05. Don't Stop Believing

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Voilà quelques semaines qu’Ingrid se promenait de plus en plus légèrement dans les couloirs de McKinley. Non pas qu’elle se soit débarrassée du poids de ses devoirs et de son travail de dernière année de lycée, mais, elle était enfin libérée de l’emprise que Sylvester avait pu, auparavant, avoir sur elle. Effectivement, cette dernière avait lâchement abandonné les choristes à leur sort, préférant donner toutes les chances possibles à sa carrière politique, et ce, malgré l’inimitié de la plupart des personnes en âge de voter de toute la ville. Qui, à Lima, ignorait le machiavélisme de la vieillerie ? Sans doute personne. D’autant plus que sa tricherie lors de la compétition de chars de Noël avait fait scandale, répugnant certains de ceux qui lui étaient auparavant favorables. En ce qui concernait la petite suédoise, elle était plus qu’heureuse d’avoir enfin la paix, et de moins ressentir la pression de la compétition qui approchait à grand pas. Sa productivité semblait être, depuis quelques jours, à son sommet, et elle profitait du fait d’être sûre de ne pas croiser sa tyrannique directrice, pour passer beaucoup plus de temps dans la salle de répétitions. Elle avait ainsi profité du piano chaque fois que c’était possible, pour travailler sur de nouvelles chansons qu’elle avait apprises, ou simplement pour faire quelques exercices de base. Travailler ainsi avec l’instrument en journée lui permettait d’avoir plus de temps pour étudier le soir, et avec les examens de fin d’année qui arrivaient, ce gain de temps était loin d’être négligeable.

Le cours de littérature touchait à sa fin, et elle n’avait qu’une hâte : aller répéter un peu avant d’aller chercher Beth à l’école. Elle écrivit – inutilement, puisqu’elle révisait tous ses cours tous les soirs – dans son agenda qu’elle devrait relire le cours, avant de fourrer celui-ci dans son sac, qu’elle referma avec soin. Elle se leva, et attrapa sa veste, sans prendre la peine de la mettre, puisqu’elle n’allait pas à l’extérieur. « Bonne journée ! » lança-t-elle à miss Mann en quittant la pièce avec plus d’enthousiasme qu’elle n’en avait en rentrant. Elle parcourut tranquillement les couloirs pour se rendre à son casier, afin d’y déposer son sac, puis se mit en route vers la salle de répétition. Elle jeta un coup d’œil par l’espèce de hublot de la porte, pour vérifier que personne ne s’y trouvait, et elle appuya sur la poignée. En se dirigeant vers le coin où se trouvait le piano, elle manqua de percuter quelqu’un, qui n’avait pas semblé être là aux premiers abords. Elle eut tout juste le temps de se stopper et de faire un pas sur la droite pour éviter de marcher sur les pieds de cette personne. « Oh pardon, je ne t’avais pas vue… » commença-t-elle, avant de lever les yeux et de reconnaître celle à qui elle était en train de présenter ses excuses « … Sunny ». Elle fut instantanément rassurée à l’idée de ne pas s’être retrouvée face à Miranda, qui ne se serait pas gênée pour lui faire une réflexion.

Depuis les répétitions qui avaient précédé la parade des chars, les deux jeunes filles avaient eu l’occasion de s’expliquer sur le comportement fuyard d’Ingrid et celle-ci avait donc cessé de craindre en permanence les talents de journaliste en herbe de Sunny. Leurs relations s’étaient améliorées progressivement avec le temps qui passait, et leur envie commune de participer à la réussite des New Directions les rapprochait sensiblement au fil des répétitions. Ingrid adressa un timide sourire à sa camarade choriste avant de reprendre sa direction initiale, après s’être retournée pour s’assurer que personne d’autre ne se cachait dans un recoin de la salle. Elle tira le tabouret du piano avant de poser délicatement ses fesses dessus. Elle jeta un nouveau coup d’œil à l’autre blonde, qui se trouvait maintenant en plein milieu de son champ de vision. Elle était visiblement en train de griffonner quelque chose sur une feuille, en proie à une grande concentration. « Est-ce que ça te dérange si je joue un peu ? » demanda-t-elle poliment. Certaines personnes arrivaient bien à travailler avec de la musique dans les oreilles, d’autres non. Dans tous les cas, l’adolescente mettait un point d’honneur à respecter les besoins de chacun. Voyant ce qui ressemblait à un signe de négation, mais peut-être s’était-elle trompée, elle commença à appuyer sur les touches pour créer quelques successions d’accords plutôt harmonieuses. L’avantage du piano par rapport au chant, était qu’elle n’avait pas besoin de perdre de temps à s’échauffer.

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Avec un froncement de sourcil, Sunny rajouta une dose de savon au creux de ses mains, et se remit à frotter avec énergie. Son index arborait une grosse tache d'encre noire, signe qu'elle avait passé trop de temps le nez penché au dessus de l'énorme banderole qu'elle avait colorié avec Nicholas. La fin de l'année approchait, doucement mais sûrement, et les Seniors se préparaient à quitter le lycée. Dans un peu plus de deux mois, la banderole que Sunny et Nicholas avaient colorié serait accroché au dessus de l'entrée principale de l'établissement, afin de souhaiter une bonne continuation aux diplômés. Mais le feutre noir avait laissé des traces, et Sunny pinça les lèvres, agacée, avant de finalement renoncer et de se redresser avec un soupir. Le miroir lui renvoya le reflet d'une blonde au cheveux bouclés, les joues un peu rouge. Elle se rinça les mains et profita de l'eau fraîche sur ses doigts pour se rafraîchir, avant de sortir des toilettes, son sac en bandoulière sur une épaule, et de plonger dans la masse d'élèves qui sortaient des salles de classe avec enthousiasme, la sonnerie de fin des cours ayant retenti.
Un nouveau soupir s'échappa des lèvres de Sunny, qui s'étiraient en un léger sourire. Les examens de fin d'année avaient beau lui demander énormément de travail et d'énergie, elle avait l'impression de s'en sortir plus qu'honorablement, et chaque nouvelle épreuve lui laissait un sentiment de satisfaction. Toutes ses demandes d'inscription en université étaient parties, elle n'attendait que des réponses et même s'il aurait vraiment fallu manquer de chance pour ne pas être admise dans au moins une université, elle croisait tout de même les doigts pour être acceptée. Et la veille, elle avait reçu un courrier lui confirmant qu'elle aurait droit à une bourse scolaire, lui garantissant quatre années d'études. Le cœur léger, Sunny voyait se profiler la fin de l'année avec plaisir.

