Les mains étroitement liées sous son menton et les coudes vissés sur les bords de la console, Ecaterina fixait sans rien y comprendre les centaines de boutons s’étalant devant ses grands yeux clairs. Un soupir las se fit entendre dans la pièce insonorisée, résultat de plus d’une heure passée à ne pas savoir par où commencer. Elle avait vu Dorian les pousser des dizaines de fois ces fichus boutons, sans jamais savoir à quoi ils correspondaient exactement. Maintenant qu’elle était la protagoniste d’une histoire qu’elle avait voulu écrire pour se réconforter, s’ennuyant à mourir dans son appartement situé près du campus de l’Ohio State University, elle était démunie face à l’armée de poussoirs noirs, rouges et gris qui se dressaient dans son champ de vision, inébranlables. Plusieurs mois auparavant, sa vieille amie Rachel Berry lui avait fait part de son envie de travailler avec elle. Après avoir pris connaissance du talent d’auteure de la blonde, devenue rousse en cours de route, elle avait pris à cœur d’exploiter sa plume, convaincue qu’elle trouverait grâce auprès de son exigeante maison de disques. Les négociations ne furent pas aisées. Après des heures à discuter par e-mails du contexte de la chanson qu’elle lui devait et des closes du contrat qui les lierait, la chanteuse avait changé ses plans et lui annonça qu’elle voulait changer le registre de son prochain album. Laissant une Ecaterina au bord du précipice, Rachel avait repris le chemin de Broadway. Fin.
Ce fut une déception de plus pour Cat qui avait réussi à écrire quelque chose pourtant, une chanson qu’elle trouvait miraculeusement exploitable. Cat avait travaillé dur et mis de côté les difficultés qu’elle avait rencontrées à utiliser ses propres mots pour qu’ils ne sonnent pas faux dans la bouche d’une autre. Et maintenant, elle se retrouvait avec un texte et quelques notes de musique griffonnées en haut du carnet rafistolé qu’elle emmenait partout avec elle depuis qu’elle était enfant. Si ça c’était déroulé des années plus tôt, Cat n’aurait eu aucun scrupule à détruire ses travaux, mais cette fois-ci, elle ne pouvait pas se résoudre à le faire. Elle y avait mis tout son cœur, les efforts qu’elle avait faits pour sortir de sa coquille, persuadée de ne pas valoir grand-chose, s’étaient avérés payants. Ce n’était toujours pas évident pour elle d’admettre son talent, mais elle faisait de plus en plus confiance à son intuition et l’envie de lire, et surtout, celle d’écrire était revenue, faisant le bonheur de son père et de son frère qui l’avaient encouragé à enregistrer une maquette qu’elle pourrait éventuellement envoyer à d’autres artistes.

C’était la raison de sa présence dans le studio d’enregistrement situé à l’arrière du Gramophone Record, le disquaire de son frère exilé à Los Angeles. Elle ne s’y connaissait pas, néanmoins Ecaterina avait essayé de se débrouiller toute seule, voulant à tout prix éviter de déranger les employés de la boutique qui tournait de mieux en mieux d’après ce que le nouveau gérant, Ryder, lui avait dit. Par-delà la vitre, elle distinguait les instruments qu’elle avait disposés pour enregistrer la bande-son. Le synthétiseur était sur la gauche, près d’un micro penché tout droit vers lui pour en capturer la musique et son tambourin légendaire trônait sur le vieux canapé défoncé caché dans le coin parallèle à la vitre. Elle tenait à l’utiliser pour apporter une touche originale au son qu’elle avait en tête, ce tambourin, bien que là encore, elle ne fût pas une experte. Comment était-elle censée faire l’aller-retour entre la console à laquelle elle n’y comprenait rien et la cabine d’enregistrement ? Sans compter qu’elle devrait poser sa voix sur la bande, et à cette pensée, son ventre se tordit. La jeune femme soupira une nouvelle fois, se prenant le visage dans les mains en venant s’appuyer au dossier du fauteuil dans lequel elle était assise. Elle avait manqué de discernement, emportée par la promesse de sortir un peu de son quotidien trop tranquille, mais force était de constater que ça ne rimait à rien, se dit-elle dans un accès de découragement. Car combien de gens se retrouvaient dans son cas ? Elle n’avait même pas réussi à faire lire son manuscrit à des maisons d’édition malgré l’envoi prémédité de son premier roman, ce n’était pas pour qu’une de ses chansons réussisse à se démarquer. Cat passa une main dans son carré roux tout en se levant. Elle alla éteindre la lumière de la cabine, la plongeant dans une obscurité imparfaite, car elle distinguait toujours les silhouettes des instruments. Debout devant la vitre, elle secoua la tête, riant d’elle-même et fit pivoter le fauteuil pour le remettre face à la console. Elle récupéra son carnet, ses stylos et ses lunettes de travail qu’elle rangea dans son sac, prit son manteau qu’elle n’enfila pas et disparut momentanément dans la cabine dans l’ombre pour rapidement reprendre son tambourin. S’empressant de rejoindre le couloir qui menait jusqu’à la boutique, elle laissa la porte non verrouillée comme Ryder le lui avait demandé. Ecaterina verrait ça une autre fois ou pas, elle ne savait plus. Elle était découragée, et puis de toute façon, elle avait deux heures de route devant elle, il valait mieux partir dès maintenant.

En effet, le soir était déjà tombé sur Lima. Ecaterina s’en aperçut lorsqu’elle dépassa la porte de l’arrière-boutique et qu’elle se dirigea d’un pas discret vers le comptoir du magasin où elle retrouva Ryder. Elle lui donna un sourire chaleureux, secouant les grelots de son tambourin pour le faire sourire à son tour.
« Merci pour ta confiance. J’ai tout laissé comme c’était, c’est juré. » l'informa-t-elle après avoir glissé son instrument fétiche dans son sac à main, entre son carnet et ses crayons. Cat jeta un regard circulaire à la boutique, se hissant sur la pointe des pieds pour voir par-dessus l’épaule robuste du jeune homme. Des souvenirs remontèrent à la surface quand ses pupilles s’attardèrent sur les rangées de disques qu’elle connaissait bien. Après une seconde, elle reporta toute son attention sur le visage de Ryder, une petite expression honteuse lui soutirant un froncement de nez coupable « C’est compliqué pour moi. Je pense que je vais me contenter d’utiliser mon ordinateur pour enregistrer, c’est ce que tout le monde fait maintenant, non ? Le studio, c’est beaucoup trop sophistiqué. » Elle eut un autre sourire en pensant à son frère et tout en regardant Ryder, elle élargit ses yeux soulignés d’un fin trait d’eye-liner « Dorian va me tuer, alors sache que j’ai été très heureuse de te connaître, Ryder ! » Laissant son rire résonner dans toute la boutique, c’est quand il s’éteint peu à peu qu’elle prit une très grande inspiration et avoua, la voix étouffée par le trop-plein d’air qu’elle venait d’emmagasiner et qu’elle tentait de garder dans sa poitrine « Il me manque, cet idiot ! » Et elle relâcha l’air, ses épaules redescendant brusquement tandis qu’elle gardait son sourire aux lèvres.

