La sonnerie annonçant midi résonna enfin dans les oreilles de Charlie. Notant aussi rapidement que possible le numéro des exercices que le professeur énonçait placidement, il jeta avec adresse son agenda dans son sac et s'avança d'un pas décidé vers la porte de la classe. Une fois parvenu dans les couloirs, il se faufila aussi discrètement que possible parmi la masse d'élèves, se dirigeant vers les extérieurs de McKinley tandis que la plupart des autres personnes prenaient plutôt la direction du self. Il avait en tête d'aller s'entraîner un peu sur le terrain de sport, profitant ainsi d'une concentration totale de la part des élèves et du coach sur la pause déjeuner et non pas sur ses faits et gestes. C'était un plan qu'il appliquait deux fois par semaine depuis la rentrée et qui marchait, pour le moment, à merveille !

Pas peu fier de cette idée, il pénétra donc sans encombre dans les vestiaires vides, s'y changea et, empruntant un ballon au passage, pu enfin fouler l'herbe du terrain de sport. C'était fou comme cet endroit lui manquait, comme les entraînements épuisants se faisaient souvent rappeler à son bon souvenir. Il avait tout gâché en se mettant à boire comme il l'avait fait ! Il n'était qu'un bon à rien qui n'avait même pas réussi à être à la hauteur de ce en quoi il était pourtant doué : gérer une équipe de football et montrer soi-même l'exemple en jouant bien. Ses parents avaient sûrement raison de le renier au final : il ne ferait jamais rien de sa vie... Un rayon de soleil vint se poser sur ses mains et la tiède chaleur qui se dissipa alors en lui lui fit prendre conscience du noeud qui s'était formé dans sa gorge à ses pensées. Certes il ne buvait plus mais il était devenu légèrement dépressif cette dernière année... Un mal pour un autre, au final. Refusant de se laisser aller une fois encore, il entama un jogging autour du stade, histoire de s'échauffer un peu. La course lui remit peu à peu les pensées dans le bon sens et l'apitoiement qu'il ressentait quelques minutes auparavant laissa place à de la colère, celle d'avoir été manipulé toute sa vie par des parents au coeur de pierre qui ne souhaitaient finalement de lui que la réussite. Son échauffement terminé et la rancoeur toujours présente, il s'acharna à des mouvements techniques, les répétant encore et encore jusqu'à la perfection. S'il voulait avoir un jour la chance de réintégrer l'équipe, il allait devoir garder son niveau ! La balle lui échappa alors, roulant vers le bord du terrain. Un pied la stoppa et Charlie, qui avait fixé la balle pendant tout son parcours, releva le visage, inquiet de savoir qui l'avait surpris. Un sourire rassuré s'étala alors sur son visage lorsqu'il reconnu le jeune homme brun qui se baissait justement pour ramasser sa trouvaille et la lui renvoyer. Cela faisait quelques temps qu'ils ne s'étaient pas réellement revus tous les deux, en fait, depuis la rentrée ils ne faisaient que se croiser, échangeant un repas ou quelques mots de temps à autre. Charlie avait même parfois l'impression que son meilleur ami cherchait à l'éviter... Sortant cette idée saugrenue de sa tête, il se rapprocha de Gregory pour qu'il l'entende parler.

- content de voir que c'est toi ! Tu veux jouer ?

Charlie lui lança le ballon et lui fit signe de le rejoindre au milieu du terrain. Alors que le jeune homme s'avançait vers lui, Charlie crut voir une mine préoccupé sur son visage. Une fois à même hauteur, il s'enquit aussitôt de l'état de son ami :

- est-ce que ça va ??

- Ne t'en fais pas. Je vais bien, juste un coup de fatigue.

Charlie haussa un sourcil plus que perplexe à cette réponse. Il n'était pas dupe et savait reconnaître quand son meilleur ami allait bien ou non. Et, en l'occurrence, le visage de ce dernier signifiait clairement que quelque chose le tracassait. L'excuse de la fatigue était plausible mais malheureusement loin d'être suffisante. Est-ce que Gregory pensait vraiment qu'il allait croire à un tel mensonge ?! Si c'était le cas, c'est qu'il ne connaissait plus le jeune homme aussi bien qu'auparavant... Ils avaient vécu de nombreuses choses ensemble : leur arrivée au lycée McKinley, les entraînements de football, les victoires, parfois les défaites, la popularité grandissante et pour finir l'année de cure de désintoxication de Charlie. Tout cela les avait rapprochés, à tel point que Gregory ne pouvait tout simplement plus mentir sans se faire repérer.

- écoutes, je ne suis pas...

Le jeune homme n'eut pas le temps de faire remarquer à haute voix qu'il n'était pas né de la dernière pluie puisque Gregory lui renvoya soudainement la balle, testant ainsi ses réflexes et l'empêchant surtout de terminer sa phrase. Contre toutes attentes, l'ex-capitaine attrapa le ballon à la volée, montrant bien que ses nombreux entraînements personnels qu'il effectuait depuis la rentrée avait porté leurs fruits et qu'il retrouvait peu à peu son niveau d'antan. Souriant, il s'élança sur le terrain, lançant par dessus son dos :

- tu vas vite voir que je peux te questionner et te mettre ta raclée en même temps mon cher.