En passant devant le tableau d'affichage, son regard fut attiré par un poster jaune poussin, que les choristes avaient réalisés pour avertir les autres lycéens de leur participation à la compétition, et leur demander du soutien dans cette épreuve à venir. Les pensées de la jeune fille dévièrent quelque peu, se concentrant sur les New Direction et plus particulièrement, sur la directrice qui, subitement, avait décidé de laisser ses choristes se débrouiller seuls, leur octroyant une liberté qui leur avait cruellement fait défaut depuis le début de l'année. Peut-être était-ce une fuite avant l'échec, Sunny n'en savait rien, mais ne plus subir la pression de Sue Sylvester avait été plus que bénéfique pour tout le monde -du moins, pour ceux qui étaient prêts à s'investir réellement dans la chorale. Ses baskets couinant sur le linoléum du couloir, Sunny pénétra dans la salle de répétition, et se dirigea vers le piano sur lequel elle posa son sac.
La dernière réunion des New Direction, au terme de laquelle Sue avait annoncé qu'elle se retirait plus ou moins, avait au moins permis aux choristes de choisir un thème sur lequel travailler, et Sunny s'était alors demandé si elle ne pourrait pas, dans la mesure de ses modestes moyens, contribuer. Une idée avait germé dans son esprit, conséquences de plusieurs tentatives en solo et dont personne n'était au courant. Elle sortit de son sac une pile de feuilles, certaines griffonnées, d'autres arborant de petits signes, faible tentative pour composer de la musique -chose que Sunny ne savait pratiquement pas faire, et les posa bien à plat sur le piano. Elle avait mal à la main après avoir dessiné la banderole, mais ignora la douleur de son poignet pour se pencher vers les feuilles et corriger quelques vers. Une silhouette apparut soudainement dans son champ de vision et elle leva subitement le nez, les sourcils haussés. Ingrid lui adresse un petit sourire réservé, et celui de Sunny s'élargit franchement. Sans répondre, elle secoua doucement la tête quand la suédoise lui demanda la permission de jouer du piano.

Son stylo courrait sur le papier, et les notes de musique qu'Ingrid faisait retentir lui arrachèrent un soupir de bien-être, alors qu'elle se détendait imperceptiblement. Songeuse, elle leva à nouveaux les yeux et son regard se posa sur Ingrid, et sur ses doigts qui courraient sur les touches blanches et noires. Hésitante, l'apprentie journaliste tapota une feuille de papier avec la pointe de son stylo, et finalement, la fit glisser vers Ingrid. « Tu saurais... mettre ça en musique ? »

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La musique avait toujours fait naître en la petite choriste des tas d’émotions différentes. Ce qu’elle voulait aujourd’hui, c’était surtout un effet relaxant. Les notes s’enchaînaient tranquillement au rythme auquel ses doigts parcouraient le clavier. Elle improvisait complètement des mélodies en jouant des accords qui, pour ainsi dire, s’accordaient bien. Elle jouait surtout dans les graves, un peu doux, sans chercher à faire d’envolées quelconques. La simplicité, voilà ce qu’elle voulait. Ses yeux fixaient les touches, et de temps à autres, glissaient sur Sunny et ses mystérieuses feuilles de papier, dont elle captait parfois quelques extraits. Evidemment, quelques mots par-ci par-là ne pouvaient lui donner d’indications exactes sur le contenu, mais il ne lui semblait pas que ça ait quoi que ce soit à voir avec des cours ou un éventuel article pour le journal du lycée. Après avoir fixé un moment légèrement trop long les feuilles, elle se reconcentra sur son piano, se rappelant que dans tous les cas, ce qui était couché sur le papier ne la concernait pas. Lasse d’enchaîner des accord presque au hasard, elle commença à jouer une mélodie qu’elle avait envie de perfectionner. Elle l’avait apprise seulement quelques jours auparavant, et n’était pas absolument sûre de toutes les notes. Absorbée par la mélodie, elle ne se rendit tout d’abord par compte que Sunny venait de lui faire glisser une feuille. Du moins, elle ne l’aurait jamais remarqué si celle-ci n’avait pas pris la parole en même temps.

La jeune pianiste cessa instantanément de jouer, et prit la feuille à la main pour la regarder de plus près. C’était donc les paroles d’une chanson. Et Sunny semblait écrire aussi bien qu’elle n’écrivait ses articles. Le texte abordait la vie, et le fait d’en profiter autant que possible, et pas seulement à moitié. Un joli message pour leur génération, dont certains passaient plus de temps à rester assis devant la télévision plutôt qu’à tenter de profiter de toutes les belles choses que la vie avait à leur offrir. Sortir, prendre part à de nouvelles activités, découvrir de nouvelles choses, se rendre compte du plaisir de se donner à fond dans quelque chose et en récolter le mérite par la suite. Dans tous les cas, ça se devait d’être quelque chose de rythmé, de motivant, pour que les gens aient envie de se bouger en l’écoutant, dans tous les sens du terme. Cependant, le premier paragraphe se devait d’être plus calme, peut-être un peu mélancolique, et après, il fallait que ça s’accélère, pas au point de faire une explosion, mais juste histoire de suffisamment insuffler un peu d’énergie dans le cœur de ceux qui écouteraient. Ses yeux se détachèrent de la feuille pour venir se planter dans ceux de Sunny. « Tu as une petite idée de l’air que tu aimerais ? Enfin, est-ce que tu avais une mélodie dans ta tête en écrivant ou y en a-t-il une qui te vient à l’esprit maintenant ? » Ce serait plus simple de trouver les notes adéquates si elle se mettait à fredonner la chanson, en devinant à l’oreille quelles notes jouer au piano.

Elle se leva, et se dirigea vers un placard qu’elle ouvrit, et en sortit des feuilles de portées vierges, afin de pouvoir retranscrire la partition au fur et à mesure qu’elles l’inventaient. Elle posa celles-ci à côté des feuilles de sa camarade et reporta son attention sur le clavier. « On devrait commencer par le premier couplet, ça sera un bon début. Si on trouve la mélodie d’un des couplets, on trouvera celle de tous, ou presque ». Ses doigts fins commencèrent à effleurer le piano, sans appuyer sur aucune touche. Puis, au hasard, elle appuya sur quelques touches, pour obtenir quelque chose assez loin de ce qu’elle cherchait. Trop aigu et les notes n’étaient pas les mêmes que celles qu’avaient fredonné Sunny. Elle fit quelques essais, avant de trouver enfin le bon début. Elle vérifia plusieurs fois de suite que ça collait bien. Elle désigna le stylo à côté d’elle. « Je peux te l’emprunter deux secondes ? » Elle s’en saisit et griffona les notes sur ce qui serait plus tard la partition du morceau. « Bon, on a une note, c’est déjà ça. » Un sourire s’étira sur son visage. Elles devraient réussir à faire quelque chose de bien. « Vas-y, rechante la première ligne. » Alors que l’autre choriste se mettait à l’œuvre, Ingrid essaya d’appuyer plusieurs fois à la suite sur les mêmes touches, répétant le même accord. « Ca passe bien, non ? »

MODO ;

Sunny écrivait depuis... et bien, depuis toujours. Elle était naturellement plus portée sur l'écriture d'articles percutants et dénonciateurs, bien sûr, néanmoins, à chaque nouvelle dissertation, elle prouvait qu'elle savait manier les mots. Elle signait ses articles avec fierté, et n'avait jamais eu honte de ce qu'elle écrivait. En revanche, c'était la première fois qu'elle s'essayait à la musique. Elle ne savait pas si ce qu'elle avait écrit valait quelque chose, et de fait, elle était quand même assez gênée de faire lire sa chanson. Elle connaissait suffisamment Ingrid, à présent, pour savoir que la jeune Suédoise n'irait certainement pas se moquer d'elle, bien au contraire. Ingrid était d'un naturel doux et conciliant, et si quelque chose clochait, elle le lui dirait simplement, dans des termes faciles à entendre. C'est pourquoi Sunny lui avait tendue sa feuille de papier griffonnée. Ingrid serait la première à juger des talents de compositrice de Sunny, si tant est qu'on puisse parler de talents. Le regard plein d'attentes, Sunny patienta le temps qu'Ingrid lise le texte. Ses doigts jouaient nerveusement avec le stylo, et ses mains moites laissaient des traces sur la surface glacée du piano.