C’était une belle journée. Sans être trop occupée, elle s’était bien déroulée et elle avait été productive. Animé par une énergie soudaine, Ryder avait effectué plusieurs tâches administratives, pas très amusantes, mais nécessaires et qui trainaient depuis un certain temps parce qu’il les remettait toujours à plus tard. De plus, le gérant avait enfin pris quelques heures pour faire un grand ménage de son bureau, laissé depuis trop longtemps dans un fouillis total. Cela ne l’avait pas dérangé jusqu’à ce qu’il doive recevoir un nouveau potentiel fournisseur dans tout son bazar. Il avait été très honteux et gêné pour le coup. Il s’était promis que ça ne se reproduirait plus, même si cela n’arrivait pas souvent qu’il accueille des visiteurs, autres que ses employés habitués à son désordre, dans son bureau. Pour terminer, alors qu’il remplaçait une employée à l’avant pendant la pause-déjeuner, il avait vendu une guitare dispendieuse qui était en vente et en démonstration depuis plusieurs mois. L’instrument avait souvent été regardé et même essayé, mais son prix élevé avait toujours découragé ses plus fidèles clients. Il devait bien profiter de sa journée puisque l’été arrivait à grands pas et qui disait vacances, disait aussi nouveautés. Beaucoup. C’était la saison des festivals et événements de toutes sortes. Plusieurs artistes profitaient de cette saison pour lancer du nouveau matériel afin de les présenter lors de leurs spectacles. Cela signifiait aussi que les lycéens et étudiants étaient en congé, qu’ils n’avaient rien à faire et décidaient de se trouver un nouvel hobby qui pour une raison quelconque était souvent d’apprendre à jouer d’un instrument ou qu’ils travaillaient et avaient trop d’argent à dépenser. Il allait aussi devoir engager du nouveau personnel pour le temps estival. Des journées comme celle-ci allait être plus rares dans les prochains moins. Ryder ne se plaignait pas. Les journées allaient être bien remplies. Cela n’allait pas être le déluge de client comme à Noël, mais il allait toujours y avoir un flux constant d’entrées et de sorties. Cela allait être bon pour renflouer les coffres. L’hiver avait été difficile, même si le Gramophone continuait toujours de prospérer et de faire sa marque dans la région.

La soirée avait été tranquille et les affaires avaient été bonnes, Ryder avait donc permis à ses employés du quart de soir de partir plus tôt et de profiter de la belle soirée printanière. Il n’avait gardé que Bonnie avec lui qui était, avec Robbie, celle en qui il avait le plus confiance. Il en avait profité pour mettre Justin Timberlake dans les hauts-parleurs, malgré les gros yeux stupéfaits de son amie qui avait des goûts musicaux plus rock. Ryder devait se préparer pour la compétition des chorales. La dernière chose qu’il souhaitait, c’était de faire honte à ses compagnons choristes et aussi, surtout, à leur directrice. Il avait l’impression que s’il gaffait, s’en était terminé de lui. Il devrait déménager sur un autre continent et changer de nom. D’autant plus qu’on lui avait donné un plus gros rôle et qu’on allait le mettre au devant de la scène. Donc, dès qu’il en avait l’occasion, il faisait jouer Timberlake, s’imprégnait des chansons du prince de la pop et se pratiquait pour son duo avec Peter. Ce duo le rendait très nerveux. Peter et lui allaient être, le temps de quelques minutes, les stars de la scène et le musicien ne savait pas s’il allait avoir les nerfs assez solides. Il avait l’habitude d’être à l’arrière de la scène et de ne pas être la vedette. Surtout que c’était dans un élément qu’il était loin de maitriser. Il s’amusait beaucoup à chanter et à danser, mais il était loin d’être bon. Il se débrouillait. Quoi qu’il en soit, en se joignant aux Awesome Voices, il avait été à la recherche de nouveaux défis et ce duo en était tout un!

Ryder était entrain de remettre un peu d’ordre et faire l’inventaire des présentoirs des spéciaux en se dandinant sur la musique lorsqu’il aperçu une petite tête rousse sortir de l’arrière-boutique. Il l’a salua d’un sourire et lui fit d’attendre quelques secondes avec son doigt afin qu’il ne perde pas le compte. Puis, il s’empara d’un crayon de plomb derrière son oreille et écrivit un chiffre sur sa feuille et se tourna vers la jeune fille toujours souriant. Il ne pouvait pas cacher qu’il était légèrement déçu de voir Ecaterina là. Le gérant regarda subtilement sa montre. Il était impossible qu’elle ait déjà terminé d’enregistrer quoi que ce soit. Elle avait été dans le studio à peine une heure et pour l’avoir utilisé à quelque reprise, le jeune homme savait que ce n’était pas chose évidente de comprendre la fonction de chaque bouton de la console. Même après avoir suivi quelques cours, il ne connaissait pas tout. La nouvelle rouquine lui confirma ce qu’il craignait, elle avait laissé tomber. Pourtant lorsqu’elle l’avait contacté pour utiliser le studio derrière la boutique, elle lui avait semblé très excitée et Ryder avait super hâte d’entendre son produit. Cat avait une belle voix que Ryd avait eu la chance d’entendre lors du bref passage de la jeune fille chez les Urban Hymns et il avait été très heureux d’apprendre qu’elle n’avait pas arrêté la chanson. C’est avec une grande joie qui lui avait prêté le studio. Après tout, il lui appartenait en quelque sorte et il savait qu’elle n’allait pas faire de folies. Le grand brun lui sourit en pinçant les lèvres. "Tu sais bien que c’est mille fois meilleur en studio!" Lui répondit-il tout simplement. Il se voyait très mal lui faire des reproches. À force de se côtoyer, ils étaient devenus des amis et ils partageaient plusieurs points et connaissances communs, mais ce n’était pas toujours fluide entre eux. Il y avait encore un peu de timidité dans l’air. Lentement, mais sûrement!