Bon, c'était sûrement faux que de croire qu'après à peine un mois de remise à niveau, il était déjà revenu à son adresse habituelle mais Charlie agissait souvent ainsi, avec fierté. Alors même s'il savait qu'il ne faisait plus autant le poids qu'il le faisait avant face à Gregory, il espérait bien lui montrer qu'il n'était pas pour autant devenu facile à battre. Et puis, s'il finissait par convaincre son meilleur ami, c'était déjà un pas vers l'avant pour en faire de même avec le coach ! Pratiquer le football a un vrai niveau lui manquait...

Evitant de justesse Gregory qui lui faisait barrage, il en profita pour commencer à la titiller au passage. Ce n'était pas de la curiosité mais juste de l'inquiétude. Le sportif avait été là quand Charlie avait eu besoin de lui, il y était encore d'ailleurs, et le moins que le jeune homme pouvait faire pour le remercier c'était donc de l'aider à son tour à apaiser ses tourments.

- alors qu'est-ce que c'est ? Le coach, les chorales, une fille ?

HJ : je suis vraiment, vraiment, vraiment désolé pour mon temps de réponse ! J'ai énormément de travail ces derniers temps et, du coup, niveau rps j'amasse les retards... J'ai juste une question par contre : c'est pas au football américain qu'ils sont sensés jouer ? Et au fait, bon et joyeux anniversaire un peu en retard Miss !


Après avoir à passer la défense de son meilleur ami, Charlie marqua un point, le premier vers la victoire qu'il espérait. Il se retourna pour faire face à Grégory, vraisemblablement mi-étonné, mi-amusé par sa petit démonstration. Le jeune homme était très fier de son effet : cela faisait déjà un mois qu'il avait repris les entraînements, seul et en secret, et de voir qu'ils portaient peu à peu leurs fruits le réjouissait plus qu'il ne l'avait été depuis longtemps. Sa colère de tout à l'heure, avant que Gregory n'arrive, était désormais totalement évaporée : Charlie trouvait de la joie dans sa réussite mais aussi, et surtout, dans la présence si habituelle et rassurante de son meilleur ami. Que ferait-il sans lui ? Pas grand chose très certainement... Il se savait dépendant et, même si cela l'agaçait au plus au point, il ne se sentait pas encore la force de redevenir le jeune homme si libre d'avant. Et en attendant d'y parvenir, il pouvait toujours commencer par montrer à Grégory qu'il savait encore jouer !

- si je pense pouvoir te battre ? La réponse est évidente et je vais te le prouver : c'est oui. Le premier à 10 remporte la victoire !

Il n'était pas aussi persuadé qu'il le laissait sous-entendre mais tant pis, au moins il aurait essayé ! Et puis, pour le moment, il menait encore ce petit match improvisé. Se mettant à courir avec rapidité, il parvint à devancer son ami de quelques mètres et a marquer une seconde fois. Deux à zéro, il prenait de l'avance ! Il en profita donc pour se détendre et commencer à poser ses questions quand à cette fameuse mine déconfite. La réponse qu'il obtenue ne lui donna absolument aucune satisfaction.

- ouais, je connais le coach et, comme tu le mentionnes si bien, je te connais toi aussi Greg'. Alors ne fais pas celui qui ne comprend pas ce que je veux dire, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu sais que je suis là si t'as besoin, non ?

En guise de réponse, il sentit la balle lui filer des mains. Ronchonnant contre lui-même pour son inattention au jeu, il n'eut pas le temps de rattraper le jeune homme que ce dernier avait marqué à son tour. 2-1, le score se resserrait. Charlie se replaça donc en face de lui, le regardant droit dans les yeux et attendant toujours des explications : il allait finir par vraiment s'inquiéter. C'était tellement peu dans les habitudes de Grégory d'être morose...

Le jeune homme était toujours posté devant Grégory, le fixant dans l'attente d'une réponse, quand il entendit le bruit sourd du ballon qui tombait sur le sol. Ca, c'était mauvais signe... très mauvais signe même ! Charlie n'y jeta même pas un coup d'oeil, préférant plutôt détailler le visage de son meilleur ami en train de se décomposer. Qu'avait-il bien pu se passer dans sa vie pour qu'il en soit à laisser tomber un petit duel sportif ? Pour qu'il ai tenté de lui cacher la vérité, à lui, Charlie. Quelle que soit la personne responsable de l'état de Grégory, il allait en entendre parler, ça c'était sûr ! Il n'allait quand même pas laisser Grégory seul face à ses problèmes alors que ce dernier avait toujours été là pour lui ! Charlie se demandait d'ailleurs souvent ce qu'il aurait fait s'il n'avait pas eu cet équipier toujours présent pour le soutenir... Il n'aurait certainement pas fait face à l'alcool et à ses parents, tout simplement... Et bien maintenant, il sentait que c'était l'heure de lui rendre la pareille. Il encouragea donc, à travers un regard qui se voulait rassurant, Grégory à se confier. Etonnamment, celui-ci détourna aussitôt les yeux, semblant trouver un intérêt soudain aux gradins vides qui entouraient le stade. Charlie ne s'en formalisa pas : ce ne devait pas être évident à expliquer, voilà tout !