Finalement, Ingrid releva la tête, affichant un air sérieux et absolument pas négatif, et Sunny se redressa. « Je n'ai jamais composé de musique. » avoua-t-elle en suivant du regard Ingrid alors que celle-ci allait chercher des feuilles à partitions, et revenait s'installer devant le clavier. Elle lui tendit son stylo et poursuivit : « En fait, je ne sais même pas jouer d'un instrument. » et elle ponctua cette phrase d'un hochement d'épaules indifférent. Au sein de la chorale, ils étaient nombreux à savoir jouer d'un instrument de musique. Ingrid par exemple, semblait plus qu'à l'aise avec un piano, et du côté des garçons, Michael, Addison et Nicholas savaient jouer de la guitare -même si parfois, Sunny les soupçonnait d'avoir choisi cet instrument uniquement pour le côté romantique et séducteur que cela pouvait donner, attirant ainsi les filles comme du miel attire les abeilles. Sunny n'avait jamais jugé l'apprentissage d'un instrument de musique comme attractif, et même si parfois elle enviait ses camarades qui maîtrisait cet art difficile, elle se savait suffisamment talentueuse dans d'autres domaines pour ne pas regretter.

Elle se laissa glisser près d'Ingrid, afin de pouvoir chanter lorsque celle-ci l'accompagnerait au piano. Elle ne s'était pas chauffée la voix, mais dans la mesure où elle n'était de toutes façons pas capable de sortir des notes aussi puissantes qu'Ingrid le faisait, et en comptant sur le fait qu'elle ne chanterait pas en solo, il n'y avait pas de grands risques. Du doigt elle suivit les notes tracées par Ingrid, fredonnant plusieurs fois la mélodie avant de se lancer.

« I can't stay here
I am not the girl who runs and hides
Afraid of what could be »

Les doigts d'Ingrid glissaient littéralement sur le clavier, comme animés d'une vie propre, et Sunny avait presque l'impression que sa camarade l'accompagnait d'instinct. « Pour la suite, je pensais à une sorte d'accompagnement plus grave, à la batterie peut-être. » glissa-t-elle rapidement avant d’enchaîner avec le couplet suivant. Sa main battit la mesure sur sa jambe, pour simuler la tonalité dont elle parlait.

« And, I will go there
I need time, but know that things are
Always closer than they seem
Now I'll do more than dream, yeah »

Emportée par ce qu'elle entendait, par ce début prometteur, Sunny lâcha un petit rire émerveillé. « C'est fou, dans ma tête ce n'était que des phrases, et avec ta musique, ça me semble totalement différent. » lança-t-elle naïvement, les yeux brillants. L'adolescente cynique et sans pitié avait disparue, remplacée par une jeune fille excitée et émue.

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Les doigts d’Ingrid courraient sur le piano, inlassablement, trouvant leur place sans se tromper, créant une musique fluide. Elle adaptait le rythme à celui de Sunny, au ressenti. Les notes s’enchaînaient pour créer une mélodie, et s’entremêler à la voix, créant une mixture agréable à l’oreille. Un sourire gagna naturellement le visage de la suédoise alors qu’elles entamaient le deuxième couplet. Tout se déroulait pour l’instant à merveille. Elle reproduit le modèle du premier, sans rien changer. Il fallait toujours un minimum de régularité dans une chanson, et si celle-ci n’était pas forcément créée par des paroles similaires, il fallait que ça soit dû à la mélodie. Et répéter la même chose passait très bien, surtout avec les battements improvisés de Sunny. La toute dernière phrase prenait une légère envolée, et Ingrid prit le soin de changer les notes de celle-ci. Elles venaient donc d’obtenir les deux premiers couplets en musique. La dernière note retentit, et c’est le sourire aux lèvres qu’Ingrid ré-écrit toutes les phrases musicales jouées, sur le papier, alors que Sunny semblait ravie de ce qu’elles venaient de faire. Elle griffona des petits points au-dessus des notes pendant lesquelles ont devrait entendre la batterie par la suite. L’idée de la batterie était excellente, pour insister sur le rythme dynamique. Levant à nouveau les yeux vers sa camarade, son sourire ne la quittant pas. Si en plus elle avait réussi à lui faire plaisir, alors elle était contente. « La musique permet de renforcer l’émotion, c’est sûr. Ça rend bien avec ta voix, en plus. ».

Il fallait maintenant qu’elles trouvent un batteur, ou un moyen de reproduire approximativement le son de la batterie. Les percussions corporelles étaient fort utiles, mais avec le piano à côté, on ne les entendait pas beaucoup. Une idée fulgurante traversa l’esprit de la petite blonde. « On pourrait se servir d’un gobelet pour les bruits de batterie, pour l’instant, non ? Ou tu connais peut-être quelqu’un qui sait jouer de la batterie ? » demanda-t-elle, les yeux dans le vague, réfléchissant elle- même à cette option. « Bon, tu sais quoi ? On a bien mérité une petite pause, parce qu’on a quand même bien avancé jusqu’ici. On devrait aller chercher un chocolat ou quelque chose comme ça à la machine. » L’adolescente avait de la suite dans les idées. « Comme ça, on boit tranquillement, et on récupère les gobelets à la fin pour voir ce que ça donne avec la musique. » Elle se leva, prête à aller chercher les boissons pour elles deux . « Qu’est-ce que tu veux ? Le slushy de notre future victoire aux Sectionals ? » proposa-t-elle en riant. Elle attendit la réponse avant de s’éclipser de la salle.

Elle revint au bout de quelques instants, un gobelet rempli dans chaque main. Elle tendit sa commande à Sunny puis s’assit à nouveau derrière le piano, but une gorgée du sien, et posa à côté d’elle. Il allait falloir qu’elles s’attaquent au refrain. La jeune fille attrapa délicatement la feuille de paroles pour mieux l’analyser. Pour quelqu’un qui n’avait jamais écrit de chanson, c’était une franche réussite. Un autre constat frappa l’esprit de l’adolescente. Cette chanson pourrait bien faire fureur lors des Sectionals. Une chanson originale, jeune, vivante, et dynamique. Toutes les clés de la réussite. Peut-être pas très country, mais tout était toujours créable, arrangeable et modifiable. Tant que le texte de base était intéressant, on pouvait en faire n’importe quoi. « C’est vraiment bien écrit, tu sais ». Sunny avait vraiment un talent pour les écritures en tous genres. « Tu comptes la proposer au glee club ? ». Les yeux d’Ingrid se détachèrent de la feuille pour venir se planter dans le regard de Sunny qu’elle soutint un instant avant de regarder son clavier et des faire glisser sa main légèrement, de la gauche vers la droite, en frôlant les touches sans en appuyer sur aucune.

