’était arrêté pour pleurer ou s’il continuait son chemin comme si de rien n’était, en empruntant naturellement l’escalator qu’ils avaient foulé plus tôt, bras dessus bras dessous. Le magasin de bd n’était pas très loin, elle était sûre qu’il y passerait pour se changer les idées et cette image lui arracha un sourire douloureux entre ses larmes. Plus qu’une minute. Portant les mains à son visage, elle tâta les dégâts du bout des doigts, ne cessant de pleurer. Elle avait bien fait d’opter pour un maquillage léger, elle n’aurait pas l’allure d’un panda triste en sortant de la cabine. Le décompte était presque terminé et elle prit le coche. Calmant sa respiration, elle inspira une courte colonne d’air en arrondissant le contour de ses lèvres, fermant les yeux paisiblement en retrouvant un rythme régulier. Derechef, elle ouvrit les yeux. Elle cessa de sangloter et passa ses deux sur ses joues pour les sécher. Elle ne vérifia par son allure dans le miroir. Elle glissa juste une main dans ses cheveux pour la forme, histoire de n’avoir pas l’air trop défaite. En secouant sa crinière, elle sentit le parfum de Seth se répandre dans ses narines. Elle préféra en faire fi et coula un regard sur le sol ; la robe pour la soirée du nouvel an. Pinçant délicatement les lèvres, elle se pencha. Le goût amer des larmes cohabitait avec le sang dans sa bouche, mais bizarrement, cela ne l’empêcha pas de déglutir avec aisance. Elle ramassa la robe. Il lui avait dit qu’elle était superbe dans cette robe, elle lui faisait encore confiance « Mademoiselle ? » Cat tourna vivement la tête vers la source de la voix, derrière le rideau. Elle posa la robe sur son avant-bras en se levant « Mademoiselle, je peux vous aider ? » La jeune fille se redressa de toute sa petitesse, vérifia une dernière fois en passant ses mains sur ses joues que tout était correct et empoigna son sac derrière elle. Elle rechaussa ses ballerines au passage avant d’ouvrir vivement le rideau dans un sourire éclatant qui ne laissait même pas deviner qu’elle venait de pleurer toutes les larmes de son corps « Tout va bien ! » La brunette de la caisse, celle qui regardait Seth avec insistance tout à l’heure, la regarda surprise par tant d’enthousiasme et Cat lui tendit la robe en l’invitant à avancer avec elle « Je vais prendre celle-ci. »

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