À la mention de Dorian, le cœur de Ryder se serra. Son grand « frère » et mentor lui manquait beaucoup à lui aussi. Bien sûr sa relation avec le frère de Cat n’avait rien à voir avec la sienne, mais elle était tout aussi importante pour le musicien. Lors de la passation du pouvoir du Gram’s, les coups de fil outre-mer avaient été fréquents, mais ces derniers temps c’était le silence radio. Dorian était occupé et il avait clairement signalé à son protégé qu’il lui faisait entièrement confiance pour la direction que prenait sa boutique et qu’il était temps qu’il prenne les décisions lui-même. Il rigola finalement à la remarque de la rousse. Son frère l’aimait beaucoup trop pour se fâcher pour cela. À l’instar de Ryder, Do’ allait être déçu, mais il n’en ferait pas tout un plat. Il avait clairement signalé à son poulain de laisser du temps à sa sœur et de ne pas la forcer, mais surtout de l’encourager. "Il me manque aussi…mais il est bien là-bas.[/color] Soupira-t-il. Il aurait voulu prendre la jeune fille dans ses bras pour se consoler mutuellement, mais encore là, ce n’était pas eux. Peut-être était-ce le moment d’y remédier? Ecat se trouvait en plein dans la branche du guitariste! Ce dernier engloba la pièce de son regard et vérifia sa montre. Il restait encore une heure et il n’y avait pas un chat, il n’était pas obligé d’y avoir deux employés sur le plancher. Bonnie pourrait très bien s’occuper seule de la place et puis Ryder ne serait pas bien loin. "Si tu veux, je t’aide? Je commence à m’y connaître un peu tous ces boutons, leviers et fonctions. Je sais que t’en as envie!" Il lui lança un sourire encourageant en se passant une main dans les cheveux. Ryder avait envie de l’aide. Et puis, il avait promis.

Ryder Crawford était l’incarnation même de la chaleur humaine et de la gentillesse. Se fier à son impressionnante carrure était une erreur, car il était évident qu’il était incapable de faire le moindre mal à quiconque. Cat le connaissait peu, mais de par les récits de leurs amis communs et de bons échos provenant de la bouche des clients réguliers du Gramophone Record, elle avait de lui une image sans écornure. Si Ecaterina se méfiait toujours un peu des regards noirs de Robbie, elle avait une confiance édifiante en Ryder. Non seulement, il était le meilleur ami de Charlie, et au temps révolu où elle avait de l’animosité à l’égard du bon docteur Freckles, rien ne lui aurait fait plus plaisir de voir sa gangsta préférée tomber dans les bras du jeune homme, mais surtout, Dorian lui avait vanté ses mérites à de nombreuses reprises en lui parlant de son talent pour la guitare et de ses goûts musicaux proches de la perfection. Il était donc insensé qu’il ne trouve pas de crédit auprès de sa petite-sœur, et cette dernière n’avait jamais remis en doute les louanges rapportées par son aîné ! Il lui semblait d’ailleurs que Dorian n’aurait pas rechigné à le faire entrer dans la famille Robertson comme un frère d’une autre mère, ou comme un cousin éloigné sur lequel il pouvait compter, malgré l’écart d’âge conséquent entre eux et les miles qui les séparaient. Cette franche camaraderie entre les deux hommes poussait Cat à considérer Ryder avec beaucoup de respect et de tendresse, car en bon loup solitaire qu’il était, Dorian n’avait jamais eu de véritables amis au cours de sa vie, ou du moins, de véritables amis que Cat avait eu l’opportunité de connaître. De ce fait, elle était particulièrement touchée d’avoir l’occasion de profiter de la bienveillance de celui que Dorian considérait comme son protégé.
Quelque part, Ryder lui rappelait son frère. C’était sûrement la raison pour laquelle elle se sentait si à l’aise avec lui, en dépit du fait qu’ils n’étaient pas proches comme des amis, mais pas non plus distants comme de simples connaissances. Dorian et Ryder avaient la même façon de voir les choses, et la lueur de la passion qui brillait dans leurs yeux était si vive qu’elle insufflait à la jeune femme une dose revigorante d’espoir, lui faisant se souvenir qu’elle aussi avait été passionnée à un moment donné de sa vie, tout comme eux. Pas concernant la même chose, aussi elle comprenait sans mal les raisons qui les poussaient à s’accrocher avec autant d’ardeur à la musique. C’était plus fort que tout, et tandis qu’elle décelait un soupir s’échappant de la poitrine de Ryder, elle se permit de renchérir immédiatement.

« C’est vrai, il est bien là-bas. » Elle appuya son coude sur le comptoir, puis son menton sur son poing « Je crois qu’il est tombé amoureux d’une jolie chanteuse, il m’en parle trop souvent pour que ce soit innocent. Enfin, tu sais comment il est ! Il préfère garder son éternelle image de célibataire endurci plutôt que de raviver mon espoir d’assister un jour à ses noces. Alors, il fait comme si de rien était, mais… » Elle toucha le bout de son propre nez avec son index, signifiant qu’en tant que petite sœur, elle sentait ces choses-là. Elle sourit en biais, ajoutant de suite après « Il y a un terme pour désigner les gens comme lui, je crois. » Ecaterina fit claquer ses doigts devant son visage en renfrognant ses jolies traits, donnant l’impression qu’elle réfléchissait, alors qu’elle avait une idée très précise du terme à employer. Cessant enfin de jouer la comédie, elle prit une mine émerveillée en annonçant « C’est un adulescent ! » Souriant de toutes ses dents, elle soupira à son tour en songeant à toutes les épreuves qu’ils avaient traversées dans le passé.

Même si la vie de Cat restait morose et sans grand intérêt, rétrospectivement, elle estimait s’en sortir plutôt bien néanmoins. Il lui arrivait de penser à sa mère, à la voie qu’elle avait tracée pour elle en tant que petite chérie de l’Ohio et un sentiment gratifiant d’avoir su se débarrasser de cette image qui lui avait si longtemps collé à la peau la força à élargir son sourire. Vendre les mérites de tampons parfumés l’aurait rendue malheureuse comme les pierres, alors qu’apporter son aide à des individus en quête de l’ouvrage adéquat la remplissait d’une bonne énergie qu’elle se jura d’utiliser à bon escient lorsqu’elle retrouverait son petit chez soi. Peut-être en appelant Gale pour prendre de ses nouvelles, ou en se décidant à inviter Lexie pour passer du temps toutes les deux.
L’attention soudaine que Ryder porta à sa montre réveilla la curiosité de la rousse. Elle se redressa de toute sa petite taille pour l’observer du coin de l’œil, les paupières mi-closes, pendant qu’il rouvrait la bouche avec un enthousiasme qui la fit rire aussi vite et cacher son visage s’empourprant dans ses deux mains.