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Un léger frisson remonta le long de la colonne de Sunny, en voyant que ses essais d'écriture, une fois mis en musique, pouvait donner quelque chose d'agréable à l'oreille. Si les mots lui venaient facilement, elle avait craint que rajouter des notes ne soit pas aisé, et surtout, ne soit pas compatible avec son texte, et avec sa voix. Elle avait fait de gros progrès depuis qu'elle avait rejoint la chorale, et si au départ elle avait simplement une jolie voix, aujourd'hui elle était capable de tenir des notes, de moduler sa voix, et même son écoute s'était améliorée. Elle ne serait jamais aussi douée qu'Ingrid, par exemple, qui raflait tous les solos depuis Septembre, et que tout le monde surnommait « la nouvelle Rachel Berry », mais elle était consciente qu'elle s'était considérablement améliorée. Pourtant, elle avait eu quelques doutes. Elle n'avait en plus pas l'habitude d'être la seule à chanter. D'ordinaire, Sue Sylvester lui donnait un seul couplet à chanter, et le plus souvent, elle chantait en duo avec un garçon. Sunny en avait déduit qu'elle n'avait pas assez de talent pour chanter seule., et en vérité, cela ne la dérangeait pas spécialement. Elle aimait être choriste, elle aimait chanter, mais elle savait également que ce ne serait jamais sa passion principale. Elle était née pour être journaliste, et même si elle adorait monter sur scène, même si elle prenait du plaisir à travailler sur sa première chanson.. la musique n'arrivait qu'en seconde place.
Malgré ses craintes, elle était soulagée, et ravie de voir que ce petit bout de chanson sonnait si bien à ses oreilles. En s'imaginant capable d'écrire la chanson que les New Direction chanteraient durant les Sectionals, elle avait eu peur de se surestimer, elle avait eu peur de ne pas y arriver, et de ne rien faire de suffisamment correct. A présent, un regain d'espoir la traversait, et elle inspira profondément, comme animée par une nouvelle motivation.

« Je veux bien un thé bien chaud, s'il-te-plait. » demanda-t-elle en refusant le slushy avec un sourire en coin, amusée par l'ironie de la proposition d'Ingrid. Si elle n'avait jamais été la cible du lancer de slushy, tout le monde savait que c'était pratiquement un rituel obligatoire pour les choristes des New Directions -du moins, ça l'était à l'époque de Will Shuester. A présent que Sue Sylvester dirigeait la chorale, le lancer de slushy était devenu bien trop dangereux pour s'y adonner aussi librement qu'auparavant. Pendant qu'Ingrid quittait la pièce, Sunny réfléchit à la suggestion que la suédoise avait faite. Pour l'instant, elles pourraient imiter le bruit de la batterie avec leurs gobelets, mais si un jour elles voulaient proposer cette chanson au reste de la chorale, un véritable accompagnement musical serait plus judicieux. Elle ignorait si un des garçons de la chorale jouait de la batterie, peut-être Nicholas. Sunny secoua la tête. Elle avait trop tendance à se reposer sur les compétences artistiques du jeune homme, ces derniers temps.
Ingrid revint et Sunny but une longue gorgée de thé, savourant le liquide chaud. Le printemps s'installait progressivement, mais à Lima, on ne sortait véritablement de l'hiver qu'une fois que l'été était là. Si les arbres se paraient doucement de couleurs vives, Sunny n'avait pas encore quitté son blouson, qu'elle enfilait dès qu'elle devait sortir. Et ce thé la réchauffa imperceptiblement, alors qu'elle serrait le gobelet entre ses mains. La question d'Ingrid lui fit secouer doucement la tête. « Non. Je ne sais pas. Peut-être. » Elle but une nouvelle gorgée de thé. « Je voudrais écrire la chanson de groupe, pour les Sectionals. » confessa-t-elle à mi-voix, comme si quelqu'un dans la pièce pouvait l'entendre. « Je n'arrête pas d'y penser, depuis la dernière réunion. J'ai déjà écrit quelques lignes, mais avant de vraiment me lancer, je voulais voir si mes textes pouvaient se mettre en musique. » D'une main elle joua avec les feuilles de papier, recouvertes de gribouillis et de morceau de chanson inachevée. « C'est la première fois que j'écris une chanson. Mon truc c'est plutôt les articles pour la gazette. » Sunny fronça légèrement le nez en se relisant. « Mais avec ta musique, j'ai l'impression que je pourrais y arriver. »

Après une nouvelle gorgée, Sunny posa son gobelet à moitié plein et désigna ce qui devait être le refrain : « Je crois que le refrain devrait être chanté en duo. Tu vois, pour "Gonna touch the sun, touch the sun, show everyone, show everyone" je pensais à une reprise en canon. Ah, j'ai du mal à croire que je connaisse ce genre de choses. » plaisanta-t-elle en riant. « On essaie ensemble ? » proposa-t-elle alors.

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Si elle avait à un moment de l’année questionné son appartenance à la chorale, Ingrid se rappelait à présent les principales raisons qui l’avaient poussée à rester. Elle détestait peut-être sa directrice, mais pas ses camarades, loin de là. Elle était restée pour continuer à partager de la musique avec eux, puisque c’était ce qui les reliait entre eux. Et à cet instant précis, elle savait que malgré ses nombreuses crises de doutes, elle avait fait le bon choix. Peut-être qu’ils ne gagneraient pas les compétitions à venir, mais elle aurait déjà gagné une bataille contre elle-même, elle n’avait pas abandonné malgré le stress et la difficulté. Elle s’était obligée, et avait persisté. C’était plus important que toutes les compétitions du monde. Mais à présent, elle était prête à se focaliser sur celle qui l’attendait. Les Sectionals seraient seulement un petit challenge de sa vie, et ils n’influenceraient pas son avenir, mais ça serait l’occasion de se créer des bons souvenirs. Et elle allait se donner à fond pour que ça soit une expérience géniale. La victoire lui importait peu, mais elle était importante aux yeux de ses camarades, et, pour eux, elle se donnerait à fond. L’esprit d’équipe laissait encore à désirer, mais il y avait encore un peu de temps pour que ça s’améliore. La cause des New Direction n’était pas encore perdue, malgré la chute de l’enthousiasme due à la tentative de tricherie de Sylvester. Il était sans doute encore possible de motiver les jeunes choristes, il y avait forcément quelque chose à faire.

Ecrire des chansons originales pouvait être un moyen de créer une cohésion. Ce serait un morceau qui « appartiendrait » vraiment aux New Directions, venant d’eux, et qui deviendrait la fierté de tous. Si ils y mettaient tous du leur, en fonction des talents de chacun, ils pouvaient créer une chanson sympathique, et les représentant. Plusieurs membres savaient jouer d’instruments. Addison connaissait bien la country, et son avis serait important. Plusieurs savaient jouer de la guitare, elle-même jouait du piano, et tous chantaient correctement, voire très bien. Si on ajoutait les capacités de paroliste nouvellement découvertes de Sunny dans l’équation, ils pouvaient composer une chanson digne de ce nom. Certains s’étaient démotivés suite au départ de Sylvester, d’autres avaient eu un regain d’énergie. Chacun était différent, mais tous ensemble, ils avaient de quoi mettre des chances de leur côté. Ingrid but une gorgée de son slushy – qui avait bien meilleur goût dans son œsophage que sur son visage et ses vêtements – avant de répondre à la journaliste. « Je pense que c’est une excellente idée ». Elle fit une petite pause, pensive. « Une chanson originale mettrait plus de chances de notre côté. Ca surprendrait les juges, presque autant que le fait d’entendre de la country ». Elle sourit à cette idée. « Avec l’aide d’Addison, on pourrait transformer un de tes textes en chanson country, non ? Double surprise ». La jeune fille évoqua ses articles pour la gazette. « Tu sais, même quand le sujet de tes articles ne m’intéresse pas, je les lis. Parce qu’ils sont très bien écrits. Et je pense que quand on a une bonne plume et un bon style d’écriture, ça s’applique à beaucoup de genre. La musique ne fait pas exception. Il faut juste que ce que tu écrives ait un sens pour toi, une signification ».