- Ne te fâche pas s'il te plait Charlie. Ce n'était qu'une erreur...

A l'entente d'un tel début, les sourcils de Charlie se froncèrent. Il n'aimait pas toutes ses précautions dans le discours... Ca n'annonçait rien de bon tout ça...! Son pressentiment augmenta alors rapidement de volume, au point qu'il regrettait d'avoir insisté au près de Grégory pour savoir ce qui le tracassait. Mais il n'arrêta pas son meilleur ami pour autant, il sentait que ce dernier avait besoin de se libérer de ce qui l'oppressait.

- Nous avions beaucoup bu elle et moi. J'ai . . j'ai couché avec Roxy. Mais ce n'était qu'un accident. Je suis désolé. Si ça peut te rassurer, je ne la verrais plus. D'ailleurs, ça doit faire une semaine que je ne l'ai pas vue.

Là, le visage de Charlie se figea complètement. Il ne ressentait rien, ne pensait rien si ce n'est "impossible, ils ne m'auraient pas fait ça, pas eux !". Il resta silencieux, les yeux dans le vague pendant quelques minutes, incapable de penser à autre qu'à cette fichue phrase qui se répétait sans cesse dans son cerveau. Et puis tout arriva d'un coup : la prise de conscience, la douleur d'avoir été trahi par les deux personnes qu'il aimait, la solitude, la colère... la colère ! Il dévisagea Grégorie avec fureur et explosa :

- une erreur, un accident, c'est ça ? Mais putain, tu viens de m'avouer que tu avais couché avec ma petite amie et c'est tout ce que tu trouves à me dire ?! T'es désolé ? Ca me fait une belle jambe tiens ! Et ne me parle surtout pas de me rassurer, comme si tu avais quelque chose à faire de ce que je ressentais !

Il s'éloigna de Grégory, shootant rageusement dans la ballon qui se trouvait sur son chemin, et se dirigea vers les vestiaires. Il ne voulait même pas entendre la défense de son "meilleur ami", il n'avait pas d'excuses ! Ni lui, ni Roxy d'ailleurs ! Parce qu'il savait bien que ce genre de choses, ça se faisait à deux... Arrivé au bord du terrain, il se retourna une dernière fois pour hurler :

- j'avais confiance en vous !

- Charlie . . Cal . . Calmes toi s'il te plait. Je suis désolé de t'avoir trahi vraiment. Il ne se passe un jour sans que je me culpabilise.

Quand ses mots arrivèrent aux oreilles de Charlie, le jeune homme était déjà en train de s'éloigner de son soit-disant meilleur ami. Il se retourna alors avec fureur, de quel droit se faisait-il passer, lui qui était la cause de tout, pour la victime de l'histoire ?! C'est alors qu'il vit, malgré la distance qui les séparait déjà, des larmes embuer les yeux de Gregory. Alors ça, c'était carrément la cerise sur le gâteau ! S'il en avait eu l'humeur, il aurait certainement éclaté de rires d'ailleurs : la situation était tellement pitoyable... Charlie regarda avec dédain l'inconnu qu'était soudainement devenu Gregory à ses yeux. Sa voix était ferme, contenant difficilement toute la colère qu'il ressentait au moment même :

- tu veux que je te dise une chose ? Je m'en fou complétement que tu culpabilises ou que t'ailles mal ! Désormais, ça ne me regarde plus ! Tu fais ce que tu veux de ta vie mais tu ne t'approches plus de moi, ok ?

Charlie se détourna de Gregory, pour la seconde fois. Il ne voulait plus le voir, il ne voulait même plus sentir sa présence dans les parages. Le jeune homme sentait qu'il allait exploser... Il y avait trop de rage et de tristesse pour tenir dans un seul corps : il avait besoin d'être seul. Il marchait avec rapidité, il n'avait plus qu'une hâte : sortir de ce fichu stade de foot, s'éloigner le plus possible de Gregory et, par extention, de la vérité qu'il représentait. Il ne pourrait pas fuir, il le savait bien, mais il en avait quand même l'irrésistible envie... Il n'écoutait déjà plus son coéquipier parlé, il ne fixait que la porte des vestiaires. Aussi sursauta t-il quand il sentit qu'on lui attrapait le poignet. La colère diminuait peu à peu pour laisser la place à la peine. Il sentait sa gorge se serrer, ses yeux picotés... Ce n'était pas le moment Gregory ! Cette fois, il ne se retourna même pas, il n'en avait pas la force. Il n'aurait pas le courage de tourner une troisième fois le dos à son meilleur ami... Il se contenta donc de se détacher et de lancer par dessus son épaule, d'une voix pleine de tristesse :

- laisse moi maintenant Greg'...

Charlie s'enfonça alors dans les bâtiments, les traversa sans un regard puis, une fois sortit, il commença à courir. Il ne savait pas où il allait, mais peut-importe du moment que c'était loin...