« Je ne suis pas faite pour ça ! C’est votre truc à Dorian et toi, pas le mien. J’ai juste voulu faire quelque chose de cette chanson pour Rachel, tu sais ? Celle qu’elle m’a demandé d’écrire pour elle. » Ayant rebaissées les mains pour les poser à plat sur le comptoir après s’être éventée comme une dératée, ses pommettes se colorant d’un rose discret, elle grimaça et un petit silence s’installa dans la boutique ; cette pause fut de courte durée. Tournant la tête de trois quarts en relevant lentement les yeux vers le jeune homme, Cat arbora de nouveau sa mine ouvertement suspicieuse. Ryder avait beau être gentil de nature, elle sentait l’influence de Dorian derrière sa proposition, et ce fût graduellement que les yeux en amande de la jeune femme se plissèrent au point de ne plus laisser ses iris singuliers compléter l’harmonie de son visage.
« Hum, hum. » marmonna-t-elle en se penchant sur le comptoir, faisant ses pieds se décoller du sol pour mieux approcher son visage de la silhouette de Ryder qu’elle gratifia de plusieurs haussements de sourcils malicieux « Qu’est-ce qu’il t’a fait promettre ? » Ne réussissant pas à garder la position plus longtemps, Cat retomba sur ses pieds. Ses talons claquèrent sur le sol, dérangeant la quiétude environnante. D’un air de petite-fille espiègle, elle ajouta de façon à le faire avouer plus vite « Je finirai bien par le savoir de toute façon, RYDER. » insista-t-elle. Sa voix rauque traîna en longueur sur chaque fin de mots, et cherchant à avoir gain de cause, elle planta son regard soupçonneux dans ceux de son interlocuteur, se forçant à ne pas ciller.

Cela faisait un certain moment maintenant que Ryder fréquentait Ecaterina pour différentes raisons administratives, mais aussi lors de soirées organisées par Charlie. Il s’entendait très bien avec elle et la trouvait très intéressante, mais elle lui avait toujours parue légèrement…coincée. Du moins, moins exubérante ou expressive que pouvait l’être leur meilleure amie brune. C’était loin d’être un défaut. Lui-même était loin d’être extraverti, seulement il imaginait mal Cat faire de telles blagues et être aussi décontractée. Il appréciait le fait que la rouquine baisse tranquillement  sa garde avec lui. Ryd aimait qu’elle se dévoile tranquillement et que sa carapace se fissure peu à peu. Il avait une forte impression que tous les deux pourraient bien s’entendre plus personnellement. Ils se ressemblaient beaucoup et avaient un caractère semblable. Probablement dû à leur date de naissance commune. Ryder se rappelait qu’à deouze décembre, Dorian lui téléphonait pour lui souhaiter joyeux anniversaire et qu’il était désolé de ne pas pouvoir le voir puisqu’il fêtait sa sœur. C’était la même histoire du côté de Charlie et de Gale. À bien y penser, Cat passait toujours en premier. Peut-être que s’il passait beaucoup de temps avec elle, ils pourraient organiser une fête tous les deux et ainsi le jeune homme n’aurait pas attendre une journée ou deux pour fêter avec ses amis qu’il devait partager avec l’ancienne blonde. Ryder sourit pour lui-même à cette pensée et secoua subtilement la tête pour chasser ces idées et revenir à son amie.Il esquissa un sourire à l’adjectif utilisé par Cat pour désigner le style de vie de son frangin. Ça lui allait parfaitement. Ryder était de l’avis de la jeune fille. Même si Do était plus âgé que lui, il avait toujours donné l’impression au guitariste de ne pas vouloir grandir. Les responsabilités et la routine n’étaient pas pour lui, encore moins se caser.

Dorian lui avait souvent parlé de sa jeune sœur et à quel point il tenait à elle. Il avait probablement raconté des trucs à Ryder dont la jeune fille ne serait pas très heureuse d’apprendre qu’il était au courant Le brun connaissait mieux la rousse qu’elle ne le pensait. Dorian avait longtemps hésité avant d’accepter cette offre inespérée. Le bonheur de sa sœur avait toujours passé en premier et c’est pourquoi le mentor avait donné pour mission à son protégé de garder un œil dessus et plus précisément, de la faire aimer la musique et le chant à nouveau. Dorian avait été très clair là-dessus. Sa sœur adorée n’avait jamais été aussi heureuse que lorsqu’elle avait fait partie des Urban Hymns avec lui et l’ « adulescent » ne souhaitait que le bonheur de sa sœur. Il s’était dit que si cela venait d’une personne moins connue, peut-être qu’elle se laisserait à nouveau tentée. Ryder n’avait pas immédiatement accepté. Il appréciait la jeune fille, mais il se voyait très mal insister alors qu’ils se connaissaient à peine. Mais à présent, il se sentait plus à l’aise avec elle et la situation était tout simplement parfaite. Une telle occasion n’allait certainement pas se représentée de sitôt. De plus, le guitariste avait bien envie de participer à son projet. Ecaterina avait écrit une chanson pour Rachel Berry. Sa Rachel. Il plissa légèrement les yeux. Il avait été son guitariste pendant trois ans et il avait vécu avec elle toutes ces années. Il la connaissait donc très bien, mais c’est à Cat que la chanteuse avait demandé une chanson. Il n’était pas jaloux, loin de là, il était surtout surpris. Quoi qu’il en soit, il voulait aider la rouquine à venir à bout de sa chanson. "Je ne savais pas que tu écrivais! Si c’est pour Rachel…tu sais aussi bien que moi qu’elle va exiger en avoir une…tu ne voudrais pas la décevoir, non?" Un sourire malicieux s’afficha sur les lèvres du jeune homme. Une autre preuve qu’il se sentait bien avec elle. Il s’aventurait dans les sarcasmes et les fausses menaces pour tenter de convaincre la jeune fille, sans toutefois savoir si cela allait fonctionner. "Et tu es faite pour ça! Tu es entourée de musicien et tu étais une excellente choriste." Rajouta-t-il en reprenant son air enjoué, intéressé et légèrement insistant. Peut-être un peu trop. Le visage de la jeune fille devint immédiatement soupçonneux et elle se rapprocha de lui en se mettant sur la pointe des pieds. Ryder recula machinalement. On ne savait jamais avec les petites personnes, c’étaient les plus sournoises. Il regretta aussitôt d’avoir trop parlé et de s’être montré trop insistant. Même s’il avait pensé tout ce qu’il avait dit, c’était vrai que tous ces bons mots et compliments tout d’un coup pouvaient être suspects. Il se mordit la lèvre inférieure en tentant de ne pas rire face à une petite Cat fâchée et curieuse. Il leva ses mains grandes ouvertes devant lui comme s’il n’avait rien à caché. Ryder se demandait s’il devait dire la vérité sur la mission de Dorian ou faire comme si de rien était. Il frotta sa barbe de quelques jours du menton. "Raaah. Peut-être que Dorian m’a demandé de…" Il regarda autour de lui pour chercher les mots justes. Il ne voulait pas mettre Cat en colère. Ils commençaient à peine à se parler sans gêne, ce n’était pas le moment de tout gâcher! "De t’aider à te remettre à la musique. Avant que tu n’énerves…" Il plaça ses deux mains devant lui comme pour l’arrêter dans sa colère. "Il pense que ça te ferait du bien et il n’est pas le seul. Charlie aussi et …Gale." Il passa une main dans ses cheveux. Il s’était risqué à dire le prénom de son ami. Il ne savait pas où en était leur relation. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas parlé à Gale, mais ce dernier lui en avait déjà touché mot. Écoutes… Il s’accota sur le comptoir, les bras croisés.  "Voilà ce que je te propose. On va en arrière. Tu me dis ce que tu veux, on discute et on fait des essais. Dès que tu ne te sens pas à l’aise, on arrête." Il avait planté son regard bleu clair dans celui de la rousse. Il voulait lui signifier qu’il était sérieux et qu’il souhaitait l’aider.
"Mais, il faut que tu veuilles, sinon ça ne sert à rien. De toute façon, le studio, les instruments, la console et moi on ne bougera pas."Il se demandait s’il n’était pas entrain de la dissuader alors que c’était complètement le contraire qu’il souhaitait. "Il faut au moins que tu essaies avant de te décourager! " Un sourire bienveillant prenait place sur son visage. Il ne savait pas si ses belles paroles allaient fonctionner pour ce soir-là, mais il avait laissé une porte ouverte.