La suédoise suivit des yeux le doigt de Sunny, qui vint désigner le refrain. Plaisantant sur le fait qu’elle connaissait le mot canon. Cela n’étonnait pas Ingrid plus que ça, qu’elle le connaisse, mais elle ne dit rien, elle se contenta de sourire. « Ca marche, jusqu’à sky ensemble, et après je reprends juste les fins de vers jusqu’à All or Nothing. On chante un peu ensemble, et on reprend comme en début de refrain à partir de There’s no inbetween ». Elle le va des yeux interrogateurs vers Sunny pour s’assurer que celle-ci approuvait l’idée, puis but encore un peu de slushy. Avec un peu de chance, elles pourraient tester le gobelet musical avant leur retour à la maison. « Bon, allez, on essaie ». Elle reposa la feuille sur le piano, là où elles pourraient toutes les deux lire les paroles, et posa ses doigts sur les touches, répétant les dernières notes du deuxième couplet, pour essayer une transition vers un refrain plus dynamique. Elle arrêta lorsqu’elle trouva quelques notes qui sonnaient juste. « C’est parti ». Elle commença au début du deuxième couplet, et fit un signe du menton à Sunny lorsqu'elle devait commencer à chanter.

MODO ;

Ingrid semblait aimer l'idée d'utiliser une chanson originale pour les Sectionals, ce qui conforta Sunny dans sa conviction que les New Direction devaient, d'une façon ou d'une autre, se démarquer. Durant la réunion avec le reste de la chorale, alors que tout le monde ruminait l'échec du défilé de char, Sunny avait fait une rapide recherche. A l'époque où les New Direction tentaient de trouver leur place dans le monde impitoyable de la compétition, la désormais célèbre Rachel Berry avait écrit sa première chanson. Bien que n'écoutant pas du tout ce style de musique, Sunny avait eu sous les yeux une interview de la chanteuse, pendant laquelle elle expliquait que sa chanson Get it right avait été écrite et composée de sa propre main, suite à une rupture difficile. Sunny avait pris le temps de visionner une vidéo durant laquelle Rachel Berry chantait cette chanson, et avait été forcée d'admettre que les chansons originales véhiculaient bien plus qu'une chanson bêtement piochée dans le répertoire d'un autre artiste. Elle n'avait pas encore osé en parler à qui que ce soit, peu certaine d'être capable d'écrire, et encore moins certaine que les autres membres de la chorale accepterait de chanter une chanson originale. Sunny était consciente qu'il y avait tout de même un risque. La composition de chanson n'était pas à la portée de tout le monde, et après tout, elle n'était qu'une débutante. Les juges pouvaient très bien désapprouver cette initiative, ne pas aimer le style, le rythme, les paroles... beaucoup de facteurs devaient être pris en compte.
Pourtant, Sunny voulait sincèrement que les New Direction gagnent, ou tout du moins, ne perdent pas trop lamentablement. Même si elle ne s'entendait pas avec tous les choristes, elle s'était attaché à chacun d'eux. Elle aimait l'ironie d'Henry, son sourire charmeur qui ne la trompait pas. Elle aimait la candeur d'Ingrid et de Miranda, et si elle n'était pas particulièrement proche de la seconde, la première lui avait maintes fois prouvé qu'elle pouvait être une bonne amie. Whitney... et bien, Sunny devait bien lui reconnaître une rage de vaincre inégalable, même si c'était principalement par pur esprit de compétition envers sa sœur aînée. Elle adorait passer du temps avec Nicholas, qui avait tellement peur des autres filles que parfois, Sunny avait la nette impression qu'il la considérait comme un garçon avec des cheveux longs. Quand à Michael... leur relation était purement physique. Quoi qu'il en soit, les mois passés à travailler avec eux avaient fait naître une certaine affection à leur égard. Sunny voulait que l'année se termine sur une note positive.

Les joues légèrement roses après le compliment d'Ingrid, Sunny retint un sourire. Elle se considérait effectivement comme douée pour l'écriture, mais elle était également consciente de ne pas forcément être objective. Et les personnes qui étaient parfois concernées par ses articles n'avaient pas spécialement envie de la féliciter. La fin du lycée approchant, Sunny avait postulé pour entrer dans des universités qui possédaient un excellent cursus dans le journalisme. Elle croisait les doigts pour être admise, tant elle rêvait de faire ce métier plus tard. Elle savait qu'elle était faite pour ça.
Sunny hocha la tête, en se redressant pour se remettre à chanter.

« I can't stay here
I am not the girl
Who runs and hides
Afraid of what could be

And I will go there
I need time, but know
That things are always closer
Than they seem

Now I'll do more than dream yeah!

I'm gonna fly
Gonna crash right through the sky

Gonna touch the sun
(Touch the sun)
Show everyone
(Show everyone)

That it's
All or nothing
All or nothing

This is my life
I'm not gonna live it twice

There's no in-between
(No in-between)
Take it too extreme
(Too extreme)

Cause it's
All or nothing
All or nothing

Or nothing at all... »

La voix d'Ingrid, sans surprise, se mêlait à la sienne avec aisance, tout comme cela avait été le cas lorsqu'elles avaient répété ensembles pour Noël. En vérité, Sunny se demandait pourquoi elles ne chantaient pas plus souvent toutes les deux. D'ordinaire, Sue mettait Ingrid sur le devant de la scène, avec les meilleurs solos, et Sunny chantait en duo avec Nicholas. Pourtant, et malgré le peu de connaissances qu'elle avait sur la question, Sunny estimait que sa voix mêlée à celle d'Ingrid valait bien un solo de la suédoise, aussi talentueuse soit-elle. Sunny n'avait pas la voix aussi puissante et mélodieuse que celle d'Ingrid, mais elle apportait une petite différence notable et qui s'entendait nettement.
Leur bout de chanson terminé, Sunny saisit son gobelet de thé, qu'elle vida lentement, aspirant les dernières gouttes avant de le faire rouler entre ses mains. « Ça rend bien. » jugea-t-elle d'un ton songeur, puis elle secoua la tête. « C'est une chanson de groupe. Il faut des chœurs, il faut d'autres voix. Des voix plus graves que les nôtres. Tu crois que les autres accepteraient de chanter un de mes textes ? » demanda-t-elle soudainement. « Il faut être honnête, nous ne nous entendons pas tous forcément bien. » Doux euphémisme, en réalité. « Je ne sais même pas comment je pourrais leur proposer. Hey, j'ai écrit une chanson, ça vous dit de la chanter aux Sectionals ? Et sinon, vous faites quoi ce week-end ? Pas facile à proposer. J'ai moins de difficultés quand il s'agit de faire pression sur quelqu'un. Ou bien je les menace de déballer un de leur secret s'ils ne s'exécutent pas ? » fit-elle, à moitié sérieuse.