Dorian et Ecaterina n'avaient pas vécu longtemps ensemble. À la maison, on ne connaissait pas les repas de famille quotidiens et les effusions de sentiments, seulement les reproches et les grandes crises qui animaient les fêtes de fin d'année, quand trop ivre pour contenir la rancœur accumulée depuis la naissance de son fils, le paternel finissait par déballer son mal-être et critiquer son épouse. Tout ça, c'était en partie à cause de cette dernière, d'ailleurs. Une femme acariâtre, intéressée, qui se gargarisait avec son amour propre en pensant faire tourner un foyer dont elle n'avait cure en réalité. Jusqu'à la naissance de Cat qui n'avait rien demandé, si ce n'était de grandir au sein d'une famille où on la verrait autrement que comme un bien à négocier pour payer les factures et rengorger un ego mal mené par des années de chômage.
L'aîné des Robertson avait donc quitté le foyer très tôt, laissant sa petite sœur avec leur mère pour mieux jouir d'une indépendance qui le caractérisait, tout autant que le besoin malsain de Cat de fuir quand les choses étaient trop difficiles à supporter. Tandis que la pression qu'exerçait leur mère sur Cat les avait désunis, c'est sa mort soudaine qui les avait ressoudés. Là encore, pour une très courte durée. À peine deux ans, c'était le temps qu'ils avaient eu pour reconnecter, pour rétablir le contact et raccorder un lien qui leur était si précieux, mais qui avait été mis à rudes épreuves à bien des occasions. Malgré ces années sans le voir, malgré les difficultés à s'entendre avec lui parfois, Ecaterina connaissait son frère par cœur. Aussi, quand il l'appelait trop souvent, quand il lui disait des gentillesses sans sarcasmes, elle savait qu'il s'inquiétait pour elle. C'était visiblement le cas en ce moment, car la dernière fois qu'elle avait consulté son journal d'appels, elle avait souri en constatant qu'avec Charlie, il était celui qui la sollicitait le plus souvent et toujours à des heures improbables. Il n'était pas sans savoir qu'elle venait de vivre une énième rupture, que Charlie avait mis fin à leur nouvelle colocation et que tout un tas d’événements l'avait affecté ces huit derniers mois. En levant la tête vers Ryder, Ecaterina se demanda si son frère avait parlé de tout ça au jeune homme, s'il s'était épanché sur l'inquiétude qu'il éprouvait à l'idée de laisser sa sœur gérer autant de soucis sans personne de son sang pour la réconforter. Ça ne l'étonnerait pas qu'il se répande en confidences concernant la vie de sa cadette, car s'ils étaient similaires sur bien des choses, les enfants Robertson ne partageaient pas le même goût du secret, et c'est en se disant que le blondinet avait dû rabattre les oreilles de son ami avec les malheurs de Cat, qu'un sentiment étrange d'être au centre d'une entourloupe secrète la força à considérer ses soupçons comme une piste sérieuse. La nervosité qu'elle décela dans le regard de Ryder au moment où elle mit en place son petit manège pour le faire avouer la conforta dans son idée, et pendant qu'il se mettait à table pour se confesser, elle posa les mains sur ses deux joues, s'appuyant de nouveau sur le comptoir en secouant la tête et en riant par intermittence.

« Oh mon dieu, me remettre à la musique ? Comment je pourrais me remettre à la musique quand je ne m'y suis jamais mise, Ryder ? Dorian m'a forcée à chanter, c'était lui mon tuteur à l'époque, et il m'avait volé mon journal intime. Il m'a fait du chantage, ce crétin ! » Cette séance flahback lui fit ressentir une pointe bizarre de culpabilité et un pincement désagréable se déclencha au niveau de son sternum ; avoir trouvé, et surtout lu quelques pages, du journal de son voisin du dessus était sans doute la cause de ce débarquement inopiné d'une bonne centaine de regrets dans son esprit, mais Ecaterina ne s'y appesantit pas « En ce qui concerne les Urban Hymns... j'avais juste envie qu'on se retrouve, lui et moi. C'était compliqué, à ce moment-là. » Cat ne mentait pas, elle arrangeait juste le récit pour qu'il plaise au lecteur qu'elle avait en face d'elle. Elle devait juste le convaincre, comme elle essayait de se convaincre elle-même que tout ça, la musique, était une infime partie de sa vie, que ça n'avait jamais compté. Malheureusement, Ryder se rendrait vite compte qu'elle était la pire menteuse de la ville, si ce n'était de l'État, et souhaitant sauvegarder son défaut le plus honteux, elle s'arrêta sur les deux noms que le jeune homme prononça - surtout sur le second - pour enchaîner avec une surprenante placidité « Gale et moi ne sommes plus ensemble. C'est gentil de sa part de s'inquiéter pour moi, mais avec tout le respect que je lui dois, ça ne le regarde pas. » Elle se redressa et remonta son sac sur son épaule, puis elle croisa les bras sur sa poitrine, prenant connaissance du raisonnement de son locuteur qui, à son tour, avait repris la parole.