mess

S’il était évident que Sunny était faite pour écrire des articles pour les plus grands journaux ou magazines, Ingrid, elle, ne savait pas avec précision ce qu’elle voulait faire. Pendant longtemps son seul et unique but était d’entrer à Harvard, si bien qu’elle ne s’était renseignée que sur les cursus que cette université bien précise avait à lui proposer, ignorant toutes les autres. Elle avait ensuite réfléchi à savoir si elle prenait plutôt un cursus de performance, ou de management autour du spectacle. Avec son besoin de sécurité habituel, elle avait préféré postuler pour le cursus derrière la scène, qui lui assurait un travail quoi qu’il arrive par la suite. Parfois, notamment pendant les performances des New Directions, elle regrettait de n’avoir pas plutôt choisi de se retrouver sous les feux de la rampe, avec tous les risques que ça impliquait. Elle aimait tellement chanter devant un public que ça lui ferait bizarre de se retrouver uniquement dans les coulisses du spectacle.
Seulement, elle s’était rendue compte au final, qu’elle n’avait pas vraiment envie de partir si loin de Lima, où elle avait trouvé une seconde famille. Partir de son pays natal pour traverser l’océan et arriver dans une famille était une chose, partir seule affronter l’inconnu en était une autre. La réflexion avait été longue avant qu’elle annonce enfin à sa mère et son beau-père qu’elle n’était pas sûre de vouloir aller à Harvard au bout du compte. La certitude que tout le monde avait eu depuis des années, qu’elle intégrerait la prestigieuse université, s’était envolée. Mais la jeune fille se savait extrêmement chanceuse d’avoir des parents qui la soutiendraient quoi qu’elle fasse, même si elle ne voulait pas entrer dans une fac de l’Ivy League. Elle savait que certains parents mettaient la pression à leurs enfants pour les obliger à choisir des cursus qui ne leur plaisait pas du tout, juste pour l’élite de la chose. Mais les siens n’étaient pas comme ça. Ils acceptaient ses choix et les respectaient. C’était une chance. Sa destination pour l’année prochaine semblait donc être l’Ohio State University. Elle allait tenter de faire un double-cursus en composition et en voix. Jusqu’à ce jour, elle n’avait pas été sûre d’être capable de composer quoi que ce soit, mais visiblement ça marchait plutôt bien, et ça venait assez naturellement, ce qui la rassurait concernant son choix d’études.

Contente, la suédoise se reconcentra sur la mélodie qu’elle était en train de jouer, et sur les paroles, pour accompagner Sunny correctement. La chanson était très agréable à entendre, bien que pas extrêmement difficile au niveau technique. Les gens ne seraient peut-être pas impressionnés par la chanson, mais au moins, elle sonnait très agréablement à l’oreille. L’adolescente n’avait pas l’habitude de jouer les choristes, mais cela lui plaisait bien, d’apporter du relief à la chanson sans en être la principale voix. Elle devrait insister pour que les autres aient des solos plus souvent, certaines voix méritaient amplement qu’on y fasse plus attention. Sunny avait beaucoup progressé depuis le début de l’année, c’était indéniable, et pourtant elle chantait trop rarement seule. Ingrid voyait là une manœuvre de Sylvester pour que Nicholas ose un peu sortir de sa bulle et chanter aussi. Cependant, sa voix, comme celle de Sunny, mériteraient d’être entendues chacune séparément aussi. Peut-être qu’avec le départ de leur directrice, ça serait quelque chose de possible. L’adolescente décida d’y mettre un point d’honneur. Elle s’arrangerait pour qu’on entende plus les autres. Cette réaction était altruiste, mais également partiellement égoïste. Même si elle aimait chanter et être mise en valeur dans son art, elle n’avait plus tellement envie de supporter la pression toute seule.

Les dernières notes retentirent dans la salle de répétition. En compositrice attentive, Ingrid attendit d’obtenir l’avis de l’artiste sur ce qu’elles venaient de faire, les doigts toujours sur les touches du piano au cas où qu’elle doive changer encore quelques notes. Rien n’était à changer, visiblement. L’adolescente fixa les yeux sur sa camarade alors que celle-ci se demandait si les autres accepteraient de chanter une de ses chansons. Elle la laissa finir, sentant un léger frisson lui parcourir l’échine alors que Sunny évoquait l’idée de faire pression sur ses camarades. C’était sans doute la partie de son amie qu’elle aimait le moins, mais elle avait bon nombre de bons côtés qui compensaient aisément ses vieilles habitudes. « Oui, il faudrait d’autres voix, c’est sûr. Il faudrait que tout le monde participe ». Elle attrapa son slushy dont elle venait de se rappeler la présence, avant de poursuivre, les yeux dans le vague, réfléchissant à voix haute. « Je pense que dans le pire des cas, on peut s’attendre à ce que certains te rient un peu au nez au début. Mais si tu écris quelque chose qui nous ressemble et nous rassemble tous, il devrait leur suffire de lire les paroles pour se rendre compte que ça vaut le coup d’être essayé ». Elle but une gorgée de slushy et releva le regard vers Sunny. « Ce qu’il faudrait pour convaincre tout le monde, serait que chacun ait sa part à jouer dans la création. Si tout le monde s’implique, les autres vont aimer le résultat final. Et on aura fait un vrai travail d’équipe. J’imagine que c’est ce qui va être le plus important à ce stade, ressouder tout le monde, malgré les mésententes et les rivalités internes ». La question de comment le proposer aux autres était plus compliquée. « En ce qui concerne le moment pour leur donner l’idée, je te dirais bien de le faire au feeling et d’attendre le moment opportun, mais j’ai bien peur qu’il ne vienne jamais et qu’il ne faille forcer un peu le destin. Faudrait que tu fasses ça dès le début d’une réunion, et que tu sois sûre de toi, ou que tu aies l’air sûr de toi, du moins. Si tu es convaincue par ce que tu fais, et que tu prends en quelque sorte le rôle de leader, les autres devraient suivre malgré leur septicisme ». Elle lança à Sunny un sourire qui se voulait encourageant. Ce qui manquait aux New Directions depuis le début, c’était un leader. Sue n’avait pas su endosser ce rôle, et il était crucial que quelqu’un prenne des initiatives pour motiver les troupes.

MODO ;

« Moi, dans le rôle du leader ? » s'exclama Sunny en se tournant vers Ingrid, et elle partit dans un grand éclat de rire. Sa première réaction fut de trouver cette suggestion assez amusante, dans la mesure où les gens avaient plutôt tendance à la trouver agaçante, et inquiétante, et jamais ils ne suivraient une fille qui pouvait très bien balancer un de leur secret. Puis son rire se teinta d'amertume et finit par mourir entre ses lèvres. Les membres de la chorale ne la suivraient jamais, parce qu'ils ne l'aimaient pas, tout simplement. Oh, Ingrid et Nicholas se rangeraient de son côté, à n'en pas douter. Mais les autres seraient moins complaisants. Elle n'était pas assez appréciée pour prendre la place de leader. Cette pensée était plus que déplaisante, et assez déprimante. Elle n'avait pas spécialement envie d'être celle qui dirigerait la chorale, parce qu'elle savait déjà à quel point ce pouvait être difficile. En tant que présidente du club de journalisme, elle avait énormément de responsabilités, et était donc parfaitement bien placée pour juger ce poste comme étant compliqué. Cela nécessitait une sacré dose d'aplomb, un sens aigu de l'organisation, et il ne fallait pas avoir peur de se faire détester par les autres. En vérité, Sunny était parfaite, dans ce rôle. Mais elle n'avait pas envie de diriger la chorale. Elle ne s'y connaissait pas assez en musique. Mais quand bien même, la pensée que les gens ne la suivraient pas uniquement parce qu'ils ne l'appréciaient pas, lui renvoyait en pleine figure sa situation par rapport à Harper, et par extension, avec Jamie. Harper ne la supportait pas, pour de bonnes raisons -bien que Sunny, étant pourtant elle-même particulièrement rancunière, estimait parfois qu'Harper en faisait trop- et cette inimitié entre elles avait eu une conséquence plus grave, aux yeux de Sunny. Jamie, qui avait su trouver grâce aux yeux d'Harper, passait tout son temps avec elle, au détriment de l'amitié qui le liait à Sunny. Ou qui l'avait lié à l'apprentie journaliste. Malgré les efforts que Sunny avait fait pour taire son côté sombre, elle n'y parvenait pas, et par moment, souffrait de cette solitude qu'elle s'était elle-même infligée.