Ne pas être à l'aise. Cat tiqua. Le nerf au-dessus de sa lèvre supérieure palpita imperceptiblement, trahissant le calme qu'elle tentait de se donner, et souriant pour faire passer l'anxiété qui montait en elle, elle détourna la tête pour arrêter son regard sur les guitares exposées en vitrine. C'était pire que de ne pas se sentir à l'aise, et elle ne pouvait pas l'expliquer à Ryder. Après un temps, elle choisit cependant de lui répondre choisissant ses mots avec soin, et elle soupira par dépit. Glissant une mèche de cheveux derrière son oreille pour s'occuper les mains, elle se lança enfin.

« Ça ne servirait à rien, de toute façon. Rachel a changé d'avis, elle ne veut plus travailler avec moi. Elle a d'autres projets. » C'était inutile de s'éparpiller, elle estima même que c'était assez parlant pour que le sujet soit définitivement clos. Reprenant sur elle, Ecaterina fit un pas en arrière, puis reporta son attention sur Ryder, un sourire aimable accroché à son visage moins rayonnant qu'un peu plus tôt « J'aime bien chanter, c'est vrai. Mais quand ça m'arrivait de le faire avec Dorian, j'avais du mal à supporter le trac avant de monter sur scène, c'est... » Elle se corrigea de justesse « c’était horrible. J'aurais aimé entrer chez les Awesome Voices quand j'étais au lycée, j'avais un bon feeling avec Bryan Ryan. » Le refrain d'I Just Can't Stop Loving You de Michael Jackson résonna dans sa tête, avant qu'elle ne le chasse d'un brusque mouvement de tête « Sauf que je suis partie avant de pouvoir auditionner. Après, je suis rentrée chez les Urban Hymns seulement pour... je ne sais pas trop, je ne m’y suis jamais sentie à mon aise à cause du style de la chorale, de ses membres et du reste. Je n'en garde pas un bon souvenir. » Merci, Santana Lopez. Cat marqua une pause et elle sourit de nouveau, avec plus de douceur, penchant la tête en s'approchant de nouveau du comptoir pour regarder Ryder. Bienveillant, son regard resta un instant planté dans le sien, quand elle poursuivit une mesure en dessous ; et sa voix devint plus grave encore qu'à l'accoutumée « J'ai presque l'impression que Dorian est avec moi. Tu lui ressembles beaucoup et crois-moi, c'est un compliment. » Se mordant soudainement la lèvre, elle ajouta, les sourcils froncés très fort « Quoique, je ne dois franchement pas être objective. C'est mon frère, alors. » Dans sa meilleure impression de blonde, elle haussa les épaules et secoua sa crinière désormais rousse en battant des cils, se donnant l'air plus stupide qu'elle ne l'était en réalité.

Dorian était têtu comme une mule. Si Ryder était effectivement une version plus jeune de son frère, il ne lâcherait pas l'affaire aussi vite et cette observation la fit rire, pendant qu'elle se souvenait des innombrables discussions avec son frère qui s'étaient terminé par des victoires par KO, tant il avait la répartie et l'intention agaçante de faire admettre à sa petite sœur qu'elle n'était pas aussi bonne en combat verbal qu'il ne l'était. Cat avait peut-être un sale caractère, doublé d'une envie profonde de ne pas s'attarder sur le sujet, elle n'était pas tellement prête à ce que les rapports avec le jeune homme en face d'elle se détériorent pour une histoire de chanson, néanmoins. Elle se mit à réfléchir ; que risquait-elle, au fond ? Elle avait confiance en Ryder. Il était temps de sauter à pieds joints dans son pire cauchemar. Les dernières fois qu'elle l'avait fait, ça n'avait pas été si catastrophique qu'elle l'avait imaginé alors ; l'alcool aidant sans doute.
Pressant ses lèvres l'une contre l'autre pour faire danser l'ourlet de sa bouche, elle releva lentement le regard vers le blondinet, et dans un sourire en biais, les yeux, qu'elle roula avant toute chose, pétillants, elle capitula « Tu veux vraiment l'entendre cette chanson ? »