Pourtant, Ingrid n'avait pas tort. Il leur manquait quelque chose de crucial, pour parvenir à les réunir. Il leur fallait un leader autour duquel graviter. Sue Sylvester, malgré son esprit conquérant et la pression constante qu'elle leur avait fait subir afin qu'ils se dépassent, n'était pas parvenue à se faire aimer de ses choristes. En revanche, Will Shuester était adoré par ces derniers, à l'époque où il dirigeait la chorale. Et à ce moment là, les New Direction étaient soudés, proches les uns des autres et loyaux. Aujourd'hui, on pouvait difficilement dire la même chose. « Tu as raison. Il nous faut un leader. » soupira-t-elle finalement. « Seulement, ça ne sera pas moi. Tu imagines Henry en train de faire ce que je lui dis ? Ou mieux, Addison ? Tu oublies que j'ai tendance à me faire détester par les autres. » Sunny haussa une épaule, en remuant sur le banc sur lequel Ingrid et elle étaient installées. « Je ne peux pas les diriger seule, mais toi, tu pourrais m'aider. » ajouta-t-elle avec un sourire mutin.

En se tournant complètement pour faire face à Ingrid, Sunny ramena une jambe sous elle. « Tu possèdes bien plus d'empathie que moi. Mon intuition me dit qu'ils ne me suivront pas, et toi tu sais déjà qu'il faut leur donner l'occasion de s'exprimer, de participer. Et tu as raison. Tu comprends les gens Ingrid, c'est un don précieux. » assura la jeune fille avec une pointe de respect dans la voix, en considérant d'un œil nouveau la Suédoise. Sunny se savait dotée de nombreux talents, et elle parvenait presque systématiquement à percer à jour les gens. Elle savait où frapper pour que ça fasse mal. Ingrid avait le même genre d'aptitude, mais elle s'en servait pour que les gens se sentent mieux, à l'inverse de Sunny. « Si je me pointe comme une fleur en leur montrant ce que j'ai écrit, ils vont me rire au nez. Et ils auront raison, à leur place c'est exactement ce que je ferais. Mais si, comme tu le suggères, on fait ça ensemble.. là, ça pourrait marcher. Nicholas est honteusement doué pour l'écriture et la mise en scène. Michael joue de la guitare, et Addison est un cowboy jusqu'aux bouts de... heu, des ongles. » énuméra Sunny avec une mimique hésitante en parlant d'Addison, qu'elle connaissait assez peu et qui venait de se retrouver placée dans une phrase qui aurait davantage convenue à une fille à la manucure impeccable. « Et Whitney est une bonne danseuse, sa sœur est une professionnelle. Nous pourrions tous apporter quelque chose à cette chanson ! » s'exclama-t-elle, avant de modérer son enthousiasme. « Enfin, il reste Henry, mais il est tellement beau. Il suffira de le mettre torse nu sur le devant de la scène, et ça fera l'affaire. » plaisanta-t-elle en se rasseyant convenablement. Elle appréciait sincèrement Henry, et son côté indolent et séducteur. Bien qu'elle n'ait jamais été sensible à ses charmes, elle devait avouer qu'il était très beau. « Donc... je peux compter sur toi pour le leur proposer ? Moi, ils ne m'aiment pas, mais toi, tu es adorable. Ils ne résisteront pas. » conclut-elle avec assurance, avec un hochement de tête convaincu.

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L’éclat de rire de Sunny surprit Ingrid. Elle ne pensait pas avoir dit quoi que ce soit d’insensé en parlant à sa camarade de prendre le rôle de leader. Même si Sunny avait des côtés désagréables, elle avait envie de gagner, elle était motivée. C’était ça qui comptait, pour être un leader. Que les gens soient boostés, tirés vers le haut par quelqu’un qui montre une motivation sans faille. Qu’ils aient envie de bien faire au maximum, même si c’est uniquement pour faire encore mieux que ledit leader. Un leader n’a pas besoin d’être spécialement aimé, mais d’attirer les autres à le suivre et à faire de leur mieux. Un bon leader n’aurait pas besoin de donner des ordres à Henry ou Addison. Un bon leader leur donnerait envie de faire des choses par eux-mêmes, sans avoir besoin de leur demander. Un leader essaierait de tempérer les conflits intérieur, ou du moins de les faire oublier, en rappelant aux choristes who the real enemy is, et que s’ils veulent avoir une chance de gagner, c’est tous ensemble qu’ils doivent faire de leur mieux. Le pouvoir de persuasion était une qualité requise, mais la force de se persuader soi-même du bien-fondé de ce qu’on faisait était encore plus importante. Le mot « diriger » la ressortit de ses pensées. Elle leva des grands yeux vers Sunny et lui sourit. « Le souci est justement, qu’il ne faut pas vouloir les diriger. Sylvester a été stricte, en a fait des tonnes, a donné des ordres, nous a obligés à faire un tas de choses… Tout ça pour en arriver où ? On est toujours aussi peu soudés, et on en a marre de suivre des ordres et on veut être un peu autonomes ». Elle se mordit la lèvre inférieure. « Ce qu’il faut maintenant, c’est laisser les gens partir dans leurs idées, leur donner la chance de prouver qui ils sont et de montrer leur talent ». Sunny avait néanmoins soulevé le problème des moins volontaires, comme Addison et Henry. « J’ai un truc à te montrer. Attends, je reviens ».

La jeune fille se leva, et sortit de la pièce. Elle parcourut un instant les couloirs, cherchant des yeux le local des femmes de ménage. Une fois repéré, elle l’ouvrit – évidemment, elles ne pensaient jamais à le fermer – et se saisit d’un balai, avant de trottiner vers la salle de répétition, et de se planter devant Sunny, le balai tenu fermement dans la main droite. Elle jeta rapidement un coup d’œil à son poignet gauche. « Bon, je n’ai plus beaucoup beaucoup le temps » déclara-t-elle avant de poursuivre. « Admettons que ce balai est Henry ». Ce qui était particulièrement absurde. « Je n’ai pas trouvé mieux, désolée ». Elle avait un sourire en coin. Cela ne ferait pas de mal à Henry que son image soit un petit peu malmenée, pour une fois. Il faut réussir à lui faire penser à ce qui est dans son intérêt. Et son intérêt, c’est de ne pas être trop ridicule devant ses petits copains footballeurs ». Son sourire s’élargit. « Tu vois où je veux en venir ? ». Elle attrapa l’objet ménager dans l’autre main, et glissa gracieusement sur le côté. « Il faut lui donner envie de progresser, pour sauver son image ». Elle effectua une petite pirouette sur elle-même en faisant tourner le balai au-dessus de sa tête. « Il faut lui donner envie de danser mieux qu’un manche à balai ». Elle posa le bout rond du manche sur le sol, avant de tourner autour de lui, comme on tourne autour d’un parapluie. « Parce que le balai est un accessoire, pas un danseur ». Elle lâcha le balai avant de se lancer dans quelques entrechats, et de revenir vers Sunny, le souffle un peu court.