Ryder se sentait mal pour Cat. Cela semblait être vraiment être difficile pour elle de se présenter sur une scène et d’y chanter ou même de simplement y penser. Elle faisait pitié et le grand brun avait juste envie de la prendre dans ses bras et la réconforter. D’un côté, le musicien la comprenait. Il se sentait bien lorsqu’il jouait de la guitare et qu’il se trouvait en arrière plan, mais il se rappelait avoir ressenti une immense nervosité lors de sa première prestation avec les Awesome Voices. Surtout qu’il avait hérité d’un petit solo pour la présentation de leur char. Il avait très mal dormi la veille, il n’avait pas non plus mangé et s’était senti tout croche toute la journée. Plusieurs fois, il s’était demandé ce qui lui avait pris de passer les auditions pour entrer chez les mauves alors qu’il n’avait aucun talent pour la danse, le style musical préconisé par la chorale était à des années lumières du sien, sa voix n’avait rien d’extraordinaire et que leur directrice était une folle dictatrice en manque d’attention. Finalement, il s’en était bien tiré, mais cela lui avait demandé des efforts surhumains. L’univers des chorales avait été tout nouveau pour lui. Jamais il ne s’était attendu à être autant occupé et que cela demande autant de travail. Ce n’était pas juste d’apprendre les paroles des chansons, c’était aussi d’apprendre les chorégraphies. Ses débuts n’avaient pas été évidents. Il ne s’amusait pas du tout. Il sentait de la pression et ce n’était pas pour se sentir mal à l’aise qu’il avait rejoint les AV en premier lieu.  Megan l’avait souvent pris en grippe et souvent réprimandé. Il s’était souvent découragé et avait souvent voulu quitter. Le rapprochement avec une jolie brunette lui avait fait changer d’avis. Il avait décidé de doubler d’effort et de prendre la chorale un peu plus au sérieux et il s’était beaucoup entrainé et à présent, il s’amusait et il adorait cela. Il était encore loin d’être le meilleur, mais il s’était amélioré. Chanter sur la scène le rendait toujours autant nerveux, mais il se servait de ce stress et de cette adrénaline pour sa prestation et faire du mieux qu’il pouvait. Cat avait déjà vécu tout cela et Ryd trouvait dommage qu’elle ait si peu confiance en elle alors qu’elle avait une voix superbe et une belle présence sur scène. "Peut-être que Dorian s’y est mal pris, mais est-ce que tu as aimé ton expérience même si les Urban Hymns ne te correspondaient pas? Est-ce que tu te sentais bien sur la scène, malgré le trac?"  Cela ne faisait pas énormément de temps qu’il côtoyait la rouquine, mais elle n’était pas une très bonne menteuse. Il voyait bien que la musique était beaucoup plus importante pour elle qu’elle ne le prétendait.  Si cela n’avait pas été le cas, elle n’aurait jamais accepté d’écrire une chanson pour Rachel, elle n’aurait jamais demandé à utiliser le studio, elle aurait déjà quitté les lieux et elle ne serait pas entrain de se justifier. C’était évident que tout cela la démangeait, mais qu’elle se mettait elle-même des bâtons dans les roues pour diverses raisons plus ou moins valables. "Je sais que ce n’est pas facile, tu as le meilleur exemple devant toi. On ne se connait pas beaucoup, mais franchement, me voyais-tu être un jour un membre des AV? Ton frère a bien rit de moi quand je lui ai dit." Ryder pouffa légèrement lorsqu’il se remémora cette conversation avec son mentor qui ne l’avait pas cru au départ. Comment un musicien, un guitariste doué jouant du rock pouvait se retrouver à danser et à chanter sur de la musique populaire? C’était surprenant, mais le gérant ne regrettait pas. Cela lui avait permis de s’ouvrir à d’autres styles et courants musicaux, à se dégourdir et à sortir de sa zone de confort. Il fallait que la petite rousse ne pense pas seulement à la scène, mais à tout ce que cela lui apporterait par la suite. À quel point, elle allait être fière d’elle après avoir vaincu sa peur.

Le ton de la jeune fille changea légèrement et subitement lorsqu’il mentionna le prénom de Gale. Il s’en voulait un peu d’en avoir parlé. Ryder serra les lèvres, mal à l’aise. Il savait que Cat et lui n’étaient plus ensembles. Il ne connaissait pas tous les détails, le blondinet n’étant pas très bavard en ce qui concernait sa vie personnelle, mais le brun avait cru qu’avoir l’avis d’une personne qui avait été proche d’elle pourrait lui faire changer d’avis. Il s’était trompé et se promis de ne plus mentionner le nom de son ami. Le musicien avait l’impression que peu importe ce qu’il dirait, les mots et le ton qu’il utiliserait, il n’arriverait pas à mettre à l’aise l’ancienne blonde. Elle était aussi têtue que son frère! Mais, il ne lâcherait pas le morceau. Il allait être celui qui allait remettre Ecaterina Robertson sur le droit chemin de la musique. Il allait être un héro pour les proches de la jeune fille. Lorsqu’elle lui annonça que Rachel avait changé d’avis et que la chanteuse ne voulait plus collaborer avec elle, Ryd fût surpris et fronça les sourcils. Ce n’était pas le genre de la diva. Il la connaissait bien et savait que Rachel adorait tout ce qui lui rappelait son petit patelin et c’était un plaisir de travailler avec ses amis. Il ne posa pas de question à Cat, elle ne semblait pas vouloir en parler d’avantage, mais il allait certainement en poser à la chanteuse. "Oh…désolé." Dit-il tout simplement.  Cat lui expliqua ensuite un peu plus son expérience désastreuse chez les rouges. Il était désolé pour elle, mais elle lui affirma encore plus qu’elle n’avait pas fait une croix définitive sur la musique et les chorales. "Oublie les UH, leur style et ses membres. Penses à toi un peu! Penses au défi que ça représente. Si j’ai été capable de le relever, tu es capable toi aussi. " Il avait envie de la prendre par les épaules et de la secouer. Un peu d’optimisme, bon sang! Bien sûr, sa comparaison avec Dorian le toucha beaucoup. S’il y avait bien une personne que Ryder respectait dans le monde, c’était bien lui. C’était le grand frère dont il avait toujours rêvé. Son modèle et son mentor. S’il était l’homme qu’il était devenu aujourd’hui, c’était en partie grâce à lui. Ryder ne savait tout simplement pas où il en serait s’il n’avait pas rencontré Dorian et qu’il n’avait pas eu ses conseils. Il sourit timidement à la jeune fille et murmura un Merci. Il soupira un bon coup. "Je ne suis pas Dorian, on s’entend, mais j’ai appris de lui. Je dois tout à ton frère. Je sais que tu es capable. Tu te mets une barrière inutile, peu importe tes raisons, je les respecte! Mais saches que je veux et que je peux t’aider." Il commençait à être à court d’idées d’encouragement et de sourires bienveillants. Elle n’était pas facile la petite!

Finalement, Cat abandonna et lui demanda s’il souhaitait vraiment l’entendre. Ryder ne savait pas si c’étaient ses bons mots et son insistance qui avaient eu raison d’elle. Quoi qu’il en soit, il fût très soulagé. Il avait envie de crier de joie, mais il se retint quand même. "J’attends que ça!" S’exclama-t-il en ouvrant les bras dans les airs comme un Alléluia et en riant. "Plus sérieusement, j’aimerais beaucoup." Il fit signe à Bonnie qu’il allait dans le studio. "Après toi!" Dit-il à la rousse en lui indiqua le chemin du studio d’un signe de la main. Cat ne pouvait plus reculer à présent! Il avait réussi.