L’apprentie journaliste avait parfaitement énuméré les qualités des autres choristes. Ils avaient tous un tas de qualités, chacun dans leur domaine. Et il suffisait qu’ils concentrent leurs efforts ensemble pour réussir à faire quelque chose de très bien. Evidemment, face à des chorales d’adultes expérimentées, ça ne serait pas forcément simple. Mais la fraicheur et la motivation de chacun pouvait valoir toute l’expérience du monde. Ce qui comptait, c’était d’y croire, et de se donner la peine de tenter de gagner. Ou au moins, d’essayer de gagner. Elle planta ses yeux dans ceux de Sunny alors que celle-ci lui demandait si elle pouvait proposer à sa place de chanter une de ses chansons pour les Sectionals. « Oui, je veux bien t’aider, mais tu oublies qu’il ne m’apprécient pas beaucoup non plus. Je suis celle qui pique les solos à tout le monde, après tout ». On ne lui avait jamais vraiment demandé son avis sur la question, d’ailleurs. C’était un peu « Tiens, prends le solo, et laisse les autres te détester ». « Et celle dont le perfectionnisme est agaçant ». Elle leva les yeux au ciel, même si son but n’était pas d’ennuyer les gens, il fallait reconnaître qu’elle le faisait. « Mais ça peut quand même marcher si on le fait toutes les deux, parce qu’au moins ça montrera un minimum d’esprit d’équipe ». Elle regarda une autre fois sa montre. « Si tu veux, quand tu auras écrit une autre chanson dans cet esprit, j’irai la montrer moi-même à Addison pour voir s’il pense que ça peut être country, avant de la proposer aux autres ». Elle rangea machinalement les feuilles de Sunny en un seul paquet et les fit glisser vers elle en lui souriant. « J’y vais, je ne dois pas être en retard pour aller chercher la fille de Miss Fabray à l’école ». Et elle sortit de la pièce.

MODO ;

Ingrid n'avait pas tort, une fois de plus. Sunny devait admettre qu'elle avait vraiment mal jugée la jeune Suédoise, mais pour sa défense, cette dernière était si discrète et conciliante, en temps normal, qu'il était difficile de savoir de quoi elle était réellement faite. Pour la seconde fois en l'espace de quelques minutes, Ingrid lui prouvait qu'elle n'était pas qu'une Européenne à la voix d'or. Elle n'était pas que cette fille qui raflait tous les solos, au détriment des autres membres de la chorale. Elle savait juger les gens, et elle les comprenait. Elle aurait pu faire une parfaite journaliste, si elle n'avait pas eu cette sensibilité, cette empathie que Sunny sentait chez elle. Son analyse des points faibles de la chorale était juste, et Sunny se promit de tenir compte des suggestions de sa camarade. Elle comprenait qu'elle ne pouvait pas se lancer là-dedans toute seule (l'aurait-elle pu, de toutes façons ?), et si dès le départ elle avait su qu'elle ne pourrait pas apporter la musique à ses textes, à présent elle savait ce qu'il lui fallait. Sunny avait besoin de tous les choristes.
La petite démonstration d'Ingrid eut le mérite de faire sourire Sunny. Si Henry savait qu'il était comparé à un vulgaire balai, ses cheveux si soigneusement coiffés se hérisseraient sur sa tête. Néanmoins, Ingrid avait fichtrement raison. Même maintenant, personne ne savait vraiment ce qui avait motivé Henry à rejoindre la chorale, et son manque flagrant d'investissement prouvait qu'il n'était pas là pour amour de la musique. En revanche, il était toujours très concerné lorsqu'il s'agissait de son pouvoir sur les filles (bien qu'aux dernières nouvelles il n'en fréquente aucune). Sa popularité semblait également être son principal sujet d'inquiétude. Si on lui donnait l'opportunité de prouver qu'il était diablement canon, qu'il savait danser mais qu'il pouvait rester viril et dominateur, peut-être pourrait-on le convaincre de participer davantage. C'était une idée à creuser. Car il ne suffisait pas d'exploiter les talents de tout le monde, il fallait que tous se sentent mis en avant, de la façon qui leur conviendrait le mieux. Le cerveau de Sunny fonctionnait à plein régime, et un plan se mettait doucement en place.

Lorsque Ingrid finit par partir, en expliquant qu'elle devait récupérer la fillette dont elle s'occupait, Sunny la salua rapidement avant de se remettre face au piano. Les touches blanches et noires semblaient la narguer, et Sunny leur jeta un regard dubitatif. Du doigt elle appuya sur une touche blanche, et la note, qu'elle aurait été incapable de reconnaître, résonna dans la pièce vide. Sunny ne savait jouer d'aucun instrument, et le vivait plutôt bien. Avec la certitude qu'on ne pouvait être doué en tout, elle se redressa pour faire glisser les feuilles vers elle. Les mots d'Ingrid tournaient dans son esprit, et elle ne put s'empêcher de passer en revue les membres de la chorale, à la recherche non seulement des talents propres à chacun, mais également de la meilleure façon de leur faire comprendre qu'une participation intensive leur serait bénéfique. Pour Whitney, il semblait à Sunny que le simple fait d'être meilleure que sa sœur aînée suffirait, mais ce petit aparté avec Ingrid lui avait appris une chose : la première impression était souvent mauvaise, et si Whitney lui avait semblé obsédée par le fait de réussir mieux que sa sœur, elle pouvait très bien s'être trompée. Il ne serait pas difficile de convaincre Nicholas, que Sunny connaissait bien à présent, puisqu'ils passaient presque tout leur temps ensembles. Addison et Henry seraient les deux maillons faibles de l'équation. A elle de les persuader du bien fondé de leur appartenance à la chorale.

Sunny tira une feuille vierge du petit tas étalé sur la surface brillante du piano, et reprit son crayon. Elle avait passé énormément de temps à écouter de la country, à étudier ce style particulier de musique. Elle avait l'impression de comprendre de quoi parlaient les chansons. De là à dire qu'elle serait capable d'en écrire une, il y avait un monde, mais elle ne voulait pas renoncer avant d'avoir essayé. Elle avait vraiment, vraiment envie de pouvoir proposer au reste de la chorale une chanson originale, quelque chose qui les démarquerait vraiment. Croisant les bras, Sunny enfouit son visage dans le creux de ses coudes. Le plus simple était de se laisser porter par ce qu'elle vivait et ce qu'elle ressentait. Par qui elle était. Elle joua quelques instants avec son crayon, en marmonnant doucement des mots, et finalement, posa la pointe du crayon sur la feuille...

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