Il y eut un moment où Cat se retrouva avec la bouche ouverte, ne sachant quoi répondre à Ryder quand il lui demanda si elle se sentait bien sur scène malgré son trac. Les yeux clairs de la rousse s’arrêtèrent sur le visage doux du jeune homme, et ses sourcils se froncèrent tandis qu’elle faisait un gros effort pour se souvenir. Elle avait mis tant d’énergie à ne pas vouloir se remémorer cette époque qu’elle avait un mal fou à se projeter dans le livre de ses souvenirs. Mais une fois qu’elle se cramponna à une bribe qui se soumit à elle au moment où elle ferma tout doucement les yeux pour maximiser ses chances de réussir à apercevoir quelque chose dans les profondeurs de ses pensées, elle fut à peu près capable de se rappeler des sensations procurées par le fait de monter sur scène. Son taux d’adrénaline était souvent à son niveau le plus haut, et pas seulement parce qu’elle était en pleine panique – le mot était faible ; quiconque assistant à une crise de Cat ne pouvait la voir autrement que comme un lapin pris dans les phares d'une voiture après ça. Toute sa carapace de femme caractérielle à l’indépendance singulière se voyait briser en deux-deux, il s’agissait de l’une des nombreuses raisons qui l’empêchaient de chanter d’ailleurs, car elle ne voulait pas qu’on pense qu’elle était fragile au point de perdre ses moyens quand on l’impliquait dans ce genre d’évènements ; pourtant, c’était bel et bien le cas. C’était de faire plaisir à son frère qui la maintenait en vie lorsqu’ils montaient sur scène, et la plupart du temps, une fois qu’elle réussissait à passer outres ses profondes angoisses, qu’elle empoignait le micro comme si sa vie en dépendait et qu’elle commençait à activer les grelots du petit tambourin qu’elle amenait avec elle pour chanter, l’oppression qui calfeutrait tous ses sens se transformait en une chaleur vivace qui se répandait dans tout son corps ; son frère se mettait alors à chanter, et on perdait sa petite sœur dans une succession de sourires et de moments complices qu’elle chérissait plus que n’importe quoi au monde. Cat n’aimait pas spécialement chanter, elle détestait l’attention qu’on pouvait lui porter, quelle qu’elle soit, mais il y avait quelque chose dans ce partage qui la transcendait. Avec ses petits moyens, Ryder réussissait à lui faire prendre conscience que peut-être ce qui lui avait manqué pendant toutes ses années, c’était de s’approprier un plateau pour ne partager rien d’autre que l’envie de se défouler avec quelqu’un d’autre ; ce qu’elle n’avait jamais réussi à faire avec les Urban Hymns.

Ryder ressemblait énormément à Dorian. C’en était presque douloureux à un certain point, car son frère lui manquait terriblement. Cat rouvrit les yeux et elle donna un petit sourire chaleureux au jeune homme ; une boule se forma dans le fond dans sa gorge, elle la chassa en déglutissant aussi sec. Ils ne se connaissaient pas beaucoup, mais Ryder était très juste dans sa façon de s’adresser à la jeune femme ; il l’avait cerné avec une facilité qui la déconcertait elle-même. Il n’était pas cruel, il essayait de lui ouvrir les yeux avec une fermeté qui aurait pu la déplaire si elle venait de quelqu’un comme Tate Bartoswki. Venant de Ryder, Cat se sentait prête à tout accepter parce qu’il était gentil et désintéressé ; il avait une bonne aura, un peu similaire à celle de Charlie qui la bousculait gentiment pour la faire avancer quand, Ryder avait raison, elle se mettait des barrières. D’une manière ou d’une autre, Cat se devait de le remercier, et elle décida qu’il était temps d’arrêter de jouer les effarouchées.
Au moment où Ryder accepta d’écouter sa chanson, le visage de Cat s’illumina davantage. Elle lança un petit regard à Bonnie qui prit la suite du jeune homme derrière le comptoir, et tous les deux, ils prirent le petit chemin jusqu’au studio installé en arrière-boutique. Cat rehaussa son sac sur son épaule, un peu stressée néanmoins, et après avoir poussé la porte, elle ouvrit de nouveau les lumières. Elle lança un regard par-dessus son épaule pour vérifier si Ryder la suivait, et elle se planta derrière la console. Un petit temps de silence se fit quand elle tourna le grand fauteuil vers tous les poussoirs et qu’elle soupira en reportant son attention sur Ryder.

« Tu sais, tu n’as pas à sentir obligé de m’aider parce que Dorian te l’a demandé. » Elle se mordit brièvement la lèvre avant de hausser très discrètement les épaules en penchant la tête sur le côté, et un sourire tout aussi discret remonta ses joues rondes ; elle admit alors, avec un peu de malice dans le ton grave de sa voix « Mais je te remercie de le faire. » Rien n’aboutirait, Cat ne se faisait plus d’illusions, et de toute façon, elle avait de nouveaux projets, plus dans son domaine ; mais elle avait aussi besoin de sentir que quelqu’un était derrière elle. Elle ne manquait pas d’amis et de soutien, elle en avait même plus qu’elle ne le méritait, mais il y avait un moment donné où les gens manquaient d’objectivité quand il s’agissait de leur proche. Ryder avait la qualité de ne pas la connaître et de ne pas vouloir la ménager comme le feraient ses amis les plus proches, comme le ferait sa famille. Elle le regarda un moment, et après un court instant, elle posa ses affaires sur le fauteuil, puis s’agita sur ses petites jambes pour s’approcher de lui en trottinant « Allez, c’est le moment du câlin ! » Et elle l’étreignit, sans doute un peu trop fort, en émettant des petits sons d’effort tant il était impossible pour elle, la Liliputienne, d’atteindre le cou de ce nounours géant. Cat se mit à rire quand elle le lâcha, et son regard finit par se reporter de lui-même sur ce qui était disposé derrière la vitre insonorisée. Aussi agréable que fût cet échange affectueux, ils n’étaient pas là pour se faire des papouilles, la crampe à l’estomac qui s’imposa soudain à Cat lui rappelant qu’elle avait une chanson à faire découvrir à son interlocuteur.

La jeune femme lui attribua une dernière pression sur son épaule robuste avant de revenir sur ses pieds, et passant une main nerveuse dans ses cheveux roux, elle pivota sur ses talons pour aller chercher son carnet d’écrit dans son sac, ses lunettes de travail, puis elle fit le chemin inverse pour ouvrir la porte de la cabine d’enregistrement. Avant d’entrer, elle dit à Ryder « Viens. » Et disparue momentanément. Le chemin jusqu’au synthétiseur fut très court, elle n’eut pas le temps de calmer ses palpitations, mais au lieu de l’handicaper, elle sentait que ce coup brusque coup de pression l’aiderait à mener son initiative jusqu’à la toute fin. Elle alla se placer derrière le synthétiseur, posa son carnet ouvert à la bonne page sur le petit pupitre, et chaussa ses lunettes. Cat plaça résolument ses mains au-dessus des touches du clavier, soupira un grand coup, et avant qu’elle n’ait eu le temps de s’en apercevoir, elle avait déjà commencé à jouer.

Topic terminé.